Image3.gif (3027 bytes)

Comité Cambodgien de Vigilance
pour l'application de l'Accord de Paris sur la paix au Cambodge du 23 octobre 1991

Accueil Remonter Sommaire Actualités

 

FORUM DU CCV

Paris le 20 Décembre 1997

THÈME : Cambodge, après le Coup d’État des 5 et 6 Juillet, quelles élections ?

Compte-rendu de la réunion

I - INTRODUCTION par le CCV
II - EXPOSES DES INTERVENANTS (résumés)
II.1 TRANCHARD But (PDLB)
II.2 CHEA Sophoan (Funcinpec)
II.3 LIM Bun Sidareth (PNK)
II.4 M. EA Kuon (PKA)
II.5 Amnesty International
II.6 M. David ASHLEY (de Londres, ancien consultant du Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme à Phnom Penh)
III - ÉCHANGES ET DÉBATS
IV - SYNTHÈSE DU CCV

I - INTRODUCTION par le CCV

Souhaitant la bienvenue aux participants et intervenants, le Président du CCV leur indique les objectifs des colloques et forums annuels du CCV. Pour la réunion présente, constatant les difficultés pour obtenir les élections libres et équitables, il suggère de réfléchir également sur un éventuel gouvernement transitoire neutre pour le Cambodge.

En guise d’introduction, Ros Lida, Secrétaire Générale Adjointe du CCV brosse un tableau général sur l’environnement et l’état de préparation des prochaines élections, notamment à partir des trois volets : juridique (institutions, lois, organes d’État ....), instruments du pouvoir (armée, police, justice, administration territoriale...), et contrepoids démocratique ( média, organisations sociales, organisations locale et internationale de défense des Droits de l’Homme dont le LICADHO, le Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et l’Amnesty International ...). Elle fait également une étude comparative entre la situation actuelle et celle qui prévalait au temps de l’APRONUC. Et de son étude, elle tire les conclusions suivantes :

Très faible perspective pour des élections libres et équitables. Le délai pour les préparer est trop court pour une échéance aussi cruciale. L’environnement électoral est mauvais : monopolisation de tous les pouvoirs par le PPC et usage de la force brute par le même PPC.
La population cambodgienne a besoin de plus de liberté, de moins de peur et de menaces et intimidations. L’opposition désorganisée et désorientée par le Coup d’État, noyautée et divisée par l’adversaire, vit pratiquement sous une menace constante. Disposant de peu de moyens et canaux d’informations, elle se trouve dans une situation d’infériorité malgré la sympathie populaire. En acceptant les élections " rafistolées ", l’opposition courait le grand risque d’entériner un régime autoritaire qui la lamine.
Le lendemain des élections reste très incertain quant au respect du verdict des urnes, vu les expériences du passé récent et l’environnement actuel. L’avenir démocratique ne repose sur aucune assise de droit ou d’éthique politique. Une période d’éducation civique, de réarmement moral des cambodgiens s’avère nécessaire pour espérer de les voir accéder à une certaine maturité institutionnelle, d’où report nécessaire des élections à une date convenable.
Il faut un temps pour la décrispation politique et sociale. Il faut un temps pour travailler à la stabilité politique et aux exercices de pratique démocratique et de liberté dans un État de droit en vue de préparer sereinement ces élections. Cette thèse devrait être une justification convenable pour mettre en place un gouvernement autre, transitoire de durée suffisante, puissamment épaulé par la communauté internationale.

II - EXPOSES DES INTERVENANTS (résumés)

II.1 M. TRANCHARD But (PDLB)

Thème traité : Environnement électoral

" En premier, dit-il, les élections libres et équitables ne peuvent avoir lieu que dans un État de droit. Or l’État sous M. Hun Sen n’est pas un État de droit : usage des armes et de la violence, impunité des criminels, mafia et drogue, trafics en tout genre et destruction du patrimoine, problèmes sociaux et SIDA ..... Le Royaume du Cambodge ne sera d’ailleurs jamais un État de droit car M. Hun Sen vit de la situation de non droit. "

