TRAICTE DE L'EPILEPSIE,
Maladie vulgairement appellée au pays de Prouence, la gouttete aux petits enfans.

Compofé par M. Iean Taxil, Docteur en Medecine, natif des Sainctes Maries, Medecin d'Arles.

A Lyon, M. DCII.


LIVRE I, Chapitre 2

Que toute Epilepfie eft caufee de certain venin.


La definition que i'ay cy deuant donné à l'Epilepfie eft affez bien affermie en fes differences, tant pour le refpect de l'autheur d'ou elles font efté puifees que par les raifons que i'ay dict ; maintenant le principal gift à fouftenir le genre que nous luy auons donné, qui eft intemperature |A5| indicible & veneneufe, lequel genre n'eft de l'opinion de tous, mais de quelques particuliers feulement, & encore le difent-ils en paffant fans en parler appertement, & parce que c'eft le fondement & principal appuy de tout mon labeur & edifice, ie defire l'etançonner par tous moyens, & le fouftenir veritable par toute forte de preuue. Tous ceux qui à rame, & a voile fouftiennẽt que l'Epilepfie eft caufee d'humeur, faifant obftruction au cerueau & en fes meats, font encore contraints de confeffer que quelque vnes font caufees de veneneufe & maligne qualité, & toutesfois ils ne mettent, ny affignent aucuns fymptomes particuliers, tant petits foient ils, qui foient en l'vne plus qu'en l'autre : mais comme fe pourroit il faire cela ? que telles efpeces d'Epilepfie fi differentes, & fi efloignees de caufe, produifent toutesfois des accidẽs femblables, & en rien differens ? la fiebure peftilentiale & veneneufe, de combien la void on differer des autres fiebures humorales ? les bubons veneneux de combien les void on differer des autres bubons humoraux fimplemẽt ? la varieté des caufes ne produit elle diuers effects ? l'experience nous faict voir à œil clos, qu'il y à d'Epilepfies veneneufes, cõme font celles qui font faictes de la morfure d'vn Scorpion ou de quelque autre venenofité enclofe dans le corps, montant par interualle au cerueau. Et Galien au troifieme, de Locis affectis, chapitre feptieme, nous faict la preuue |11| de telle experience, difant auoir veu deux enfans Epileptiques, qui fentoient manifeftement mõter la qualité veneneufe iufques au cerueau : mais que les humeurs puiffent caufer ce mal, il n'y a point d'experiẽce qui nous faffe voir cela, mais feulement quelque raifon vrayfemblable qui tient attachez ces autheurs à cefte opinion, difans, que les ventricules du cerueau eftans à demy plains, & les meats, & conduits des fens oppilés, il s'enfuit que l'entendement eft lesé, & les fens auffi, & s'efforçant le cerueau de refifter ce qui luy eft contraire & nuifible, eft caufee cefte conuulfion : mais dequoy feroit differente l'Epilepfie de l'apoplexie diminuee ? puifque l'apoplexie diminuee felon eux mefmes à fa matiere (cõme l'Epilepfie) dans les vẽtricules du cerueau, lefquels ne font pas plains, mais à peu pres, leur difference ne feroit que du plus & du moins, à pis aller : car on diroit qu'il y à encore moins d'humeur à l'Epilepfie, qu'à l'apoplexie diminuee, ainfi ne verroit on telles maladies differentes en efpece, ce que touteffois eft faux, car la difference en eft fpecifique. Pourquoy eft ce que l'Epilepfie auroit tant de fuite, & laifferoit tant d'habitude à la partie de retomber de nouueau, pluftoft que l'apoplexie ? feroit ce qu'elle debiliteroit dauantage le cerueau, par ce peu d'humeur dõt elle eft produite, que l'apoplexie par plus grande quantité ? non, non, cela n'eft pas toucher au nœud : car l'apoplexie eftant plus forte affection par la quantité des humeurs dont elle eft caufee, deuroit debiliter de tant plus le cerueau, le rendent fubiect à tant plus grande generation d'excremẽs ou reception d'humeur, & cependant nous voyons peu d'apoplectiques (efchapés du dãger) qui retombẽt, mais plufieurs Epileptiques. Doncques faut qu'il y aye quelque chofe à l'Epileptique qui debilite le cerueau, qui n'eft pas à l'apoplexie, & caufe ces accés periodiques, qui n'eft autre (puis que ce n'eft pas l'humeur) qu'vne maligne, & veneneufe quantité, qui toute fa forme attaquant le cerueau le debilite par le conflit qui eft entr'eux, & fe