A L'ATTAQUE !


Avec A l'attaque! Robert Guédiguian explore une nouvelle fois un territoire qui n'appartient qu'à lui dans le cinéma français. Il dénonce par l'humour les injustices sociales et le pouvoir de l'argent, le choix du conte lui offrant toute la latitude possible pour mener son récit avec légèreté et même idéalisme. Il se place ainsi dans la lignée de Franck Capra dont A l'attaque! évoque plus d'une fois l'esprit. On retrouve chez les deux cinéastes cette foi dans un monde meilleur, enfin débarrassé des barrières sociales. Bien sûr, Guédiguian n'échappe pas à un certain manichéisme, mais l'Estaque qu'il met en scène est un Estaque idéalisé.

Pourtant, malgré la chaleur qui se dégage du film qui réunit une nouvelle fois la troupe d'acteurs fétiches de Guédiguian, A l'Attaque! ne tient pas toutes ses promesses. Si quelques moments se révèlent très drôles ( notamment la séquence musicale du bordel), l'ensemble est gâché par un postulat de départ encombrant. En effet, l'histoire de petit garage de l'Estaque luttant pour sa survie n'est en fait qu'un scénario dont nous assistons à l'élaboration. Or ce procédé de mise en abyme montre très vite ses limites. En aucun cas réflexion sur la création cinématographique, il s'avère être plutôt l'alibi du film. A travers les deux personnages de scénariste, Guédiguian semble avant tout préoccupé à répondre aux critiques que le film pourrait susciter (le manichéisme, le côté "pagnolade" des dialogues). Or par sa forme (le conte) le film se justifie lui-même. De ce fait, Guédiguian délaisse son scénario. La force subversive de son sujet (l'enlèvement d'un homme d'affaire par un groupe de personnes acculées par la ruine) se dilue dans une série de clichés et de gags faciles, ou bien est désamorcée par les interventions intempestives des deux scénaristes.

Ni brûlot politique, ni réflexion sur la création, A l'attaque! rate ses cibles. Cela est d'autant plus dommage qu'on y retrouve ce qui fait la force de Guédiguian : cette manière de filmer à hauteur d'homme, cette volonté de partir de l'émotion pour arriver à l'intelligence du propos ; tout ce qui fait que l'on attend, quand même, avec impatience le prochain des "contes de l'Estaque".

Sébastien Warnet

A l'attaque! France (2000). Réal: Robert Guédiguian. Scen: Robert Guédiguian, Jean-Louis Milesi. Prod: Robert Guédiguian. Int: Ariane Ascaride (Lola), Jean-Pierre Darroussin (Jean-Do), Gérard Meylan (Gigi), Jaques Pieiller (Xavier), Denis Podalydès (Ivan). Durée: 1h 30.

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