LA COUPE / UN DERANGEMENT CONSIDERABLE

Le sport dans tous ses états : un air de football

Le sport dans tous ses états : un air de football Les oeuvres portant sur le sport ont toujours occupé une place marginale dans le panorama cinématographique international. Et pourtant, deux productions centrées sur le monde du football sont projetées à une semaine d'intervalle sur les écrans hexagonaux. Sport populaire par excellence, bénéficiant d'une médiatisation exacerbée sur l'ensemble de la planète - exceptés quelques pays outre-Atlantique, comme les Etats-Unis -, l'occasion se révèle idéale pour comparer les perceptions qui émanent d'auteurs de nationalités et de cultures différentes.

Comme envisagé, La Coupe et Un dérangement considérable demeurent des films divergents et hétéroclites, mais ils se veulent surtout complémentaires. Le premier aborde le ballon rond du point de vue des fans, alors que le second focalise sur un jeune joueur talentueux et prometteur. Dans un cas, on revit par procuration, via l'écran cathodique, l'euphorie suscitée par la coupe du monde 1998 ; dans l'autre, le sport ne demeure qu'une toile de fond pour camper une histoire d'amour impossible et destructrice.

La Coupe nous conte la vie de candides moines tibétains, réfugiés en Inde, qui se sentent emportés par l'engouement massif occasionné par l'événement le plus fair-play de cette fin de siècle. Le film jubilatoire de Khyentse Norbu Rimpoche tend à l'universel et se clôt sur les repentirs du protagoniste, qui a hypothéqué la montre d'un de ses camarades afin d'assister à la retransmission de la finale, cette montre symbolisant l'unique et ultime lien entre une mère restée au pays et son fils exilé.

Mais le propos essentiel réside dans le passage de flambeau entre générations. L'influence occidentale se veut prégnante chez les adolescents, qui ne remettent cependant pas en question l'enseignement de leurs guides spirituels et les valeurs inculquées par le bouddhisme. Le metteur en scène nous brasse un étonnant portrait culturel qui nous confine dans l'idée que le bouddhisme demeure véritablement une philosophie de vie qui accepte de se remettre en question pour mieux se transcender.

La communication dans La Coupe se base sur une transmission de patrimoine mutuelle et réciproque : valeurs traditionnelles et conceptions nouvelles fusionnent pour une aspiration à la plénitude. La tonalité adoptée par Bernard Stora dans Un dérangement considérable, plus sarcastique et polémique, se veut également au service d'un “conflit” de générations. Laurent, footballeur professionnel potentiel, ultime espoir social d'une famille marginalisée, perd ses repères lorsqu'il est confronté au véritable amour.

Cette situation inattendue rend son avenir incertain car il se révèle incapable de concilier la sincérité des sentiments qu'il éprouve et l'assiduité que requièrent les entraînements. Viennent se greffer à ces troubles intérieurs les regards incompréhensifs d'un entourage médusé qui n'accepte pas la relation de Laurent avec une femme mûre, issue d'un milieu social privilégié aux antipodes de ses origines prolétaires, obstacle permanent pour entamer une carrière sportive.

A la différence de la réalisation bouthanaise, le diptyque tradition/modernité est ici remplacé par l'oxymore expérience/innocence. La Coupe et Un dérangement considérable, films respectivement burlesque et réaliste, onirique et pessimiste, se veulent éprouvants, déconcertants, enrichissants. La tolérance y est magistralement prônée et notre compréhension spectatorielle est rudement éprouvée. On ne peut que témoigner notre admiration devant la sincérité exacerbée des personnages, qualité appréciable de quelques opus de la production cinématographique actuelle, et notamment française.

The Dude-Amandine Scherer

 

La Coupe. Bouthan (1999). Réal: Khyentse Norbu Rimpoche. Scen: Khyentse Norbu Rimpoche. Mont: John Scott. Mus: Douglas Mills. Int: Orgyen Tobgyal, Lama Chojor, Neten Chokling. Durée : 1 h 33.

Un dérangement considérable. France (1999). Réal: Bernard Stora. Scen: Bernard Stora, Gilles Taurand. Mont: Jacques Comets. Mus: Bruno Coulais. Int: Jalil Lespert, Mireille Perrier, Chantal Banlier. Durée : 1 h 50.

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