" L’environnement électoral est très sombre. La délégation PDLB du TAT (Technical Advance Team de l’UDC) a visité cinq provinces et a rapporté des témoignages très pessimistes : les antennes provinciales du PDLB ont été forcées de démonter leurs enseignes depuis le Coup d’État. Les sympathisants et militants ont été sommés de répondre par écrit à trois questions :

Première question : soutien à M. Son Sann ou à M. Ieng Mouly ?
Deuxième question : quelle est leur appréciation sur les événements des 5 et 6 juillet, s’agissait-il d’une opération musclée de maintien de l’ordre ou d’un Coup d’État ?
Troisième question : cachent-ils des armes ? Les agents de police de la mouvance du PDLB se sont vus, sous contrainte, retirer des armes alors que des armes neuves ont été distribuées aux agents du PPC.

Dans ces conditions, il y a peu d’espoir d’avoir un environnement électoral valable. La bonne solution réside dans le recours au Roi pour qu’il accepte d’assumer la charge du pays et d’être le Président de la Commission Électorale, mais jusqu’ici le Roi refuse. Cependant le PDLB persiste à demander à Sa Majesté le Roi de dissoudre le Gouvernement et de former un Gouvernement d’union nationale en vue de préparer des élections libres. Cela est conforme à l’Accord de Paris, aux intérêts des puissances dans leurs relations transnationales pour aider le Cambodge. Il en est de même que de par la Constitution, le Roi étant le garant de l’unité nationale, de l’indépendance du Royaume et de la démocratie. "

II.2 M. CHEA Sophoan (Funcinpec)

M. Chea Sophoan est basé à Bangkok et a été mandaté par son parti pour intervenir. Y participe également M. UK Vithun, juriste et ancien Secrétaire d’État à la Justice.

Thème traité : Évolution de la situation depuis le Coup d’État et activités diplomatiques de l’UDC

" Le Cambodge a reçu beaucoup d’aides internationales pour promouvoir la démocratie, la liberté, les droits de l’homme, pour réorganiser l’administration en déliquescence dans le cadre de la préparation des prochaines élections. Hélas, tout cela a été détruit par le Coup d’État.

Depuis, le Royaume est isolé sur le plan international : siège vacant à l’ONU, suspension de son entrée dans l’ASEAN, gel des aides US et australiennes ainsi que du CEE , condamnation sans ambiguïté des institutions internationales telles que le Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, l’Amnesty International, l’Association Internationale des Parlementaires ....

Cela constitue une victoire pour les démocrates cambodgiens.

Le Funcinpec fait partie de l’UDC et veut des élections démocratiques. Il demande l’application de l’Accord de Paris et une réunion internationale pour résoudre le problème cambodgien. Il demande également au Roi de promouvoir le dialogue voire la négociation. Nous avons proposé un cessez-le-feu mais les troupes de M. Hun Sen sont venues nous attaquer à O’Smach.

L’Assemblé Nationale, le régime actuel, la police, l’armée et la justice ne sont plus des institutions étatiques normales. Ce déséquilibre institutionnel au dépens des forces démocratiques requiert dès lors, la présence active de la communauté internationale.

Les partis politiques sont disloqués et sont sous les menaces permanentes. Le rapport de TAT est clair : 1- dans l’environnement actuel, il n’y aura pas de justice dans les élections étant donné que la justice, la police et l’armée restent sous la coupe d’un seul parti. Les droits de l’homme sont bafoués. 2- Pour ce qui est de la loi électorale et de la Commission Électorale, tout émane du PPC. Nous avons proposé de préparer une nouvelle loi en s’inspirant de celle de l’APRONUC, mais notre proposition a été rejetée. Il n’y a donc pas lieu d’espérer des élections libres.

Nous avons demandé à la Troïka (Indonésie, Thaïlande, Philippines) et aux instances internationales de faire pression pour obtenir des élections correctes. Et à la France, Co-Présidente de la Conférence de Paris, de nous aider à instaurer un État de droit.

En ce qui concerne la politique, le Funcinpec travaille à consolider l’UDC et fait en sorte que notre charte en 19 points soit couronnée de succès. Et pour conclure, nous demandons à tous les cambodgiens de ne pas baisser les bras. "

II.3 M. LIM Bun Sidareth (PNK)

Le forum coïncide avec un événement tenant aux entrevues du président du PNK avec M. Hun Sen. Quelques réactions du public ont amené le représentant du PNK à s’étendre longuement sur cette situation particulière).

