COVRS DE LATIN - LECON I/3

LES ADJECTIFS LATINS

LE GENITIF

 

I. La déclinaison des adjectifs en -us, -a, -um
II. L'accord des adjectifs qualificatifs
III. L'accord des adjectifs attributs
IV. L'utilisation du génitif
V. La place des mots dans la phrase latine
VI. Récapitulatif

 

Tout comme en français, les adjectifs latins sont des compléments qui ne possèdent pas de genre spécifique. Un adjectif n'est ni masculin, ni féminin, ni neutre (3ème genre latin qui n'a pas d'équivalence en français) en soi, mais il peut se mettre au masculin, au féminin ou au neutre selon le mot qu'il accompagne et qu'il complète.

Dans un dictionnaire de langue française, tu trouveras par exemple l'adjectif vieux, vieille (les dictionnaires donnent toujours la forme masculine d'abord, puis la forme féminine). Afin d'employer correctement cet adjectif, tu l'accorderas ensuite avec le nom qu'il accompagne et qu'il complète. C'est ainsi qu'on obtient un vieux livre (livre étant un nom masculin), mais une vieille femme (parce que le nom femme est féminin).

Les Latins faisaient de même, sauf que leurs adjectifs peuvent se mettre à trois genres différents (masculin, féminin, neutre) et non deux. Par convention, les adjectifs sont toujours donnés au nominatif singulier pour les trois genres.

Ainsi, dans ta brochure de vocabulaire latin, tu trouveras des adjectifs donnés sous cette forme:

altus, alta, altum haut, élevé; profond
bonus, bona, bonum bon

Dans l'adjectif altus, alta, altum, altus correspond donc au nominatif masculin singulier, alta au nominatif féminin singulier et altum au nominatif neutre singulier.

Voilà qui est bien. Mais nous ne connaissons pour l'instant que les formes du nominatif singulier. Que faire si le nom que l'adjectif complète et auquel il doit s'accorder est, par exemple, à l'accusatif pluriel? Il nous faut donc trouver un modèle de déclinaison pour ce type d'adjectif.

Si tu y réfléchis bien, tu verras que les terminaisons en -a, en -us et en
-um au nominatif singulier ne nous sont pas entièrement étrangères. En effet, le -a de alta ressemble fort au -a de rosa (1ère déclinaison), et les
-us et -um d'altus et d'altum au -us et -um de dominus et de templum (2ème déclinaison). Et pour cause! Ce sont justement ces déclinaisons qui servent de modèle aux adjectifs de ce type.

Vérifions la justesse de cette déduction:

Cas
nom -> adjectif (féminin)
Sg.
Nominatif
Rosa -> alta
Accusatif
Rosam -> altam
Génitif
Rosae -> altae
Datif
Rosae -> altae
Ablatif
Rosa -> alta
Pl.
Nominatif
Rosae -> altae
Accusatif
Rosas -> altas
Génitif
Rosarum -> altarum
Datif
Rosis -> altis
Ablatif
Rosis -> altis

Cela fonctionne parfaitement pour le féminin de l'adjectif. Voyons à présent pour le masculin et le neutre:

Cas
nom -> adjectif (masc.)
nom -> adjectif (neutre)
Sg.
Nominatif
Dominus -> altus
Templum -> altum
Accusatif
Dominum -> altum
Templum -> altum
Génitif
Domini -> alti
Templi -> alti
Datif
Domino -> alto
Templo -> alto
Ablatif
Domino -> alto
Templo -> alto
Pl.
Nominatif
Domini -> alti
Templa -> alta
Accusatif
Dominos -> altos
Templa -> alta
Génitif
Dominorum -> altorum
Templorum -> altorum
Datif
Dominis -> altis
Templis -> altis
Ablatif
Dominis -> altis
Templis -> altis

Tout est parfaitement identique, ce qui nous permet de dire que les modèles de déclinaison des adjectifs en -us, -a, -um sont les noms dominus, rosa et templum.

Le tableau suivant servira donc de modèle unifié à tous les adjectifs en -us, -a, -um.

Cas
masculin
féminin
neutre
Sg.
Nominatif
altus
alta
altum
Accusatif
altum
altam
altum
Génitif
alti
altae
alti
Datif
alto
altae
alto
Ablatif
alto
alta
alto
Pl.
Nominatif
alti
altae
alta
Accusatif
altos
altas
alta
Génitif
altorum
altarum
altorum
Datif
altis
altis
altis
Ablatif
altis
altis
altis

 

 

L'accord des adjectifs qualificatifs (compléments de nom)

Comme en français, l'adjectif latin s'accorde en genre et en nombre avec le nom qu'il qualifie et qu'il complète. Il se met aussi au même cas que lui pour bien montrer qu'il y est étroitement associé.

