Nelson Mandela: 

Une nation arc-en-ciel

"Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé."

Nelson Mandela, Président d'Afrique du Sud, Prix Nobel de la Paix 1993 
Extrait de "Un long chemin vers la liberté"

 

Sommaire :

1. Biographie de Nelson Mandela

2. Version française du discours d'investiture de Nelson Mandela à Pretoria (1994) 

3. Version anglaise du discours d'investiture de Nelson Mandela à Pretoria (1994) 

 

 

1. Biographie

Fils d'un chef Thembu, Mandela est né en 1918 dans la province sud-africaine de l’Umtata. Il étudie à Fort Hare, d'où il est renvoyé pour avoir participé à une manifestation d'étudiants et à l'université de Witwatersrand où il obtient un diplôme en droit en 1942.  

En 1944, Mandela adhère au Congrès national africain (ANC). Lorsque le « Parti national » arrive au pouvoir, en 1948, et introduit l'apartheid (ségrégation raciale), Mandela et l’ANC résistent à la politique raciste du gouvernement. En 1956, Mandela est arrêté et jugé pour trahison, mais il sera acquitté en 1961. 

Le 21 mars 1960, à Sharpeville: la police sud-africaine ouvre le feu sur une foule de manifestants : 69 personnes sont tuées et il y a plus de 180 blessés. C’est un moment charnière de l'histoire du pays, cette tuerie insensée déclenche une vague de protestations tant au niveau national qu’international. 

Après le massacre de Sharpeville en 1960, l’ANC et le Congrès panafricain sont interdits (le Congrès panafricain est un parti politique d'Afrique du Sud fondé en 1959 en réaction à l'action multiraciale de l'ANC et aux liens que celle-ci entretenait avec les communistes et les soviétiques. Interdit en 1969, c'est de la Zambie, pays frontalier de l'Afrique du Sud, que les leaders exilés organisent leur opposition au régime de l'apartheid). Mandela abandonne alors la stratégie non-violente de l’ANC et fonde une organisation militaire, Umkhonto we Sizwe.  

En 1962, il est condamné à cinq ans de travaux forcés et en 1963, il est inculpé avec d'autres leaders de sabotage, trahison et complot. Pour ces faits, il est condamné en 1964, avec sept autres militants, à la prison à vie. 

En 1990, après 26 ans de détention pour raisons politiques (ce qui est un record), le président F.W. de Klerk supprime l’interdiction de l’ANC et libère Mandela, qui est élu président de l’ANC en 1991. Les deux hommes conduisent alors les négociations qui mettent fin à l’apartheid, ce qui leur vaudra de recevoir le prix Nobel de la paix en 1993.  

Un an plus tard, à l'occasion des premières élections libres de l'histoire de l'Afrique du Sud, Nelson Mandela est élu président de « la nation arc en ciel », siège qu'il occupera de 1994 à 1999.  

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2. Version française de son discours d'investiture à Pretoria (1994)

Par notre présence ici aujourd'hui, et par nos célébrations dans d'autres régions du pays et du monde, nous glorifions cette liberté qui vient de naître et nous mettons en elle tous nos espoirs. 

D'un dramatique désastre humain qui a duré trop longtemps doit naître une société qui sera la fierté de l'humanité.

Nos actes quotidiens d'Africains du Sud doivent construire une véritable réalité Sud Africaine qui fortifiera la foi de l'humanité en la justice, qui affermira sa confiance en la noblesse de l'âme humaine et qui nourrira tous nos espoirs pour que notre vie à tous soit une vie épanouie.

Tout ceci nous le devons à la fois à nous même et aux peuples du monde entier qui sont si bien représentés ici, aujourd'hui.

A mes compatriotes, je dis sans hésiter que chacun d'entre nous est aussi intimement enraciné dans le sol de ce pays magnifique que le sont les fameux jacarandas de Pretoria et les mimosas de la brousse. Chaque fois que l'un de nous touche le sol de ce pays, il ressent un profond sentiment de bonheur et d'exaltation. L'humeur nationale change avec les saisons. Nous sommes transportés de joie et d'enthousiasme quand l'herbe reverdit et que les fleurs s’ouvrent. 