trouuant muffee en quelque part ne demande que l'opportunité pour eftre de nouueau mife en euidence, & faire ce mal. D'abondant pourquoy ne precederoit toufiours l'Epilepfie à l'apoplexie fi leur difference n'eftoit que du plus, & du moins, de l'humeur flué ou amaffé dans le cerueau ? car il eft certain qu'à coup l'apoplexie ne fe faict pas, ains petit à petit, & auec le temps les ventricules fe rempliffent des humeurs, cõme veut Paulus Agmeta, liure troifiefme, chapitre 18. Et lors qu'ils feroient plains en proportion pour faire l'Epilepsie, ne la produiroient elle toufiours indubitablement ? veu que par la prefence des caufes les effects s'enfuyuent ? & ainfi iamais l'apoplexie n'aduiendroit qu'apres l'Epilepfie, ce qui eft efloigné de la verité, comme nous defcouure l'experience iournaliere, car nous |13| voyons fouuent l'apoplexie aduenir fans l'Epilepfie precedente ; & pourquoy en fin de l'Epilepfie ne tomberoit on en apoplexie, veu que le cerueau eftant toufiours debilité par l'humeur, il en feroit toufiours plus farcy ? & toutesfois nous en voyons plufieurs comme dit Cardan au fecõd des Aphorifmes, Aphorifme quarantecinquiefme, qui auront efté tourmentés de ce mal par l'efpace de vingt ans, & ne font iamais tombés en apoplexie. Hyppocrate au liure de flatibus affeure que la caufe de toute Epilepfie, quelle qu'elle foit, n'eft autre qu'vn flatus. Capiuaccius commentant fur Galen fur cefte opinion adiouftant ces raifons, que puis que c'eft vn accident qui arriue fi toft & paffe fi toft, qu'indubitablement la caufe doit eftre fubtile & legere ; car vn humeur cras & vifcueux ne pourroit fi toft eftre engendré, ny fi toft euacué, donc c'eft quelque efprit flatueux qui fait cela, autant en dit Ioubert, grand perfonnage, au traicté qu'il a faict de la paralifie, en outre fi elle eftoit faicte de pituite, elle fe feroit lors que le corps & le cerueau abondent plus en pituite, mais cela eft faux : car l'hyuer que les corps font plus pituiteux, tant s'en faut qu'elle foit plus mauuaife, que mefme au tefmoignage d'Hippocrate, ceux qui doyuent guerir gueriffent pluftoft en ce temps là qu'en aucun autre. Mais quel eft ce flatus que nous difons eftre la principale caufe de ce mal ? Eft-ce des vents ordinaires qui s'efleuent des |14| matieres aqueufes ou phlegmatiques, cõme il femble que veulent Ariftote & Auicenne ? Non ces vents ne peuuent eftre des ordinaires, car nous voyons les rheumatiques qui par vne chaleur debile ont le cerueau tout rempli des vents faifant vn tel tintamarre en leurs oreilles que rien plus, & leur caufent quelquefois des cephalalgies eftranges par la diftention des meninges, & cependant, tels affligés ne font nullement epileptiques, d'eftre feulement ces vents aux ventricules y faifant diftenfion, il ne pourroyent eftre par toute la fubftãce du cerueau, & à l'origine des canaux des fens, comme ils difent, empefchãt la diftenfion des arteres ; car à faute d'efprits animaux influans de nouueau, l'animal periroit, & eftant en petite quantité, les efprits animaux eftant fubtils, & bouillants irradieroyent toufiours à trauers la fubftance du cerueau, fuyuroyẽt toufiours leurs canaux, & n'y pourroit auoir au pis que quelque endormiffement aux membres, & non conuulfion, quels vents font-ce donc ? ce font ceux qui de toute leur forme ont antipathie auec le cerueau, & auec fes parties, l'irritant & bleffant de telle façon qu'ils caufent tous ces accidẽs, ce font vents femblables à ceux que lon voit s'efleuer des parties externes des epileptiques, & en vn inftant monter au cerueau & faire ce mal, vents qui reffemblent au Virus, ietté par vn fcorpion, lequel en bien petite qualité eftant merueilleufemẽt veneneux, fi toft qu'il |15| attaint le cerueau, auffi toft il caufe ce mal. Bref, c'eft vn vent tel que dit Pelops precepteur de Galen qui s'efleue de quelque humeur contre nature, qui malitieufement attaque le cerueau & y caufe fes ftratagemes fi furieux, car fi la fternuation (qui eft au recit de tous comme vne petite Epilepfie) eft caufee d'un vent extraordinaire & mordicant, comme dit Auerroes, quel fera