Ainsi, si l'on veut accorder l'adjectif bonus, bona, bonum au nom dominos (à l'accusatif masculin pluriel), on choisira la terminaison correspondant au croisement de la colonne masculin et de la ligne accusatif pluriel, ce qui donne -os. Collons cette terminaison au radical de l'adjectif (même principe que pour trouver le radical d'un nom), et nous obtenons bonos dominos, ce qui est correct.

Attention à ne pas tomber dans le piège de la même apparence de terminaison! En effet, un mot comme nauta, qui signifie le marin, se décline comme rosa mais demeure un nom masculin. Cela signifie qu'à l'accusatif pluriel, la forme correcte sera bonos nautas et non une simple répétition de la terminaison -as accollée hâtivement à bonus (bonas serait faux). Attention également aux noms d'arbre de la 2ème déclinaison qui sont tous féminins!

Quelques exemples corrects:
clarum consulem (un célèbre consul, à l'accusatif sg.), alti muri (des hauts murs, au nominatif pl.), altam statuam (une haute statue, à l'accusatif sg.)

Quelques fautes typiques:
altum populum (forme correcte: altam populum, un haut peuplier, à l'accusatif sg.), bonae agricolae (forme correcte: boni agricolae, de bons paysans, au nominatif pl.)

 

 

L'accord des adjectifs attributs (compléments de verbe)

Lorsqu'un adjectif latin ne qualifie ni ne complète un nom, il peut jouer le rôle de complément du verbe être. On l'appelle, dans ce cas, adjectif attribut. Pourquoi? Parce que le verbe être, en plus d'être un verbe irrégulier (tant en français qu'en latin d'ailleurs), ne sert jamais à désigner l'action que fait le sujet, mais sert au contraire à lui attribuer une qualité ou un défaut. Ainsi, lorsque l'on dit Pierre est intelligent, Pierre (GNs) ne fait pas l'action d'être intelligent, mais on attribue le fait d'être intelligent au dénommé Pierre.

L'adjectif attribut est donc étroitement lié, par le sens et par le verbe être, au GNsujet de la phrase. C'est pour cette raison que l'adjectif attribut s'accorde toujours en cas, en genre et en nombre avec le sujet et, donc, se met toujours au nominatif (cas du sujet), et jamais jamais jamais à l'accusatif (cas du GNcv pour tout autre verbe!).

Exemples:
Le peuplier est haut se traduira par Populus (GNs) est (verbe être, 3ème p.sg.) alta (adjectif attribut, accordé au GNs, donc au nominatif féminin sg.). La phrase finale sera donc Populus alta est.

La statue est petite donnera Statua parva est. (et non parvam)

Le consul est célèbre donnera Consul clarus est. (et non clarum)

Le temple est large donnera Templum latum est.

 

 

L'utilisation du génitif

Jusqu'à présent, nous avons vu que le nominatif servait à désigner le GNsujet qui faisait l'action désignée par le verbe. Nous avons aussi vu que l'accusatif servait à désigner sur qui ou sur quoi portait l'action du verbe, bref qu'il complétait le verbe et dépendait de lui. D'où son nom de GNcomplément de verbe. Mais qu'en est-il du génitif?

Le génitif est, au même titre qu'un adjectif, un complément du nom. Il n'a d'autre but que de donner un peu plus d'information sur le nom qu'il accompagne et dont il dépend.

En français, le GPcomplément du nom est toujours introduit par la préposition de. On dit ainsi le chien de ma soeur, la voiture de mon frère, l'histoire de ma vie.

En latin, ce groupe prépositionnel formé de la préposition de et d'un groupe nominal (ma soeur, mon frère, ma vie) se traduit par un génitif sans préposition et se place généralement juste devant le nom qu'il complète et dont il dépend.

Quelques exemples:

La rose de la jeune fille. Le groupe prépositionnel de la jeune fille, qui complète et dépend du nom la rose, se mettra au génitif. On dira donc Puellae rosa.

L'âne du philosophe. Le GP du philosophe complète et dépend du nom l'âne et se mettra donc au génitif. On dira donc Philosophi asinus.

De même, la phrase L'esclave regarde l'âne de la déesse se traduira par Servus (GNsujet au nominatif) deae (GPcn, formé de la préposition de et du GN la déesse, se met au génitif, d'où deae) asinum (GNcv dont dépend le génitif deae) spectat (le verbe à la 3ème pers. du sg.). Ce qui donne: Servus deae asinum spectat.

