DU 11 AOUT 1999


Une éclipse totale de soleil est toujours un événement exceptionnel.
Depuis plusieurs semaines nous nous préparions fébrilement pour  ne rien manquer de ce spectacle unique.
Quelques membres du Club ont pu observer cette éclipse malgré une météo défavorable.
Voici le récit de l'un d'entre eux.
 
Le grand jour arrive.
Pour cette éclipse du  11 août nous avions prévu d'observer et de photographier à Amnéville  en Moselle. Dès le mois de février  des contacts ont été pris avec nos amis du club d'astronomie d'Amnéville et une chambre d’hotel avait été retenue à proximité du site d’observation.
Le 10  août à 5 H du matin, nous quittons l’ Auvergne avec une voiture bien  chargée, en direction de la Lorraine.
Le matériel.
Télescope  newton 130/720 sur monture équatoriale,  avec boîtier reflex motorisé  et film diapo 100 ISO ; mise  au point à pleine ouverture sur les taches solaires en retirant le prisme et en examinant le dépoli avec une loupe d'horloger. Le télescope a ensuite été diaphragmé à  f11 pour augmenter la latitude de mise au point. Filtre Mylar grade 5  et filtre jaune pour la phase partielle.
Appareil  6x9   fabriqué "maison"   pour réaliser un chapelet avec objectif de  105 mm f 4,5, et film négatif de 400 ISO. Cet appareil était  solidement fixé à un support incliné à 53° sur l'horizon. Le chapelet n’a pu être réalisé à cause des nuages trop nombreux.
Un  boîtier reflex  était destiné à photographier   planètes et  étoiles  pendant la totalité .de Soleil du 11 Un appareil  24x36  type "compact" ( objectif de 40 mm) a servi à faire des photos d'ambiance.
Les bruits environnants ont été enregistrés avec un vieux magnétophone  Philips datant des années  1965.août 1999.

Incertitudes météo

Dans la soirée, la météo annonce les plus mauvaises conditions d'observation en région Alsace et Lorraine.
Avec ma femme, nous décidons un repli stratégique vers la région Champagne-Ardennes. Plusieurs de nos amis d'Amnéville décident de rester tout de même sur place.
 

Le 11 dès 7 heures, nous partons en direction de Reims. Au-dessus de nos têtes, le ciel se maintient obstinément gris. Nous dépassons Verdun et Ste- Menehould au milieu d'une circulation clairsemée. A Suippes nous allons plein Nord en direction de Mazagran. La file de voitures se fait plus dense et on commence à voir du monde dans les champs. 
A 9 H 30, les nuages sont à peine moins nombreux. Nous obliquons vers Rethel, en essayant d'approcher au plus près la ligne de centralité. Le hasard de la circulation nous fait passer par le petit village de Pauvres en direction de Perthes. Un tel itinéraire constitue à lui seul le plus mauvais des présages et tout astrologue nous aurait prédit les plus funestes résultats pour notre entreprise. Mais les astronomes amateurs sont à la fois têtus et optimistes.

A 10 H  il devient urgent de trouver un emplacement car il faut bien une heure pour tout installer.
Nous nous arrêtons en plein champ, à 3 km environ de Perthes, au milieu d'une foule hétéroclite.
Beaucoup ont déjà installé leurs instruments.
Je décharge mon matériel le plus vite possible : monture équatoriale pour le télescope, trépied photo pour le 2e appareil et gros trépied massif pour l'appareil devant réaliser le chapelet. Avec en prime un vieux magnétophone de l'époque héroïque des premières K7 pour enregistrer les bruits autour de nous. A la faveur d'une éclaircie, la mise au point est faite à pleine ouverture sur les taches solaires. De temps à autre, une petite trouée dans les nuages nous met un peu de baume au coeur.
Premières photos de l' éclipse

A 11 H 05 c'est le premier cliché du chapelet. Sept minutes et trente secondes plus tard c'est l'heure du second cliché. Mais le plafond nuageux est à peine éclairci et je dois me résoudre à abandonner mon projet de chapelet.
Avec ma femme, nous faisons à tour de rôle des photos d'ambiance (morose !) parmi les autres observateurs. Dans le ciel, nuages et éclaircies se succèdent. J'arrive à faire quelques photos du croissant. Avec le télescope, je suis la progression de la phase partielle. Par moment, les nuages sont si denses que je dois enlever le Mylar du viseur pour repérer la direction du soleil !

