APISTOGRAMMA BORELLII

 

Regan 1906

(photo plus tard)

 

Ma première rencontre avec Apistogramma Borellii s'est traduit par une étiquette sur un bac de vente : A.Borellii, sauvage, x francs / pièce. Après un rapide coup d'œil on se dit que tous ont déjà trouvé acquéreur, alors le revendeur intervient et conseille " oui, ils sont là, il en reste 6 ". En effet, en observant avec attention, j'aperçois six poissons grisâtres. Depuis le temps que l'on me conseille de démarrer avec un groupe de poissons ( NDLR un groupe de jeunes poissons c'est souvent l'idéal )et non pas un couple, je me lance dans l'aventure malgré la petite entorse à mon porte-monnaie. De retour à la maison, la folie l'emportant sur la raison, ils sont installés dans un 100 litres qui me sert de bac hôpital.

Cette espèce au corps élevé est peu élancée. La taille de la femelle atteint environ 4 cm ; sa couleur est jaunâtre. Le patron mélanique consiste en : une bande jugulaire, une bande frontale, une bande nasale et une bande longitudinale en zigzag jusqu'à une nageoire caudale arrondie. Les premières épines pelviennes et dorsales sont noires.

Le mâle mesure 7 cm, sa nageoire dorsale est haute avec une partie molle développée, les membranes sont non dégagées et soudées. Les pelviennes sont également développées. La nageoire caudale est arrondie.

Il existerait deux formes chromatiques aisément discernables. La première a la tête, la gorge et une partie du ventre jaune. La deuxième a une couleur corporelle moins jaune mais plus bleue. Des points rouges sont présents sur l'opercule et sous l'œil.

L'aire de répartition est assez vaste : du Mato Grosso jusqu'au Nord de l'Argentine. Sa limite sud se situe entre les Rio Paraguay et Parana.

Ces Apistogramma demandent une eau douce et acide - PH : 6 à 7 - Dureté 8 - 10° fr.

Sensibles aux nitrates des changements d'eau réguliers sont nécessaires. La température doit être comprise entre 23 et 27°. Pour le bien-être de mes poissons, bien que travaillant l'eau de conduite avec de l'eau osmosée, j'ai toujours ajouté dans mes bacs de la tourbe placée dans un bas. Non pour acidifier mais plutôt pour colorer l'élément liquide d'une jolie teinte cuivrée et apporter quelques probables oligo-éléments.

Dans mon cas, sur les six A.Borellii, j'obtiens 2 mâles et 4 femelles. Un petit aquarium d'une cinquantaine de litres suffit alors à maintenir un couple déjà formé.

Adepte de la noix de coco, que je trouve plus esthétique, j'en place 4 ou 5 dans un coin de l'aquarium. Découpées en deux ou entières, de différentes tailles, elles permettent à la femelle de faire son choix. Il est important de bien nettoyer à la brosse métallique les fibres restantes, un coup de stérilisation (on les ébouillante : ndlr) et le tour est joué !

Vers de vase, vers blancs, artémias et daphnies congelées sont acceptées avec gourmandise, la nourriture vivante est dévorée avec avidité. Par contre je n'ai jamais eu beaucoup de succès avec mes paillettes. Ces apports quotidiens de qualité favorisent le développement de la teinte bleu irisé du mâle.

Maintenu dans ces conditions les poissons ne tardent pas à développer les signes annonciateurs de la reproduction : une légère augmentation de la température la déclenche. La femelle délaisse sa couleur jaunâtre pour un habit jaune intensif, les différentes bandes disparaissent mis à part les masques qui s'intensifient, son oviducte est visible ainsi que son ventre légèrement rebondi.

La femelle prend alors la direction des opérations. Elle commence par répondre aux avances du mâle tout en préparant minutieusement son site de ponte ; généralement une cavité. Une fois la chambre nuptiale préparée, elle entame alors une danse pour lui signifier ses prédispositions. Elle le guide vers la noix de coco et dépose à chaque passage 4 à 6 œufs aussitôt fécondé par le mâle. Les œufs sont gros et rouges clairs, au nombre de 40 à 60.es larves éclosent après 4 jours, pendant ce temps le mâle profite de ces derniers instants dans le bac. Je m'explique : pendant les 4 premiers jours la femelle quitte rarement le lieu de ponte, mais une fois les alevins éclos son instinct maternel l'emporte sur les droits de regard du géniteur. Avec férocité elle le chasse, pour son salut le mâle est retiré du bac.Tranquille, la mère retrouve son patron mélanique d'origine et promène ses petits, les déplaçant de cuvettes en cuvettes, puis les accompagne lors de leurs promenades dans le bac. A la moindre alerte, un léger tremblement ordonne aux alevins de se plaquer au sol. Elle reste seule contre tous attaquant la pipette qui nourrit de nauplis d'artémias ses rejetons. Apres un mois, nourris correctement les jeunes ne tardent pas à partir à la conquête de l'espace mis à leur disposition, il est alors temps de retirer la femelle. Ce n'est qu'à ce moment que le mâle retrouve sa compagne.

Dans la littérature, certains auteurs relatent que le mâle prend à sa charge la protection périphérique du lieu de ponte, dans un bac d'ensemble il est vrai, mais dans mes bacs de reproduction ils ont toujours été indifférents à leur devoir. Désirant optimiser mes chances j'ai toujours évité de placer des intrus, évitant le stress de leur pêche à la femelle.

Ma curiosité a coûté la vie à une trentaine de jeunes Borellii : j'attendis la fin de la ponte pour compter les œufs, j'attrapai la coquille en prenant soin de lui épargner une lumière trop vive. Le lendemain je retrouvai la femelle, mère indigne, ignorant ses œufs. Je ne pense pas qu'ils soient photosensibles car certains auteurs mentionnent des pontes sur des pierres plates à l'abri de plantes. L'instinct maternel semble tellement développé que le simple fait de toucher à cette noix a provoqué cette réaction. L'expérience a été renouvelée sur un couple qui avait pondu dans un " bac d'ensemble ", j'attrapais la noix sans la retourner pour seulement la déplacer de quelques centimètres : bilan morsures multiples de madame pour aboutir à un nouvel abandon des œufs.

En conclusion, Apistogramma Borelli est un cichlidé nain sud-américain fort sympathique. De maintenance et de reproduction aisée il ravit son propriétaire. Tout en nuance bleutée, il est du plus bel effet dans un bac d'ensemble, dans lequel il devra dominer des colocataires tranquilles tels des petits Characidae et des Callichthydae (ndlr: les petits loricariidés comme les Ancistrus cohabitent aussi très bien avec eux.)

 

L.Le Quéau (2000)