2004-12-05
Aranei-Orbis
Dictionnaire au fil de mes lectures

par Le Grimaud


Au fil de ses lectures, Le Grimaud constitue une sorte de dictionnaire poétique composé de citations.


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A air, almanach, âme, amitié, amour, arbre, arc-en-ciel, Arlequin, âne, âtre, automneavril

B baiser, biche, bouteille, brouillard, bruine, bruyère,

C Champagne, chat-huant, cheminée, clarté, clef, coccinelle, cœur, cordier, crépuscule, critique, cygne

D Delacroix, diamant, digitale,

E écrivain, éphémère, esthétique, étang, étoile, étonnement, Ève,

F foule,

G Goya, grâce, grenier, guirlandes

H hirondelle, humour

I

J jonquille,

K Kate,

L lapin, larme, livre, lune,

M marguerite, menhir, Michel-Ange, mortmyosotis

N néant, nénuphar, nuit,

O oreiller, oie
P paradis, peuplier, piano Pierrot, plaine, poésiepoète

R rêve, Rembrandt, Rubens, ruisseau

S saule, sauterelle, souvenir, style,

T théâtre,

U usine,

V vent, Venise, Vénus, Verlaine, vieux, Villon, vin, Vinci

W Watteau,

X Y Z


A

Air

Je [l'air] porte les paroles
D'une bouche à une oreille.

Je m'écarte pour le baiser.

Guillevic, Motifs, Gallimard-NRF,1987.

Almanach

L'enfant lit l'almanach près de son panier d'œufs.
Et, en dehors des Saints et du temps qu'il fera,
elle peut contempler les beaux signes des cieux :
Chèvre, Taureau, Bélier, Poisson, et coetera.

Ainsi, peut-elle croire, petite paysanne,
qu'au-dessus d'elle, dans les constellations,
il y a des marchés, pareils avec des ânes,
des taureaux, des béliers, des chèvres, des poissons.

C'est le marché du Ciel sans doute qu'elle lit.
Et, quand la page tourne au signe des Balances,
elle se dit qu'au Ciel comme à l'épicerie
on pèse le café, le sel, et les consciences.

Francis JAMMES, L'Enfant lit l'almanach.
 

Âme

Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante,
C'est la nôtre, n'est-ce pas ?

Paul Verlaine Ariettes oubliées, I in Romances sans paroles

... l'âme cette force intérieure qui vous est donnée à la naissance, cette architecture secrète qui ne vous est que peu à peu révélée, plus essentielle que le fragile squelette

Anne Delbée, Roman Racine, Le Livre de poche, 1999.

Amitié

Beaucoup de mes amis sont venus des nuages
Avec soleil et pluie comme simples bagages
Ils ont fait la saison des amitiés sincères
La plus belle saison des quatre de la terre.

in L'Amitié, paroles de Jean Max Rivière,
musique de Gérard Bourgeois, 1965, interprète Françoise Hardy
Texte suggéré par Fernande Germain

Amour

Le soir qu'Amour vous fit en la salle descendre
Pour danser d'artifice un beau ballet d'Amour,
Vos yeux, bien qu'il fût nuit, ramenèrent le jour,
Tant ils surent d'éclairs par la place répandre.
RONSARD, Sonnets pour Hélène, 1574
Le poème complet.

           L'amour et la folie

                Tout est mystère dans l'Amour,
Ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance.
                Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour
                Que d'épuiser cette science.
Je ne prétends donc point tout expliquer ici.
Mon but est seulement de dire, à ma manière
                Comment l'aveugle que voici
(C'est un Dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière ;
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ;
J'en fais juge un amant, et ne décide rien.
La Folie et l'Amour jouaient un jour ensemble.
Celui-ci n'était pas encor privé des yeux.
Une dispute vint : l'Amour veut qu'on assemble
                Là-dessus le Conseil des Dieux.
                L'autre n'eut pas la patience ;
                Elle lui donne un coup si furieux,
                Qu'il en perd la clarté des cieux.
                Vénus en demande vengeance.
Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris :
                Les Dieux en furent étourdis,
                Et Jupiter, et Némésis ,
Et les Juges d'Enfer, enfin toute la bande.
Elle représenta l'énormité du cas.
Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas :
Nulle peine n'était pour ce crime assez grande.
Le dommage devait être aussi réparé.
                Quand on eut bien considéré
L'intérêt du Public, celui de la Partie,
Le résultat enfin de la suprême Cour
                Fut de condamner la Folie
                A servir de guide à l'Amour.

La Fontaine in Fables, Livre XII, Fable XIV.

Pour lui plus de langueurs, plus de maux, plus d'ennuis ;
L'amour remplit, enchante et ses jours et ses nuits
Il n'a qu'un seul objet qui l'occupe et l'embrase
Et son heureuse vie est une longue extase.

Gabriel Legouvé, Le Mérite des femmes.

