Plan de l'œuvre:
1ère partie:
Commence par une dédicace à Genève, puis il pose une hypothèse sur le type de vie qu'avaient les hommes à l'origine;
* hypothèse de l'homme naturel fait pour vivre isolé
2ème partie:
formation de l'homme social: de la propriété au despotisme
* cette partie commence avec la diatribe (= texte de Voltaire). D'abord, un
personnage meneur, un groupe le suit; un homme: le sage qui aurait dû
intervenir >> mise en scène théâtrale.
* ensuite Rousseau s'appaise et reconnaît que les choses ne se sont pas
passées comme ça: il n'a jamais dit que la propriété devait être éliminée,
elle est incontournable, elle est venue peu à peu dans l'esprit des gens.
* puis il annonce qu'il va faire un grand retour en arrière où il montre
comment on est passé de l'homme sauvage (1ère partie) à la propriété
(passage étudié).
* de la propriété au despotisme
Ce texte est à l'affût du grand retour en arrière, 8 pages après la diatribe
Juste avant, Rousseau parle d'une société patriarcale et idéale (il aime la
famille)>> 1ère société existant avant la propriété = l'âge d'or.
Explication thématique
L'extrait va de "Tant que les hommes..." à "...croître avec les moissons". Les lignes font référence à l'édition du Lagarde et Michard.
Axes de Lecture
* Éloquence passionnée -> discours oratoire
* Le bonheur de l'Homme primitif de la société patriarcale et naturelle
* Le malheur de l'Homme social
I) ÉLOQUENCE PASSIONNÉE -> DISCOURS ORATOIRE
a) Étude de la phrase unique qui forme ce texte:
C'est une période dont le but est de soulever la passion des
lecteurs, elle est donc oratoire. Rousseau veut faire regretter le paradis
perdu, d'où la tonalité quelque peu révoltée.
La phrase prend un tournant au "mais" (l.38), elle est coupée en 2.
> la période est bâtie sur une antithèse; bonheur/ chute très brusque:
le progrès est ici négatif.
> l'antithèse se marque aussi par des oppositions lexicales: "libres"
(l.36) ‚ "esclavage" (l.43).
b) L'éloquence des lignes 28 à 38 (1ère partie):
Rousseau chante avec passion l'âge d'or perdu. Pour cela il utilise
un rythme tertiaire scandé par 3 "tant que...".
> le rythme paraît grandiose; les "tant que..." insistent sur la durée >
il s'est donc agit d'une longue période heureuse.
> lignes 29 à 33: très longue subordonnée émerveillée et scandée par 5 "à".
Rousseau s'appuie sur des récits, il raconte avec pittoresque.
On a presque des alexandrins: "à se parer de plumes et de
coquillages"/ "à se peindre le corps de diverses couleurs".
A partir de la ligne 36, on retrouve un rythme binaire à travers
les principales juxtapositions des adjectifs fondamentaux.
C'est le vrai bonheur, Rousseau est nostalgique.
Cette première partie de la période est très belle et très éloquente.
c) La passion de la dernière partie:
Cette partie est plus courte, elle sert d'introduction au
développement qui va suivre). Elle est sous le signe du malheur.
> 2 subordonnées introduites par "dès que..." marquent une différence de
valeur de temps entre "tant que" (= la durée) et "dès que" (= cassure
brusque).
> aux principales (l.40) sont juxtaposées 4 subordonnées: les 3
premières sont courtes et sèches alors que la quatrième est longue, comme
si la phrase ne pouvait pas se terminer; cela marque une idée d'éternité.
Ce texte est doté d'un rythme extraordinaire, presque poétique,
c'est un texte vibrant, passionné, d'un écrivain enragé qui chante et
regrette le paradis perdu.
II) LE BONHEUR DE L'HOMME PRIMITIF DANS LES SOCIÉTÉS PATRIARCALES (l.28 à 38)
* Cette société idéalisée ne sort pas totalement de l'imagination
de Rousseau; il s'appuie sur des récits de voyageurs.
* Il y a cependant une utopie de Rousseau: le bonheur d'un homme
primitif et sauvage vivant près de la nature. Il a projeté son rêve sur les
récits des explorateurs (comme Thomas More).
Rousseau a puisé son utopie en partie chez Fénelon (Télémaque) et
également chez les anciens.
a) Une vie simple, sans luxe, très proche de la nature:
> "se contentèrent de"; "se bornèrent à"; "ne s'appliquèrent qu'à" >>
marquent la restriction, expriment la modération, la sagesse de
l'épicurisme antique: plaisir naturel et nécessaire: sobriété.
> les adjectifs ou les noms comme:
- "cabanes" >> très simple en elle-même et qualifiée de "rustique"
- "leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes" >> l'opposé du luxe
- ces hommes vivent de chasse: "flèches"ou "arcs" mais aussi de pêche
"quelques canots".
