LE CARBONE 14 FACE AU LINCEUL DE TURIN



Mme M-C van Oosterwyck-Gastuche



Dans le numéro 54 de "Science et Foi" nous avions fait une brève recension du livre très beau et très documenté de Marie-Claire van Oosterwyck-Gastuche Le Radiocarbone face au Linceul de Turin et promis une interview plus complète de l'auteur sur la question de la valeur du radiocarbone comme chronomètre. La voici et nous espérons qu'elle incitera sans doute les lecteurs à lire son livre pour approfondir cette question. Nous en rappelons le prix et l'éditeur: 200FF chez F.X. de Guibert, 3 rue J.F. Gerbillon, 75006, Paris. ( : 0142221307.

Voici nos questions, auxquelles l’auteur a bien voulu répondre :
 
 

1) Comment avez-vous été amenée à remettre en question les datations radioactives, d'abord en ce qui concerne la préhistoire et ensuite en ce qui concerne le Linceul de Turin?

Réponse: " C'est tout simplement en consultant les publications spécialisées telles que "Radiocarbon", "Archaeo-metry" ou les compte-rendus des congrès. On y découvre une abondance de dates chaotiques sans rapport avec les âges officiels indiqués dans les chronologies historiques ou préhistoriques.

On trouve aussi bien des dates très anciennes pour des matériaux actuels, tels ces restes de poissons de l'Antarctique vivants ou récemment tués, datés de 600 à 4000 ans B.P. ("Before Present"-avant l'époque actuelle ; la date charnière étant 1950, date des premières expériences de Libby, l’inventeur de la méthode), des bois du Moyen-Age datés de 2450 ans B.P. que des dates récentes pour des matériaux anciens, tel ce charbon du Magdalénien, d'âge officiel 17 000 ans B.P., qui n'a que 4730 ans B.P.

Les âges des objets historiques, dont la date est connue par les listes généalogiques varient de façon tout aussi fantaisiste. Certains sont trop vieux de milliers d'années, d'autres trop jeunes, d'autres encore ont des âges dans l'avenir. Les âges des tissus sont souvent trop jeunes. C'est le cas des cinq dates C14 du coton "Chimu" étudié par Burleigh, Leese et Tite en 1986 dans l'intercomparaison en test aveugle préliminaire à la datation du Linceul, qui étaient toutes trop jeunes par rapport à son âge historique (1200 de notre ère) la plus jeune datant du début du XXème siècle. Cet échantillon dont la distribution en C14 rappelle celle du Linceul a été écarté comme "aberrant" comme le sont d'ailleurs les échantillons dont les âges s'écartent des chronologies officielles. On ne trouve, par conséquent, dans les publications, que des âges préalablement triés.

Aussi, en entendant la déclaration péremptoire du Professeur Tite en 1988 à propos de l'infaillibilité de l'âge médiéval du Linceul de Turin, j'estimai qu'il induisait le monde entier en erreur. Je me demandai pourquoi personne ne lui faisait remarquer qu'il existait des dates aberrantes et que celle du Linceul en était très vraisemblablement une, mais je ne songeais pas à intervenir.

C'est le livre du Dr. Clercq et de D. Tassot Le Linceul de Turin face au C14 (Editions de l'OEIL, 1988) qui, en reprenant ma publication de 1984 "Sur le manque de fiabilité de la datation C14" parue dans "Les nouvelles du CESHE" sous mon pseudonyme d'alors - Michaël Winter - m'obligea à entrer en lice. Je fus invitée à parler à la table ronde radiocarbone avec les professeurs Tite et Evin, au premier symposium sur le Linceul de Turin à Paris en 1989. Tout est parti de là. "
 
 
 
 

2) Vous dites dans votre livre que c'est presque toujours la date connue qui décide de la datation radiocarbone. Pouvez-vous préciser?