A 3 minutes de la totalité, le croissant du soleil est de plus en plus mince et de plus en plus brillant : il y a une petite trouée dans le rideau de nuages. L'espoir renaît et la tension ambiante augmente nettement. J'enclenche le magnétophone. L'obscurité arrive très vite. Autour de nous les visages ont un aspect terreux dans une nuit qui n'en est pas vraiment une. L'ambiance est vraiment irréelle. A quelques pas un homme donne les indications de son chronomètre : "plus que 30 secondes".
J'enlève le filtre Mylar du télescope et j'agrippe le déclencheur souple. Brusquement, tout se précipite : l'obscurité nous enveloppe, des éclairs de flashs éclatent de place en place, les gens se mettent à crier. J'oublie tout ce qui m'entoure et commence à déclencher en rafale : dix clichés au 1/1000e. Je lève la tête pour voir le spectacle. Le soleil est tout noir et entouré d'un halo très pâle. Je peste contre ces satanés nuages que risquent de tout gâcher. Un coup d'oeil dans le viseur du boîtier photo me révèle un spectacle fascinant : la couronne solaire est bien là, splendide.
 
 

Elle ondule majestueusement autour d'un soleil noir ceinturé de petites taches roses. Le spectacle est réellement fantastique et me cloue sur place. Je crie à ma femme : "il y a plein de protubérances!". Je continue à déclencher en exécutant comme un automate les gestes répétés quotidiennement pendant 15 jours. J'augmente progressivement la durée des expositions tout en regardant le spectacle. Seule la couronne est visible ; étoiles et planètes restent cachées. Je passe au 2e boîtier avec un objectif de 35 mm. Je fais 2 clichés puis remplace l'objectif par le super grand-angle de 17 mm. Je bascule l'appareil verticalement et fais 4 autres clichés. Je reviens vers le télescope car le soleil va bientôt réapparaître.

Je fais une nouvelle série de clichés en rafale au 1/1000 pour tenter d'avoir la perle et quelques beaux grains de Baily. De nouveaux cris parmi la foule au moment ou le soleil réapparait. Ca y est, c'est fini. Ou presque. Je remets le filtre Mylar pour finir ma pellicule avec quelques photos du mince croissant solaire. A la radio, nous entendons en direct les reportages sur les différents sites. En Normandie les observateurs ont presque tout vu. Au château de Malbrouk et en Lorraine, c'est la déception. A Noyon, la journaliste se lamente : "nous avons raté la totalité, il s'en est fallu de quelques minutes."
Les nuages reviennent en masse compacte et nous décidons de remballer le matériel sans plus attendre. De retour à Amnéville, nous retrouvons les amis restés sur place complètement dépités. Il y a même eu de la pluie. Lionel ne décolère pas contre les nuages et prévoit même des actions de représailles contre les favorisés qui ont vu quelque chose. Quel univers impitoyable, pire que Dallas ! Jean-Louis se lamente : "ça faisait dix ans que je l'attendais cette éclipse, et en plus c'est le jour de mon anniversaire !"
A quelques kilomètres de là, Pierre a pu voir une minute de totalité mais n'a pas eu le temps de viser avec son maksutov ; pour sa 23e éclipse totale, il se retrouve bredouille
Finalement, cette éclipse s'est assez bien passée en ce qui me concerne. J'ai vécu une expérience inoubliable qui m'a permis d'obtenir des clichés de la totalité et quelques croissants pendant la phase partielle. Mais il me manque le chapelet
Ce sera pour une prochaine éclipse...

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© Astro-Club de Limagne-Sud, 2000