Âne

Pauvr'âne 

J'aime l'âne si doux
Marchand le long des houx
Il va près des fossés
D'un petit pas cassé
Il porte tout : les pauvres
Et les sacs remplis d'orge.
Francis Jammes - extrait de Pauvr'âne in De l'angélus de l'aube à l'Angélus du soir

Arbre

Comme un géant brasier de feuilles et de flammes,
Il se dressait, superbement, sous le ciel bleu,
Il semblait habité par un million d'âmes
Qui doucement chantaient en son branchage creux.
Émile Verhaeren, L'Arbre in La multiple Splendeur. 1906.

Arc-en-ciel

L'arc-en ciel qui dure un quart d'heure
Personne de l'admire plus
L'arc-en ciel qui dure un quart d'heure
Est superflu.

Goerges Brassens L'arc-en-ciel d'un quart d'heure
(Poèmes et chansons, collection Points virgule,
Éditions du Seuil, ISBN 2.02.01928.0

Arlequin

Arlequin, nègre par son masque,
Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d'une note fantasque
Cassandre, son souffre-douleurs.
Théophile Gautier Carnaval in Émaux et Camées

Âtre

La vieille dame, au coin de l'âtre,
Somnole et sourit par instants,
Les flammes sont — comme au théâtre —
Des personnages hors du Temps !

Gaston Berry Danses les flammes… in Et si ma joie devenait vôtre
sur les presses de l'imprimerie Aubin, 86240 - Ligugé, 1977.
(Gaston à toi qui croyais au ciel, j'adresse mon bonjour)

Automne

L'automne fait des bruits froissés
De nos tumultueux baisers.

Charles Cros, Les Quatre Saisons- L'Automne.

Avril

Extrait de poème de Rémy Belleau.

B

Baiser

A poor Young Shepperd

J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J'ai peur d'un baiser !

Pourtant j'aime Kate
Et ses yeux jolis.
Elle est délicate
Aux longs traits pâlis.
Oh ! que j'aime Kate !

C'est Saint-Valentin !
Je dois et je n'ose
Lui dire au matin
La terrible chose
Que Saint-Valentin !

Elle m'est promise
Fort heureusement !
Mais quelle entreprise
Que d'être un amant
Près d'une promise !

J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J'ai peur d'un baiser !

Paul Verlaine, A Poor Young Shepherd in Aquarelles.

Biche

Une biche attentive, au lieu de se cacher
Se suspend immobile au milieu du rocher.

Vigny Le Cor.

Bouteille

Bouteille à la mer

Seule dans l'Océan, seule toujours ! --Perdue
Comme un point invisible en un mouvant désert,
L'aventurière passe errant dans l'étendue,
Et voit tel cap secret qui n'est pas découvert.
Tremblante voyageuse à flotter condamnée
Elle sent sur son col que depuis une année
L'algue et les goémons lui font un manteau vert.
Alfred de Vigny(1797-1863), La Bouteille à la mer

Brouillard

Brouillards, montez ! Versez vos cendres monotones,
Avec de longs haillons de brumes dans les cieux
Que noiera le marais livide des automnes,
Et bâtissez un grand plafond silencieux !
Stéphane Mallarmé, L'Azur in Poésies Complètes, 1887.

Bruine

Il bruine ;
Dans la forêt mouillée, les toiles d'araignées
Ploient sous les gouttes d'eau, et c'est leur ruine.
Jules Laforgue, L'Hiver qui vient in Poésies complètes.

Bruyère

Et sur la mer, qui reflète
L'aube au sourire d'émail,
La bruyère violette
Met au vieux mont un camail ;

Afin qu'il puisse, à l'abîme
Qu'il contient et qu'il bénit,
Dire sa messe sublime
Sous sa mitre de granit.

Victor Hugo, À Granville, en 1836 (XIV), Livre premier Aurore in Les Contemplations.

C

Champagne

Le Champagne, si on a le temps de l'écouter, fait le même bruit dans sa mousse et dans son verre, que la mer sur le sable

Max JACOB (1876-1944) in Le Cabinet Noir

Chat-Huant

Les chats-huants s'éveillent, et sans bruit
Rament l'air noir avec leurs ailes lourdes,
Et le zénith s'emplit de lueurs sourdes,
Blanche, Vénus émerge, et c'est la Nuit.
Paul Verlaine, VI - L'Heure du berger, in Poèmes saturniens - Paysages tristes

Cheminée

Vous n'avez plus de place en nos mornes maisons.
Ce siècle vous ignore, ô vieilles cheminées !
Hanté de froid confort il juge surannées
Vos flammes qui croissaient en folles floraisons.

Gaston Berry, Cheminées in Chanter quand même…

Clarté

La clarté vraie et la meilleure flamme,
C'est le rayon qui va de l'âme à l'âme !
Victor Hugo, Un soir que je regardais le ciel (XXVIII), Livre deuxième L'Âme en fleur in Les Contemplations.

Clef

Clé du logis dont le seul nom est radieux !
Clé du cellier riche en bouteilles !
Clé du jardin ouvert au grand regard des cieux !
Clés d'armoires rondes et vieilles.
Gaston Berry, Les clés abandonnées in Chanter quand même…

Coccinelle

ELLE me dit : « Quelque chose
« Me tourmente. » Et j'aperçus
Son cou de neige, et, dessus,
Un petit insecte rose.

