La Princesse de Babylone

Voltaire






    Dans ce conte, rien n'est crédible, ni cette capitale de Bélus aux dimensions si faramineuses qu'elles défient toute logique, ni ce concours nuptial digne des meilleurs mythes grecs, ni ces licornes, clin d'œil à l'irrationnel, ni le paradis terrestre des Gangarides.
    Mais tant de merveilles enchantent le lecteur avide de dépaysement.


Contexte

1- Historique
L'histoire se déroule dans un contexte politique plus ou moins favorable : le roi jouit de sa position royale, de ses richesses et plus encore de sa remarquable fille, Formosante.
    En effet, cette princesse est d'une beauté inimaginable et il faut donc la marier à un roi ou un prince digne de sa beauté et de sa valeur princière puisqu'elle est l'héritière du trône…
    La paix semble régner, dans ce pays, à l'aube du tournoi donné par le roi…mais c'est une apparence trompeuse…
    La princesse Aldée, cousine de Formosante, a des droits sur le trône et le roi Bélus règne en usurpateur, un de ses ancêtres ayant évincé indûment l'héritier légitime.

2- Environnemental
Babylone est une ville aux dimensions défiant toute raison, toute imagination.
    Un palais dont les principales façades font 2Km d'envergure, une balustrade de marbre haute de 20 mètres, un parc avec des terrasses superposées rafraîchies par des cascades d'environ 2Km, un amphithéâtre pouvant contenir jusqu'à 500 000 places et pour servir le tout, plus de 40 000 jeunes filles & jeunes garçons.
    Ici, Voltaire donne des dimensions extraordinaires à cette ville afin d'augmenter le prestige donc l'orgueil de ce roi Bélus qui représente l'orgueil de la noblesse.

 
Personnages

Formosante
    C'est une jeune fille dont on ne sait l'âge exact, d'une beauté stupéfiante mais quelque peu orgueilleuse et rancunière. On le voit dans le chapitre 11 où, je cite, elle dit " Ah ! Que vous êtes aimable, et que je vous adorerais si vous ne m'aviez pas fait une infidélité avec une fille d'affaire ! " Mais aussi dans le chapitre 10, où, je cite, elle dit " …Ainsi donc celui qui a refusé pour moi tant de princesses m'abandonne pour une farceuse de Gaules ! Non, je ne pourrai survivre à cet affront. […] C'est en fait, je ne le reverrai jamais de ma vie ! "
    Mais finalement, elle oublie l'affront que lui a fait le bel Amazan lorsqu'il vient la sauver du bûcher.
    Au début du conte, elle semble timide et renfermée mais elle fait preuve, dans le courant du conte, d'une détermination qui ne faillit que lorsqu'elle découvre que tout ne lui est pas réservé, qu'elle n'est pas forcément la plus belle et qu'elle est remplaçable, ce qui montre, son caractère superficiel.

Amazan
    C'est un jeune homme, beau comme un Adonis, intelligent, fin & charmeur. Bien bâti, beau parleur, Amazan a tout pour plaire sauf qu'il est berger. Voltaire marque ici la dureté des pères de bonne famille qui ne veulent pas marier leur fille à des hommes de moyenne classe.
    Voltaire critique ici l'esprit sélectif de la noblesse de son époque.
    Amazan, se trouve être, en vertu de l'imbroglio dynastique, l'héritier présomptif du trône babylonien.

Le roi Bélus
    C'est un homme fort orgueilleux du pouvoir illégitime qu'il a et peu soucieux.
    Il veut un homme qui soit beau, fier et intelligent afin de bien gouverner son pays et bien sûr de ne pas décevoir sa bien-aimée fille Formosante. Or, lorsque l'homme qui remplit ses exigences apparaît, comble du désespoir pour le roi, c'est un berger !!
    Le roi Bélus est en fait la personnalisation de la noblesse de l'époque de Voltaire, c'est-à-dire, un personnage tout à fait méprisable et méprisant, qui n'a que faire des gens aux moyens restreints comme le bel Amazan.

Le roi de Scythie
    Ce roi, bien moins orgueilleux et méfiant que ses deux autres concurrents, chevauchant un tigre énorme & à la tête de 300000 guerriers, illustre dans l'imagination de Voltaire et dans la nôtre, tout le prestige de l'Orient. De nos jours, nous pouvons le comparer à un Mongol. Cette Scythie représente pour Voltaire, le degré zéro de civilisation. Je cite " Point de villes[…] et par conséquent point d'arts agréables. "

Le roi d'Egypte
    Personnage assez important tout au cours du récit, il a l'air de mener par le bout du nez la révolte qu'il fortifie contre le roi Bélus avec son allié, le roi des Indes.
    C'est un être assez répugnant pour la pauvre Formosante qui doit endormir ses craintes dans un baiser léger. Crédule à cause de la beauté de Formosante, il court à sa perte dans la fin du récit.

Le roi des Indes
    Peu actif et plutôt avide de revanches, on se demande quel rôle il a vraiment dans cette histoire…

Le phénix
    Le phénix est un mythe. Un oiseau imaginaire qui n'a jamais existé. Le phénix ainsi que les licornes donnent un air de fantastique et de magie au conte irréel de Voltaire.