celuy qui caufera la forte & vraye Epilepfie ? Le mefme Hyppocrate n'euft pas prins tãt de peine d'en faire vn liure à part & l'antiquité ne l'euft baptifée du nom de maladie facrée, s'il n'euft recogneu quelque chofe de grand en cefte maladie, par deffus & outre les maladies humorales ; l'apoplexie, le caros, la paralyfie & autres femblables affectiõs humorales & cephaliques n'euftsẽt elles merité le nõ de maladie facrée auffi biẽ que cefte-cy, finõ par quelque chofe de grãd indicible, & cõme venant des dieux, qui eft en cefte maladie plus qu'aux autres. Ie fçay bien qu'õ m'apportera l'authorité de Galẽ, qui veut que ce mal foit fait d'obftruction par vn'humeur craffe, & vifcueux : mais ie refpons que Galen parle en plufieurs endroits de ce mal, felon l'opinion vulgaire. Aueiga lequel i'oferois appeller la fidelle ame de Galen pour l'auoir fi bien interpreté, au troifiefme, de Locis affectis, fection troifiefme, chapitre feptiefme, dict que l'opinion de Galen n'eft point telle qu'il penfe, que l'Epilepfie foit faicte d'humeur : car ce qu'il en dict |16| c'eft pluftoft en parlant vulgairement, & felon la commune opinion, que non pas par affection, comme quand il dict, que la pierre à la vescie eft vne maladie. Il parle vulgairement, nõ de fa propre opinion : car par tout il confeffe, comme la verité eft telle, que c'eft la caufe de maladie, auffi le mefme citãt l'aduis de fon precepteur Pelops, qui la tenoit faicte d'un vent, & maligne qualité. Il l'interprète feulement, fidellement, & ne luy contredict nullement, que s'il l'euft tenue de fa propre opinion humorale, il ne flatte pas tant qu'il ne l'euft dict franchement, & libremẽt : mais dira on encore au deffaut de la Lune, lors que le cerueau eft moins enflé d'humidité fubftantifique, & par confequent plus remply d'humidité eftrangere & fuperflue, lors que les vents meridionaux foufflent, & rempliffent d'humidité le cerueau, lors que par la grande douleur des dents, le cerueau aux petits enfants, endurant beaucoup, engendre force excremens en tous ces temps là, on void par experience cefte maladie plus frequente, & plus mauuaife, & pourquoy aduiendroit cela, finon qu'elle fuft caufee & excitée par ces humeurs excrementices, dont le cerueau pour lors eft farcy & remply ? Dauantage ne void on pas mefme ces petits tendrelets qui à l'heure du paroxyfme auallent goutte à goutte la pituite, que les plus grãds reiettent en efcume, & baue ? mefme que ceux (dict Hippocrate au liure de facro morbo,) qui bauent, |17| & efcument fort, ne font fubiects à ce mal, & obferuons encore, que ceux qui ont force galle au front, qui font faictes de phlegme fale, ne font que rarement attaints de cefte maladie. D'où viendroit tout cela finon de la caufe du mal que le cerueau s'efforce de reietter hors de foy par les conduits naturels ? Et puifque cela eft humeur pourquoy recherchera-on vne maligne qualité ? Au premier argument ie refpons que le cerueau eftant plus debile par ces caufes dictes, & par la grande quantité d'excremens engendrés, encore dauantage debilité par cefte grande foibleffe, iceluy facilement eft affecté par le Virus, que nous auons dit eftre muffé & caché, ne demandant que quelque occafion pour faire ce mal, car pour fort que foit l'agent il ne peut rien fans la difposition du fubiect, laquelle occafion fe prefentent plus propre en ce temps qu'en autre, il ioüe fon perfonnage ; mefme qu'iceluy Virus s'aide & fe plaift en telle forte d'excremẽs, craffe & vifqueux, tout ainfi qu'en la goutte qui eft de mefme maladie veneneufe felon aucuns, le paroxyfme arriue lors que le corps eft remply de force humeurs fuperflues, lefquels accompagnẽt bien le Virus arthretique, mais toutesfois ne font principale caufe de ce mal, car s'il ne falloit fimplement que ces humeurs pour faire l'Epilepfie, tous les petis enfans qui feroyent abondans en phlegme lors qu'ils feroyent leurs dẽts, & au defaut de la Lune ils feryoẽt |18| tout & par tout affectés de ce mal, mais cela eft faux, car il y a des enfans fort pituiteux autãt ou plus que ceux qui font epileptiques, lefquels ne font nullement