On est loin des techniques sophistiquées.
b) Dans cette vision de Rousseau, les peuples ne négligent pas l'art:
> ils se parent" (avec des choses naturelles)
> ils se peignent de diverses couleurs
> ils construisent des instruments de musique
> ils embellissent leurs armes
C'est cependant un art proche de la nature, pas sophistiqué:
- "grossiers" (l.34); ils se parent de "coquillages" et "peindre son corps" n'est pas se parer de soie.
c) Le fond de leur bonheur:
Ils sont indépendants, autonomes (l.35/36): chacun est seul et la société bénéficiera de leur travail: œuvre d'un indépendant. Il s'agit donc d'une sorte d'autarcie par interdépendance (cet exemple construit la future société des autres œuvres de Rousseau). Tout est partagé, rien n'est la propriété d'un tiers.
d) Bonheur mais risques de malheur: cette société était instable:
> "libres, sains, bons, heureux"; "indépendants" >> leur bonheur est
fondé sur la liberté et l'égalité.
> "bons" >> l'homme naturel est bon; il a des bontés instinctives
> "sains" >> la santé physique (la robustesse d'une vie rude ‚ une vie
luxueuse qui amollit) et morale (leurs rapports sociaux évitent les
comparaisons et les hiérarchies)
> "heureux" >> c'est le résultat, mais...
> "autant qu'ils pouvaient l'être" >> restriction sage qui enlève le
côté trop chimérique: on reste dans la limite de la condition humaine.
> "jouir entre eux du commerce indépendant" >> il n'y a pas d'échanges,
mais des relations avec autrui. "jouir"= plaisir >> très épicuriste, voire
même voluptueux.
On remarque dans cette formule un oxymore: "commerce"= société et
"indépendant"= qui n'a pas besoin des autres. C'est tout le bonheur d'être
ensemble sans les comparaisons avec autrui, c'est un équilibre introuvable
que la société sans interdépendance.
On ajoutera que quand il évoque leur vie, Rousseau ne parle pas de
travail, mais d'"art"; c'est plus positif. Tout se fait sans contraintes,
dans la joie.
"à perfectionner" (l.31) >> ils portent en eux l'idée de faire mieux.
III) LE MALHEUR DE L'HOMME SOCIAL (l.38 à 44)
a) La chaîne inévitable du progrès:
> l'homme portait en lui l'instinct de progrès, qui est une
fatalité...on s'en rend compte dans les 2 premières subordonnées.
1 ère étape: découverte de l' interdépendance, de l'entraide. C'est
à priori positif or cela entraîne le malheur. (A partir de la découverte des métaux >> division du travail, les hommes
descendent à la mine et ne peuvent pas travailler la terre; donc les
agriculteurs achètent le fer et vendent aux mineurs leurs produits.)
2 ème étape: la première principale: "l'égalité disparut".
(Travail à la mine plus dur, donc exige plus de blé. L'égalité disparaît
car on ne peut pas comparer des travaux différents. Arbitrairement, on
décide qu'une chose est plus chère qu'une autre >> convention entre
riches/pauvres; faibles/forts.)
3 ème étape: la propriété naît de l'agriculture > "la propriété
s'introduisit".
(L'agriculteur dit que la terre qu'il travail durement est à lui >> c'est
SA récolte; SA terre.)
4 ème étape: "le travail devint necessaire" >> suite de mots négatifs
5 ème étape: les "campagnes" sont "riantes", c'est donc qu'elle
sont civilisées.
b) Le malheur et la décrépitude:
Le malheur rentre dans le monde avec la dernière principale.
> série d'antithèses:
* "vastes forêts" (= nature sauvage) ‚ "campagnes riantes" (= nature
civilisée). Ca n'est pas totalement négatif car "riantes" = beauté.
* "qu'il fallut arroser de la sueur des hommes" >> "sueur"‚"riantes" >>
bonheur/malheur.
> métaphore:
* "arroser de la sueur" >> sueur = pluie >> effort, peine, douleur >> pluie
de souffrance
> dans les deux dernières lignes, on remarque encore une antithèse:
"esclavage et misère" (négatif) ‚ "germer et croître avec les moissons"
Association concret/abstrait: "misère" et "esclavage" deviennent plantes
pour être plus concrètes.
Conclusion
Ce texte très vibrant dénonce la misère du peuple, l'injustice humaine. Il
est une charnière et permet la fin du Discours.
Cette société civile va entraîner des concéquences de plus en plus
catastrophiques: la création de lois, la justice. Pour qu'elles soient
respectées on crée les magistrats, la police, un gouvernement où un homme
est devenu despote.
La conclusion du Discours est terrible:tous les hommes sont égaux à zéro.
Quelques années plus tard, Rousseau essaiera de créer une société nouvelle
dans la Nouvelle Héloïse ou le Contrat social. Leprogrès pourrait devenir
positif sans regression.
Cliquez-ici pour une autre fiche sur ce texte. |
Merci à Charlotte qui m'a envoyé cette fiche...