SCENES DE CRIME

Une jeune fille disparaît mystérieusement. Alertée, la police ne tarde pas à établir le lien entre cette disparition et une série de meurtres non-élucidés. A mesure que l'enquête avance, les policiers prennent conscience qu'ils sont sur les traces d'un tueur en série.

Le film policier est un genre extrêmement balisé, fortement tributaire de ses conventions, de sa mythologie. Dès sa première réalisation, Schoenderffer parvient pourtant à tirer son épingle du jeu , en imposant une vision neuve du genre. Une comparaison entre les séquences d'ouverture de Scènes de crimes et de Scream de Wes Craven se révèlent extrêmement intéressante pour comprendre la démarche de Schoenderffer. Dans les deux films, nous sommes face à une situation identique : une jeune fille seule dans une maison située à l'écart. Le spectateur lui aussi, ressent le même trouble, cette angoissante en même temps qu'excitante sensation que quelque chose d'horrible va se produire. Mais si Wes Craven entretient magistralement ce sentiment jusqu'à son paroxysme, c'est à dire le meurtre vécut comme une véritable libération par le spectateur, le cinéaste français, lui, coupe court à tout suspense. Par une ellipse surprenante, il occulte l'agression qui sera seulement évoquée par quelques tâches de sang sur un catalogue. Si Schoenderffer refuse ainsi toute dramatisation, c'est qu'il ne s'intéresse qu'à ce qui suit l'agression : le moment où la police s'empare de la "scène du crime".

Mais c'est aussi dire la place qui sera réservé au spectateur. Celui-ci est toujours maintenu à distance, jamais il ne lui sera permis d'entrer dans l'histoire. La mise en scène de Schoenderffer ne fait pas du spectateur un enjeu, mais simplement un témoin. Si le metteur en scène agit de la sorte c'est parce que son but est de nous montrer l'envers du décor, ce que l’on ne nous montre jamais : la réalité de la procédure policière. La longue séquence de l'autopsie est à ce titre exemplaire. Rien ne nous est épargné, aucun détail ne nous est caché. Cette volonté documentaire est le principal atout du film. Le cinéaste parvient habilement à déplacer l'intérêt du spectateur de la résolution de l'enquête à la procédure qui permet d'y arriver. Mais de ce fait, les digressions sur la vie privée des deux flics (interprétés par Charles Berling et André Dussollier ) alourdissent le récit. Jamais on ne parvient à s'identifier à eux .

Scènes de crimes est un premier film séduisant qui paradoxalement pêche par ses qualités. Refuser d'impliquer le spectateur dans le récit, même pour lui offrir une alternative intéressante, a pour conséquence de créer chez lui un manque, l'impression d'un rendez-vous raté.

Sébastien Warnet

Scènes de crime. France (2000). Réal: Frédéric Schoendoerffer. Scen: Frédéric Schoendoerffer, Yann Brion. Photo: Jean-Pierre Sauvaire. Mus: Bruno Coulais. Prod: Eric Nev. Int: Charles Berling (Fabian), André Dussolier (Gomez), Eva Dalan (le commissaire principal), Ludovic Schoendoerffer (Léon), Elodie Navarre (Marie). Durée: 1h 50.

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