Sur les traces de la sémiologie



     Dans le cadre des études cinématographiques, trois phases s'inscrivent dans l'histoire de la sémiologie en France.
 
 

PREMIÈRE PHASE

Le pionnier de la sémiologie en France:
Christian Metz
 
 

     La première, en 1964, axée sur les études de Christian Metz permit à ce dernier de structurer les assises méthodologiques par des études rigoureuses sur la matière filmique il puisa quelques unes de ses recherches sur le travail colossal entreprit en littérature, quelque temps auparavant, par Roland Barthes. L'apport de Christian Metz à la sémiologie fut de toute première importance du au fait qu'il établit par sa clarté et la profondeur de sa démarche une formalisation des signes et des codes qui régissent la syntaxe filmique.
 
 
DEUXIÈME PHASE
Avec Eisenstein,

Robbe-Grillet
et la psychanalyse
la sémiologie se développe
 
     La deuxième phase, au début des années 70, donna un second  souffle à la sémiologie.   Premièrement par l'analyse rigoureuse  des films de Sergei Eisenstein et d' Alain Robbe-Grillet qui, par leurs constructions, se distinguèrent du cinéma-représentatif traditionnel.   Ces codes, ces montages et ces éléments textuels hors normes permirent aux théoriciens d'élaborer, approfondir et réorienter le langage et les signes.   La sémiologie se précisa. Elle emboita, regroupa et structura des unités signifiantes dans des cadres nouveaux.   Elle démontra par cette méthode la force qui la gouverne.   Ils examinèrent également la syntaxe filmique pour connaître et reconnaître la discontinuité dramatique aux creux de la diégèse. Autrement dit, par les oeuvres d'Eisenstein et Robbe Grillet, les chercheurs démontrèrent l'efficacité des éléments iconiques et des niveaux textuels (accessoires, plan de caméra, éclairage, bande son, mise en scène etc...) dans un tout autre matériel filmique: la discontinuité.
     Deuxièmement, toujours au début des années 70, un vent nouveau et contreversé bouscula la sémiologie: la psychanalyse.   C'est en 1971, lors de la publication de l'ouvrage de Christian Metz Langage et cinéma que s'élabora un système de représentation du cinéma comme fondement du discours.   Delà s'entama un débat parmi certains théoriciens:   "Dans une approche psychanalytique, doit-on prendre en cherche tout les éléments filmiques afin de disséquer le récit?"    Cette question, Christine Metz la réfuta rapidement.   Car pour lui les deux codes: langagiers et iconiques, ne peuvent pas s'observer simultanément dans une même grille d'analyse psychanalytique.   Il émettra, par contre, un certain positivisme, pour celle-ci, dans une optique textuelle du récit filmique, sans toute fois y joindre les rangs.
 
 
 
Rencontre d'un second type:

Le langage inconscient.
 
     Cette rencontre avec le texte permis de débuter, pour certains professionnels en sémiologie et/ou en psychanalyse, le décryptage du langage et par extension du langage inconscient.   Ce processus de l'inconscient, générateur d'images donc de rêves marqua, par ces empreintes, le discours cinématographique.   En ce sens, le mécanisme de l'inconscient, comme le film, crée des images.   Cette analogie permit de mettre en place les premiers cadres méthodologiques.
 
 
 
Quand le texte se révèle
sous la couverture du rêve.
 
     Les recherches, les analyses et les concepts élaborés par Freud servirent également de repères importants dans l'instauration des codes. Les analystes se basèrent entre autre sur le chapitre 6 de La science des rêves de Freud pour répertorier la liste des formes essentiellement cinématographiques.   Par la suite, ils évaluèrent les mécanismes représentatifs de la matière filmique pour localiser les formes signifiantes. Après quoi, ils les comparèrent aux procédés de figuration du rêve.   Ainsi, ils mirent de l'avant leurs fonctions particulière d'intervention dans le rôle du texte filmique, afin de le révéler à lui-même.   C'est pourquoi, Freud affirma dans son livre  La science des rêves que: "Le contenu du rêve nous est donné sous forme d'hiéroglyphes, dont les signes doivent être successivement traduits dans la langue des pensés du rêve.   On se trompera évidemment si on veut lire ces signes comme des images et non selon leur signification conventionnelle...    Le rêve est un rebut." Et ce "rebut", comme le surnomme Freud, pour ne pas qu'il n'en devienne un, doit inévitablement s'analyser selon un protocole (une grille d'analyse) établi et structuré.   Sinon, les trames narratives deviennent floues, inaudibles, insignifiants et vide de sens.   Delà l'importance, pour certains, d'utiliser la sémiologie psychanalytique pour décoder et déchiffrer, l'écriture, le discours et le langage cinématographique.
     Ainsi, par ces nouvelles recherches sur l'analyse des films de Sergei Eisenstein et Alain Robbe-Grillet et par la venue de la psychanalyse, le champ de la sémiologie se vit enrichie par de nouveaux concepts.
 
