GOUTTES D'EAU SUR PIERRE BRULANTE

Douche écossaise.

Ozon est un cinéaste qui monte. Après avoir longtemps été le champion du court métrage français, il ne réalise maintenant pas moins d'un long métrage par an. Le troisième, Gouttes d'eau sur pierre brûlante, est adapté d'un pièce de jeunesse de Fassbinder dont est gardée la strucure en actes et l'unité de lieu, tout se passant dans l'appartement de Léopold (Bernard Giraudeau).

Léopold, dans l'acte I, a invité Franz (Malik Zidi) a prendre un verre chez lui ; ils finiront (bien sûr) la soirée au lit. Et peut-être parce que l'acte I pourrait être à lui seul un court métrage, Ozon donne le meilleur de lui même. Il joue parfaitement de la théâtralisation : du décor, kitsch à souhait, du jeu des acteurs, et compense cette théâtralisation par la multiplication des cadrages et l'emménagement dans la continuité du texte d'ellipse aux effets souvent comique. Au final on retrouve comme presque dans tous ses films le traitement ironique d'une situation sexuelle décalée. Il y a du cathartique dans le cinéma d'Ozon qui refuse la psychologie, qui va chercher les passions les plus profondes pour mettre les fantasmes à distance: ici, Franz a une petite amie, Anna (Ludivine Sagnier), mais est un homosexuel refoulé.

Le problème est qu'à partir de l'acte II il est question d'amour entre Franz et Léopold et, pour la simple et bonne raison (évoquée plus haut ), qu'il refuse la psychologie, le cinéaste ne parvient pas à traiter de leurs sentiments. Tous les points forts de sa mise en scène se retourne alors contre lui : trop théâtraux, les personnages ne sont pas crédibles dans leurs douleurs, trop morcelé, le récit ne parvient pas à rendre l'effet du temps sur le couple, trop découpé, mécanique, le film ne laisse aucune place à l'humain. Les protagonistes apparaissent alors comme des marionnettes : le terme est lui même employé et il faut voir les comédiens dans leur chorégraphie effrénée.

Seule Vera (Anna Thompson), au dernier acte, vient apporter une once d'humanité. Elle seule bénéficie d'une mise en scène qui prenne le temps de la filmer. Mais il est trop tard et l'on se ficherait presque de la fin (tragique). A refuser de ne pas sortir du "guignol", à user et abuser de ses facilités, Ozon passe à coté du mélodrame flamboyant et outré (genre "Almodavar auquel la fin fait penser) qu'il aurait pu faire. Peut-être a-t-il choisi un sujet qui lui échappait? Peut-être l'a-t-il tourné trop vite? En espérant qu'il mûrisse comme le cinéaste madrilène, revoyons - pourquoi pas ? - Les Amants criminels, film incendié par la critique et sans doute incompris. Ozon nous plongeait là à reculons au plus profond de son monde, un monde où tous les fantasmes les plus enfouis, les plus interdits surgissent pour prendre vie.

David Lagain

Gouttes d'eau sur pierre brûlante. France (2000). Réal: François Ozon. Scen: François Ozon d'après une pièce de R.W. Fassbinder. Photo: Jeanne Lapoirie. Décor: Arnaud De Moléron. Prod: Alain Sarde. Int: Bernard Giraudeau (Léopold), Malik Zidi (Franz), Ludivine Sagnier (Anna), Anna Thompson (Vera). Durée: 1h 30.

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