Le thème à traiter (perspectives dans les élections à venir) est plus ou moins occulté.

" A son retour au Cambodge, M. Sam Rainsy a fait une déclaration pour faire cesser la guerre. Elle n’a que trop durer causant de terribles destructions et ruines. Puis M. Sam Rainsy a mené une série d’activités :

Cérémonie religieuse (Bangskol) à la mémoire des victimes de l’attentat du 31 mars dernier avec environ 500 personnes
Marche pour la paix avec plus de 10 000 personnes
Congrès mondial du PNK avec environ 7000 personnes
Visite de certaines provinces dont Kampong Cham
Visite à la prison où M. Srun Ly Vannak est injustement incarcéré
Entrevues avec M. Hun Sen
Audience du Roi
Rencontre avec l’UDC

On accuse le Président du PNK de coopérer avec M. Hun Sen. En fait, M. Sam Rainsy travaille avec l’UDC, coopère avec Sa Majesté le Roi, participe aux manifestations et défend les syndicats. Il mène une politique auprès du peuple et a le courage de se jeter dans la mêlée (Pralauk).

Après la rencontre avec M. Hun Sen il a proclamé qu’il continuerait de soutenir le Prince Norodom Ranariddh. D’autre part, un certain nombre de députés ainsi que le Roi sont également rentrés au Cambodge. Le peuple, des ouvriers, des soldats ont participé aux manifestations, dit Lim Bun Sidareth.

Nous voulons la réconciliation nationale et il le fait. Pour gagner il faut continuer à travailler auprès du peuple. "

II.4 M. EA Kuon (PKA)

Thème traité : Nécessité de l’union des forces démocratiques

" Les élections sont très importantes et n’ont de sens que dans la liberté, l’équité et auxquelles tous les citoyens peuvent participer.

Est-ce que ce sera libre et équitable ? Comme a dit M. Tranchard But, NON! Du temps du Prince Norodom Ranariddh, il y avait déjà abus de pouvoir. Après les 5/6 juillet, la situation s’est empirée puisque tous les pouvoirs sont entre les mêmes mains.

Il y aura des résultats en notre faveur si nous nous unissons pour exiger, réclamer comme nous le faisons avec l’UDC. Nous commençons à récolter quelques fruits (ONU, ASEAN, gel des investissements étrangers ...)

Les bons résultats ne peuvent être obtenus que dans la dynamique de l’union. Divisés, c’est la défaite. La coopération avec Phnom Penh aboutira à la reconnaissance du régime et c’est très dommageable.

Pour ce qui est de stratégie électorale, nous avons prôné :

Le cessez-le-feu
Une administration neutre ainsi que les forces armées (police, armée)
Une Commission Électorale neutre
Du temps nécessaire

La stratégie électorale gagnante est celle de l’union dans le cadre de l’UDC. Il faut voir clair. L’enjeu réside sur le choix entre deux groupes : les communistes et les partis de la liberté, de la démocratie et du droit.

Enfin, il ne faut pas voir que les élections mais il faut se donner également les moyens et possibilités de gérer la suite."

II.5 Amnesty International

Ne pouvant envoyer à temps un représentant, Amnesty International nous a transmis un texte, lu en réunion et dont nous retenons ci-après les principaux points :

Impunité des responsables des violations des droits de l’homme. Le Cambodge est le pays des champs de la mort où plane l’ombre d’assassinat politique et de la violence.
Le système judiciaire est faible et corrompu.
Manque de volonté politique pour remédier à cette situation.
Les événements des 5/6 juillet ont donné lieu à de nombreuses exécutions et non pas des morts résultant des combats comme le prétendaient les responsables de Phnom Penh. Les menaces et contraintes se perpétuent et forcent bon nombre d’opposants à l’exil.
Dans le cadre de la préparation des prochaines élections, il est fort douteux que la sécurité et la liberté des candidats, des militants et des électeurs soient assurées et garanties. Coercition, intimidations et atteintes aux droits de l’homme risquent de se renouveler.