Réponse: " Pas presque toujours, mais toujours. Ce que j'affirme peut sembler surprenant, aussi vais-je le justifier par un bref historique de la méthode. Lorsque W.F.Libby, physicochimiste de l'université de Berkeley, l'inventeur du chronomètre radiocarbone, mit sa méthode au point, il rechercha ses étalons dans la préhistoire - une science dont il ignorait les fondements. Il fut surpris de constater que celle-ci manquait d'étalons. Il disait, évoquant ses souvenirs: "Le premier choc que nous reçûmes, le Dr. Arnold et moi-même, fut d'apprendre par nos conseillers que l'histoire remontait à 5000 ans à peine. Nous avions cru au départ que nous pourrions obtenir des échantillons s'échelonnant sur quelque 30 000 ans, y placer nos points et terminer ainsi notre travail. On consulte des livres et on y découvre qu'Untel, ou telle société, a défini un site archéologique vieux de 20 000 ans. Nous apprîmes assez abruptement que ces âges n'étaient pas connus: en fait, la dernière date historiquement connue remonte à l'époque de la première dynastie égyptienne."

C'est pourquoi il va opérer systématiquement le tri des dates. Ne figureront dans les publications sur le radiocarbone que celles qui correspondent aux chronologies officielles, non seulement les dates historiques fondées sur les généalogies, mais aussi les dates préhistoriques dérivant des principes utopiques que l'on connaît.

Il énonce de plus les principes qui fondent son chronomètre mais qui s'avéreront erronés. Ce sont les suivants:

a) Le principe d'uniformité qui postule que la production du rayonnement cosmique responsable de la formation du radiocarbone dans la haute atmosphère est restée constante au cours des 40 000 dernières années, durée qui correspond à la période de validité de la méthode. Or on sait maintenant que le rayonnement cosmique a varié.

b) Le principe de simultanéité qui postule que le radiocarbone ainsi formé se répartit immédiatement et uniformément dans l'atmosphère, les eaux, les formations géologiques et finalement dans les végétaux et les animaux vivant à cette époque. Ainsi, au temps initial marqué pour Libby à son chronomètre - 1950 - tous les organismes vivants contiennent la quantité de C14 présente dans l'atmosphère, c'est-à-dire 100%. La mort du vivant enclenche une désintégration et la mise en route de l'horloge radioactive

La découverte de Libby connue sous le nom de révolution radiocarbone allait permettre de dater pour la première fois des événements de la préhistoire et de la paléoclimatologie s'étendant sur quelque 40 000 ans. Libby exprima les dates de son calendrier en âges B.P. qu'il subdivisa en outre en âges B.C. (Before Christ) avant notre ère et A.D. (Anno Domini), après le Christ.

Ses premiers résultats semblèrent excellents: en effet, les âges C14 déterminés sur des objets d'anciennes civilisations pharaoniques, les manuscrits de la mer Morte ou les anneaux de croissance d'arbres très anciens confirmaient les âges archéologiques connus par ailleurs. Libby et ses élèves déterminèrent également les chronométries préhistoriques et paléoclimatiques qui confirmaient celles qui avaient été déterminées par les préhistoriens du siècle dernier à partir des critères subjectifs que l'on sait selon lesquels on serait passé lentement du singe à l'homme par un processus d'autogénération par le travail. Le monde scientifique exulta et lui décerna le prix Nobel sans voir que ses données avaient été préalablement triées.

Les choses se gâtèrent assez vite. La deuxième révolution radiocarbone, ignorée des média, eut lieu vers 1975. Contrairement aux affirmations de son auteur, la méthode, loin de s'appliquer à tous les matériaux carbonés, ne délivrait des âges fiables que dans des cas exceptionnels. On mit en évidence des "mauvais matériaux" qui donnaient des âges surprenants et ne s'intégraient en aucune façon dans les chronologies officielles historiques ou préhistoriques. La liste en était longue: niveaux tourbeux, paléosols, ossements, cendrées, lits carbonatés, coquilles diverses. Bien plus tard, l'âge radiocarbone des peintures pariétales des grottes ornées fut suspecté à son tour car il était influencé par des solutions pauvres en radiocarbone et par des attaques microbiennes. Or ces éléments avaient tous servi à élaborer des chronologies officielles de la paléoclimatologie et de la préhistoire. Qui plus est, même les matériaux les plus fiables tels que le bois, le charbon de bois, les grains de pollen et le collagène délivraient eux aussi de mauvais âges. Avec les nouveaux appareils permettant de doser de petites prises, il était fréquent de mesurer des âges C14 différents pour les os d'un même squelette, les graines d'un même gisement et les retailles d'un même tissu. Or tel était le cas des retailles du Linceul dont les âges étaient également hétérogènes.