Cette sensation spirituelle et physique de ne faire qu'un avec notre patrie commune explique l'intensité de la souffrance que nous avons tous porté dans nos cœurs lorsque nous avons vu notre pays déchiré par un conflit terrible et lorsque nous l'avons vu rejeté, boycotté et isolé par les peuples du monde entier, précisément parce qu'il était devenu le symbole d'une idéologie pernicieuse, du racisme et de l'oppression raciale. 

Nous, peuple d'Afrique du Sud, sommes aujourd’hui comblés de voir que l'humanité nous accueillit à nouveau dans son sein, et que nous, les hors-la-loi d'hier, avons aujourd'hui le rare privilège d'accueillir sur notre sol toutes les nations du monde. 

Nous remercions nos distingués invités internationaux d'être venu prendre possession, avec notre peuple, de ce qui est, après tout, une victoire commune en matière de justice, de paix et de dignité humaine. 

Nous espérons que vous continuerez à vous tenir à nos côtés quand nous relèverons le défi de bâtir la paix, la prospérité, la démocratie, et d'œuvrer contre le racisme et contre le sexisme. 

Nous apprécions infiniment le rôle joué par notre peuple et leurs masses politiques, les leaders démocratiques, religieux, les femmes, les jeunes, les entreprises, les leaders traditionnels et autres leaders, afin d'arriver à ce résultat. Parmi ceux-ci, et non le moindre, se trouve mon Deuxième Président Adjoint, F.W. de Klerk. 

Nous aimerions également saluer nos forces de sécurité, quelque soit leur rang, pour le rôle insigne qu'elles ont joué dans la protection de nos premières élections démocratiques et dans la transition vers la démocratie contre les forces assoiffées de sang qui refusent toujours de voir la lumière. 

Le temps de soigner les blessures est arrivé.

Le temps de combler les fossés qui nous séparent est arrivé.

Le temps de construire est arrivé. 

Nous sommes enfin arrivés au terme de notre émancipation politique. Nous nous engageons à libérer notre peuple de l'asservissement dû à la pauvreté, à la privation, à la souffrance, au sexisme et à toute autre discrimination. 

Nous avons réussi à passer les dernières étapes vers la liberté dans des conditions de paix relative. Nous nous engageons à construire une paix complète, juste et durable. 

Nous avons réussi à implanter l'espoir dans le coeur de millions de personnes de notre peuple. Nous nous engageons à bâtir une société dans laquelle tous les Africains du Sud, qu'ils soient blancs ou noirs, pourront se tenir debout et marcher sans crainte, sûrs de leur droit inaliénable à la dignité humaine - une nation arc-en-ciel, en paix avec elle-même et avec le monde. 

Comme preuve de son engagement dans le renouveau de notre pays, le nouveau Gouvernement par Intérim de l'Unité Nationale prend la décision, en tant que question urgente, d'amnistier les différentes catégories de compatriotes accomplissant actuellement leur peine d'emprisonnement. 

Nous dédions ce jour à tous les héros et héroïnes de ce pays et du reste du monde qui se sont sacrifiés ou ont donné leur vie pour que nous puissions être libres. 

Leurs rêves sont devenus réalité. La liberté est leur récompense. 

Nous nous sentons à la fois humbles et fiers de l'honneur et du privilège que le peuple d'Afrique du Sud nous fait en nous nommant premier Président d'un gouvernement d'union démocratique, non-raciste et non-sexiste. 

Nous sommes conscients que la route vers la liberté n'est pas facile.

Nous sommes conscients qu'aucun de nous ne peut réussir seul. 

Nous devons donc agir ensemble, comme un peuple uni, vers une réconciliation nationale, vers la construction d'une nation, vers la naissance d'un nouveau monde. 

Que la justice soit la même pour tous.

Que la paix existe pour tous.

Qu'il y ait du travail, du pain, de l'eau et du sel pour tous.

Que chacun d'entre nous sache que son corps, son esprit et son âme ont été libérés afin qu'ils puissent s'épanouir.