Amnesty International réclame que les auteurs des violences et crimes soient poursuivis et traduits en justice. Il appartient, selon l’organisation , à tous les gouvernements impliqués au Cambodge d’envoyer des messages clairs, de faire pression pour remettre le pays sur le chemin du droit (demander au Secrétariat du CCV le texte intégral de l’Amnesty International).

II.6 M. David ASHLEY (de Londres, ancien consultant du Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme à Phnom Penh)

Ayant résidé au Cambodge de 1992 à 1997 et servi dans différents postes notamment avec l’APRONUC, au Ministère des Finances et au Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, parlant parfaitement le Cambodgien, David Ashley est pris d’amitié pour ce pays, l’observe et analyse avec sérénité la situation pour en dégager la perspective et une éventuelle solution.

Il y a trois problèmes fondamentaux au Cambodge :

La violence politique et son impunité
La violence générale, non politique (meurtre, haine, rancune, disputes, bavures policières ...)
Le manque de culture sociale et de protection sociale
VIOLENCE POLITIQUE

On a tué tout au long de ces années. On a tué lors des manifestations. On a tué, exécuté après le Coup d’État.

A l’origine, il y a la faiblesse insigne des institutions politiques, juridiques, administratives. La police, l’armée, le pouvoir judiciaire ... règnent en maîtres. On n’applique pas les lois et l’impunité des crimes et de la violence encourage à entretenir ce climat de violence. La guerre aussi l’entretient. Les politiques s’accrochent à tout prix au pouvoir et n’entendent le céder à personne. Ils ont donc intérêt à ce que dure cette atmosphère trouble. Ce manque de volonté politique explique la carence du système judiciaire et l’absence totale de l’esquisse vers l’assainissement des institutions. Les pouvoirs du parti, du groupe et des clans sont plus importants que les institutions. La politique et la solidarité du clan sont au dessus des lois. Par ailleurs, les faibles salaires des fonctionnaires donnent prétexte à la corruption et à la perpétuation de l’injustice et de l’inefficacité générale.

Pour résoudre le problème, il faut une administration centrale forte, impartiale, juste. Mais ce n’est pas possible même au temps du gouvernement bicéphale. Chaque responsable politique cherche à protéger ses troupes et clients pour consolider sa propre position.

VIOLENCE GÉNÉRALE

Le cambodgien vit la violence quotidienne, nourrie et accentuée par ce cadre de violence politique et d’insuffisance institutionnelle. Il l’hérite de ces trente années de guerre qui ont détruit à grande échelle des vies, des biens, des ressources naturelles, la morale sociale, la culture et au bout desquelles la vie est perçue comme tenue, ayant peu de prix, méprisable. On assiste ainsi à des meurtres et violences faciles, gratuites et pour peu de choses, par exemple à la suite d’une querelle presque bénigne ou d’une colère non contenue. La police et l’armée dégainent facilement. L’impunité de leur injustice, de leurs bavures ou de leurs affirmations musclées du pouvoir, crée un cercle vicieux de manque de confiance et de justices personnelles.

CULTURE SOCIALE

Pour décrisper cette situation, il faudrait beaucoup de soins et d’attention de la part d’un État qui donnerait l’exemple de droit et de droiture, de sollicitude, de solidarité et d’amour. Cet État devrait se donner la charge d’orienter, d’éduquer, de former son peuple traumatisé, abattu, de servir de modèle pour l’amélioration de la vie et la restauration des valeurs morales et sociales. Il faut toute une politique globale de redressement.

Il n’y a rien de valable dans cette direction au Cambodge pour la simple raison que tout cela ne répond pas aux intérêts immédiats personnels des dirigeants.

CONCLUSION

Tous les problèmes du Cambodge viennent de la politique et du manque de volonté politique.

M. Thomas Hammaberg, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, a dit :

Il n’y a pas encore d’environnement valable pour les élections. Il faut continuer l’enquête pour punir d’abord les auteurs des meurtres après le Coup d’État.
Il faut assurer la liberté, la sécurité des hommes politiques, de la presse et mettre en place une bonne Commission Électorale.

