Le cinéma:

cette incroyable instrument

de propagande





 
 
 
 

 
 
 
 


 
 


 Dossier Analytique 

centré 

sur les mécanismes propagandistes 

du film 

Rocky IV


 
 


Introduction
 

   Pour faire suite à notre éditorial du mois d'octobre sur l'endoctrinement, examinons les mécanismes qui régissent la propagande au sein d'une oeuvre cinématographique.   Prenons comme exemple le film Rocky IV.   Pénétrons dans les micro-circuits filmiques, explorons les photogrammes, les plans, les séquences, la bande son, les cadrages, les juxtapositions des plans et des séquences, le montage, les dialogues et la mise en scène qui s'incorporent dans la trame filmique.   Devenons les décompositeurs de cette arme puissante qu'est le cinémna.


Première étape:
La récapitulation ou la mise en situation
 

1.1. Confrontation des gants ou le symbolisme à l'état pur.
 

   Il demeure relativement facile de prévoir dans les mécanismes filmiques du film Rocky IV les halos propagandistes.  Dès le début, avant même que le générique apparaisse, nous discernons au milieu de cette dilatation de synchronie, un photogramme, une diachronie, un symbole: celui de deux gants qui s'affrontent. Cette matière riche de sens et de signification introduit et extrapole le contenu filmique pour offrir aux spectateurs un avant goût de la structure diégétique.

   Il convient de souligner les facteurs esthétiques exploités en tant que "producteur de sens" et de "vecteur" prenant leur origine à même l'endoctrinement et les stéréotypes sociaux.

1.2. Le passé permet de connaître le futur ou le passé revient.
 

   Comme il consiste de "frapper les esprits humains et non de les convaincre", Stallone emploie un procédé cinématographique fréquemment utilisé: celui du retour en arrière (ou flashback).  Il récapitule la dernière séquence du dernier film Rocky III, pour l'inclure à même la diégèse de Rocky IV. De cette façon, il amène des connotations "symboliques" et "référentielles".

   Un autre procédé excessivement commun dans le cinéma narratif classique consiste à utiliser l'unité de ventilation qui, dans le récit, est évoqué par le robot que reçoit Polly lors de son anniversaire.   Par cette formule, Stallone anticipe d'une certaine façon l'arrivée du boxeur russe.   Il crée par ce parallélisme iconique, un lien implicite, une métaphore entre l'homme robotisé soviétique et la machine à Polly.

   Donc, il ne reste plus qu'à introduire et à forger lentement dans l'esprit du spectateur, l'engin à boxer "MADE IN RUSSIA".

Deuxième étape:
Propagande américaine &
les stéréotypes sociaux.

2.1. L'affiche symbolique ou les connotations référentielles.
 

   Par l'affiche promotionnelle, le film nous transmet une image erronée de l'Union Soviétique: celle d'un pays où les russes n'ont qu'un objectif en commun, celui du parti.   La publicité du boxeur laisse transpirer une multitude de renseignements qui renforcent nos préjugés.   Les attributs propre à ce photogramme stagnant, fixe, immobile résident essentiellement dans "la richesse de la photographie, c'est en fait tout ce qui n'y est pas, mais que nous projetons ou fixons en elle". Mais au-delà de cette image éclairée reproduite sur l'écran transcendons les symboles imagiés afin de disséquer  cette matière iconique.

   Premièrement l'homme soviétique nous est montré de profil, signe de pureté et de perfection de la race arienne.  Deuxièmement, la posture du sportif est droite.   Elle est représentative des hommes fiers d'appartenir à la race supérieur, forte, inébranlable, voir même suprême où "la préservation de la pureté du sang devient un objectif national essentiel".   Ainsi, il incarne un engin indestructible.
 
 

2.2. L'arrivée du russe en sol américain
ou le dépaysement d'un socialiste dans un monde capitaliste.
 

   L'arrivée du russe en sol américain fait place à un langage cinématographique éloquent.   Ainsi, devant de lents travellings arrières, des contre-plongées qui traduisent la domination du "grizzli de Sibérie" et le mettent en valeur, le spectateur a une nette impression d'être, non pas en contact avec un homo-sapiens, mais plutôt un humanoïde soviétique assisté par ordinateur.
 
 

   Que dire également de la structure sonore intra-diégétique saccadée, ciselée, tranchée par les synthétiseurs venant traduire, tant bien que mal, "le son interne" d'un robot programmé à détruire.  Cette bande auditive s'homogénéise et surenchérit la structure de l'alternance entre d'un côté, l'amérique, ce pays capitaliste représenté par une musique commerciale, et de l'autre, la Russie, ce pays totalitaire reflété par une musique froide, flegmatique, impassible, celle d'un clavier aux sonorités métaphoriques.
 
