Lettre envoyée
lundi 13 novembre 2000 aux magistrats THIEL et BRUGUIERE par la fille
de Jean Michel ROSSI
Monsieur le juge,
Apprenant par la presse l'existence d'éléments qui
pourraient se révéler décisifs dans l'enquête concernant l'assassinat de mon
père, je m'interroge aujourd'hui sur la passivité de la justice et sur votre
attitude personnelle qui a consisté à passer sous silence des informations très
sérieuses.
Je découvre en effet avec stupéfaction qu'une lettre
destinée à Charles Pieri a été confiée par Marie Hélène Mattei à M. Pascal
Garbarini pour qu'il la lui remette. Cette lettre contenait, selon les dires de
ce dernier, une puce, un numéro de téléphone correspondant et dénonçait
"le double jeu de Pascal", alors avocat de Charles Pieri mais aussi
de mon père et de François Santoni. M Garbarini a donc intercepté cette lettre
et, effrayé, vous en a avisé de manière informelle. Et l'affaire est restée
sans suite...
Il faut savoir que Pascal Garbarini est l'homme qui, le jour
de ses obsèques, s'est précipité sous le cercueil de mon père pour le porter,
l'avocat qui, quelques heures plus tard, s'est proposé pour représenter la
partie civile dans l’enquête.
Quant à Marie Hélène Mattei, dont je tiens à préciser
qu'elle n'était pas l'amie de mon père, contrairement à ce qu'elle prétend dans
les colonnes de Libération (il suffit, pour s'en convaincre de lire
l'appréciation que mon père portait sur elle dans le livre co-écrit avec
François Santoni ) elle n'aurait aucune raison de confirmer l'existence et le
contenu de la lettre comme elle le fait si Pascal Garbarini ne l'avait pas
ouverte et s'il n'en avait pas déjà lui-même divulgué le contenu.
Dans ces conditions, comment peut-il aujourd'hui se
retrancher derrière le secret professionnel?
Il me parait ainsi difficile d'admettre ses réticences
à produire la lettre en question, tout comme sa volonté de récuser tout lien
entre cette affaire et l'assassinat de mon père en datant le document de
novembre 1998.
Je comprends qu'il doit être menacé et qu'il essaie de
trouver une échappatoire, mais les véritables amis de mon père, eux, ont la
certitude que la lettre a été écrite au cours de l'année 1999
.Quant à la puce téléphonique, il est essentiel de savoir ce
qu'elle est devenue. A-t-elle été transmise? Par quel intermédiaire? Par qui a
t-elle été utilisée?
J'exige donc de vous, Monsieur le juge, que vous fassiez
produire et expertiser ce document. Le numéro de téléphone qui y figure doit
faire l'objet d'investigations poussées: il s'agit de vérifier s'il n'a pas été
masqué ou transformé, et de retrouver la trace de la puce à laquelle il
correspond. Cette puce pourrait constituer une clé majeure dans l'enquête sur
l'assassinat de mon père.
Et même si ce
n'était pas le cas, la justice qui n'a pas joué son rôle jusqu'ici, doit
explorer aujourd'hui toutes les zones d'ombre, ne rien laisser au hasard dans
une enquête qui doit nécessairement aboutir, quelle que soit l'identité des
personnes mises en cause.
J'attends que vous manifestiez enfin une réelle volonté
d'élucider ce meurtre et de démêler la situation.
D'autres vies sont
peut-être en jeu, Monsieur le juge, et j'estime que votre responsabilité est
déjà suffisamment engagée: il est plus que temps de sortir de ce silence
complice.
A ce moment là seulement, je retrouverai un peu de confiance
en votre justice.
Veuillez agréer,
Monsieur le juge, l'expression de mes
sentiments respectueux.
Lélia ROSSI