Auteur : l-@nge Date : 03/04/2002 21:34
Un leader pratiquement détenu, attaqué dans sa légitimité. Et, en face, un autre qui s'est encore enfoncé, depuis 48 heures, dans une violence qui sort désormais nettement des paramètres d'une défense légitime et mesurée telle que la conçoivent la plupart des États démocratiques.
Non seulement - comme on l'a vu, hier - les populations palestinienne et juive sont-elles poussées vers des positions de plus en plus dures; vers un radicalisme qui ne procède jamais, nulle part, d'une disposition naturelle des peuples, quels qu'ils soient. Mais encore les lacunes des deux pouvoirs qui s'affrontent deviennent-elles les principaux obstacles à un règlement du conflit.
On connaît depuis longtemps les graves insuffisances de l'Autorité palestinienne. On se rend compte maintenant que, à cause de son passé, de sa vision politique, de ce qu'il est profondément, le premier ministre Ariel Sharon ne pourra faire autre chose que de pousser la région vers un chaos de plus en plus grand.
Hier, les débordements de l'armée israélienne ont été plus spectaculaires encore, si cela est possible, s'inscrivant dans une ligne dure digne d'une expédition coloniale.
Le siège des bureaux du président Yasser Arafat s'est poursuivi. Et celui-ci, comme c'était à prévoir, a décliné l'offre - humiliante - qui lui était faite de s'expatrier sans espoir de retour. Dans et autour de la ville de Bethléem assiégée, des religieuses, des manifestants pacifiques, des journalistes ont essuyé des tirs et ont été blessés. Des églises ont été visées et une mosquée a brûlé. Des zones «militarisées» ont été interdites à la presse étrangère et à un groupe de diplomates européens venus secourir leurs ressortissants pris au piège. La ville de Ramallah et sa périphérie - 250000 habitants - est devenue une zone sinistrée, sujette à un sévère couvre-feu, où manquent l'eau, la nourriture, les soins médicaux. Neuf membres de la branche palestinienne du Croissant-Rouge ont été mis aux arrêts.
En fin de journée, des chars israéliens se massaient autour de Naplouse, principale ville palestinienne du nord de la Cisjordanie...
La descente aux enfers va continuer.
Il est difficile de voir chez Ariel Sharon d'autre plan, d'autre intention que celle de décapiter la nation palestinienne pour ensuite mieux contrôler une population orpheline, morcelée, otage des rivalités régionales entre les nations voisines, éventuellement en guerre contre elle-même.
Cheminant sur cette voie, le premier ministre d'Israël utilise une argumentation qui met en parallèle la campagne américaine contre le terrorisme d'Al-Qaeda et la lutte israélienne contre le terrorisme palestinien.
Cette stratégie a, à ce jour, suffisamment fonctionné pour mettre dans l'embarras la diplomatie américaine que, depuis le 11 septembre, le simple mot de «terrorisme» terrorise. Pour diviser et paralyser l'Union européenne, dont certains pays membres se collent aux États-Unis en épousant même les contours de leurs contradictions... et ce, au grand dam de la France, par exemple, qui a précisément dit déplorer, hier, la timidité de l'Europe dans ce dossier.
Or, la doctrine Sharon est fausse.
Le contentieux israélo-palestinien est un conflit de territoire relativement classique, campé des deux côtés sur des positions précises; Al-Qaeda revendique tout, c'est-à-dire l'islamisation radicale de la planète, ce qui équivaut en pratique à ne rien revendiquer. Arafat est un interlocuteur élu, réel, possédant sa raison; ben Laden n'est qu'un fantôme illégitime et halluciné. Le terrorisme palestinien, parfaitement barbare, est néanmoins localisé, artisanal, et trouverait en situation «normale» une réplique adéquate dans une vigoureuse opération de police; Al-Qaeda est une organisation mondialisée, riche, sophistiquée, qui appelle une répression beaucoup plus complexe dont le volet militaire est essentiel.
Si personne n'entretient plus le moindre espoir d'une solution prochaine (et croire que les États-Unis pourraient opérer un miracle tient de la pensée magique), on peut au moins dénoncer une rhétorique qui, en l'espèce, ne s'applique pas.
Et qui constitue même, vis-à-vis du reste du monde, une forme d'intimidation.
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