J'aurais dû -- mais, sage ou fou,
À seize ans, on est farouche, --
Voir le baiser sur sa bouche
Plus que l'insecte à son cou.

On eût dit un coquillage ;
Dos rose et taché de noir.
Les fauvettes pour nous voir
Se penchaient dans le feuillage.

Sa bouche fraîche était là :
Je me courbai sur la belle,
Et je pris la coccinelle ;
Mais le baiser s'envola.

« Fils, apprends comme on me nomme »,
Dit l'insecte du ciel bleu,
« Les bêtes sont au bon Dieu ;
« Mais la bêtise est à l'homme. »

Victor Hugo, La Coccinelle (XV) - Livre premier Aurore - in Les Contemplations, mai 1830.

Cœur

Mon cœur s'ébat en odorant la rose
Et s'éjouit en regardant ma Dame.
Trop mieux ne vaut l'une que l'autre chose
Mon cœur s'ébat en odorant la rose.

Jean Froissard (vers 1337 - vers 1404), Poésies.

Cordier

Dans mon allée habite un cordier patriarche,
Vieux qui bruyamment tourne sa roue, et marche
À reculons, son chanvre autour des reins tordu.
Victor Hugo, Lettre (VI), Livre deuxième L'Âme en fleur in Les Contemplations.

Crépuscule

Avec des chatoiements de riche draperie,
Serein, le crépuscule à l'horizon descend.
Son ultime clarté couronne le versant
Et sa pourpre royale à l'or pur se marie.
Gaston Berry, Crépuscule in Chanter quand même…

Critique

Il serait prodigieux qu'un critique devint poète, et il est impossible qu'un poète ne contienne pas un critique. Le lecteur ne sera donc pas étonné que je considère le poète comme le meilleur de tous les critiques.
Baudelaire.

Cygne

Le Cygne

Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l'ombre avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
À des neiges d'avril qui croulent au soleil ;

Mais ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphyr,
Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire.
Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux.
Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe,
Il cache son bec noir dans sa gorge éclatante.

Tantôt le long des pins , séjour d'ombre et de paix,
Il serpente et laissant les herbages épais
Traîner derrière lui comme une chevelure,
Il va d'une tardive et languissante allure.

Tantôt il pousse au large et loin du bois obscur,
Superbe, gouvernant du côté de l'azzur,
Il choisit pour fêter sa blancheur qu'il admire,
La place éblouissante où le soleil se mire.

Puis quand les bords de l'eau ne se distingue plus,
À l'heure où toute forme est un spectre confus,
L'oiseau dans le lac sombre où sous lui se reflète
La splendeur d'une nuit lactée et violette,
Comme un vase d'argent parmi les diamants,
Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments.

Sully Pruhomme Le Cygne in Les Solitudes

D

Delacroix

Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges ,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;

Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C'est pour ses cœurs mortels un divin opium !

C'est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !

Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternté !

Charles Baudelaire Les Phares in Spleen et Idéal in Les Fleurs du mal 

Diamant

Les diamants sans les belles
Ne sont plus que des cailloux.
Victor Hugo, XI, Livre deuxième L'Âme en fleur in Les Contemplations.
Digitale
D'un gradin d'or, - parmi les cordons de soie, les gazes grises, les velours verts et les disques de cristal qui noircissent comme du bronze au soleil, - je vois la digitale s'ouvrir sur un tapis de filigranes d'argent, d'yeux et de chevelures.
Arthur Rimbaud in Illuminations.

E

Êcrivain

Écrivain original

L'écrivain original n'est pas celui qui n'imite personne, mais celui que personne ne peut imiter.
Chateaubriand, Le Génie du Christianisme.

Éphémère

Ces mots, depuis plusieurs jours, ne cessent de tourner follement en lui comme ces éphémères qui, le soir, dansent, dansent jusqu'à la chute fatale.
Anne Delbée, Roman Racine, Le Livre de poche, 1999.

Esthétique

... l'esthétique ne doit pas raisonner sur l'art, en le considérant comme un but ou un idéal, qu'on ne peut atteindre ou réaliser qu'en se pliant à sa théorie ; non, elle doit envisager l'art comme quelque chose qui existait bien avant elle et à l'existence duquel elle doit sa propre existence.
Bélinsky.

Étang

L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...
 
 

Étoile

Pâle étoile du soir, messagère lointaine,
Dont le front sort brillant des voiles du couchant ;
De ton palais d'azur au sein du firmament,
        Que regardes-tu dans la plaine ?

La tempête s'éloigne et les vents sont calmés;
La forêt, qui frémit, pleure sur la bruyère ;
Le phalène doré, dans sa course légère,
        Traverse les prés embaumés.

    Que cherches-tu sur la terre endormie ?
Mais déjà sur les monts je te vois t'abaisser ;
Tu fuis en souriant, mélancolique amie,
Et ton tremblant regard est près de s'effacer.

