La Doline de Roucadour et les fouilles depuis 1995
par Jean Gascó Chargé de recherche CNRS - UMR 150
E.H.E.S.S. - Collège de France
- Université Toulouse III P. Sabatier
La doline de Roucadour a été
occupée en son centre aux âges des métaux
et au cours du Néolithique moyen. L'emplacement étudié
est à plus de 35 m du porche effondré de la cavité.
Il est évident que certaines installations ont pu se cantonner
à un secteur de la doline. Ainsi nous savons que l'âge
du Bronze final et moyen, sont au moins présents dans le
secteur proche du porche.
La stabilité du bassin versant
de la doline et le faible apport sédimentaire depuis le
bronze ancien, en l'espace de moins de 4000 ans est à souligner.
Un élément d'explication tient peut-être au
statut du site depuis le Néolithique moyen : une première
étude indique en effet qu'autant pour C1c (Chasséen)
que pour les niveaux du Bronze ancien moyen (C1, 1a et 1b) les
occupants de Roucadour étaient des chasseurs très
actifs (en C1c les animaux domestiques seraient à peine
43.1 %). Le milieu forestier proche pouvait être alors en
situation très stable.
Une suite d'occupations au bronze
ancien
Il semble que le secteur étudié
depuis 1995 ait été une zone d'habitat important
; pour le bronze ancien, la stratigraphie que nous étudions
établie l'existence probable d'une zone de rejet à
proximité d'une construction à ossature bois. Elle
permet de mettre en évidence une évolution chrono-culturelle
dont il faudra mesurer la durée. De ce point de vue, tous
les horizons supérieurs que nous avons étudiés
appartiennent à l'âge du bronze ancien. Les distinctions
stratigraphiques sont là, qui confortent une certaine chronologie
interne de cet ensemble, malgré les interrelations qui
existent dans les lots de mobiliers.
Il est possible que C1, le niveau plus
récent, marque une transition avec le bronze moyen régional.
On sait qu'en la fouille ancienne (Arnal 2) a livré de
bons témoins (polypodes, décors gravés, etc.)
de cette phase qui n'a pas été trouvée dans
nos travaux. Mais C1 appartiendrait à une sphère
encore séparée de la culture dite du causse de Gramat
ou du groupe du Noyer.
Pour l'horizon C1a, les données
de terrain nous conduiraient à envisager un processus de
mise en place assez rapide, lié à une fréquentation
forte de la doline, avec une mise en culture brutale et intense
du plateau ; des circonstances particulières de pluviométrie
pourraient expliquer la puissance du dépôt caillouteux,
bien que les calibrages et les altérations des blocailles
puissent aussi indiquer d'autres circonstances de mise en place
des différents assemblages de mobilier. C1b pourrait être
en fait pratiquement contemporain du cailloutis mobilisé
en C1a. Ces ensembles dateraient du bronze ancien.
La découverte d'un ensemble de
cette période en Quercy est une donnée importante
sur le plan régional. En Aquitaine et dans le sud ouest
du Massif Central le Causse de Gramat apparaît comme une
marge indéfinie qui se trouve alors au centre d'influences
multiples et concurrentielles. Au point de générer
des synthèses variées ? La question a été
posée, avec provocation, en comparant il y a plusieurs
décennies les données de Marsa, la grotte du Noyer,
etc. La révision des sources s'imposait dès cette
époque. Selon la portée du regard, cet espace perd
toute identité propre en étant rattaché " à
la marge " à divers ensembles majeurs de régions
éloignées. Il semble que la doline de Roucadour
devrait aider à mieux définir l'identité
locale des cultures de cette période ; elle semble aussi
devoir concourir à recentrer, pour cette région,
la question du bronze ancien en introduisant une composante massif
central aux liaisons supposées avec le monde continental
Rhin-Rhône et en permettant de réévaluer les
composantes autochtones des évolutions culturelles régionales.
Une très rare maison du
néolithique moyen dans la doline
Un hiatus très net dans la stratigraphie oppose le cailloutis du bronze ancien aux niveaux argileux du Néolithique moyen. La présence d'un riche horizon chasséen permet d'envisager un éclaircissement rapide de la stratigraphie de la doline, bien que notre objectif reste une exploitation planimétrique large des divers horizons mis au jour. Les difficultés réelles de la stratigraphie de ce site sont en partie dues aux phénomènes de remplissage de la doline et aux aléas anthropiques qui s'y ajoutent. Nous noterons que C1c appartient à cet ensemble chasséen. Un C14 (LYON -416/AA-23358) donne la date de 3943-3708 avant J.-C.
La découverte d'un ensemble de
plusieurs structures d'habitat chasséenne est un fait important
qui confirme la présence de constructions dans la doline.
Il ne peut s'agir de simples dépôts périphériques,
phénomène que l'on ne peut exclure totalement pour
les horizons de l'âge du bronze ancien, malgré la
présence de quelques calages de poteaux organisés.
Avec le Chasséen, une portion
de construction en bois, probablement à doubles poteaux
porteurs et piquets a été découverte. Elle
est probablement rectangulaire. La présence de deux foyers
intérieurs qui paraissent avoir été édifiés
avec une superstructure de terre donne à l'ensemble un
caractère assez durable. Le feu principal a été
longtemps utilisé, y compris après l'effondrement
de sa coupole ou de son entourage de terre. Une indication utile
sera l'étude des meules et des roches percutées
ou polies très abondantes et probablement complémentaires.
Mais l'abondance de la vaisselle témoigne aussi d'un haut
degré d'équipement. Tout ce mobilier traduit peut-être
une certaine durée d'occupation mais dans une continuité.
L'économie apparente du gaspillage s'accompagne d'une conservation
in situ des déchets, parfois de leur réutilisation
comme les fragments de meules ou les ossements qui sont utilisés
dans les calages de poteaux.
Les restes osseux peu bouleversés
(connexions démembrées ou regroupements) sont en
très grand nombre. Il devrait permettre d'approcher l'alimentation
et le fonctionnement saisonnier de cette unité d'habitat
et de fixer les caractères forts de l'occupation du site.
Les premiers résultats concernant essentiellement le bronze
ancien sont éloquents.
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