Le génitif étant le cas du nom complément d'un autre nom, il peut compléter n'importe quel Gn, que celui-ci soit sujet (GNs), complément de verbe (GNcv) ou même compris dans un autre GPcomplément du nom (comme, par exemple, dans le chien de la fille de la voisine, où le GPcn de la fille complète et dépend du GN le chien, et où le GPcn de la voisine complète et dépend du GN la fille!).

Pour simplifier l'analyse des phrases latines, il est vivement conseillé de réunir les groupes de mots liés ensemble par des parenthèses carrées. Ainsi, une phrase un peu longue comme Agricolae filia oratoris mulierem spectat, qui comprend cinq mots, peut se réduire à trois groupes principaux: [Agricolae filia] (GNsujet complété par un GPcn) + [oratoris mulierem] (GNcomplément de verbe également complété par un GPcn) + spectat (le verbe). Ce qui se traduit plus facilement par La fille du paysan regarde la femme de l'orateur.

 

 

La place habituelle des mots dans la phrase latine

Bien moins rigoureuse qu'en français, la place des mots en latin n'est pas due au hasard. Des habitudes, comme celle de mettre le sujet en tête de phrase ou le verbe en queue de phrase sont bien ancrées dans les moeurs latines! En fait, les Latins aimaient à avoir un certain ordre pour, justement, pouvoir parfois y déroger. En effet, impossible de montrer à un interlocuteur que l'on a mis un argument en évidence, si les mots que l'on emploie sont placés de manière anarchique.

C'est pourquoi l'on peut énoncer ici quelques grands principes pour placer harmonieusement les mots au sein d'une phrase latine.

  • La place en tête de phrase est réservée à un mot ou à une expression que l'on veut mettre en évidence. En général, il s'agit du sujet. Dans les phrases interrogatives, la première place est généralement occupée par le mot interrogatif (quis? quid? cur? etc.). Un complément de phrase à nuance temporelle ou locale ne compte pas pour une première place.
  • La dernière place est en général réservée au verbe (sauf quand une interrogation porte sur le verbe en question ou lorsque le verbe être signifie il y a, dans quel cas il se place de facto en tête de phrase).
  • Les expressions modifiant ou agissant directement sur le verbe se placent généralement juste devant lui. Ainsi, on dira plutôt Servus in via magna celeritate currit (plutôt que Servus magna celeritate in via currit), parce que magna celeritate indique expressément de quelle manière court l'esclave. De même, on dit Asinum non video et non Non asinum video, car la négation non porte directement sur le verbe voir et non sur l'objet qui est vu.
  • L'adjectif se place, la plupart du temps, avant le nom qu'il complète, sauf lorsqu'il s'agit d'un adjectif de nationalité. Ondit ainsi callidus orator = un orateur habile, magna statua = une grande statue, mais miles Romanus = un soldat romain.
  • Le GPcomplément de nom se place généralement juste devant le nom qu'il complète et dont il dépend (l'âne de l'esclave = servi asinus). Si celui-ci est déjà complété par un adjectif, le GPcn se glisse entre l'adjectif et le nom (le petit âne de l'esclave = parvus servi asinus et la petite fille de la grande femme = parva [magnae mulieris] filia).

 

 

Récapitulatif
1. Les adjectifs latins en -us, -a, -um ont pour modèle les déclinaison dominus, rosa et templum.

2. L'adjectif complément du nom s'accorde, comme en français, en genre et en nombre avec le nom qu'il qualifie et qu'il complète. Il se met aussi au même cas que lui pour bien montrer qu'il y est étroitement associé.

3. Lorsqu'un adjectif latin ne qualifie ni ne complète un nom, il peut jouer le rôle de complément du verbe être. Dans ce cas, on l'appelle adjectif attribut et il est étroitement lié, par le sens et par le verbe être, au GNsujet de la phrase. C'est pourquoi l'adjectif attribut s'accorde toujours en cas, en genre et en nombre avec le sujet et, donc, se met toujours au nominatif (cas du sujet).

4. Le génitif est, au même titre qu'un adjectif, un complément du nom (donne des informations complémentaires sur le nom qu'il accompagne et dont il dépend). En français, le GPcn est toujours introduit par la préposition de. En latin, ce GP, formé de la préposition de et d'un groupe nominal, se traduit par un génitif sans préposition et se place généralement juste devant le nom qu'il complète.

5. L'ordre des mots le plus courant, en latin, place le GNsujet en tête de phrase et le verbe en queue. Lorsque la phrase est interrogative, le mot ou l'expression portant l'interrogation se place en tête de phrase. Les deux compléments du nom que sont l'adjectif et le GPcn se placent généralement devant le nom qu'ils complètent.