Étoile qui descends sur la verte colline,
Triste larme d'argent du manteau de la nuit,
Toi, que regarde au loin le pâtre qui chemine,
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit :

Étoile, où t'en vas-tu dans cette nuit immense ?
Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux ?
Où t'en vas-tu si belle, à l'heure du silence,
Tomber comme une perle au sein profond des eaux ?

Ah ! si tu dois mourir, bel astre, si ta tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête ;
Étoile de l'amour, ne descends pas des cieux !

Alfred de Musset, L'Étoile du soir in Revue des Deux Mondes, 15 oct. 1836.

Étonnement

L'étonnement, qui est une des grandes jouissances causées par l'art et la littérature, tient à cette variété même des types et des sensations.

Charles Baudelaire.

Ève

Personne pour m'aider à porter mon cœur gros ?
Le ciel n'aurait-il pas une petite Ève en trop ?

Georges Brassesns Une petite Ève en trop (musique de Marcel Amont

F

Fabrique

Feuille

La feuille en tourbillons s'envole par les nues ;
Et l'on voit osciller, dans un fleuve vermeil,
Aux approches du soir inclinés au sommeil,
De grands nids teints de pourpre au bout des branches nues.

Leconte de Lisle, Poèmes barbares, 1862.

Foule

    La foule est belle, gaie, vivante. Elle respire en ses millions de vagues, qu'elle régularise elle-même, quand elle est calme. Rien n'est plus beau que son rythme. Elle détient l'ordre instinctif et profond.

    Elle est le plus large et le plus émotionnant spectacle, si l'enthousiasme lui monte de l'instinct à la pensée.

    Mais aussitôt qu'une fêlure éclate dans l'unité de son plaisir, sa rage, sa cruauté et sa peur terrifient. Ô les tempêtes de ses colères et de ses paniques ! La foule est une formidable passion. Le juste ? l'injuste ? Elle les prétend créer. Elle a ses lois folles de fougue, de révolte et de rut, comme les autres ont leurs lois froides d'attraction mathématique.

Émile Verhaeren, La Foule in Note sur l'art.

G

Goya

Goya, cauchemar plein des choses inconnues
De fœtus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas.

Charles Baudelaire Les Phares in Spleen et Idéal in Les Fleurs du mal 

…un écrasis de rouge, de bleu et de jaune, des virgules de couleur blanche, des pâtés de tons vifs, plaqués, pêle-mêle, mastiqués au couteau, bouchonnés, torchés à coups de pouce, le tout s'étageant en taches plus ou moins rugueuses du haut en bas de la toile. On cherche. Vaguement on distingue... ces écrasis de palettes, ces frottis de torchon, ces traînées de pouces deviennent ... C'est tout simplement superbe ! Et, dans ce margouillis, de nettes figures sortent : ces trémas, ce sont des yeux qui pétillent ; ces barres, des bouches qui béent ; ces guillemets, des mains qui se crispent. C'est le vacarme le plus effréné qui ait jamais été jeté sur une toile, la bousculade la plus intense qu'une palette ait jamais créée.

J.-K. Huysmans.

Grâce

La Grâce de Dieu

... une présence qui tout à coup vous soustrait à la pesanteur.
Anne Delbée, Roman Racine, Le Livre de poche, 1999.

Grenier

Enfin, le dernier escalier
-- Marches raides, étroits paliers
Et murs qui se lézardent --
Montait jusqu'aux mansardes ;
Puis d'un sursaut,
Là-haut,
Jusqu'au grenier.
Une porte s'ouvrait ;
Et tout à coup c'était
Un enchevêtrement
De madriers carrés et de solives rondes ;
Et brusquement,
C'était une autre vie, un autre monde
Qui m'attendaient sous ces grands toits.
Émile Verhaeren, Le grenier in Les tendresses premières, 1904.

Guirlande

J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.
Arthur Rimbaud in Illuminations

H

Hirondelle

Ce que disent les hirondelles
Déjà plus d'une feuille sèche
Parsème les gazons jaunis ;
Soir et matin, la brise est fraîche,
Hélas ! les beaux jours sont finis !

On voit s'ouvrir les fleurs que garde
Le jardin, pour dernier trésor :
Le dahlia met sa cocarde
Et le souci sa toque d'or.

La pluie au bassin fait des bulles ;
Les hirondelles sur le toit
Tiennent des conciliabules :
Voici l'hiver, voici le froid !

Elles s'assemblent par centaines,
Se concertant pour le départ.
L'une dit : " Oh ! que dans Athènes
Il fait bon sur le vieux rempart !

" Tous les ans j'y vais et je niche
Aux métopes du Parthénon.
Mon nid bouche dans la corniche
Le trou d'un boulet de canon. "

L autre : " J'ai ma petite chambre
A Smyrne, au plafond d'un café.
Les Hadjis comptent leurs grains d'ambre
Sur le seuil d'un rayon chauffé.