Pour ma part, dit David Ashley, j’ai quitté le Cambodge quelque peu découragé.

Mon opinion est que les prochaines élections ne résoudront pas le problème de la violence au Cambodge, ni la crise cambodgienne. Il ne faut pas placer une confiance excessive dans ces élections. La victoire de Hun Sen ne sera pas non plus une solution. Tout a été décidé d’avance. D’autre part il serait illusoire de trop s’en remettre aux aides internationales. Il y a des problèmes que seuls les cambodgiens eux-mêmes peuvent résoudre.

III - ÉCHANGES ET DÉBATS

A part quelques questions autour de la position de M. Sam Rainsy vis à vis de M. Hun Sen ( émotions parmi les fervents partisans de l’UDC qui craignent la divergence dans la stratégie électorale de l’opposition ), l’environnement électoral, ses conséquences et la prospection d’autres voies constituent les préoccupations de l’auditoire.

Uk Vithun, ancien Secrétaire d’État à la Justice, donne son point de vue sur la loi électorale nouvellement adoptée et sur l’environnement actuel.

" Cette loi compte en tout 140 articles que nous ne pouvons pas les rejeter tous en bloc. Il y en a de bons, mais il faut faire attention : il se glisse toujours quelques uns, très discrets, subtils mais nocifs et ça suffit pour faire tout basculer.

Par contre elle est taillée à la mesure du gouvernement actuel. La commission électorale dépendra de son Président et qui nommera ce Président ? Il y aura 1100 points fixes de vote plus un certain nombre d’autres mobiles. Qui devra et pourra contrôler les opérations dans cette situation ? Trois chefs d’accusation "mortels " attendent ceux qui ne collaborent pas avec le pouvoir sur place : Khmer Rouge, détention illégale d’armes et relation avec les " forces anarchiques ". Les cambodgiens le savent mais ils vivent sous la terreur. On parle de 40 exécutions à la suite du coup d’État mais en fait il y a plus de deux cents disparitions et exécutions.

Ainsi ne comptez pas trop pour que les prochaines élections soient " fair and free ". Il faut ensemble nous battre davantage pour une plus grande pression internationale. Vous qui êtes ici, vous pouvez le faire. Vous avez la possibilité de porter plainte contre ces exécutions sommaires, ces crimes contre l’humanité, contre ces trafics de drogue, ces atteintes aux droits de l’homme.

Concernant les trois pouvoirs au Cambodge, exécutif, législatif et judiciaire, ils ne sont pas séparés. L’Assemblée Nationale est sous intimidation et n’est pas une Assemblée Nationale " normale " (prakradei). Certains parlementaires ne sont plus indépendants travaillant sous menace et dans une ambiance de coercition. Le gouvernement exerce une pression permanente et M. Hun Sen détient trois fonctions incompatibles. La justice n’a pu rien faire contre la corruption, les crimes, la mafia, le trafic des drogues, les ventes des biens nationaux ..... Pour peu qu’il y a comme lois existantes - code de procédure, code pénal et code civil - elles sont tout de même suffisantes pour attaquer et amener les coupables et responsables devant la justice, s’il y a volonté réelle. Mais là on bloque tout parce que ces mêmes coupables et responsables sont membres du parti.

Le problème juridique en est un. Mais il y a plus grave : l’immigration vietnamienne incontrôlée et la perte territoriale se poursuit sans que le gouvernement ne s’en soucie. On nous accuse de racistes d’en faire état mais c’est le plus grand danger pour notre Cambodge.

Question d’un auditeur : Il y a une appréciation presque commune que les élections seront difficilement "fair and free". Alors ces élections auront-elles lieu ou pas ? Y participez vous ou pas ?

Réponses :

Ea Kuon (Parti Khmer Aphyeakret)

Difficile, mais nous continuons activement de négocier, d’exiger, de poser des conditions pour que celles-ci soient suffisamment appropriées à des élections libres. Cela nécessite du temps mais comme je l’ai dit, nos succès dépendent de la dynamique de l’Union des Démocrates Cambodgiens.

