Appel des 103

 

valbul1a.gif (686 octets) Les textes :
      valbul2a.gif (530 octets) 28 octobre 2001
      valbul2a.gif (530 octets) Avril 2000
      valbul2a.gif (530 octets) 24 janvier 2000
      valbul2a.gif (530 octets) 13 mai 1997
valbul1a.gif (686 octets) Les signataires
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      valbul2a.gif (530 octets) Avocats
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          constitutionnalistes
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Démocratie locale et responsabilité pénale

(paru dans "Les idées en mouvement", mensuel de la Ligue de l'enseignement avril 2000)

Il y a tout juste trois ans, 103 magistrats lançaient un appel " pour une justice indépendante " (" Les Idées en mouvement " de juin-juillet 1997, page 19), et pour la tenue de débats sur le sujet.
" L'appel des 103 " réunit maintenant plusieurs centaines de personnes. Le 13 mars 1999, ils organisaient un débat sur le thème " Démocratie locale et responsabilité pénale ".
Voici la deuxième partie de la synthèse qu'ils en ont tirée.

La double équation : élection = légitimité = légalité n'est pas recevable. Les élus locaux doivent admettre que s'exerce sur les collectivités locales un contrôle de légalité et, en un sens plus large, de régularité. Les contrôles ne sont cependant acceptables [que si] les règles du jeu en sont fixées, que [si] leur justification et leur mise en œuvre [sont] fondées, que [si] leur économie [est] compréhensible et qu'ils s'exercent dans le respect des compétences. Sous ce dernier point, sont mises en cause certaines observations des chambres régionales des comptes, mais aussi la confusion des rôles du préfet qui n'apparaît pas le mieux placé pour exercer un contrôle de la règle de droit cumulé avec ses missions opérationnelles (d'autant qu'il semble que l'État aurait une propension à réinvestir les affaires locales).

De la complexité aux complications : l'excès pénal

La complexité et l'instabilité de la réglementation créent une insécurité, d'autant que le droit édicté est moins fait de règles de fond que de dispositions procédurales qui par ailleurs ne garantissent pas l'économie des deniers publics (le code des marchés publics en fournit une illustration).
M. François Geindre [maire d'Hérouville-Saint-Clair (Calvados)] décrit cette complexité, source de complications à partir des quatre exemples qui suivent :
Les services de la mairie, interrogés, avaient estimé dans un premier temps que le réaménagement d'un local commercial en lieu de culte ne nécessitait pas de permis de construire. Une plainte est déposée pour défaut de permis. Après étude, la mairie régularise le permis, mais le maire continue d'être poursuivi au pénal.
Le maire va étudier aux États-Unis les installations du câble avant que celui-ci ne soit introduit en France. Les frais de sa mission sont partagés entre sa commune et des entreprises. Est-ce répréhensible, bilan fait aujourd'hui des avantages sur la vie locale et la socialisation (y compris des plus pauvres) de l'installation du câble ?
La réglementation exige que les projets d'architecture soient examinés anonymement. Comment faire un choix éclairé sans interroger les architectes ?
La modification des règles de sécurité des jeux d'enfants impose le remplacement, sans délai, d'un parc dont le coût global est hors de proportion avec le budget annuel de la commune. L'étalement du remplacement et les arbitrages conduiront-ils le maire devant le juge pénal en cas d'accident ?

Il y a pénalisation de l'action publique

Aujourd'hui, le risque pénal est un risque sûr pour un maire.
On assiste sous la pression des " citoyens " défendant leur intérêt particulier à un transfert au contentieux pénal du contrôle, voire de la contestation, de la gestion publique, notamment sous la qualification de la mise en danger de la vie d'autrui mais aussi au seul motif de l'irrégularité administrative, parfois seulement formelle. Il y a bien pénalisation de l'action publique au premier sens qui a été défini plus haut.
À cet égard, une réforme du contentieux administratif paraît opportune. Il s'agit d'une part de permettre une meilleure saisine du juge administratif, notamment quant au refus du préfet de déférer au juge un acte au titre du contrôle de légalité. On pourrait par ailleurs envisager de permettre au juge de faire la distinction entre règles substantielles &endash; annulables &endash; et vices de forme &endash; donnant lieu à réformation, voire à abstention &endash;, à l'instar du contentieux électoral.
Le personnel politique ne peut pas faire l'économie de la reconquête de l'éthique du politique. Celle-ci passe par : l'honnêteté personnelle dont il faut témoigner publiquement ; une continuité et une adéquation entre les engagements et l'action effectivement conduite : faire et faire ce que l'on a dit qu'on ferait ; la transparence dans l'élaboration et la mise en œuvre des actions publiques, soit l'existence d'un débat et de négociations en amont pour " construire " la décision publique ; l'acceptation des contrôles sous la condition que l'objet en soit clairement établi et les règles clairement fixées.

Les propositions des " 103 "
Instaurer une responsabilité des exécutifs devant les assemblées locales.
Fournir aux assemblées les moyens d'information et d'investigation leur permettant de s'assurer de la bonne exécution des décisions : formation des élus, droit d'accès à tous les documents de gestion, recrutement de collaborateurs ou recours à des experts, commission de contrôle, droit d'enquête…
Séparer les fonctions exécutives (président ou directoire) de la présidence de l'assemblée pour assurer une possibilité de confrontations d'intérêts.
Organiser une procédure qui as-sure un droit de saisine de la juridiction administrative sur les seules considérations de droit, au moins par la création d'une instance médiatrice indépendante et au besoin par la création d'un " parquet administratif ".
Supprimer les mécanismes de conflits d'intérêts et de tutellisation : réforme du mode de scrutin départemental, non-cumul des mandats et suppression des subventions entre collectivités comme moyen normal de financement.
Synthèse réalisée à partir des communications et interventions de Xavier Libert (magistrat administratif) et Claude Renou (magistrat de chambre régionale des comptes) pour l'appel des 103, François Geindre (maire d'Hérouville-Saint-Clair, Calvados), Claude Michel (avocat et conseiller municipal) et Jean-Claude Pérel (fonctionnaire territorial), intervenant en réplique.