" J'entre et je sors, accoutumée
Aux blondes vapeurs des chibouchs,
Et parmi les flots de fumée,
Je rase turbans et tarbouchs. "

Celle-ci : " J'habite un triglyphe
Au fronton d'un temple, à Balbeck.
Je m'y suspends avec ma grille
Sur mes petits au large bec. "

Celle-là : " Voici mon adresse :
Rhodes, palais des chevaliers ;
Chaque hiver, ma tente s'y dresse
Au chapiteau des noirs piliers. "

La cinquième : " Je ferai halte,
Car l'âge m'alourdit un peu,
Aux blanches terrasses de Malte,
Entre l'eau bleue et le ciel bleu. "

La sixième : " Qu'on est à l'aise
Au Caire, en haut des minarets !
J'empâte un ornement de glaise,
Et mes quartiers d'hiver sont prêts. "

" A la seconde cataracte,
Fait la dernière, j'ai mon nid ;
J'en ai noté la place exacte,
Dans le pschent d'un roi de granit. "

Toutes : " Demain combien de lieues
Auront filé sous notre essaim,
Plaines brunes, pics blancs, mers bleues
Brodant d'écume leur bassin ! "

Avec cris et battements d'ailes,
Sur la moulure aux bords étroits,
Ainsi jasent les hirondelles,
Voyant venir la rouille aux bois.

Je comprends tout ce qu'elles disent,
Car le poète est un oiseau ;
Mais, captif ses élans se brisent
Contre un invisible réseau !

Des ailes ! des ailes ! des ailes !
Comme dans le chant de Ruckert,
Pour voler, là-bas avec elles
Au soleil d'or, au printemps vert !

Théophile GAUTIER (1811-1872) in Émaux et Camées

Humour

Pour chasser loin des murs les farouches Normands
Le roi Louis s'avance avec vingt mille Francs.
Charles Victor Prévost d'Arlincourt, Le Siège de Paris.

J

Jonquille

Honneur à vous, fraîches jonquilles,
Corps d'émeraude et cloches d'or !
Du Renouveau coquettes filles,
Vous êtes timides encore !….
Gaston Berry, Jonquilles in Chanter quand même…

K

Kate 

L

Lapins

Les petits lapins, dans le bois,
Folâtrent sur l'herbe arrosée
Et, comme nous le vin d'Arbois,
Ils boivent la douce rosée.

Gris foncé, gris clair, soupe au lait,
Ces vagabonds, dont se dégage
Comme une odeur de serpolet,
Tiennent à peu près ce langage :

« Nous sommes les petits lapins,
Gens étrangers à l'écriture,
Et chaussés des seuls escarpins
Que nous a donnés la nature.

N'ayant pas lu Dostoïewski,
Nous conservons des airs peu rogues ?
Et certes, ce n'est pas nous qui
Nous piquons d'être psychologues.

Nous sommes les petits lapins.
C'est le poil qui forme nos bottes,
Et, n'ayant pas de calepins,
Nous ne prenons jamais de notes.

Nous ne cultivons pas le Kant ;
Son idéale turlutaine
Rarement nous attire. Quant
Au fabuliste La Fontaine,

Il faut qu'on adore à genoux ;
Mais nous préférons qu'on se taise,
Lorsque méchamment on veut nous
Raconter une pièce à thèse.

En dépit de Schopenhauer,
Ce cruel malade qui tousse,
Vivre et savourer le doux air
Nous semble une chose fort douce,

Et dans la bonne odeur des pins
Qu'on voit ombrageant ces clairières,
Nous sommes les petits lapins
Assis sur leurs petits derrières.»

Théodore de Banville, Lapins in Sonnailles et clochettes, 1891.

Larme

Ah ! laissez-les couler, elles me sont bien chères,
Ces larmes que soulève un cœur blessé !
Ne les essuyez pas, laissez sur mes paupières
         Ce voile du passé !
Alfred de Musset, Souvenir in Revue de Deux Mondes, 15 fév.1841.

Livre

Un livre ne doit pas avoir besoin d'être complété par une illustration imitatrice.
Le peintre et l'écrivain doivent agir ensemble, sans confusion mais parallèlement.
Henri Matisse.

Lune

Voir Le Florilège de Le Grimaud, thème La Lune.
 

La lune prêta son pâle flambeau à cette veillée funèbre. Elle se leva au milieu de la nuit, comme une blanche vestale qui vient pleurer sur le cercueil d’une compagne. Bientôt elle répandit dans les bois ce grand secret de mélancolie qu’elle aime à raconter aux vieux chênes et aux rivages antiques des mers.

François René de Chateaubriand in Atala

M

Marguerite

Par-dessus l'horizon aux collines brunies,
Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,
Se penchait sur la terre à l'heure du couchant ;
Une humble marguerite, éclose au bord d'un champ,
Sur un mur gris, croulant parmi l'avoine folle,
Blanche, épanouissait sa candide auréole ;
Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,
Regardait fixement, dans l'éternel azur,
Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.
« Et moi, j'ai des rayons aussi ! » lui disait-elle.
Victor Hugo, Unité (XXV), Livre premier Aurore in Les Contemplations.

Menhir

Nous [les menhirs] traversons
La durée

Nous sommes de la durée
Qui s'est arrêtée.

Pour se voir passer.

Guillevic, Motifs, Gallimard-NRF,1987.

