Pauvre moi
"Pauvre moi!" Qui n'a pas prononcé, un jour ou l'autre,
ces mots de pitié pour elle-même ou pour lui-même?
En effet, nous portons toutes et tous en nous
ce que j'appellerais une "partie" victime.
Selon les personnes, cette partie victime
est plus ou moins développée .
L'importance du rôle que nous attribuons
à notre victime sur notre théâtre intérieur
varie selon les circonstances, selon les gens
que nous côtoyons, selon notre position
dans le monde et selon notre état du moment.
Bien que nous jouions avec toute notre sincérité
et tout notre coeur, en fait, il ne s'agit que d'un rôle.
Un rôle appris lorsque nous étions très jeunes.
Des parents dont les marques d'attention
sont principalement centrées autour de la peine,
de l'impuissance de leur enfant, de ses peurs
et de ses échecs renforceront souvent
et inconsciemment et involontairement
les comportements de victime chez ces derniers.
À l'âge adulte, nous continuons de jouer ce jeu,
nous nous faisons plus petit(e), plus fatigué(e),
plus impuissant(e) que nous sommes
réellement afin d'attirer l'attention et d'alléger
le poids de nos responsabilités.
Bébé, il a bien fallu que nous développions
une stratégie pour aller chercher les marques
d'attention dont noud avions
absolument besoin pour vivre.
Malheureusement, ce qui n'était qu'une stratégie
de survie, a pu devenir au cours d'années de pratiques assidues,
un mode de vie. Nous avons même pu finir par nous identifier.
"Je suis une victime," N'est-il pas différent de
"Il arrive parfois que je me comporte en victime."
Les croyances vont alors de pair.
"Je ne suis pas capable."
"Je ne sers à rien."
"Je mérite d'être utilisé(e), bourassé(e), rejeté(e)."
"Je ne serai jamais capable de vivre seul(e)."
"Je vaux moins que les autres."
"Quand on est né pour un petit pain"
"C'est toujours à moi que ça arrive!"
"Je ne mérite pas qu'on s'intéresse à moi."
Quand nous jouons le rôle de victime,
nous sommes portés à placer les autres au-dessus de nous.
C'est un peu comme si nous étions tout(e) petit(e)
et que nous vivions dans un monde de géants.
La victime se dit:
"La vie est trop dure pour une petite fille
ou un petit garçon comme moi."
Il ou (elle) voudrait tellement trouver,
et peut chercher toute sa vie durant,
quelqu'un qui le ou la prendrait
en charge totalement ou en partie.
Nous savons toutes et tous que la responsabilité
de notre vie est parfois lourde à porter.
Lorsque nous sommes dans notre victime,
elle peut devenir écrasante et très souffrante.
La douleur est réelle, mais demandons-nous si
nous n'y contribuons pas par notre façon de voir
la vie et par les croyances que nous portons.
Losque notre partie victime est en vedette,
des émotions et des sentiments comme des signaux d'alarme,
nous permettent de l'identifier.
Cèst alors comme si nous nous promenions
avec des lunettes noires.
Rien ne va! Nous nous sentons déprimés,
impuissants, abandonnés,
nous avons mal et nous cherchons
à l'extérieur de nous-mêmes quelqu'un ou quelque chose
qui pourrait nous soulager!
Comme tout le monde je glisse parfois dans ce jeu,
alors loin de moi l'idée de juger
qui que ce soit en présentant cette dynamique de la personnalité.
Elle a ses avantages.
Effectivement, les gens vont se préoccuper de moi,
ils me prendront momentanément en charge,
me plaindront, compatiront pour un temps à ma douleur,
essayerons possiblement de me désennuyer,
de me consoler, de me protéger, etc.
D'un autre côté, les désavantages pèsent lourd dans la balance.
C'est bien sûr que j'obtiens des marques d'attention,
mais en même temps, mon estime de moi diminue,
je développe des relations de dépendance
envers les autres,
mon autonomie en prend un coup
et je suis très porté à me blâmer.
Je peux également devenir pesant(e)
pour les gens qui m'entourent.
Certains peuvent même s'éloigner.
Si certaines personnes s'éloignent ce n'est pas
à cause de ma valeur ou parcequ'ils ne m'aiment pas,
mais plutôt parcequ'ils ne peuvent plus supporter
mes comportement de victime,
Prendre en charge une victime
demande énormément d'énergie.
Je ne suis pas en train de dire qu'il faille cesser ce jeu.
Aussi longtemps que les avantages dominent
sur les inconvénients, les personnes n'ont pas vraiment envie
de prendre le risque.
Et les risques sont réels. On se demande:
"Aurais-je encore de l'attention?
Est-ce que je ne risque pas de me retrouver seul(e),
si je m'occupe moi-même de mes propres besoins
et si je prends ma vie en charge?
" C'est possible! Mais, pas nécessairement!
L'inverse peut-être également vrai!
Mais de toute façon, je serai moi-même,
je me respecterai et il me sera plus facile d'établir
des relations d'égalité et de créer pour moi-même
la vie que je veux réellement.
Ça prend du courage pour renoncer aux avantages
des jeux de manipulations et pour se tenir debout.
Mais je vous assure que ça se fait.
Apprendre à reconnaître cette partie en nous
et son influence sur notre vie passée
et présente est toute une aventure.
Voici quelques pistes, quelques questions utiles
losqu'on veut amener à la conscience
les jeux manipulateurs de notre ego.
D'abord s'observer, puis écrire.
Quelles sont les personnes et les situations
où je suis davantage portée à jouer la victime?
Comment est-ce que je m'y prends ?
Lorsque je suis dans mon rôle de victime,
quelle image ai-je de moi-même et des autres?
Quelle perception ai-je de la vie? De ma vie?
Quels sont les discours que je tiens dans ma tête?
Comment est-ce que je me sens dans mon corps
et dans mon coeur?
Qu'est-ce que je gagne et qu'est-ce que je perds
à me sentir et à jouer la victime?
Qu'ai-je peur de perdre si je cesse de jouer à la victime?
Qui joue victime avec moi?
Suis-je le genre de personne qui attire les victimes?
Comment est-ce que je m'y prends?
Est-ce que je suis en train de renforcer les comportements
de victime chez mon enfant?
Pourquoi ne pas, alors,
souligner davantage ses succès,
ses points forts, ses bons coups,
ses comportements désirables,
"renchausser" son sentiment de fierté
et d'autonomie et, par dessus tout,
lui dire souvent et gratuitement combien
je l'aime, à quel point elle, il. est important pour moi?
L'auteure de ce texte est
Mme Gabrielle C. Dubé de la revue Alternatives Sans Frontières.
 
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