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Des lieux qui inspirent les poètes et les peintres, il en existe des légions de par le monde», me direz-vous. La mer, des rochers, quelques belles vagues avec en plus des voiliers... Un coucher de soleil, j'allais l'oublier, avec des reflets incendiaires au ras des flots. Je vous l'accorde mais des lieux qui n'ont rien de tout cela : sans montagnes couronnées de neiges, bien sûr éternelles, sans mer, sans voiliers non plus, des lieux qu'on ne regarde pas pour leur beauté intrinsèque mais qui auraient une âme forte qui inspire les poètes alors que le commun des mortels les traverse sans même y prêter attention.
«Donnez-nous
des exemples !"» rétorquez-vous.
Et, si je vous dis: « Les Ponts-de-Cé».
Vous me répondez : « Qu'est-ce que c'est».
Hyppolite Taine écrit :
«Aux Ponts-de-Cé
«Partout des rondeurs vertes, oseraies, bouleaux, petits bois, et des châteaux blancs sur les hauteurs, des roses et des bouquets, de jolis arbustes sur les talus, des îles verdoyantes parmi des bancs de grèves ; et l'eau nonchalante, toute ruisselante de lumière qui embrasse de son azur ces verdures éparses. Elle va doucement, en larges épanchements, presque immobile, et l'esprit va comme elle.»
En 1940, Aragon passe la Loire avec la 2e DML aux Ponts-de-Cé.
L'un écrit : l'eau nonchalante de la Loire va doucement , en larges épanchements, presque immobile, et l'esprit va comme elle.
L'autre dit : La Loire emporte mes pensées. S'il est
connu que les chants des sirènes ont le pouvoir d'attirer les
marins, aux Ponts-de-Cé quelle magie se dégage des
larges et nonchalants épanchements de la Loire ? Je radote me
direz-vous ! Peu m'importe. Qui croire ?
«Celui
qui croyait au ciel
«Celui
qui n'y croyait pas»
La Loire réapparaitra indirectement dans un autre poème
d'Aragon : Je vous salue
ma France..., publié clandestinement en 1943,
où il s'adresse aux prisonniers et aux
déportés.