Lettre sur les quakers

Extrait de Les lettres philosophiques

Voltaire, 1734





Introduction :

Voltaire a été victime d’une vengeance du comte de Rohan qui n’avait pas supporté que Voltaire lui lance : " Vous finissez votre nom, je commence le mien ". Il doit s’exiler. Le manquement aux usages de la bonne société lui ayant coûté fort cher, il n’est pas étonnant qu'il propose dès le début des Lettres Anglaises qu’il écrit pendant son exil en Angleterre, une réflexion sur ce qui devrait être les règles de civilité dans une société policée et se réclamant de la religion chrétienne.
Dès le début de cette œuvre, Voltaire le consacre à évoquer des problèmes religieux auxquels il n’a cessé de s’intéresser sur 7 lettres consacrées à ce sujet Voltaire en écrit 4 à propos des quakers et nous allons étudier un extrait de la 1ère qui traite à la fois des problèmes religieux et d’une organisation souhaitable pour des hommes raisonnables.
La rencontre d’un personnage original permet au voyageur philosophe de faire réfléchir le lecteur à des usages dont il ne perçoit pas le caractère choquant, faute d’y avoir jamais réfléchit et d’en connaître d’autres. C’est grâce au procédé du regard étranger, ici celui d’un quaker, que Voltaire va dénoncer l’absurdité et l’iniquité de certaines marques de politesse, de certains usages sociaux, de certaines pratiques religieuses.
Nous allons donc commencer par regarder le portrait d’un original dont Voltaire justifie ensuite l’attitude d’abord apparue comme ridicule en renversant les valeurs habituelles du lecteur. Puis nous regarderons la remise en question du modèle de société française.


Lecture du texte

Annonce des axes

Explication du texte

I - Portrait d’un original (représentatif de la secte) :

A) Portrait physique

Ce texte cherche à mettre en valeur la singularité d’un personnage qui ne peut que donner à réfléchir à un voyageur philosophe et à un lecteur attentif. Tout d’abord nous allons étudier le portrait d’un des plus célèbres quakers d’Angleterre comme nous le dit V. qui le présente comme un original exemplaire.

- V. prépare donc le portrait du personnage en le caractère éminent du personnage qui appartient à une secte anglicane inconnue en France et envers laquelle V. n’a que du respect. D’ordinaire l’extravagance et la raison s’oppose ici on verra que l’extravagance est peut être plus raisonnable qu’il n’y parait
Les quakers constituent une secte pacifiste et philanthropique qui a été fondée au milieu du 17ème siècle leur nom signifie trembleur V. commence tout naturellement par décrire l’apparence du personnage
- Description soulignant les manques " sans…sans… "
- " un vieillard frais " → oxymore 1ère marque du choix judicieux qu’a fait le quaker de sa vie = condition physique étonnante pour son age = bonne santé ; Ce vieillard est maître de lui l3, l6 " il n’avait jamais connu " il tient du sage stoïcien, antique et de l’idéal chrétien respectant la simplicité, de la frugalité de sa vie conforme au précepte évangélique comme ceux des sagesses antiques alors qu’il est riche " 30 ans dans le commerce ". Pas de superflu
- " jamais…jamais… " parallélisme qui montre la maîtrise de soi (du quaker) Le vieillard a renoncer par choix à plusieurs tentations
- " Sans plis …sans boutons " → absence d’ornement " chapeau " caractéristique des ecclésiastiques
- V. à choisit une longue phrase pour décrire les vêtements, elle montre le ridicule sans finir par l’absurde, il ne stigmatise pas

B) Comportement

- " il me reçut " l. 9 10 comportement apparemment impoli aussitôt démenti par l’expression du visage et par le mot par lequel il s’adresse à V. " ami " interpellation par laquelle il appelle V. montre le caractère philanthropique des quakers
- Le tutoiement surprenant qui semble une marque de manque de respect entre les 2 inconnus
- Le recours au style direct : dialogue naturel → serviabilité du quakers
- Le comportement du quaker→ opposé a celui de V. dont la révérence est présentée du point de vue du quaker grâce à la périphrase l. 12 14 " me courbant … " ;  " l’usage de tirer… " et rendre un regard étranger au lecteur sur ses salutations. La périphrase sert à Voltaire → prise de conscience du lecteur à porter sur les marques de politesse un regard étranger, celui du quaker → suspendre son jugement et s’interroger sur ses propres usages au lieu de condamner le quaker pour impolitesse

C) Croyances

- Pas de baptême, le baptême est décrit par une périphrase l. 24, 25 " jeter de l’eau… " fait perdre tous sens aux sacrements du baptême et enlève toute gravité au fait de ne pas être baptisé : pas hérétique : acte de foi l. 23 " nous tâchons d’être de bon chrétien " profession de foi " nous sommes chrétien "
→ opposé à l’orgueil des gens qui se prétendent chrétien
- " nous " le quaker parle au nom de la secte → humilité chrétienne
- prière avant et après le repas. Il fait allusion aux texte sacrés " du temps du christ "
- la frugalité se la vie du quaker = vœu de pauvreté de l’évangile " borne à sa fortune et à ses désirs " l. 3

Transition - conclusion :
La rencontre de V. et du quaker est vivante, le quaker apparaît comme quelqu’un d’accueillant et généreux, plus soucieux du bien des autres que du résultat de ce qu’il fait→ pragmatique personnage qui explique très posément ses façons de faire et croyance offre un exemple, par son apparence, comportement, tout à fait séduisant de la secte en dépit du 1er abord


II - Renversement des valeurs et opinion couramment admiré

Transition :
Si la 1ère partie du texte est faite pour intriguer la 2nde partie est faite pour amener le lecteur déjà un peu ébranlé à changer de point de vue sur l’original. Dan cette 2nde partie les valeurs et opinions couramment admises par le lecteur sont renverser par Voltaire. V. met le quaker sur un piédestal, il donne autant d’importance aux paroles du quaker qu’aux siennes.