But Tranchard (Parti Démocrate Libéral Bouddhique)

Oui c’est dur, d’accord et si ça ne se révèle pas " fair and free " nous ne devons pas les accepter. En attendant il faut les négocier, exiger des amendements de certains articles des lois et parallèlement aller sur le terrain pour se préparer. Pour cela, l’union de l’opposition est capitale. Il ne faut pas oublier les leçons récentes. En 1979, quand les forces de la Résistance s’unissaient, on avait gagné l’Accord de Paris. En 1993, on était désuni et voilà le résultat actuel. L’important est donc l’unité de combat.

Question d’un auditeur

Hun Sen n’a jamais appliqué la loi ni respecté le verdict des urnes, sauf quand ça l’arrange. Il a l’habitude de dire que si on touche à quelque chose, il y aura l’explosion armée dans les 24 heures. La démocratie et le droit ne risquent-il pas ainsi d’être les otages de ces soifs ou illusions politiques, de cet engouement précipité vers la démocratie formelle ? N’y aurait-il pas avantage à se donner un peu plus de recul et de temps pour restaurer quelque chose qui nécessite infiniment plus de soins ? Et dans la même démarche, puisque l’État cambodgien n’est pas un État de droit, pourquoi se référer à ses lois et les subir et ne pas imaginer un solution autre telle celle dont parlait M. But Tranchard en recourant au Roi où à un gouvernement transitoire proposé auparavant par l’ASEAN?

Réponses :

Uk Vithun

L’idée d’un gouvernement intérimaire ne me parait pas adaptée car non conforme à la Constitution. Rien ne prévoit dans celle-ci la dissolution d’un gouvernement dans la situation préélectorale actuelle.

But Tranchard

Je pense que l’intervention éventuelle du Roi pour sauver le pays d’une situation bloquée est constitutionnelle. Dans des articles de la Constitution, une série de dispositions fait du Roi le garant de l’unité nationale, de l’indépendance et de la souveraineté nationale, de la démocratie.... S’il y avait une volonté populaire forte, il pourrait y avoir une obligation royale.

Question d’un auditeur :

Nous avons compris, après tous les exposés de cet après-midi, que la possibilité des élections libres est très mince et encore moins la possibilité de gérer le pays après une éventuelle victoire de l’opposition sur le PPC. Et après avoir écouté M. Ashley, je suis d’accord avec lui que le sort de la démocratie comme celui du peuple cambodgien dépasse de loin les enjeux électoraux qui nous préoccupent tant. Le système machiavélique de Hun Sen me fait peur, mais l’opposition après tant d’erreurs me fait également craindre l’impréparation. La popularité de l’opposition acquise par le mécontentement est un atout, mais très délicate à gérer. Je me demande s’il ne serait pas sage comme l’a suggéré le Président du CCV, de réfléchir à un gouvernement intérimaire proposé par l’ASEAN. Possible ou pas, il faut défricher une nouvelle voie au lieu de se hasarder uniquement sur un terrain hypothétique, miné et si risqué. Le gouvernement transitoire d’une durée convenable donnera à l’opposition le temps et la possibilité de se réorganiser, d’être présente  sur le terrain et de travailler dans des conditions plus normales. Cette durée permettra au peuple cambodgien de se " décrisper " et de retrouver une situation propice à l’exercice de la vraie démocratie et de la liberté.

Réponses :

Chea Sophoan

Le combat de l’UDC s’appuie sur le droit et les puissances amies - on nous aide à nous appuyer sur le droit, sur l’Accord de paris. Le droit est le fondement pour la solution de la crise cambodgienne. L’APRONUC n’a pas tout réussi dans la mise en œuvre des dispositions de l’Accord (contrôle du retrait des troupes vietnamiennes, mise sous sa tutelle des cinq ministères clés, contrôle et supervision des élections de 1993 et le respect du verdict des urnes). La situation actuelle résulte en grande partie de ce semi échec. Les puissances se doivent de continuer à nous aider à redresser ces conséquences en s’appuyant sur l’Accord de Paris. Que pouvons nous faire d’autres, sur quelles forces pouvons nous appuyer ? Il n’y a pas à mon avis de troisième voie.

Question d’un auditeur à David Ashley

Vous avez fait une analyse sociale et politique pertinente sur le Cambodge. Pourriez-vous nous dire comment vous entrevoyez la perspective ou la solution cambodgienne ?

