ECLIPSE ! |
21 JUIN 2001
Soleil noir au Zimbabwé
La première éclipse totale de Soleil du nouveau millénaire a eu lieu le 21 juin 2001. La zone de totalité touchait la partie sud de l'Afrique et de Madagascar. L'Astro-Club de Limagne-Sud a envoyé sur place son envoyé spécial afin de vous faire partager cet événement exceptionnel.
Vouziers, le 11 août 1999.
L' ombre de la Lune venait à peine de quitter la campagne ardennaise qu 'une idée s'incrustait dans mon esprit : observer la prochaine éclipse prévue pour 2001.
Mais cette observation n'était pas aussi simple à planifier que la précédente. Les nécessités du voyage imposaient de sélectionner un matériel à la fois compact et léger . En raison d'un afflux inévitable d'observateurs, il était impératif de ne pas tarder pour choisir un site d'observation.Choix du site
L'ombre de la Lune allait balayer une zone allant de l'Atlantique sud jusqu'à l'Océan Indien en traversant l' Angola, la Zambie, le Zimbabwé, le Mozambique et Madagascar. L' Angola était à éviter pour des raisons de troubles politiques.
Pour Madagascar la zone de totalité passerait dans une région d'accès difficile et la durée de l'éclipse serait plus courte.
Pour le Mozambique, le zone intéressante serait aussi d'accès difficile.
Les pays les mieux situés étant la Zambie et le Zimbabwé , c'est dans ce dernier pays que j'ai décidé de me rendre avec un petit groupe d'astronomes amateurs dont certains avaient déjà l'expérience d'une douzaine d'éclipses.Le matériel
Notre parc d'instruments compte 5 caméscopes, 7 appareils photos dont 2 équipés de téléobjectifs catadioptriques MTO.
Après plusieurs changements dans le choix de mon matériel, j'ai finalement opté pour une configuration assez légère permettant de photographier l' éclipse ainsi que les constellations australes .
Pour l' observation: jumelles 7X50 avec filtres mylar.
Pour la photographie: téléobjectif catadioptrique MTO 100/1000 avec boîtier reflex motorisé et pellicule diapo 100 ISO. Le téléobjectif était fixé sur un équatorial "planchette" en position azimutale calé à 30° d' élévation. L'ensemble était porté par un trépied en alu de dimension minimum afin de gagner en légèreté.
Un trépied photo ordinaire supportait un reflex avec objectif de 35 mm et film diapo 400 ISO, ainsi qu'un appareil numérique pour réaliser un "chapelet" avec les différentes phases. Cet appareil était équipé d'un filtre solaire bricolé à partir de mylar et de tuyau en PVC. Les heures de prises de vue étaient inscrites directement sur le trépied photo.
Pour la photographie des constellations les jours suivants, l'équatorial "planchette" pouvait être utilisé normalement avec un calage sur la latitude de 16 ° . La mise en station était facilitée par le viseur polaire prélevé sur ma monture Super-Polaris. Un magnétophone de type "baladeur" était prévu pour conserver une trace sonore de l'événement.
Un chronomètre digital avait été réglé à la seconde près sur le Temps Universel ( heure GMT) avant de partir de France.
Pour ne rien oublier des différentes opérations à effectuer, une "check-list" précise avait été dressée à l'avance.
Téléobjectif MTO avec filtre solaire sur son support.
Reflex et appareil numérique avec filtres mylar.
Welcome in Zimbabwe
Mardi 19 juin.
Après 24 heures de voyage dans 3 avions différents, nous arrivons à Harare, capitale du Zimbabwe. Le grand soleil hivernal qui resplendit nous permet d'espérer une météo favorable pour la journée du 21.
Notre première nuit africaine se passe de façon très confortable dans un "lodge" situé à la périphérie de la ville. Dès la nuit tombée, nous faisons brièvement connaissance avec quelques belles constellations de l'hémisphère sud ; le Centaure, la Carène , la Croix du Sud. Les lumières environnantes et les grands arbres qui nous entourent ne permettent pas une observation étendue. Cependant, nous constatons que le fond du ciel est noir et contrasté . Nous ne prolongeons pas notre observation car nous devons nous lever le lendemain à 6 H 30 et prendre la route en direction du nord.La région nord du Zimbabwé
MP = Réserve de Mana PoolsEn route vers Mana Pools.
Mercredi 20 juin.
Après quelques formalités administratives pour accéder à la réserve de Mana Pools, nous nous dirigeons vers Makuti, sur une bonne route , avec une circulation très fluide. Nous traversons une région qui ne souffre visiblement pas de la sécheresse, contrairement à d'autres pays d'Afrique. Vers le milieu de l'après-midi, nous quittons la route pour emprunter une piste qui nous conduit à l'entrée de la réserve. Nous traversons un paysage de steppe avec d' imposants baobabs .
Notre campement de Mana Pools En chemin, nous observons 2 éléphants et plusieurs groupes d' impalas.
Arrivés au camping , nous montons nos tentes à la tombée de la nuit. Il est un peu plus de 18H (heure locale). Après le dîner, nous sortons nos jumelles pour une petite séance d'observation : la tache sombre du "sac à charbon " en pleine Voie Lactée , l' énorme amas globulaire oméga du Centaure, la " boite à bijoux", la nébuleuse de la Carène.
Autant d'objets remarquables auxquels nous ne sommes pas habitués.
