Auteur : Foglia
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La semaine dernière j'étais à Paris et j’ai rencontré un ami et bien sur la discussion a porté sur le climat politique actuel. Les catégories populaires prouvent par leur vote qu'elles sont persuadées d'être négligées, abandonnées... l'époque est dominée par un grand sentiment d'injustice»...
C'est pas si faux quand même. On ne peut pas dire que c'est la joie dans ton pays.
Oui, mais ce n'est pas le sentiment d'injustice qui domine. C'est bien plus trouble que ça.
Le peuple est traité comme un troupeau. On ne respecte pas sa volonté, seulement ses besoins. Le pouvoir le nourrit comme un fermier nourrit ses vaches. Le pouvoir mène l'État comme un fermier mène sa ferme, en conformité d'une science économique compliquée à laquelle les vaches n'entendent rien de toute façon, alors qu'elles broutent ces connes et qu'elles ne nous fassent pas chier, c'est ce que semble dire le pouvoir, qu'il soit de gauche ou de droite. Et le troupeau en a assez de cette arrogance.
Une autre révolution ?
On n'est pas en mode révolution. Le troupeau n'est pas révolté. Il est insatisfait. De quoi ? C'est pas clair... Tiens je vais te raconter un truc. Ces jours-ci, le grand problème en France c'est les cochons. Il y a des cochons au Québec ?
Des milliards de saloperies de cochons de merde...
Ici, en France, le cochon a cessé d'être des côtelettes, du saucisson et des rillettes pour devenir une problématique. Regarde, c'est écrit ici : «Problématique de l'épandage du lisier en Bretagne, les nappes phréatiques menacées». Mais c'est pourtant bien pour les bouffer qu'on élève des cochons, non ? Sauf que leurs cochons industriels sont tellement nuls en rôtis et côtelettes que j'achète le mien chez un paysan traditionnel, il a du gras, du goût, il a de la quintessence de cochon dans sa chair de cochon. Alors bon, l'autre dimanche je reçois à dîner ma fille, son mari et les trois enfants. Je leur fais bouffer mon cochon. À la fin du repas, la plus grande lance comme ça : «Ben moi je l'aime pas le cochon de pappy»... Et j'ai réalisé tout d'un coup que c'était la première fois que la gamine - elle a 17 ans - mangeait du vrai cochon. Tu te rends compte ? Pour elle, le vrai, c'est l'autre, celui qui n'est pas du cochon. Tiens moi-même, l'autre jour, j'ai acheté au marché des petits pois frais en cosse. Je m'en faisais une fête. Déception ! Je les ai trouvés moins bons qu'en boîte... Je m'en suis trouvé tout con, aussi con que ma voisine qui est allée en vacances en Irlande l'été dernier, et qui m'a dit en revenant qu'elle avait trouvé les paysages moins beaux que dans La Fille de Ryan avec Robert Mitchum
Dis-moi Renato, tu crois à un complot d'abrutissement collectif ?
C'est pas un complot, c'est un objectif avoué. Tiens, comment vous faites au Québec pour qu'il y ait moins d'échecs dans les écoles ?
On remonte les notes de tout le monde, ou on ne note pas du tout en disant que c'est pas pédagogique d'évaluer les enfants...
Ben tu vois, en France aussi ! C'est pas un complot, c'est un système. Ma voisine pourra bientôt retourner en Irlande et la trouver aussi belle que dans La Fille de Ryan, ils vont bientôt la repeindre en vert...
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