Appel des 103
Les
textes :
Les
signataires
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NOUS NE SOMMES PAS LES
REDEMPTEURS DE LA DEMOCRATIE
(paru à la Une du Journal Le Monde daté du 13 Mai 1997)
La justice est saisie d'une succession d'affaires qui mettent en cause, au delà des
règles élémentaires de droit, les principes essentiels de la République, et révèlent
des actes qui bafouent le sentiment de justice et le respect de l'égalité des citoyens
devant la loi: vol de documents confiés à des autorités publiques, écoutes illégales,
transfert de fonds dans des paradis fiscaux par des partis politiques, refus d'élus et de
policiers de se soumettre à des réquisitions judiciaires, faits de corruption auxquels
se livrent des entreprises en France ou sur des marchés étrangers, détournement de
fonds recueillis auprès du public...Le tableau est sombre.
La crainte de paraître naïfs, la peur d'être dupes, ferment les oreilles et les coeurs
et installent le silence; le cynisme s'empare de beaucoup, laissant le champ de la morale
publique aux différents intégrismes et à l'extrême droite;
C'est le pacte républicain qui est la première victime de cette dégradation de la vie
publique;
Les juges ont pour mission d'appliquer le droit et de garantir les libertés individuelles
de tous.
Ils n'ont pas à se soumettre à l'invocation de la raison d'Etat, ni à celle de la
mondialisation des intérêts économiques.
Nous saluons la décision des juges allemands dénonçant l'Iran comme Etat terroriste,
malgré les intérêts économiques de l'Allemagne. Nous saluons la décision des juges
français sur la fermeture de l'usine de Vilvorde sans discussion préalable avec les
partenaires sociaux.
Nous attendons que soit reconnue et établie une justice indépendante, garante de la
protection des libertés individuelles, que soit protégée l'action des fonctionnaires
dans le cadre des investigations conduites par la Justice, et que soit reconnue la
légitimité du contrôle de tous les pouvoirs
Mais on ne saurait attendre des juges qu'ils soient les rédempteurs de la démocratie.
Ils ne sauraient porter seuls les valeurs républicaines. Ils ne peuvent être les seuls
à dire le partage entre intérêt général et intérêt particulier, entre ce qui est
honnête et ce qui ne l'est pas.
La démocratie n'est pas un espace vide de règles politiques, civiques, et morales. Elle
est une pratique, un esprit qui doivent inspirer aussi bien le fonctionnement des
institutions que la conduite de chacun, et notamment de ceux qui ont des responsabilités
publiques ou privées. Elle est fondée sur la recherche du bien commun.
Nous respectons trop la fonction politique pour la laisser s'abîmer dans les méandres
des affaires. Nous respectons trop la Justice pour la voir chargée de résoudre des
questions qui relèvent de la fonction politique.
C'est pourquoi, nous magistrats soussignés lançons un appel pour que chacun devienne
acteur de ce débat et assume ses responsabilités. |