A mesure que le temps passait, on découvrait non seulement que les matériaux manquaient de fiabilité, mais aussi que les principes fondant la méthode de Libby étaient erronés: La production du C14 dans la haute atmosphère n'avait pas été constante au cours du temps. Celui-ci ne s'était pas répandu de façon uniforme dans l'air, les eaux ou les organismes. Le transport du radiocarbone dans les solutions se révéla une importante cause d'erreur que Libby avait tout simplement ignorée. Du reste, les processus de distribution du radiocarbone se révélaient infiniment plus complexes que ne l'avait cru Libby. L'influence de la température et des radiations avait été mise en évidence dans de nombreux travaux, de même que la spécificité de sa distribution dans chaque espèce vivante. Il est impossible de tout citer ici, il faut lire le livre.

Instruits de ces difficultés, les spécialistes se refusèrent aux révisions nécessaires qui eussent provoqué l'effondrement de leurs acquis et terni la renommée du chronomètre. C'est pourquoi ils préservèrent les chronologies officielles et procédèrent au tri des résultats. Il faut souligner que les seuls âges fiables ont été obtenus dans des milieux secs, bien protégés des agressions diverses et des attaques microbiennes.

La troisième révolution radiocarbone, qui eut lieu après le congrès de Trondheim en 1985 ne fut pas non plus médiatisée. Le chroniqueur de la revue Antiquity, Ch. Chippindale, qui l'annonçait, faisait remarquer que trois révolutions en quarante ans c'était beaucoup pour une méthode présentée comme absolue par Libby et qu'elle aboutissait à dénier toute fiabilité aux âges C14.

On comprend maintenant que les dates C14 ne sont pas à l'origine des chronologies préhistoriques, mais que c'est l'inverse: ces chronologies déterminent les âges officiels et président au tri des dates incohérentes. On comprend aussi pourquoi, étant donné l'incohérence des résultats obtenus en "test aveugle" lors de l'intercomparaison préliminaire à la datation du Linceul de Turin (Burleigh, Leese et Tite, 1986), le Professeur Tite avait exigé qu'on fasse connaître d'avance les âges des témoins aux spécialistes A.M.S. et qu'on les autorise à voir le Linceul afin qu'ils puissent le reconnaître plus tard à son tissage caractéristique... "
 
 
 
 

3) En ce qui concerne le Linceul de Turin dont l'authenticité est prouvée par les travaux du STURP et la Tradition constante de l'Eglise, comment pensez-vous qu'on doive interpréter la datation radiocarbone?

Réponse: Elle a été fabriquée par les ennemis de l'Eglise. Les A.M.S. n'ont pas mesuré de date médiévale, celle-ci a été fabriquée de façon très astucieuse. C'est à cela qu'a servi le calcul statistique extrêmement complexe - et incompréhensible pour la plupart. Seuls les statisticiens ont pu en suivre les arcanes. Ils ont tous déclaré l'âge médiéval dépourvu de fondement scientifique. On consultera avec fruit l'étude magistrale du Dr. Jouvenroux sur le sujet qui se trouve dans mon livre.

4) Compte tenu de ce qui vient d'être dit, pensez-vous qu'on puisse encore valablement considérer la radioactivité comme un chronomètre?