Michel-Ange

Dans ce travail géant que seul il acheva
Michel-Ange brûlait du feu de Jéhovah ;
Un art surélevé jaillit de sa cervelle ;
Le plafond fut peuplé d'une race nouvelle
D'êtres majestueux, violents et pensifs.
Son génie éclatait, austère et convulsif,
Comme celui de Dante ou de Savonarole.
Les bouches qu'il ouvrait disaient d'autres paroles,
Les yeux qu'il éclairait voyaient d'autres destins.
Sous les fronts relevés, dans les torses hautains,
Grondait et palpitait sa grande âme profonde ;
Il recréait, selon son cœur, l'homme et le monde...
Émile Verhaeren, Michel-Ange in Les Rythmes souverains, 1900.

Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans des crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts.

Colères de boxeur, impudences de faune
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand cœur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats.

Charles Baudelaire Les Phares in Spleen et Idéal in Les Fleurs du mal 

               Michel-Ange

Certe, il était hanté d'un tragique tourment,
Alors qu'à la Sixtine et loin de Rome en fêtes,
Solitaire, il peignait Sibylles et Prophètes
Et, sur le sombre mur, le dernier Jugement.

Il écoutait en lui pleurer obstinément ,
Titan que son désir enchaîne aux plus hauts faîtes,
La Patrie et l'Amour, la Gloire et leurs défaites ;
Il songeait que tout meurt et que le rêve ment.

Aussi ces lours Géants, las de leur force exsangue,
Ces Esclaves qu'étreint une infrangible gangue,
Comme il les a tordus d'une étrange façon ;

Et dans les marbres froids où bout son âme altière,
Comme il a fait courir avec un grand frisson
La colère d'un Dieu vaincu par la Matière.

José-Maria de Hérédia in Les Trophées

Mort

Et que je te sens froide en te touchant, ô mort,
Noir verrou de la porte humaine !

Victor Hugo, Paroles sur la dune (XIII), Livre cinquième En Marche in Les Contemplations

 

Myosotis

Les myosotis
Eux autres vous dis'nt,
Vous disent tout bas :
Ne m'oubliez pas.

Georges Brassens, Le myosotis (enregistré par Sacha Distel)

 

Rêveur, le myosotis veille ;
Ses regards bleus sont ingénus.
Oh ! S'ils manquaient à la corbeille,
Combien de souvenirs perdus.

Gaston Berry Une Fleur, c'est fort peu de choses in Et si ma joie devenait vôtre
sur les presses de l'imprimerie Aubin, 86240 - Ligugé, 1977.

N

Néant

Vos nuits sans espérances et vos jours sans lumière :
         C'est là qu'est le néant !
Alfred de Musset, Poésies Nouvelles (1835-1840).

Nénuphar

Le couchant dardait ses rayons suprêmes
Et le vent berçait les nénuphars blêmes ;
Les grands nénuphars entre les roseaux
Tristement luisaient sur les calmes eaux.
Paul Verlaine, Promenade sentimentale in Paysages tristes.

Nuit

Nuit mélancolique et lourde d'été,
Pleine de silence et d'obscurité,
Berce l'azur qu'un vent doux effleure
L'arbre qui frisonne et l'oiseau qui pleure.
Paul Verlaine, VII - Le rossignol in Paysages tristes.


Nous bénissons la douce Nuit,
Dont le frais baiser nous délivre,
Sous les voiles on se sent vivre
Sans inquiétude et sans bruit.

Théodore de Banville, La Nuit (rondeau) in Poésies nouvelles,1890


Comme la nuit est lointainement pleine 
De silencieuse infinité claire !

                                                                                              Jules Laforgue  ou L'Imitation de Notre-Dame la Lune

O

Oie

Les Oies sauvages

Voilà qu'à l'horizon s'élève une clameur !
Elle approche, elle vient : c'est la tribu des oies.

Ainsi qu'un trait lancé, toutes le cou tendu,
Allant toujours plus vite en leur vol éperdu,
Passent, fouettant le vent de leurs ailles sifflantes.
Le guide qui conduit ces pélerins des airs
Déjà les océans, les bois et les déserts,
Comme pour exciter leur allure trop lente,

De moment en moment jette son cri perçant.
Comme un double ruban la caravane ondoie
Son grand triangle ailé qui va s'élargissant.

Sully Prudhomme, extrait de Les Oies sauvages in Des Vers

Oreiller

Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
Plein de plume choisie, et blanc ! et fait pour moi !
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !
Marceline Desbordes-Valmore, L'Oreiller d'une petite fille in Poésies, 1830

P

Paradis

Quand je vois un couple de gosses
Et devine qu’il la baise et qu’elle
Prend la pillule ou porte un diaphragme,
Je sais que c’est le paradis.

Philip Larkin, High Windows in High Windows, 1999, traduction de Le Grimaud

Peuplier

Les peupliers penchant, pâles, leur profil triste
Nimbé de lune, au bord des mares sans remous,
Avec un va-et-vient de balancement doux,
Font trembler leurs reflets dans les eaux d'améthyste.
Émile Verhaeren, Soir religieux in Les Flamandes, 1883.