 
 
TROISIÈME PHASE
Au nom de la sémiologie
 
     Enfin, au début des années 80, la troisième et dernière phase relança l'étude de la sémiologie après une dizaine d'années de stagnation. Par la même occasion, les chercheurs en profitèrent pour remettre en question la définition même de la sémiologie après tant de transformations depuis ces débuts. La matière, selon eux, ne semble pas l'analyse du signe en lui-même, mais plutôt la signification qu'elle transporte et émane par sa puissance génératrice de sens.
 
 
 
Roger Odin

ou pour une nouvelle
analyse sémiologique

     Delà résulte principalement les réflexions de Roger Odin élaborées en 1985 dans sa thèse L'analyse sémiologique des films. Dans cet ouvrage, il élabore sur le concept de "l'objet cinéma". Il évalue la pertinence des "unités narratives" dans la grande syntagmatique.   C'est-à-dire qu'il examine les rapports ou les différences entre la bande-image et la bande-son.
 
 
 
Le mode de positionnement du Spectateur

     S'appuyant sur la théorie metzienne du "Signifiant imaginaire", Roger Odin s'interroge également dans un premier temps sur le  mode de positionnement du spectateur.   En d'autre terme, comment  l'identification du récepteur face à l'histoire racontée par le cadrage, l'échelle des plans, les mouvements de caméra, l'agencement des plans et d'autres codifications profilmiques contribuent à se révéler signifiants  pour le spectateur.
 
 
 
Le mode de positionnement du Spectateur

     Ces objets signifiants amènent, dans un deuxième temps, ce que
Roger Odin appelle "l'effet de positionnement du spectateur".   C'est-à-dire, comment par la mise en scène, le maquillage, les costumes, les dialogues et autres structures de l'image, le spectateur vient à sublimer le personnage fictif, voir même se transposer en lui, pour ainsi pénétrer dans la diégèse et faire partie à part entière de l'histoire projetée sur la surface écranique.
 
 
 
Au début des années 80 :

Naissance de deux nouvelles théories

     Dans un même élan, énonçons les deux nouveaux concepts avancés au début des années 80 : celui de la théorie de l'énonciation et celui de la théorie générative.
 
 
 
La théorie de l'énonciation

     La première, la théorie de l'énonciation, se caractérise par les marques, les traces, les empruntes laissés volontairement par l'auteur sur le texte filmique. Il déroge avec le cinéma représentatif traditionnel par cette inscription, ce reflet sur l’œuvre. Ces marques objectives se repèrent notamment par : la voix off (ou voix extra-diégétique), les sautes, les mentions écrites etc... Le fait d'utiliser cette forme de représentation résulte d'une certaine volonté de transcender avec le cinéma traditionnel et de permettre aux spectateurs de s'interroger sur les mécanismes filmiques. Comme le mentionnait Dominique Chateau dans le numéro 38 de la revue Communication : "L'énonciation n'est en général perceptible au cinéma que dans le film qui rompent avec les normes du cinéma représentatif traditionnel, puisque la règle dans ce dernier est de gommer toute référence - volontaire - ou tout renvoi - involontaire - aux circonstances concrètes de la production du message, qui pourrait anéantir l'effet de fiction."
 
 
 
La réflexivité : Un autre registre de l'énonciation

     Il existe également une deuxième technique afin de court-circuiter le discours et/ou l'iconicité. Il s'agit de la réflexibilité. En d'autre terme :  du cinéma dans le cinéma. Cette méthode est souvent utilisée dans les films de Jean-Luc Godard. C'est en quelque sorte, la capacité de montrer les codes (les ficelles) filmiques à même le discours filmique. Bref, retourner le cinéma à ses propres règles.
 
 
 
La théorie générative

     La deuxième, la théorie générative, explorée en 1977 par Christian Metz laissa aux théoriciens intéressés par cet aspect de la sémiologie une véritable mine d'or. Michel Colin fut un des premiers à se pencher réellement sur la question. En 1980, il termina une thèse : Langue, film, discours, Prolégomène à une sémiologie générative qui se distingua par sa vision formalisée et déductive de la sémiologie. Il refusa d'admettre, comme la plupart des théoriciens, que "le langage cinématographique est une dépendance structurale à l'égard du langage verbal", mais il oriente plutôt son propos en disant que "le discours du film n'est pas fondamentalement différent du discours verbal." Cette façon d'entrevoir le langage filmique, de la part de Michel Colin, lui vaudra le respect pour certains et l'indifférence pour les autres.
 
 Conclusion
 
      En terminant sur ce premier dossier consacré à l'étude du langage et des signes, rappelons la contribution de toute première importance de Christian Metz. Grâce à sa détermination et son goût inné pour l'étude, la recherche et l'enseignement, il marqua plus que quiconque l'histoire de  la sémiologie en France en recensant les codes spécifiquement cinématographiques.
     La psychanalyse, les analyses des œuvres cinématographiques de Eisenstein et de Robbe-Grillet, contribua également à lui donner profondeur qu'on lui connaît.
     Roger Odin, de son côté, articula une vision originale de l'application narrative et la monstrative au sein de la sémiologie traditionnel.
C'est ainsi que, par ces phases, les études cinématographiques se dota d'un nouveau champ d'étude : La sémiologie.




Raynald Gagné
Fondateur de Cinémedi@film




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