Déroulement

    A partir de ce quatrième chapitre, le récit va adopter l'une des formes habituelles du conte voltairien : le voyage. L'itinéraire part de Babylone et il y reviendra au dénouement.
    Formosante & Amazan vont au-delà de l'Inde, vont en Chine, jusqu'à Pékin.
    Puis le cap est mis à l'ouest : la Sibérie, la Russie, l'Europe du Nord. Après un excursus d'Amazan en Italie, les voici tous deux en Espagne ; ensuite longeant l'Afrique du Nord jusqu'en Egypte.
    Pour aboutir enfin à cette Babylone dont ils étaient partis, et pour s'y marier.
    Formosante & Amazan se courent l'un après l'autre, poussés par un puissant mobile : l'amour.

    Formosante ne se soucie guère de ce " saint " de Bassora vers lequel on l'envoie. Eperdument amoureuse du jeune Gangaride Amazan, elle veut le retrouver.
    Après avoir ressuscité le magnifique phénix, Formosante part sur les bords du Gange afin de retrouver son amant dans son pays natal.
    Or, il se trouve qu'Amazan a laissé derrière lui un bien discret espion : un merle. L'oiseau, qui avait assisté au repas donné par le roi d'Egypte et avait remarqué l'attitude langoureuse de Formosante, court prévenir son gentil maître. Hélas, l'oiseau n'avait, pas le moins du monde soupçonné que Formosante n'agissait ainsi que pour " endormir " le sot roi d'Egypte.
    Désespéré, Amazan s'enfuit de son pays à l'instant même où Formosante y arrive. Alors commence la course-poursuite intercontinentale.
    Cette Chine où Formosante fait son entrée est la Chine Eternelle, telle que se la représente Voltaire. Un empire aux mœurs policées et aux immenses ressources. Aux portes de la capitale, Formosante est accueillie par " 4000 mandarins en robe de cérémonie " qui lui offre des présents. Aussitôt, l'esprit juste et simple de Formosante comprend que le souverain est " le monarque de la terre le plus juste, le plus poli et le plus sage. " Comme si une preuve était demandée, Voltaire la précise en citant que le noble souverain " laboure lui-même un petit champ de ses mains impériales " ce qui nous rappelle la citation philosophique de Voltaire dans Candide, " il faut cultiver son jardin. "
    On introduit Formosante dans le palais impérial. L'empereur dîne avec elle en tête-à-tête. Les voilà qui parlent soudainement d'Amazan…qui vient de partir !? Parce que une princesse de sang s'était éprise de lui et il s'était dérobé en laissant un billet pour seule excuse qui disait qu'il jurait de n'aimer jamais que Formosante.
    Ici, Formosante est assurée de la fidélité de son jeune et bel amant.
    Amazan s'enfuit vers le pays des Scythes mais encore une fois " la plus belle Scythe de toute la Scythie " est tombée amoureuse de lui. Il laisse à nouveau un billet décrivant son amour et sa fidélité éternelle à Formosante auprès de la belle Scythe et s'enfuit encore.
    Cependant, les chances que Formosante et Amazan se renvoient semblent s'amenuiser car le narrateur ne semble pas vouloir la fin proche du conte.
    Dans tous les pays où le bel Amazan va, il se trouve que la plus belle femme de ce pays lui accorde ses grâces. Ironie du sort, le bel Amazan ne répond à aucune des avances des belles bourgeoises étrangères mais tombe dans les bras d'une courtisane française lorsque Formosante tremble de joie de le revoir.
    Après avoir sauvé sa chère princesse, Amazan se trouve être l'héritier du trône. Les voilà qui partent donc pour Babylone, avec le phénix protecteur, pour se marier.

 
Conclusion

    Ce conte est, je pense, très original. Le lecteur se plaît à y retrouver la présence des moins discrètes du conteur. C'est lui qui, devant le somptueux spectacle offert, dans le gigantesque amphithéâtre, dissipe assez rapidement les beaux rêves qui pouvaient naître dans notre esprit " Cette excellente morale n'a jamais été démentie que par les faits. " La sagesse de ce narrateur ne se complaît pas cependant dans la morosité : ce conteur a bel et bien été chargé par Voltaire de nous faire " sortir " de temps en temps du monde féerique de Formosante.
    Dans ce conte, le lecteur n'a que rarement le temps de s'interroger. Il me semble que Voltaire veuille y faire passer un message " éclair ".
    Ce conte, résulte son diagnostic sévère sur la " bonne société ", parisienne en particulier.
    En effet, on connaît l'aversion de Voltaire pour la classe noble et bourgeoise.
    Dans ce conte, Voltaire nous met donc en garde contre la bourgeoisie et les nobles et, pour cela, il met en avant leurs plus gros défauts qui sont personnifiés par le roi Bélus.


Annexe :     Comparaison de Candide et La Princesse De Babylone.


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Merci à Catherine qui m'a envoyé cette fiche...