" Je persiste à croire que la perspective est étroite et que la solution n’est pas dans l’immédiat, en tout cas pas fondamentalement dans ces élections. Le mal cambodgien a une racine lointaine et demande du temps pour le traiter. Un des combats à mener est de s’attaquer en profondeur à la violence que j’ai signalée, et ce, dès maintenant et sur tous les fronts possibles pour que la société cambodgienne, dirigeants compris, revienne à la normale. Je pense qu’il ne faut pas trop voir dans les élections démocratiques à l’occidentale, rodées dans des contextes différents, une panacée bien adaptée à votre tradition culture ou conjoncture. Il faudrait être prudent et ne pas négliger d’autres voies, mêmes plus longues. Dernière chose : quand vous serez rentrés chez vous, les puissances extérieures vous oublieront et vous serez seuls à vous débrouiller. "

IV - SYNTHÈSE DU CCV

Il y a un consensus général sur l’affirmation que les élections ne seront ni libres ni équitables (non " fair and free "). La mission TAT est formelle : les conditions concrètes sur le terrain s’empirent. La monopolisation des pouvoirs après le coup d’État ne semble pas laisser de place à une campagne électorale libre.

S’appuyant sur le droit, aidés par la communauté internationale, les composants de l’UDC entendent développer leur combat sur la dynamique de l’union. L’UDC appelle les cambodgiens de l’extérieur à dénoncer les violations de droits de l’homme, les crimes et les exécutions par le régime de Phnom Penh. Dilemme toutefois : résistance armée et tentation d’opposition politique sur place, comment les concilier ? Comment concilier l’exil actuel des opposants politiques, surtout les leaders, avec le court délai préélectoral ?

Le dialogue de Sam Rainsy avec Hun Sen semble causer quelques inquiétudes dans les rangs de l’UDC, craignant une divergence de fond dans la stratégie électorale.

Vu le déséquilibre croissant entre l’opposition divisée, condamnée à l’exil et le PPC, maître absolu sur le terrain et tissant constamment ses réseaux de renseignements, appliquant leur méthode d’intimidation et leur système de délation, l’espoir d’une opération électorale démocratique devient pratiquement nul. Il apparaît pour beaucoup que les élections telles qu’on " rafistole " actuellement ne signifie plus grande chose. Des voix s’élèvent pour dire qu’au lieu d’avoir de mauvaises élections, il vaudrait mieux les retarder pour pouvoir les préparer soigneusement.

Les préparer sous le gouvernement de Hun Sen n’aura non plus aucun sens puisque son coup d’État, ses exécutions, ses violations de droits de l’homme le désignent comme étant le responsable actif de la dégradation de l’environnement électoral actuel. Pour régénérer l’esprit démocratique, il faut un gouvernement autre. Un gouvernement transitoire neutre, de durée convenable pour organiser ces élections et si possible sous la direction du Roi, respecté du peuple cambodgien et jouissant d’une notoriété internationale absolue.

Amnesty International confirme : l’impunité des auteurs des crimes, abus et violations des droits de l’homme rendent l’environnement impropre pour les élections. Elle demande que soient poursuivis, jugés et punis les responsables et que les puissances envoient un message clair à ce gouvernement. Elle fait appel à la communauté internationale pour qu’elle pose cette condition comme préalable à la préparation d’un environnement préélectoral valable.

David Ashley a fait une analyse sur la violence dans la sphère politique et la société khmères actuelles. Il porte un regard lucide, non sans pertinence, sur la perspective cambodgienne. Il ne place pas de confiance excessive en l’efficacité des élections pour la simple raison que la violence est dans l’esprit des dirigeants et même dans la société. Aucun changement n’est à espérer tant que les dirigeants sont au-dessus des lois pour leurs intérêts propres et pour leurs clans. L’impunité de ce régime est caractéristique et elle fera barrage à la démocratisation. L’éducation est un préalable nécessaire et cela demande du temps.

 

Accueil Remonter

 Pour toute question ou remarque concernant ce site Web, envoyez un email à ccv231091@yahoo.com
   Dernière modification : 30 octobre 1998