La végétation nous masque les Nuages de Magellan. Nous ne pouvons prolonger trop tard notre observation car la journée la plus importante nous attend le lendemain.Autour de nous la nuit africaine fait entendre les bruits d'animaux: chants d' oiseaux , bruissements , cris et hululements. Nous sommes à une centaine de mètres du fleuve, et les cris des hippopotames nous parviennent comme s'ils étaient tout proches, en donnant l'impression d'un ricanement lent et grave. A d'autres moments nous percevons le hurlement d'une hyène.
La nuit africaine nous enveloppe de ses bruits chargés de mystère...
Sur les bords du ZambèzeLes obèses du Zambèze.
Jeudi 21 juin.
Le jour J est enfin arrivé !
Dès 6 H nous sommes tous debout. Le jour n'est pas encore levé mais la clarté du ciel laisse présager de bonnes conditions météo.
Notre campement n'est qu'à 23 km de la zone de centralité mais les pistes sont sinueuses et difficiles . Sur le parcours, nous apercevons quelques zèbres, des phacochères, une lionne, des singes , des buffles et de nombreux impalas. Il nous faut plusieurs heures pour atteindre une zone bien située au bord du Zambèze. Nous nous trouvons alors à une dizaine de kilomètres de la centralité, ce qui est largement suffisant pour une très bonne observation.
Il me faut une bonne heure pour mettre en place mon matériel qui avait voyagé entièrement démonté.
Le soleil est encore haut dans un ciel bien bleu et notre attente se passe sans que nous soyons stressés par la météo. En face de nous, sur l'autre berge du fleuve, les hippopotames prolongent leur baignade en faisant entendre leurs cris graves et puissants.
Le premier contact a lieu à 13 H 45 . Aux jumelles, nous voyons le disque du Soleil qui commence à être grignoté par le Lune. Je commence ma séquence de prise de vues pour le chapelet, à raison d'un cliché toutes les 10 minutes.
Des touristes en canoés descendent le courant sans se préoccuper de l'imminence de l'éclipse. Visiblement, ils ne sont pas venus cela. Quelques hippopotames sortent de l'eau et vont se vautrer sur la berge. Vers H - 20 minutes, la baisse de luminosité devient perceptible. Je fignole la mise au point sur les taches solaires. Nous discutons entre nous en gardant un oeil sur le chronomètre.Discussion avec Serge pendant la phase partielle
A H- 10 min je déplace ma monture afin de ne pas être gêné par les arbres qui nous surplombent. Les objectifs sont scotchés afin de ne pas changer les réglages par inadvertance, et je démarre l'enregistrement sonore au magnétophone.
A ce moment, nous remarquons que le feuillage des arbres diffracte la lumière et donne des images du soleil en forme de croissants. Je lis une fois de plus ma check-list pour être sûr de ne rien oublier.
La luminosité ambiante décroît très rapidement et le niveau de stress augmente en proportion. Les conversations se sont arrètées. Chacun attend, les sens aux aguets, comme des spinters guettant le signal du starter.Croissants de Soleil à travers l'ombre du feuillage Trois minutes vingt secondes dans la nuit.
Le diamant
1/1000s avec MTO à f:10 sur film 100 ISOH - 2 min: ultime vérification du matériel photo. Je réajuste le cadrage, allongé sur le sol pour regarder dans le viseur car mon trépied est à ras de terre.
H - 30 secondes. Nous retenons tous notre souffle. J'enlève les filtres mylar des objectifs photo et saisis le déclencheur souple, paré à saisir le "diamant" et les grains de Bailly. Il fait sombre, j'ai du mal à lire les chiffres de mon chronomètre. Je commence mes prises de vue au moment ou nous mettons tous à crier "ça y est ! ça y est !"
Je lève la tête. Le Soleil a disparu, remplacé par un disque sombre auréolé d'une couronne argentée et brillante qui semble onduler doucement, à trente degrés au-dessus du fleuve.
Chromosphère et protubérances
1/125 s. avec MTO à f:10 sur film 100 ISOLa basse couronne
1/30 s. avec MTO à f:10 sur film 100 ISOSous le Soleil, sur la gauche, Jupiter apparaît comme un point brillant , mais Saturne et Mercure restent invisibles. Plus bas sur l'horizon, le ciel prend des couleurs crépusculaires.
La vision qui s'offre à nos yeux est d'une beauté grandiose, impossible à décrire . Au dessus de nous, des oiseaux affolés volent dans un beau désordre . De l'autre coté du fleuve, les hippopotames sont restés silencieux , comme figés par cette nuit trop brutale. Je continue mes prises de vues en faisant machinalement les gestes que j'ai plusieurs fois répétés les jours précédents.
Couronne solaire en majesté
1/2 s. avec MTO à f:10 , sur film 100 ISOBrusquement un rayon aveuglant s'échappe de la couronne . Aussitôt les filtres mylar sont remis en place sur les objectifs.
Ça y est, c'est terminé! La lumière revient très vite.
Nous venons de vivre un peu plus de trois minutes d'intense émotion, l'un des plus beaux spectacles que peut nous offrir la Nature, une fabuleuse vision dans un cadre de rêve.
Nous terminons nos prises de vue tout en déjeunant, car il est près de 15 H 30 de l'après midi et nous n'avons rien mangé depuis le matin.
Une heure plus tard, chacun a rangé son matériel et les voitures reprennent la piste . Nous arrivons à notre campement à la nuit tombée .
Texte et Photos de Guy Berson
Voyez d'autres images de notre périple sur L' ALBUM. . .