Pierrot

Battant de l'aile avec sa manche
Comme un pingouin sur un écueil,
Le blanc Pierrot, par une blanche,
Passe la tête et cligne l'œil.
Théophile Gautier Carnaval in Émaux et Camées
... incessamment amoureux d'une femme, d'un papillon, d'un arbre, de la Lune enfin.
Anne Delbée, Roman Racine, Le Livre de poche, 1999.

Piano

Le piano que baise une main frêle
Luit dans le soir rose et gris vaguement,
Tandis qu'avec un très léger bruit d'aile
Un air bien vieux, bien faible et bien charmant
Rôde discret, épeuré quasiment,
Par le boudoir longtemps parfumé d'Elle.

Paul Verlaine Ariettes oubliées, V in Romances sans paroles

Pitre

Le Pitre

Letréteau d'un orchestre emphatique secoue
Grince sous les grands pieds du maigre baladin
Qui harangue, non sans finesse et sans dédain?
Les badauds piétinant devant lui la boue.

La plâtre de son front et le fard de sa joue
Font merveille. Il pérore et se tait tout soudain,
Reçoit des coups de pied au derrière, badin,
Baise au cou sa commère énorme, et fait la roue.

Ses boniments de cœur et d'âme approuvons-les.
Son court pourpoint de toile à fleurs et ses mollets
Tournants jusqu'à l'abus valent que l'on s'arrête.

Mais ce qu'il sied à tous d'admirer, c'est surtout
Cette perruque d'où se dresse sur la tête,
Preste, une queue avec un papillon au bout.

Paul Verlaine Le Pitre in Jadis et naguére

Plaine

C'est la plaine, la plaine blême,
Interminablement, toujours la même.
Émile Verhaeren, Les Plaines in Les Campagnes hallucinées, 1893.

Poésie

Poésie... c'est un art particulier fondé sur le langage.
Paul Valéry
(Ce qu'ils ont dit de la poésie, des pages à visiter, je vous les recommande).

 

Poéte

Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l'homme des utopies ;
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l''avenir !

Victor Hugo - Les Rayons et les Ombres I, Fonction du Poète

 

R

Rembrandt

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d'un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,
Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement.


Charles Baudelaire Les Phares in Spleen et Idéal in Les Fleurs du mal 

Rêve

Dans le doux rêve où s'agite
Ma mie endormie encor...
-- Vite, vite,
Car voici le soleil d'or.

Paul Verlaine, II in La bonne Chanson

Rubens

Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer.

Charles Baudelaire Les Phares in Spleen et Idéal in Les Fleurs du mal

Ruisseau

Ici sur les cailloux et là-bas sur la mousse,
On entendait la voixd'un limpide ruisseau,
Ruisseau dont les deux bords se suivent sans secousse
Lieu sauvage, ombragé d'un chêne et d'un bouleau.

Rose Harel

Découvrez Rose Harel (1826-1885) : Rose Harel, servante-poète par Marie de Besneray.

S

Saint-Valentin

Cf. A poor Young Shepperd

Saule

Un Saule
À Louise Héger.
Est-il tordu, troué, souffrant et vieux !
Sont-ils crevés et bossués, les yeux
Que font les nœuds dans son écorce !
Est-il frappé dans sa vigueur et dans sa force !
Est-il misère, est-il ruine,
Avec tous les couteaux du vent dans sa poitrine,
Et, néanmoins, planté au bord
De son fossé d'eau verte et de fleurs d'or,
A travers l'ombre et à travers la mort,
Au fond du sol, mord-il la vie, encor ! 

Un soir de foudre et de fracas,
Son tronc craqua,
Soudainement, de haut en bas.

Depuis, l'un de ses flancs
Est sec, stérile et blanc ;
Mais l'autre est demeuré gonflé de sève.
Des fleurs, parmi ses crevasses, se lèvent,
Les lichens nains le festonnent d'argent ;
L'arbre est tenace et dur : son feuillage bougeant
Luit au toucher furtif des brises tatillonnes
L'automne et ses mousses le vermilllonnent ;
Son front, velu comme un front de taureau,
Bute, contre les chocs de la tempête ;
Et dans les trous profonds de son vieux corps d'athlète,
Se cache un nid de passereaux.

Matin et soir, même la nuit,
A toute heure je suis allé vers lui ;
Il domine les champs qui l'environnent,
Les sablons gris et les pâles marais ;
Mon rêve, avec un tas de rameaux frais
Et jaillissants, l'exalte et le couronne.

Je l'ai vu maigre et nu, pendant l'hiver,
Poteau de froid, planté sur des routes de neige ;
Je l'ai vu clair et vif, au seuil du printemps vert,
Quand la jeunesse immortelle l'assiège,
Quand les bouquets d'oiseaux fusent vers le soleil ;
Je l'ai vu lourd et harassé, dans la lumière,
Les jours d'été, à l'heure où les grands blés vermeils,
Autour des jardins secs et des closes chaumières,
S'enflent de loin en loin, comme des torses d'or ;
J'ai admiré sa vie en lutte avec sa mort,
Et je l'entends, ce soir de pluie et de ténèbres,
Crisper ses pieds au sol et bander ses vertèbres
Et défier l'orage, et résister encor.