tourmentés de ce mal, mefmes il y a des lieux, où nul, ou bien rarement en eft attaint pour pituiteux qu'il foit. Au fecond argument ie refpons qu'il eft vray qu'on entend decouler fes phlegmes de cefte partie : mais c'eft à caufe que cefte contagieufe malignité, irritãt le cerueau par toute fa forme, faict que le cerueau fe comprime & referre en foy comme vne efponge, & par confequant la pituite decoule en bas, & fi la pituite decoule ainfi en bas par la rigueur du paroxyfme, & par l'effort du cerueau, faut il pourtant conclurre que c'eft la pituite qui foit la caufe de ce mal, n'eftant cette fluxiõ qu'vn fymptome d'iceluy ? A vne fuffocatiõ de matrice, n'entendez-vous pas fouuent decouler des phlegmes du cerueau ? & dirés-vous que la pituite que decoule foit la caufe de telle affection ? les verollés apres auoir efté biẽ grillés & bocanés, ayant par la force du mercure paffé du royaume de furie en claquedent & bauiere, ne leur voit-on reietter par la bouche des grandes filaffes de phlegmes ? ce qui n'eft pas toutesfois la caufe de leur mal, encore qu'ils foyent gueris par telle bauerie ; mais le Virus verolique par la force de nature eft expulfé auec tel humeur auquel principalemẽt il eft attaché. Quãd à l'authorité d'Hippocras, & à l'expérience, nous refpondõs que |19| tels ieunes baueux & rafcheux monftrent la bonté de la vertu expultrice du cerueau, qui ne permet feiourner ni croupir aucũ humeur fuperflu dans iceluy, & par confequent eftãt ainfi net & purifié n'endure qu'aucun Virus foit engendré en iceluy, & ainfi ne font fubiets que rarement à ce mal. Ie fçay bien que Galen interpretant Hippocrate dit, que cefte maladie eft guerie par remedes deffechãs, dequoy quelqu'vn pourroit inferer qu'elle eft donques humide, puis que le contraire guerit fon contraire. A quoy ie refpons que les medicamens fecs font vrayement bons pour curer cefte maladie icy, non pas comme s'attaquant principalement à l'humeur ; mais en abfumant le Virus, comme nous voyons à la verolle, laquelle eft guerie par medicamens, lefquels viennent à abfumer le Virus verollique, & les humeurs quant & quant, où il eft placé & logé : car les medicamens fecs ont pouuoir de guerir les plus occultes intemperies, comme il nous appert aux maladies externes & veneneufes, comme aux carbõcles, à la morfure du chien enragé, ou de quelque autre befte veneneufe, aufquels maux les plus celebres remedes font ceux qui deffechent puiffamment, voire iufques au quatrieme degré, comme le cauftic actuel & potentiel aplliqué fur le mal mefme. Ce n'eft donc fans caufe à la verité que Ariftote grãd inueftigateur de la verité, & apres luy Auerroes docteur fubtil, & ce prince des Arabes. Auicẽne |20| ont dit tous d'vne voix, que toutes Epilepfies eftoyent caufées d'vn certain flatus au recit d'Aueiga au lieu ia allegué, lequel flatus eft bien different de l'humeur qui caufe l'Apoplexie difant apertement, que la difference de la paraplexie à l'Epilepfie eftre que la premiere eftoit faicte d'humeur, & l'autre de flatus. Quelquesfois les remedes nous defcourent le naturel des maux, lors que nous fommes plus empefchés fur la cognoiffance d'iceux comme ils font biẽ en cefte maladie icy ; car les plus excellẽs & celebres remedes contre icelle felon l'opiniõ de tous, & l'experience iournaliere, ce font ceux qui contrarient à la venenofité lefquels nous appellons alexipharmaques, cõme la theriaque, le mitridat, la pæonia, & tels femblables, dõt on verra cy apres nos receptes farcies : mais à quel propos feroyent-ils ces remedes excellens cõtre la violance de ce mal fi elle eftoit humorale, puifque il eft affeuré qu'ils ne combattẽt que la maligne qualité ? & qu'ils ne purgent ni euacuent les humeurs ? Les medicamens cathartiques ne feroyent-ils beaucoup plus excellens, lefquels ont vertu de purger les humeurs, d'obftruer les voyes, les meats & ventricules du cerueau, & toutesfois on voit tels medicamens purgatifs ne profiter que peu ou du tout rien, au refpect des beaux effects de ces medicamens, lefquels entre tous les autres nous voyons eftre fouuerains pour toute efpece de ce mal, quelque