Bizarre déité, brune comme les nuits,
Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,
Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,
Hélas! et je ne puis, Mégère libertine,
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Edvard MUNCH, Madonna, 1893. |
Vocabulaire
Déité : déesse
Musc : sécrétion odorante
Obi : sorcier noir
Faust : personnage qui a vendu son âme au diable
Constance : vin exotique du Cap (Afrique du Sud)
Nuits : vin capiteux de Bourgogne
Partir en caravane : mener une vie de débauche
Styx : fleuve qui fait neuf fois le tour des Enfers
Mégère : une des Furies, qui venge les crimes impunis
Proserpine : reine des Enfers
Plan
I Aspect de célébration de la femme
II Dégradation finale de la femme
Ce texte fait parti du cycle de Jeanne Duval. Le thème de la belle noire reprend une tradition du poème baroque datant du XVIIe siècle. Il a voulu en faire un poème moderne.
Le titre « Sed non satiata » vient dun poème satirique latin : « Juvénal ». Le contenu faisait allusion à la débauche dune femme dempereur, Messaline. Baudelaire lisait le latin couramment et cétait pour lui un moyen plus apte à décrire la passion. Lutilisation de la langue de la liturgie est provocateur. Ce titre sert à masquer le côté scabreux et trivial dun poème.
Le premier quatrain est uniquement descriptif et sadresse à la femme. Puis il suscite son désir. Dans le premier tercet, il fait une supplication à la femme car il se sent dépossédé de lui-même. Enfin dans le deuxième tercet, il a conscience quil ne peut pas la satisfaire.
I Aspect de célébration de la femme
On peut décomposer ces aspects en plusieurs étapes. Il évoque les couleurs puis le caractère divin, les yeux et enfin le parfum.
Elle est décrite dès le début du texte par un jaillissement dadjectifs. Le premier quatrain est une accumulation de termes où lauteur est saturé de qualificatifs. Il ne dit pas « noire » mais « brume » qui est mis en valeur juste après lhémistiche où il y a une coupe forte avec la virgule. Le mot noir est comparé avec « nuits ». L« ébène », bois noir très dur soppose à « flanc ». Le noir apparaît aussi avec les « noirs minuits ». Il est très vite mis en relation avec « obi », sorcier noir. Le noir symbolise ici le diable rappelé par « Faust ».
Le caractère exotique peut être associé au noir. On a lexotisme des parfums de la femme. Le « havane » vient dun monde éloigné et une teinte foncée, brume. Les mots sont choisis pour évoquer quelque chose de lointain. Lauteur cherche à nous dépayser avec « obi », « savane ».
Le caractère divin de la femme est aussi présent. Le mot « déité » qui ouvre le poème est un premier indice. Lauteur montre quil y a un lien avec le surnaturel : »uvre de quelque obi » évoque ici le résultat dun sorcier. « Faust » est aussi lidée du pacte avec le surnaturel. La femme est donc une divinité proche de la sorcellerie : « sorcière » qui a des pouvoirs occultes qui peuvent être dangereux. Le pouvoir produit par cette femme montre une soumission, un ensorcellement du poète. Il apparaît dans le deuxième quatrain où lenvoûtement est exprimé. La syntaxe est différente dans le deuxième quatrain, là où apparaît le premier verbe du poème. Les constructions permettent de retourner à des mouvements plus constants.
Le « constance », l« opium », le « nuits » évoquent la dépendance. Ces drogues, ou paradis artificiel, sont évoquées et montrent finalement son envoûtement envers la femme, lors du baiser. Ce vers 6 a un rythme calme car est décomposé en quatre fois trois pieds. Cela renforce la sérénité, la béatitude produite.
Le côté triomphant de la femme apparaît avec « se pavane ». dans le deuxième hémistiche du vers 7, on a une image du départ qui retombe au vers 8. En fait cette célébration de la femme devient à double tranchant. Le mouvement du poème sarrête lorsque les yeux accèdent à un autre monde qui est malheureusement infernal. On a limage dun désir infernal avec une descente vertigineuse qui aboutit à un retournement de limage de la femme.
II Dégradation finale de la femme
Tous les termes quon avait au début prennent un autre sens avec des mots tels que le Styx, Proserpine dans les tercets.
Derrière les références, le poète fait allusion à son impuissance devant la femme : « verse-moi moins de flamme ». Les tournures négatives renforcent cette idée de faiblesse, dinfériorité. « Je ne puis », éloigné de son complément, est mis en valeur et appuie sur cette impuissance masculine.
La tendance homosexuelle de Jeanne Duval est suggérée lorsque le poète navoue ne pas être une femme : « Proserpine ». Le calembour du dernier mot amplifie sa provocation.
Ce poème a derrière une apparence classique des choses perverses
qui sont dévoilées. Lauteur joue avec la censure. Il
cherche à provoquer les censeurs et surtout à se montrer moderne
en modifiant les présentations classiques.
Merci Céline qui m'a envoyé cette
fiche...