L'affaire Bernard Lewis

 

L'affaire Bernard Lewis, de 1993 à 1995, s'inscrit dans le cadre de la politique négationniste conduite par l'Etat turc. La République de Turquie refuse en effet de reconnaître le Génocide perpétré contres les Arméniens dans l'Empire Ottoman. Qui plus est, elle conduit une campagne systématique de désinformation et de falsification de l'histoire afin de nier l'existence de ce génocide. L'Etat turc s'appuie sur des historiens acquis à ses thèses, ouvre les archives ottomanes, mais préalablement expurgées des documents compromettants ; il fait régner la censure sur son territoire, en interdisant tout débat sur la question du Génocide des Arméniens et tente d'imposer son point de vue à l'étranger, en utilisant l'arme du chantage économique.

Le 16 novembre 1993, l'historien de renom anglo-saxon, Bernard Lewis, spécialiste de l'histoire du Moyen-Orient, a apporté sa caution intellectuelle à la thèse turque. Dans une réponse à une interview parue dans le journal Le Monde, il indiquait que la thèse du génocide la version arménienne de l'histoire, et reprenait les arguments de la Turquie, notamment en déniant toute volonté d'extermination au gouvernement turc de l'époque. Le 1er janvier 1994, il réaffirmait la même thèse, à la suite de la réaction indignée de 30 intellectuels français, publiée également dans Le Monde. Le Comité de Défense de la Cause Arménienne, conjointement avec trois survivants du génocide, a réagi immédiatement, en intentant une action en justice au pénal contre le Journal Le Monde et Bernard Lewis. Le CDCA se fondait sur la loi dite "Gayssot" punissant le négationnisme des crimes contre l'humanité de la Seconde Guerre Mondiale. Bernard Lewis était aussi attaqué au civil pour envers les survivants du Génocide et leurs héritiers, par le Forum des Associations Arméniennes et la LICRA.

L'audience du 14 octobre 1994, devant la 17ème Chambre du Tribunal correctionnel de Paris, allait permettre l'expression des arguments des parties civiles, en faisant intervenir le témoignage accablant de rescapés du génocide, mais aussi d'historiens, tels Yves Ternon et Israël Charny, Directeur de l'Institut de l'Holocauste et du Génocide de Jérusalem. Au cours de l'audience, le ministère public, par la voie du procureur général, a notamment indiqué : ces événements constituent un génocide... il m'apparaît qu'il y a vraiment une démarche négationniste... le délit est caractérisé. Il y a bien négation de crime contre l'humanité L'action sera en définitive jugée irrecevable par le tribunal, en raison du caractère limitatif de la loi "Gayssot". En effet, seule la négation du génocide juif pouvait être sanctionnée, à moins de faire intervenir la jurisprudence, comme le demandaient les avocats des parties civiles, Me Gérard Tcholakian, Me Patrick Arapian et Me Lev Forster.s

Malgré le résultat négatif de l'action au pénal, qui n'a pas jugé la réalité mais la recevabilité de l'action par rapport au droit français, le Comité de Défense de la Cause Arménienne a pu exprimé sa satisfaction, car le caractère de génocide des massacres arméniens a pu être clairement démontré au cours des débats. Dans le prolongement direct de ce premier procès, le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris, qui jugeait l'affaire au civil -initié par le Forum des Associations Arméniennes de France- a pour sa part condamné Bernard Lewis, le 21 juin 1995, indiquant que l'historien avait outrepassé ses prérogatives et manqué à ses devoirs d'objectivité et de prudence, notamment en passant sous silence les éléments retenus par des organismes internationaux.

Le CDCA poursuit son action pour obtenir l'amendement de la loi Gayssot, et son extension à tous les Génocides. Pour ce faire, un travail d'explication est conduit auprès des Groupes Politiques au Parlement. Pour cette législature, plusieurs projets de loi ont été déposés pour l'extension de la loi Gayssot.