La Leçon Collective  

        Le sport est devenu à notre époque un fait social qui suscite l'engouement des jeunes gens, filles ou garçons, et contribue à la stabilité physique chez les adultes qui continuent à s'y adonner après qu'ils aient dépassé l'âge de compétiteur sans autres ambitions que de se maintenir en condition physique par sa pratique rationnelle, et ainsi mieux remplir les charges afférentes à leur emploi.

        L'escrime sportive, à l'instar des autres sports, voit également croître ses effectifs dans des proportions ayant un rapport avec le nombre de licenciés d'antan. L'époque où le Maître se suffisait à lui-même pour instruire les escrimeurs est révolue. Il s'est parfois adjoint un autre Maître, ou encore un ou plusieurs Prévôts pour distribuer un enseignement individuel à chacun de ses élèves. Mais, cette formule s'est avérée dépassée, soit s'il n'arrivait à consacrer suffisamment de temps à chaque escrimeur pour que le travail et les progrès qui en découlent soient réels, soit encore qu'il ne pouvait donner la leçon à tous.

        Et il était choquant pour un entraîneur d'un tout autre sport, à son entrée dans une salle d'Armes, d'apercevoir dix à quinze escrimeurs ou aspirants escrimeurs assis sur une banquette attendant le court instant où le Maître, ou l'un de ses adjoints, pourraient enfin leur donner la leçon d'escrime au plastron. Si pour des escrimeurs confirmés, ayant la possibilité de " faire assaut ", ce processus était un moindre mal, il n'en était hélas pas de même pour les débutants qui donnaient environ deux heures de leur temps, tellement précieux dans notre vie moderne, pour quelques brèves minutes de travail effectif.

        De plus, méconnaissant en général les règles élémentaires sportives, ces jeunes gens quittaient-ils encore leur siège pour venir directement, sans échauffement préalable, s'adonner à quelques mouvements d'escrime. Cinq minutes minimum étant nécessaires à l'échauffement de l'escrimeur, ils ne bénéficiaient ainsi que de quelques cinq autres minutes de véritable leçon, celle-ci ne dépassant que très rarement le cap des dix à quinze minutes.

        Le problème était posé, et s'avérait très facile à résoudre; il n'y avait qu'à jeter un coup d'oeil sur les lieux des autres disciplines sportives pour en voir les pratiquants s'entraîner collectivement sous la direction de l'instructeur. C'est ainsi, qu'il est vain de citer entre autres sports la natation, l'athlétisme, le judo, qui lui pourtant est également un sport de combat.

        Mais d'assez conséquentes difficultés restaient à résoudre, principalement celle concernant l'esprit traditionaliste de l'escrimeur qui ne concevait l'entraînement qu'au plastron du Maître, arguant encore que tout autre processus de travail en commun nuirait à ses réflexes de tireur puisqu'il devrait prendre des positions particulières facilitant des touches de son partenaire. Il assurait qu'il n'y gagnerait que de défauts et n'entretiendrait ni sa vitesse, ni sa coordination.

        L'erreur d'interprétation qu'il commettait venait du fait qu'il ne voulait se substituer au Maître sans penser que le travail collectif est tout autre. Dans la suite de cet exposé l'on étudiera en détail la méthode de travail collectif. Avant d'en arriver à ce stade, il importe encore de résoudre d'autres difficultés. Celles-ci proviennent en particulier des différences d'âge existant entre les pratiquants et qui influent sur a conception de l'escrime.

        Puis encore d'autres différences, techniques par exemples, très réelles, qui dépendent des années de pratique, de la " force de tireur ". L'arrivée à la salle d'Armes à des heures variant suivant les occupations de chacun crée un nouvel handicap à la formation d'un groupe de travail. Et encore faut-il qu'il y ait un nombre d'escrimeurs suffisant pratiquant la même arme.

        Toutes ces difficultés ne sont pas insurmontables, une certaine discipline sportive permet de les résoudre, mais il est évident que l'entraînement des escrimeurs dans les établissements scolaires, dans les centres sportifs industriels ainsi que dans les salles militaires, où les pratiquants viennent s'adonner à leur sport favori à des heures régulières ne soulèvent pas les mêmes problèmes et facilitent le travail collectif. Les salles d'entraînement sont en général de vastes gymnases bien aérés et ne présentent pas l'exiguïté des salles d'armes des cercles d'escrime qui ne permettent que difficilement un véritable entraînement collectif.

        Le but de cet exposé n'étant pas d'en démontrer parfois l'impossibilité, mais au contraire d'en délimiter les grandes lignes lorsqu'il s'avère réalisable. Voyons ce qu'elles sont.

I. DUREE DE LA LECON :

    Celle-ci peut-être variable, mais de 40 à 60 minutes environ et se décomposant comme suit :

        a) Mise en train ou échauffement :
        De cinq à dix minutes de mouvements généraux intéressant les bras, les jambes, le tronc, ainsi que quelques exercices réflexes.

        b) Educatifs spéciaux à l'escrime :
        De cinq à dix minutes comportant des exercices à base de " déplacements escrime ", tels que: marche - fente - bond - retraite - flèche, ou combinés entre eux, de ces différents mouvements.

        c) Leçon d'escrime
        De vingt à trente minutes pouvant débuter par une partie révision de la séance précédente, se continuant par l'étude d'une ou plusieurs actions offensives, puis de leurs défensives, sans omettre de travailler leur emploi tactique à l'assaut.

        d) Assaut conventionnel ou jeux adaptés à l'escrime :
        De cinq à vingt minutes environ, l'assaut s'exécutant sur un thème donné et ayant un rapport avec la dominante de la leçon.