 

    Alors apparaissent les clichés.   Cette astuce est exploitée d'une manière tellement grossière que toute ressemblance avec la réalité est une véritable commedia'dell'arte. Ainsi, l'effet à produire s'articule plus souvent autour de l'action que de la réflexion. Or, tout ce qui retient l'oeil sur la surface écranique, remplace irrémédiablement l'explication.
 
 




2..3. La conférence de presse
ou "la liberté ne peux exister que dans l'état".
 

   "Force, endurance, agressivité", c'est dans ces termes que le ministre soviétique qualifie son poulin.   Lentement deux plans alternés s'affrontent, se confrontent et prennent place comme procédé de conviction, d'un côté la retransmission de la conférence de presse et de l'autre, Apollo, le voyeur, l'impuissant, l'aliéné, le soumis devant le médium frois: la télévision.   Cette frustration amène Apollo à persuader Rocky de devenir son entraîneur afin de boxer contre la machine infernale: le grizzly de Sibérie.   L'affrontement entre "le neigre", l'homme primitif, et le soviétique, l'être perfectionné, consiste en quelque sorte à donner aux spectateurs un avant-goût ou un amuse-gueule avant l'ultime combat.

   Pendant ce temps, de l'autre côté de la surface écranique, le spectateur anticipe l'action, la salive à la bouche, les yeux écarquillés et fantasme sur un combat possible entre le héros américain, Rocky Balboa, et le dragon russe.
 
 

2.4. La conférence de presse du combat d'Apollo
ou l'implication du "spectateur-voyeur".
 

   D'emblée, la première séquence de la conférence de presse du combat d'Apollo implique le spectateur par le truchement des journalistes. Ainsi, lorsqu'Apollo ridiculise le russe en disant: "Ce blanc bec doit apprendre la boxe américaine (...) La Russie n'a pas de supers héros (...)   Les cochons russes lui ont mangé la langue", le spectateur entend en "voix off" les rires des journalistes qui, par extention, représentent le rire du spectateur. "Cette symbiose n'est possible que parce qu'elle unit deux courants de même nature. Et le spectateur qui est tout, n'est également rien.   La participation qui crée le film est créée par lui.   C'est dans le film qu'est le noyau naissant du système de projection-identification qui s'irradie dans la salle".
 
 

2.5. L'Avant match
ou l'ultime provocation
 

   Apollo, quelques minutes avant le match, se confie à Rocky Balboa. Il déblataire des insignifiances, mais termine par une phrase éloquente: "nous contre les soviets".   Dans cette déclaration, il mentionne "nous", ce "nous" implique le peuple américain et par extention le spectateur.   Un "nous" imposé, un "nous" dictatorial.

2.6. La mise en scène précédant le combat
ou la "vieille fascination" américaine.
 

   D'un côté, le russe avec une musique programmée par un instrument froid: le synthétiseur et de l'autre, l'américain avec une musique endiablée, pré-digérée, intimidante surtout pour un étranger provenant de l'Europe de l'est. Ainsi, l'Amérique dévoile à l'homme soviétique son côté "star system", son aspect superficiel, sa folie démesurée qui l'entraînent à sa perte et par métaphore à celle du combat.
 
 

2.7. Le combat
ou la mort aux trousses
 

   Devant l'écran, le spectateur espère voir le véritable combat: celui de Rocky Balboa et du dragon russe.   C'est pourquoi le réalisateur s'applique à manipuler le spectateur de tel sorte qu'il en arrive à haïr le boxeur soviétique. De cette façon, le récepteur passe par une grande gamme d'émotions jusqu'à la sensation la plus horrible: celle de la mort d'Apollo.

   Il demeure quand même moins pénible pour un spectateur de race blance de voir mourir un noir.   Car inconsciemment, les américains préfèrent se débarasser de la "minorité visible" qui extirpe, selon eux, les emplois déjà précaires qu'ils occupent.   "Il y a donc, quelque part, dans le cinéma, comme un rêve, comme un imaginaire, qui réveille et révèle des identifications honteuses, secrètes..."
 
 



Troisième étape:
La vengeance.
 

3.1. Conférence de presse.
 

   Pour ce faire, il accepte de boxer le 25 décembre.   Cette date, très représentative dans la vie des judéo-chrétiens, n'a qu'un seul but, celui de pousser le spectateur à détester, hair, voire même mépriser, les agissements d'une Russie athée, incapable de respecter la moindre convention: celle de la naissance de l'homme nouveau.

   Également, il accepte de boxer en Union Soviétique.   Ce lieu ajoute, aux yeux du spectateur, une seconde raison de glorifier le héros.
 
