POLYARTHRITE ET GROSSESSE

Polyarthrite rhumatoïde.

La polyarthrite rhumatoïde est la maladie rhumatismale la plus fréquente chez la femme, sa prévalence varie suivant les régions de 0,2 à 1%. Dans la population générale, le sex-ratio étant de 3 pour 1, sa prévalence est par conséquent plus élevée dans la population féminine.

Définition

il s’agit d’une atteinte inflammatoire chronique des articulations, plus ou moins symétrique et de préférence des mains et des pieds, associée ou non à un facteur rhumatoïde, la formation de nodules et d’érosions articulaires. Cette maladie évolue généralement par poussées avec une perte fonctionnelle et une déformation progressive des articulations après chaque poussée. Cette maladie peut débuter à tout âge, toutefois l’incidence de nouveaux cas par année est plus grande chez les femmes en âge de procréer.

Evolution d’une polyarthrite rhumatoïde dans le cas d’une grossesse:la plupart des études montre un effet favorable de la grossesse sur le décours de la polyarthrite rhumatoïde. Cette amélioration a lieu dans 80% des cas environ .

Plusieurs hypothèses tentent de l’expliquer : s’agit-il de l’effet favorable des hormones oestroprogestatives sécrétées en grande quantité durant la grossesse, s’agit-il d’un état d’immuno-modulation propre à la grossesse en relation avec la tolérance du foetus à l’intérieur de la mère. En effet, on a pu démontrer que plus il existait une disparité entre le HLA-DR et HLA-DQ foetal et maternelle, plus la rémission lors de grossesse était importante.

Evolution de la polyarthrite rhumatoïde après l’accouchement et durant la période de lactation : dans les 4 à 12 semaines suivant l’accouchement, on assiste généralement à une poussée de la polyarthrite rhumatoïde. On décrit de nombreux cas également de poussées inaugurales de polyarthrite rhumatoïde dans la période du post-partum. Pour expliquer ce phénomène, on a quelques tentatives d’explications : baisse brutale des oestroprogestatifs maternels, baisse brutale du rapport dopamine/noradrénaline, qui est élevé durant toute la grossesse, augmentation importante du taux de prolactine, qui a un effet stimulant de l’interleukine-2. L’administration de bromocriptine (agoniste dopaminergique), inhibitrice de la sécrétion de prolactine a un effet protecteur, chez des souris prédisposées aux arthrites, contre la survenue de nouvelles poussées.

Pronostic pour le foetus d’une grossesse chez une jeune femme polyarthritique : tous les travaux sont concordants pour dire qu’il n’y a aucun risque surajouté pour le foetus en cas de polyarthrite chez la mère.

Traitement d’une polyarthrite connue lorsqu’une jeune femme désire être enceinte :

A. Antalgiques.

  • Le paracétamol est l’antalgique le plus largement utilisé et le moins dangereux, il passe la barrière placentaire ainsi que dans le lait maternel en quantité négligeable.
  • Le chlorhydrate de tramadol passe la barrière placentaire et dans le lait maternel. Il peut être utilisé pendant la grossesse et l’allaitement. Toutefois, son emploi devrait être ponctuel et non chronique afin d’éviter un état de manque chez le nouveau né.
  • Le dextropropoxyphène est contre-indiqué pendant la grossesse et l’allaitement, car il passe la barrière placentaire et dans le lait maternel et risque d’occasionner un état de manque chez le nouveau-né et le nourrisson.

B. Anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Ils ont tous un effet inhibiteur de la cyclo-oxygénase, donc diminuent le taux de prostaglandines, pour cette raison, ils ont été utilisés pendant de nombreuses années pour des menaces d’accouchement prématuré, afin de prolonger la grossesse. Lors de cet emploi à large échelle et à doses relativement importantes, on a observé une augmentation du risque d’hémorragie chez le foetus, des cas d’hypertension pulmonaire foetale ainsi que des oligo-amnios avec oligo-anurie chez le foetus. De plus, on a assisté à un rétrécissement, voir même une fermeture prématurée du canal artériel foetal, ceci étant dû à l’inhibition de la PGE 1.

La prolongation de la grossesse et de la durée du travail sont causées par l’inhibition de la PGF 2.

Pour ces différentes raisons, les AINS ne sont pas indiqués 4-8 semaines avant le terme, les AINS les plus utilisés sont l’ibuprofène et le naproxène. Le seul AINS qui est contre-indiqué durant toute la grossesse est l’indométhacine, en raison du risque de convulsion néonatale.

AINS et grossesse

Substances

Effets secondaires établis

Recommandations

Salicylates

  • Prolongation de la grossesse et du travail
  • Saignements chez la mère Saignements chez le nouveau né
  • Difficultés respiratoires chez nouveau né

Peuvent être prescrits à faible dose jusqu’à 3 x/jour, arrêter 4 semaines avant la naissance

Antiphlogistiques non stéroïdiens

  • Prolongation de la grossesse et du travail
  • Hypertension pulmonaire et hémorragies gastro-intestinales chez le nouveau-né
  • Troubles de la fonction rénale chez le nouveau-né

Peuvent être administrés aux doses les plus faibles possibles, arrêter 2-4 semaines avant la naissance

En ce qui concerne l’allaitement, l’emploi des AINS n’est pas contre-indiqué, sauf l’indométhacine.