Si vous voulez savoir où son sort se décide,
C'est tout au loin, là-bas, entre Furne* et Coxyde,
Dans un petit chemin de sable clair,
Près des dunes, d'où l'on peut voir dans l'air,
Les batailles perpétrées
Des vents et des nuées
Bondir de l'horizon et saccager la mer.

Émile Verhaeren, La Guirlande des dunes, 1909.
Furne : peut-être s'agit-il de la ville de Furnes située en Flandre Occidentale en Belgique.

Sauterelle

Ici gît, Étranger, la verte sauterelle
Que durant deux saisons nourrit la jeune Hellé
Et dont l'aile vibrant sous le pied dentelé
Bruissait dans le pin le cytise ou l'airelle.

Elle s'est tue, hélas ! la lyre naturelle,
La muse des guérets, des sillons de blé ;
De peur que son léger sommeil ne soit troublé,
Ah ! passe vite, ami, ne pèse point sur elle.

C'est là, Blanche, au milieu d'une touffe de thym,
Sa pierre funéraire est fraîchemet posée.
Que d'hommes n'ont pas eu ce suprême destin !

Des larmes d'une enfant sa tombe est arrosée,
Et l'Aurore pieuse y fait chaque matin
Une libation de gouttes de rosée.

José-Maria de Heredia, Épigramme funéraire in Les Trophées, 1894.

Souvenir

Un souvenir heureux est peut-être sur terre
        Plus vrai que le bonheur ;
Alfred de Musset, Poésies Nouvelles (1835-1840).

Style

Le style n'est que l'ordre et le mouvement qu'on met dans ses pensées.
Buffon Discours sur le style


T

Théâtre

Or justement le théâtre, parce qu'il parle -- simplement parce qu'il parle -- fait figure d'incitateur -- parce qu'il fait promptement effet sur le monde...
Antoine Vitez, L'Essai de solitude

U

Usine

Se regardant avec les yeux cassés de leurs fenêtres
Et se mirant dans l'eau de poix et de salpêtre
D'un canal droit, marquant sa barre à l'infini,
Face à face, le long des quais d'ombre et de nuit,
Par à travers les faubourgs lourds
Et la misère en pleurs de ces faubourgs,
Ronflent terriblement usines et fabriques.Émile Verhaeren, Les Usines in Les Heures claires, 1893.

V

Venise

Venise pour le bal s'habille,
De paillettes tout étoilé,
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.

Théophile Gautier Carnaval in Émaux et Camées

Vent

Et le vent, cette nuit, il en a fait de belles !
Ô dégats, ô nids, ô modestes jardinets !
Mon cœur et mon sommeil : ô échos des cognées !...
Tous ces rameaux avaient encor leur feuilles vertes.
Les sous-bois ne sont plus qu'un fumier de feuilles mortes ;
Feuilles, folioles, qu'un bon vent vous emporte
Vers les étangs par ribambelles,
Ou pour le feu du garde-chasse,
Ou des sommiers des ambulances
Pour les soldats loin de la France.
Jules Laforgue, L'Hiver qui vient in Poésies complètes.

Verlaine

Son être est secoué par l'angoisse ou rasséréné par la prière ; il est brûlant toujours, soit de vices, soit de vertus. Flammes rouges ou lueurs blanches le ravagent ou l'illuminent de leurs brûlures ou de leurs clartés. Il est homme profondément, autant qu'il est chrétien. Et c'est cette nature double qu'en grand poète il a exprimée, chantée et immortalisée.
Émile Verhaeren, Paul Verlaine.
Verlaine qui va titubant,
Chantant et semblable au dieu Pan
Aux pieds de laine,
Es-tu toujours simple et divin,
Ivre de ferveur et de vin,
Bon saint Verlaine ?
 
Anna de Noailles, L’Ombre des Jours, 1902.

Vieux

Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps
Ils se tiennent par la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant
Et l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère
Cela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer…

Jacques Brel in Les Vieux
Sur proposition de Fernande Germain

Villon

Chère ombre de François Villon,
Qui, comme un grillon au sillon,
Te fis entendre,
Que n’ai-je pu presser tes mains,
Quand on voulait sur les chemins
Te faire pendre !
Anna de Noailles, L’Ombre des Jours, 1902.

Vénus

Et le zénith s'emplit de lueurs sourdes,
Blanche, Vénus émerge, et c'est la Nuit.
Paul Verlaine, VI - L'Heure du berger, in Poèmes saturniens - Paysages tristes.

Vin


Le vin qui coule des pressoirs
Est moins traître que ses yeux noirs.

Charles Cros, Les Quatre Saisons- L'Automne

Vinci

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays.

Charles Baudelaire Les Phares in Spleen et Idéal in Les Fleurs du mal

.

W

Watteau

Watteau, ce carnaval ou bien des cœurs illustres,
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant.

Charles Baudelaire Les Phares in Spleen et Idéal in Les Fleurs du mal 

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Mise à jour le : 2004-12-05