Réponse: Non. En fait le chronomètre de Libby est fondé sur des présuppositions idéologiques étrangères à la méthode scientifique proprement dite. La méthode radiocarbone a, en effet, toutes les caractéristiques diagnostiquées par Jean-François Revel dans son livre "La connaissance inutile" (Grasset, 1988) pour les idéologies à consonance scientifique: "Mélange indissoluble de faits partiels, sélectionnés pour les besoins de la cause (les tris orientés) et jugements de valeur passionnels" (les appréciations péjoratives des carbonistes sur le Linceul, le Christ, l'Eglise et les scientifiques défendant l'authenticité de la Relique). Revel disait encore de cette idéologie qu'elle "était utilisée comme arme de combat destinée à la domination d'une classe", et que "la vérité scientifique et la vérité tout court étaient le cadet de leurs soucis." On ne peut mieux dire. Elle a servi à dénigrer l'Eglise.
 
 

5) Si l'on admet la date de la Création donnée par les généalogies bibliques admises par les chronologistes et encore par Bossuet et Crombette de 4000 ans avant Jésus-Christ, beaucoup de datations radiocarbones sont largement erronées. Qu'en pensez-vous?

Réponse: Il faut d'abord se souvenir que la géologie moderne est fondée sur l'"actualisme" ou "théorie tranquille" de Lyell, qui nie l'existence d'un Déluge universel, alors que la Bible y consacre un chapitre de la Genèse. Pour Lyell, l'histoire résulte d'événements produits de façon lente, uniforme et progressive, "de la Bactérie à l'Homme", alors que la Bible parle de Création, de Chute et de châtiments (l'inondation universelle notamment). Ce discours que tient la science actuelle est à l'opposé du discours biblique. Le premier implique l'existence de très longues durées, de millions ou de milliards d'années, nécessaires au lent perfectionnement des espèces. Le second se réfère à l’apparition d’espèces primitivement parfaites, mais blessées par le péché, au cours d’une chronologie courte.

L'intérêt de mon livre est de montrer entre autres l'incapacité du C14 à dater les événements de la préhistoire et donc les dernières étapes du fameux "processus d'émergence" de l'homme à partir de l'animal dans le cadre des longues durées de l'actualisme. En fait, les dates extrêmes C14 qu'on peut contrôler ne remontent pas en deçà de 3000 ans avant Jésus-Christ (début des généalogies égyptiennes, des comptages d'anneaux de croissance des arbres). Si l'on interprète les événements en fonction de l'historicité du Déluge, on doit probablement prendre en compte la chute de l'anneau aqueux dont la teneur en C14 était sans doute très faible. Le prouveraient les taux infimes en C14 des carbonates des grottes et ceux des eaux de nappes. Rappelons que l'eau actuelle de Plombières est datée de 40000 ans B.P. Les stalactites actuelles sont vieilles de milliers d'années C14. De plus, les eaux de nappes ont une composition isotopique très particulière qui reflète sans doute celle de l'anneau aqueux. Il existe des études sur ce sujet. Il semble normal que les restes des hommes préhistoriques soient affectés par des solutions pauvres en C14 et artificiellement vieillies.

Pour en revenir à la date de la Création de -4000 et de celle du Déluge de -2347, mon étude qui montre essentiellement le manque de fiabilité du C14 comme chronomètre ne peut rien affirmer. Il faut en revenir aux généalogies, qui diffèrent d'une version de la Bible à l'autre, comme vous le savez, mais dans un intervalle de -3000 à -7000 ans pour la Création, pas plus. C'est pourquoi les centaines de milliers ou les millions d'années sont certainement faux. Pour expliquer les différences dans les âges, certains auteurs américains, et non des moindres, pensent que "fils de" dans les généalogies pourrait simplement se référer à un ancêtre célèbre comme "Jésus-Christ, Fils de David". "
 
 
 
 

En conclusion, Marie-Claire van Oosterwyck-Gastuche a écrit son livre de façon simple, accessible à tous. Elle prouve de façon magistrale un point d'une importance capitale dans l'affrontement du Linceul de Turin avec la méthode radiocarbone: celui-ci est le grand perdant. Le Linceul est authentique, la Tradition véridique et notre civilisation vit sur de faux principes qu'elle fait passer pour des acquis scientifiques. Ce livre est important, il mérite d'être lu et largement diffusé.