L'EXPERIENCE Journal de Médecine et de Chirurgie. N° 81 ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE Séance du 15 Janvier 1839 |
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M. Bouillaud lit un rapport sur un mémoire de M. le docteur Bonhomme, concernant le tournis chez l'homme (voir
l'Exp. 5 juillet 1838, n° 49). L'auteur attribue cette singulière maladie à une compression des
pédoncules cérébraux. Dans un des cas qu'il rapporte et qu'il a observé, il y avait exostose
du bord de la gouttière basilaire ; M. Bouillaud termine les réflexions dont il accompagne ce mémoire,
en disant que malgré les admirables progrès que les modernes ont fait faire à l'étude des fonctions
cérébrales, le sujet est à peine effleuré ; que les faits bien observés ne sont pas assez
nombreux pour asseoir une opinion certaine ; enfin que l'on doit adresser des remerciements à l'auteur du mémoire
et l'engage à continuer les recherches.
M. Castel fait observer que l'on n'a pas élucidé la question d'étiologie ni de thérapeutique.
Il pense que le vertige, l'épilepsie et l'apoplexie sont des degrés différents
d'une même affection. Pour lui le vertige de l'homme n'est autre chose que le tournis
du mouton, et l'on n'est pas parvenu à déterminer le siège de cette affection, pas plus qu'à
localiser les facultés intellectuelles.
M. Rochoux admet les restrictions que M. Bouillaud a apportées à la fin de son rapport. Quant au fait
en lui-même, la pièce qu'il a eue sous les yeux ne lui paraît pas concluante : y a-t-il réellement
exostose ?
M. Barthelemy. Les moutons ne sont pas seuls sujets au tournis, on rencontre aussi cette maladie chez le boeuf, le
cerf et le chevreuil. Mais elle est très commune dans l'espèce ovine, surtout pendant les deux premières
années de la vie. Elle est constamment produite par des acéphalocystes développés dans les ventricules.
Ces kystes sont quelquefois tellement considérables, que l'on a vu la substance cérébrale être
entièrement détruite par leur présence. Alors les parois du crâne sont amincies, flexibles et
permettent de constater la fluctuation ; ce qui sert de guide quand on veut ponctionner. Cette maladie fait quelquefois
périr un cinquième des agneaux.
M. Gerdy pense que M. Bouillaud a grand tort de traiter d'admirables les progrès que l'étude des fonctions
cérébrales a faits ces derniers temps. M. Bouillaud regarde la méthode expérimentale, c'est-à-dire
les vivisections, comme la méthode par excellence ; qu'a-t-elle produit, pour ne parler que du sujet actuellement
en question ? Les résultats les plus bizarres et les plus incohérens. On étudia le cerveau pour apprendre
quelque chose des facultés intellectuelles dont il est l'organe, et l'on obtint que des phénomènes
de locomotion. Mais de ce coté du moins, la méthode tant vantée, conduisit-elle à des résultats
constans ? pas davantage. Consultez les expérimentateurs, non seulement ils ne sont pas d'accord entre eux, mais
encore chacun d'eux annonce des résultats opposés et contradictoires les uns aux autres. M. Gerdy a, lui aussi,
tenté des expériences et maintes fois il est advenu tout le contraire de ce que d'autres observateurs avaient
avancé. Ainsi dans les expérimentations on interroge la nature sur un point, elle répond sur un autre.
Et ici encore elle échappe aux investigations. Il n'en est pas de même en physique et en chimie. Ici les faits
sont bien plus positifs, il n'y a même pas la moindre analogie : en un mot, pour le système nerveux on peut
dire que la loi, c'est la discordance.
M. Barthelemy donne quelques explications sur la ponction dont il a parlé. On perce le cerveau avec un troquart
et l'on tâche d'accrocher les parois de l'hydatide pour l'emporter.
M. Bouillaud avait pensé que les restrictions apportées dans son dernier paragraphe, étaient
de nature à concilier toutes les opinions. Cependant il ne peut s'empêcher d'admirer les grandes découvertes
que doit aux modernes l'histoire du système nerveux. Les nerfs paraissent sans doute bien semblables, et cependant,
au moyen des expériences, on a pu constater que les uns servent exclusivement à la sensibilité, les
autres exclusivement aux mouvements. Les parties antérieures et postérieures de la moelle ne sont-elles pas
chargées séparément de l'une de ces deux grandes fonctions. Quant au cerveau, il ne faut pas s'arrêter
ici à une localisation circonscrite, mais aux grandes masses. Or, le cerveau ne sert-il pas à l'intelligence,
le cervelet aux phénomènes de la station, etc ? Qui l'a démontré : l'expérimentation.
Mais il faut faire avec soins les expériences, il faut simuler des maladies, emporter une portion du cerveau, laisser
guérir l'animal et attendre quelques mois : alors on obtient des résultats semblables à eux-mêmes.