Que jamais, jamais plus ce pays magnifique ne revive l'expérience de l'oppression des uns par les autres, ni ne souffre à nouveau l'indignité d'être le paria du monde.

Que la liberté règne.

Que le soleil ne se couche jamais sur une réalisation humaine aussi éclatante !

Que Dieu bénisse l'Afrique !   

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3. Version anglaise de son discours d'investiture à Pretoria (1994)

Today, all of us do, by our presence here, and by our celebrations in other parts of our country and the world, confer glory and hope to newborn liberty.

Out of the experience of an extraordinary human disaster that lasted too long, must be born a society of which all humanity will be proud.

Our daily deeds as ordinary South Africans must produce an actual South African reality that will reinforce humanity's belief in justice, strengthen its confidence in the nobility of the human soul and sustain all our hopes for a glorious life for all.

All this we owe both to ourselves and to the peoples of the world who are so well represented here today.

To my compatriots, I have no hesitation in saying that each one of us is as intimately attached to the soil of this beautiful country as are the famous jacaranda trees of Pretoria and the mimosa trees of the bushweld.

 Each time one of us touches the soil of this land, we feel a sense of personal renewal. The national mood changes as the seasons change.

We are moved by a sense of joy and exhilaration when the grass turns green and the flowers bloom.

That spiritual and physical oneness we all share with this common homeland explains the depth of the pain we all carried in our hearts as we saw our country tear itself apart in a terrible conflict, and as we saw it spurned, outlawed and isolated by the peoples of the world; precisely because it has become the universal base of the pernicious ideology and practice of racism and racial oppression.

We, the people of South Africa, feel fulfilled that humanity has taken us back into its bosom, that we, who were outlaws not so long ago, have today been given the rare privilege to be host to the nations of the world on our own soil.

We thank all our distinguished international guests for having come to take possession with the people of our country of what is, after all, a common victory for justice, for peace, for human dignity.

We trust that you will continue to stand by us as we tackle the challenges of building peace, prosperity, non-sexism, non-racialism and democracy.

We deeply appreciate the role that the masses of our people and their political mass democratic, religious, women, youth, business, traditional and other leaders have played to bring about this conclusion. Not least among them is my Second Deputy Presidend, the Honourable F.W. de Klerk.

We would also like to pay tribute to our security forces, in all their ranks, for the distinguished role they have played in securing our first democratic elections and the transition to democracy, from blood-thirsty forces which still refuse to see the light.

The time for the healing of the wounds has come.

The moment to bridge the chasms that divide us has come.

The time to build is upon us.

We have, at last, achieved our political emancipation. We pledge ourselves to liberate all our people from the continuing bondage of poverty, deprivation, suffering, gendre and other discrimination.

We succeded to take our last steps to freedom in conditions of relative peace. We commit ourselves to the construction of a complete, just and lasting peace.

We have triumphed in the effort to implant hope in the breasts of the millions of our people. We enter into a covenant that we shall build the society in which all South Africans, both black and white, will be able to walk tall, without any fear in their hearts, assured of their inalienable right to human dignity - a rainbow nation at peace with itself and the world.

As a token of its commitment to the renewam of our country, the new Interim Government of National Unity will, as a matter of urgency, address the issue of amnesty for various categories of our people who are currently serving terms of imprisonment.

We dedicate this day to all the heroes and heroines in this country and the rest of the world who sacrificed in many ways and surrendered their lives so that we could be free.

Their dreams have become reality. Freedom is their reward.

We are both humbled and elevated by the honour and privilege that you, the people of South Africa, have bestowed on us, as the first President of a united, democratic, non-racial and non-sexist government.

We understand it still that there is no easy road to freedom.

We know it well that non of us acting alone can achieve success.

We must therefore act together as a united people, for national reconciliation, for nation building, for the birth of a new world.

Let there be justice for all.

Let there be peace for all.

Let there be work, bread, water and salt for all.

Let each know that for each the body, the mind and the soul have been freed to fulfill themselves.

Never, never and never again shall it be that this beautiful land will again experience the oppression of one by another and suffer the indignity of being the skunk of the world.

Let freedom reign.

The sun shall never set on so glorious a human achievement!

God bless Africa!

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