        Ceci est un canevas, il peut s'adapter aux différents types de leçons qui suivront et laisse la possibilité d'en modifier la durée des composantes en fonction des buts recherchés par l'instructeur.

        Avant de s'engager plus avant, il importe de définir à quelles catégories d'escrimeurs la leçon collective s'adresse. La réponse est facile, à toutes les catégories sans restriction.

        Si, en général, elle n'est actuellement appliquée qu'aux débutants pour leur enseigner les mouvements fondamentaux de l'escrime, le Maître dirige sa leçon tel un moniteur sa leçon d'éducation physique, elle doit aussi revêtir une autre forme plus technique lorsque les mouvements de base sont assimilés.

        A ce stade, elle consiste soit en une leçon d'étude pour apprendre la technique d'un mouvement, soit en une leçon de perfectionnement technique ou tactique grâce aux différentes variantes pouvant précéder toutes actions et intéresse les escrimeurs possédant un bagage technique plus ou moins complet.

        Elle convient également aux escrimeurs confirmés, de classe nationale et internationale et peut, dans ce dernier cas, s'apparenter sous des formes diverses à une leçon conventionnelle d'assaut comportant des exercices à " plusieurs intentions ".

    Trois grands types de leçons adaptables aux trois armes vont être exposés dans les lignes suivantes.
    Ce sont les leçons :
        - d'étude,
        - d'entretien ou d'entraînement,
        - d'assaut.

II. LA LECON D'ETUDE :

Elle s'adresse à tous les escrimeurs quel que soit leur niveau technique :
        - A un débutant, pour apprendre une action nouvelle.
        - A un escrimeur confirmé, pour corriger un défaut ou se familiariser avec toutes les variétés d'une action, ou encore pour apprendre toutes les défensives ayant pour but de mettre en échec un mouvement offensif adverse.
        - A un compétiteur, pour lui faire connaître les différents procédés tactiques rendant l'action véritablement efficace à l'assaut, ainsi qu'en l'étude de diverses préparations permettant de porter un coup à des adversaires aux caractères et réactions dissemblables.

        Cette leçon consiste en l'étude complète et détaillée d'une ou deux actions et des défensives ou contre--offensives appropriées. Elle peut, si nécessaire, comporter une brève révision de mouvements précédemment appris. Cette partie révision peut se placer à l'instant où l'instructeur sent l'attention de ses élèves lui échapper. Mais toutes les variétés d'exécution dont peut s'enrichir une action doivent permettre d'éviter cet expédient.

III. LA LECON D'ENTRETIEN OU D'ENTRAINEMENT :

Elle ne s'adresse qu'à deux catégories d'escrimeurs :

        - A des élèves possédant un certain niveau technique, afin de leur faire réviser à un rythme soutenu des mouvements qu'ils connaissent déjà.
        - A des escrimeurs au bagage technique complet, pour les maintenir en condition physique et technique.

        Cette leçon peut varier en durée suivant le rythme qui lui est imposé et comprendra quatre ou cinq actions allant du simple au composé en alternant également les diverses défensives réciproques. De plus, elles seront choisies de telle sorte qu'elles atteignent à chaque fois une cible différente et nécessitent ainsi l'emploi de toutes les parades.

        Les escrimeurs qui subissent momentanément l'offensive parent et ripostent de temps à autre, ou contre-ripostent dans les lignes différentes pour développer le mécanisme du partenaire, et ne pas l'habituer à d'immuables réflexes.

        Chaque nouvelle action doit être précédée de préparations variées; exécutées sur des préparations comportant ou non un contact des fers préalable.

IV. LA LECON D'ASSAUT :

        Comme sa dénomination le laisse supposer, elle ne s'adresse qu'à des escrimeurs préparant une compétition. L'intensité qui la caractérise demande qu'elle soit plus réduite et même entrecoupée d'explications rendues nécessaires par le caractère tactique qu'elle présente.

        Cette leçon peut comporter de huit à dix actions de base: offensive, défensive, contre-offensive, afin de respecter l'alternance de l'effort. Les escrimeurs qui supportent l'action de base, varient de temps à autre et sans prévenir : la distance, les réactions; le partenaire devant immédiatement s'adapter à chaque réflexe adverse.

        I l est bien entendu que l'action conventionnelle de base sera toujours simple et intéressera à chaque changement un ligne ou une cible différente. La progression ne réside pas dans le choix de l'action de base, mais plus exactement dans la difficulté sans cesse croissante qu'il y a d'exploiter les réactions diverses.

        Voici à titre d'indication, un exemple donné pour une action conventionnelle de départ exécutée par " battez-dégagez ".

        Le partenaire se laisse toucher par l'attaque - pare et riposte - augmente la distance - dérobe le battement - contre-attaque avant la finale - pare et ne riposte pas - pare et riposte composé - attaque entre deux actions, etc...

        Ayant exposé les différents types généraux de leçons qui peuvent, d'ailleurs, se subdiviser chacun suivant le but que l'instructeur recherche par l'apport d'une dominante quelconque à caractère technique, foncier ou tactique, il reste à définir le déroulement propre de la leçon qui s'adapte sans difficulté aux trois variétés déjà citées.

        Dans ce déroulement de la leçon collective, il faut analyser les différentes formations, ainsi que la façon dont elle doit être dirigée par l'instructeur.

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