A) Justification par l’histoire et les textes sacrés d’un mode de relations entre les hommes

- le quaker justifie par les textes sacrés et l’histoire un autre mode de relations entre les hommes l. 26 " ensuite il me rendit "→ être raisonnable
- l. 30 " on disait à César…au lieu de tu "
- recours à la flatterie du lecteur l. 29 " tu me parait trop instruit "
- " César Auguste ne souffrais pas même " recours à deux personnages → argument d’autorité
- Substitution du singulier au pluriel→ écartement de la France pour les grands textes " aucunes nations "
- l. 33 " usurper les titres impertinents "→ choquant pour les évêques de se faire appeler ainsi, le Christ avait choisi la simplicité
- la métamorphose des vers de terre prétention des hommes qui s’attacherai à des formes de politesse → 2 origines :
• l’homme vient de la terre
• le ver de terre rampe et les courtisans aussi devant les autres nobles
- V. réussit son antithèse en répétant l. 33 34 " vers de terre " pour désigner des personnes auxquelles on accorde " Majesté, Sainteté " l. 33 " Sainteté réservé au Pape
- V. établit vigoureusement par cette condamnation des usages des quakers le comportement arbitraire voir scandaleux des grandeurs des établissements
- Ce texte montre au public que les marques de respect qu’exigent les gens qui dédient un pouvoir religieux ne sont pas justifiées, seules les fonctions morales le sont.

B) Défense des croyances et usages des quakers

- Le chiasme de la fin " n’ayant ….les lois " l. 37 le quaker dit également " nous tutoyons….personnes " l. 36 37→ abolition des classes, ordres
- Le chiasme met en valeur la leçon que donne l’évangile : les hommes doivent avoir la fraternité, le respect, l’aide. Le respect ne peut pas être attaché à une fonction. Les hommes sont seulement dépositaire de fonction.
- Le quaker s’oppose au fonctionnement de la société française et anglaise, les quakers ont été persécutés et obligés à s’exiler aux Etats-Unis
Le fait qu’il est fait 30 ans de commerce montre sa sagesse et son expérience
- Le quaker ne cherche pas à prolétariser V. mais à lui attirer le respect
- Paroles d’une grande simplicité et fermeté. Pas d’éloquence oratoire.
Le quaker permet la remise en question des usages et croyances de la société française.


III - Critique de la société française à laquelle appartient Voltaire

Transition :
Ce texte qui procède par comparaison n’est pas destiné à faire l’éloge d’une secte inconnu en France mais à faire une sévère critique des usages de la société française.

A) Critique des usages sociaux d’une société inégalitaire et de leur hypocrisie

- refus d’enlever son
- le tutoiement l. 10 11 12
- Le refus de la révérence l. 10 11 autant de refus des conventions sociales qui sont choquantes mais néanmoins assortis de commentaire laudatif de V. car il s’accompagne d’une attention de l’étrangers remarquable l. 11 " plus de politesse " ; " ami " l. 12 ; " dînons d’abord ensemble " l. 17
Toutes les paroles du quaker sont accompagnées de geste de noblesse et de simplicité en opposition avec les usages de la société française
- V. se moque de lui-même avec les périphrases :
• l. 36 37 → hypocrisie des relations sociales → dénonciation de l’hypocrisie de la plupart des gestes et paroles de la société. V. dénonce les hiérarchies sociales infondées et injustes.
- Le quaker sait qu’il choque et qu’il peut avoir l’air ridicule mais il reste en accord avec ses convictions. Personne sûr de lui ayant mûrement réfléchis ses paroles et comportement → être sociable et libre.

B) Critique des croyances et pratiques religieuses infondées

Transition :
Même si les croyances sont moins importantes dans ce texte, elles sont très importantes pour Voltaire dans les lettres anglaises.

On y trouve l’idéal déiste de V. celui-ci est anticlérical, il ne croit pas à la Providence. Le quaker défend une religion " naturel " où il s’adresse directement à Dieu, il connaît bien les textes sacrés il prie avant et après le repas. Il donne une image de piété intelligente, altruiste… La piété évoquée dans le texte relève de la simplicité de l’évangile.
L. 23 24, V. préfigure les paroles d’un sage de son livre : Candide.
Seul la sincérité conte pour V.

Transition - conclusion :
Voltaire nous présente une religion faite d’intériorité qui donne au croyant le sentiment de sa dignité humaine et sa responsabilité → être libre.


Conclusion :

Ce texte des lettres anglaises attrayant par son sujet (anecdote, portrait d’un original), ton naturel de la lettre, mais qui donne à réfléchir par une structure adroite qui ébranle les idées reçues du lecteur. Loin d’être anecdotique, ce texte remet en question les usages et croyances de la société française et anglaise arc que Voltaire fait partager sa surprise puis sa réflexion critique et son admiration pour le quaker à ses lecteurs.
Genre épistolaire, regard étranger sont deux procédés que Voltaire à repris plusieurs fois dans ses textes ceux la même qu’il avait repris à un certain Montesquieu (Lettres Persanes).




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Merci à Audrey qui m'a envoyé cette fiche...