 

3.2. L'arrivée de Rocky en Russie.
 

   Quand le cinéma ne donne plus à voir la réalité objective des choses, il tombe dans les stéréotypes.  Il trafique, devant le spectateur, une pseudo-réalité spatiale, qu'il gobe.   Même s'il n'a jamais mis les pieds en Union Soviétique, il connaìt quelques clichés (la neige, la froidure sibérienne) qui lui permettent de se situer et ainsi, acquiescer à ce monde fictif qu'on lui donne à voir.
 
 

3.3 L'arrivée au chalet
ou la photo et son double.
 

   Lorsque Rocky arrive dans son chalet sibérien il prend soin de disposer au bas du miroir, la photo de son fils et de l'homme à battre: le russe."L'image et le double sont réciproquement modèles l'un de l'autre.   Le double détient la qualité aliénée de l'image souvenir.   L'image souvenir détient la qualité naissante du double. Une véritable dialectique les lie. Une puissance psychique, projective, crée un double de toute chose pour l'épanouir dans l'imaginaire.   Une puissance imaginaire dédouble toute chose dans la projection psychique.".
 
 

3.4. L'entraînement
ou l'antagonisme iconique.
 

     Au cours de cette fameuse séquence, les montages parallèles entraînent le spectateur à sublimer l'américain et à inférioriser le russe.   Ainsi, le réalisateur scande,  ponctue, alimente la propagande pour en arriver inexorablement au fascisme.

Dans un premier plan parallèle, Rocky fait un retour à la terre et le dragon progresse par des ordinateurs.

Dans un second plan parallèle, Rocky coupe des bûches et le dragon s'entraîne sur un appareil de musculation assistée par ordinateur.

Dans un autre plan parallèle, Rocky lève des bûches tandis que le dragon s'exerce sur une planche abdominale assistée par ordinateur.

Dans un quatrième plan parallèle, Rocky tire un traîneau et le dragon rame sur une planche abdominale assistée par ordinateur.

Dans un ultime plan parallèle,  Rocky escalade une montage le dragon court sur un exerciseur assisté par ordinateur.

   Il y a dans le plan parallèle un antagonisme, celle du vainqueur et du vaincu. Comme si le spectateur, dans le cinéma à consommation courante, doit obligatoirement s'identifier à l'un ou l'autre des protagonistes.
 
 

3.5. Le match de boxe
ou l'assouvissement du spectateur.
 

   Les commentateurs regardent la caméra.   Ils interpellent le spectateur. Brièvement, ils décrivent le boxeur russe par des clichés, des stéréotypes tels: "le grizzli de Sibérie" ou "le tueur qui vient du froid".   La musique ciselée du synthétiseur nous rappelle la robotisation du boxeur.   Lentement, en l'apercevant faire son entrée dans le "ring", une dilatation temporelle s'exerce. Et en signe d'appartenance au parti, le dragon salue Popov. De l'autre côté du "ring", Rocky reçoit le noble titre de "cheval de fer américain".   Il est à remarquer que le public hue Balboa.   Il le méprise.

   Avant le son du "gong", Rocky Balboa fait l'ultime signe de la croix, dernier lien spirituel entre lui et l'Amérique.
 
 



"DING"
 

   Le combat débute.   Dans le premier et deuxième round, le dragon martèle Rocky.   Les commentaires se surenchérissent: "Tous les coups sont permis ici, à Moscou".   Progressivement, entre le deuxième et le troisième round l'entraîneur de Rocky déclare: "Tu sais, ce n'est pas une machine, c'est un mec!"   Plus le combat avance, plus les procédés cinématographiques s'élaborent, comme si, cette supercherie, manquait de réel.      C'est pourquoi, le réalisateur ajoute une éllipse temporelle et de la musique, afin de sublimer l'image. Ensuite, une seconde éllipse temporelle ainsi qu'un son diégétique de grognement sont ajoutés à la férocité du russe.   Lentement le robot russe se transforme en animal et Rocky s'approprie la foule.   "Le coeur de Moscou, tout à coup, bat pour Rocky", mentionne un commentateur.





La victoire est dans la poche!
 

"En arrivant ce soir, je ne savais pas c'qui m'attendait. J'sentais que des tas d'gens m'haissaient, mais j'savais pas comment il fallait prendre ça!   Alors, je crois que dans le doute j'vous ai haï aussi.   Au cours du match, il y a des tas d'choses qui ont changés.   J'ai vu ce que vous ressentiez pour moi et ce que moi je ressentais pour vous.   Sur le "ring", il y avait deux gars qui s'entre-tuaient, mais quand même, c'est mieux que deux millions.   Alors vous voyez, ce que j'voulais dire, c'est qu'si moi j'ai changé, c'est que vous avez changé, tout le monde peut arriver à changer".
 
 

 

Raynald Gagné
Fondateur de Cinémedi@film




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