AINS et allaitement

Substances actives

Concentration dans le lait maternel

Effets sur le nourrisson

Salicylates

4-50 %

Aucun risque à faible dose

Diflunisal

2 - 7 %

Effet inconnu

Ibuprofène

1 %

Sans risque

Ketoprofène

Traces

Sans risque

Naproxène

1 %

Sans risque

Diclofénac

Petites quantités

Sans risque

Acide méfénamique

Traces

Sans risque

Acide flufénamique

Traces

Sans risque

Indométhacine

Plus élevée que le taux sérique

Convulsions relatées chez le nourrisson

Phénylbutazone

Petites quantités

Sans risque

Piroxicam

1 %

Probablement sans risque

C. Corticostéroïdes.

La prednisone est le corticostéroïde le plus utilisé. Pour être active, elle doit être métabolisée par le foie en prednisolone. Le passage transplacentaire de la prednisolone est limité et le placenta convertit la prednisolone en prednisone peu active. Très peu de cas de malformation décrits, même avec des doses allant jusqu’à 60 mg/jour de prednisone : fente palatine, insuffisance surrénalienne foetale, masculinisation des foetus femelles, retard de croissance et cataracte néonatale. Lors de l’allaitement, une dose journalière de 20 mg/jour n’a aucune répercussion sur le nouveau-né, à des doses plus importantes, il faut retarder les tétées à 4 heures au moins après la prise de prednisone.

D. Traitements de fond.

Chloroquine et hydroxychloroquine : toutes les études disponibles concernent la chloroquine, alors qu’en pratique, on utilise de préférence l’hydroxychloroquine. La demi-vie est longue, le médicament se concentre dans certains tissus comme la peau, l’oeil ou l’oreille interne. Dans la littérature, sur 56 naissances chez des patientes traitées par la chloroquine, on décrit deux cas de malformation de l’oreille interne et deux cas de dégénérescence rétinienne. Par conséquent, les anti-malariques sont contre-indiqués durant la grossesse et l’allaitement.

Sulfasalazine : la plupart des études disponibles concernent plutôt des patientes atteintes d’entérocolopathie inflammatoire, il n’y a pas d’augmentation décrite de la fréquence des malformations, ni de retard de croissance. Par conséquent, la sufasalazine est autorisée durant la grossesse ainsi que pendant l’allaitement.

Sels d’or : de nombreuses grossesses sous sels d’or sont rapportées, sans problème. Il n’y a pas d’effet tératogène démontré. Toutefois, les sels d’or passent le placenta et sont retrouvés dans le foie et les reins du foetus. Leur emploi pendant la grossesse et l’allaitement est possible, mais n’est pas souhaitable.

D-penicillamine : il s’agit d’un traitement de deuxième choix pour les affections rhumatismales. Les données de la littérature concernent plutôt des femmes atteintes de la maladie de Wilson et de cystinurie. Sur 100 grossesses rapportées, 5 cas d’anomalie du tissu conjonctif (cutis laxa, hernie inguinale), un cas de malformation de hanche et un cas d’hydrocéphalie. Par conséquent, ce médicament est contre-indiqué pendant la grossesse, il n’y a pas de donnée concernant l’allaitement.

Les immunosuppresseurs :

Azathioprine : cette substance est à peu près le seul immunosuppresseur, que l’on peut utiliser pendant une grossesse. Sur 800 grossesses étudiées, il n’y a que de rare cas de retard de croissance intra-utérine. L’azathioprine traverse la barrière placentaire, par contre le foie foetal est incapable de la convertir en 6-mercaptopurine métaboliquement active. L’azathioprine ne passe pas dans le lait maternel.

En résumé, la plupart des maladies rhumatismales sévères et des connectivites sévères seront traitées par de hautes doses de corticostéroïdes associées à l’azathioprine.

Ciclosporine : la plupart des cas de grossesse décrits sous ciclosporine, le sont chez des patientes receveuses d’allogreffe. Sur 166 grossesses, on décrit une prématurité dans la moitié des cas, un poids de naissance moyen diminué, ainsi que quelques cas de leucopénie, thrombocytopénie, élévation de la créatinine et CIVD modérée chez le nouveau-né. Par conséquent, il est possible d’utiliser la ciclosporine lorsque c’est nécessaire pendant la grossesse. La ciclosporine passant dans le lait maternel, son emploi contre-indique l’allaitement.

Méthotrexate : ce médicament est strictement contre-indiqué pendant le premier trimestre en raison de son effet antifolique, toutefois dans certains cas de maladie sévère, on peut reprendre le traitement au 2ème et 3ème trimestre. Cela est décrit, mais ne nous paraît pas conseillé.

La plupart des données au sujet des grossesses sous méthotrexate concernent des femmes traitées pour des cancers. Parmi les 8 cas de polyarthrite rhumatoïde sous méthotrexate ayant présenté une grossesse, on note : 3 avortements spontanés, 2 avortements sélectifs et 3 enfants sans anomalie. Le méthotrexate est également contre-indiqué pendant l’allaitement.

Lorsqu’une grossesse est envisagée, un traitement de méthotrexate doit être stoppé 3 mois avant le début de la grossesse.

Cyclophosphamide : ce médicament traverse la barrière placentaire et dans le lait maternel. Il est connu pour causer de nombreuses atteintes tératogènes. Il est donc formellement contre-indiqué au cours de la grossesse et de l’allaitement.

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