particulier temps |21| ou aage où il foit trouué ? d'où il nous faut de neceffité conclurre qu'il y a quelque caufe commune en toutes ces efpeces aufquelles ces remedes font efgallement bons, laquelle n'eft pas faicte d'humeur, & à celles-là ces remedes ne vaudroyent rien. C'eft donc à la venenofité à qui s'attaquent ces remedes. D'abondant fi c'eftoit à l'humeur à qui s'attaquafsẽt ces remedes feroit à vne particuliere humeur, & non à toutes efpeces d'ont on penfe que ce mal foit produit, & ainfi ce medicamẽt ne vaudroit à toutes les efpeces d'Epilepfie, & que n'en feroit-il de mefme aux autres maladies humorales & cephaliques ? En outre i'oferois affermer, & penfe eftre la verité contre ces autheurs qui font fimplement cefte maladie humorale, que fi ainfi eftoit ils failliroyent en l'ordonnance de leur remede alexipharmaques, parce qu'ils nuiroyent beaucoup plus qu'ils ne profiteroyẽt aux malades, car s'il n'y a point de venenofité contre laquelle ces remedes ont proprieté d'agir, à faute de rencontrer leur propres obiects, eftant toutesfois reduicts de puiffance en acte par la chaleur naturelle, iceux remedes retenant la nature moyenne entre le medicament & le venin, ils troubleront & altererõt indubitablemẽt la nature, & le patiẽt, fans l'alleger aucunemeẽt, ce qui eft confirmé par Hippocrate parlãt ainfi, Helleborus malus bonas carnes habentibus, & par Galen auffi lequel au traicté de la theriaque chapitre |22| quatriefme dit, que la decoction du trifolium qui entre en icelle, guerit la morfure de la vipere & des araignées ; mais fi on en fomente vne partie qui ne foit efté bleffee du venin, elle baille les mefmes douleurs que le venin mefme, en defaut de fon obiect. Que fi on fe rend opiniaftre à toutes ces raifons & authorités, ie viendray à la preuue des preuues, qui eft l'experience, empruntant premierement l'ayde de ce grand perfonnage Fernel, au fecond liure des caufes occultes, chapitre onziefme & quinziefme, lequel ne fe pouuant perfuader que cefte maladie fuft humorale, toutesfois ayant des graues autheurs qui quafi le forçeoient de le croire, laiffant à part toutes paffions, vint à l'experience, comme l'affeuree guide de la verité, fift ouuerture de plufieurs corps morts de la violãce de ce mal, mais il ne trouua iamais humeur aucun dans les ventricules, & entre autres ayant faict ouurir le crane d'vn Philofophe mort de ce mal. Il treuua vne certaine tafche comme noire, fœtide & cadauereufe, qu'il auoit à la dure mere, & à vn autre treuua le cerueau fort puant fans humeur dans les ventricules, tellement que s'il y euft eu de l'humeur qui euft caufé cefte maladie ne l'euft-il treuué auffi bien & mieux que la maligne qualité, qui eftoit reprefentée par ces puantes vapeurs & noyrceur des parties ? il n'y a point de doubte en cela. I'ay efté curieux de voir la verité de ce faict par l'experience, & ay faict ouurir les |23| cerueaux de quelques enfans morts de l'Epilepfie, mais ie n'ay iamais peu remarquer humeur dans les ventricules en quantité notable pour caufer ce mal, & entre autres ie fis ouurir l'année paffée vn fils de Mõfieur Bareme Docteur és droicts & Procureur du Roy en la ville d'Arles, par maiftre Didier Cheualier chirurgien, homme de bien, verfé en l'anatomie & en toutes parties de la chirurgie, mon grand amy, en la prefence de Monfieur Petit, grand pere de l'enfant & de plufieurs autres, & ayant bien veu, non feulemẽt les ventricules anterieurs, mais encore tous les autres nets, & exempts d'humeur, la fubftance du cerueau eftant de bonne confiftance fãs eftre trop humide, en fin nous ne treuuafmes pour toutes chofes qu'on peut reputer eftre caufe de la mort & maladie du defunct, qu'vne petite tafche noire qui eftoit en la dure mere de la largeur de l'ongle ou enuiron, qui fuft veuë de tous les affiftans, laquelle tafche (tout ainfi cõme celle de l'histoire fufdite de Fernel) nous cõclumes auoir efté caufée de quelques humeurs malins & mordicans, d'où auoit efté excitée l'Epilepfie : toutes lefquelles experiences font ample foy que tel mal eft caufé de quelque malignité & non d'aucun humeur.