[CliorocheIChâteauIVidéoIE.P.JacobsIEn 1947...IAllégorieIVétheuilIMémoireIPhotosILiens]

La vie religieuse en Mantois
d'après Eugène Bougeâtre, Meulan 1971

Au XIXe siècle, les usages populaires
comptent plus que les croyances
L'exemple des charités en Mantois
Le paysan du XIXe siècle a perdu la foi naïve et sincère de ses ancêtres. L'irréel lui échappe, mais il a conservé une peur terrible de l'au-delà dont l'inconnu lui apparaît infiniment redoutable. Cette crainte suffit à expliquer l'apparence de croyance qu'il manifeste aux actes décisifs de sa vie familiale. Il s'attache plus aux cérémonies extérieures de la religion qu'à la religion elle-même. De tous temps celui-ci n'a jamais été un mystique.
 

Photo F. Antoine -
église de La Roche-Guyon

Les frères de charité
 Au XIXe siècle, les Pompes funèbres n'existent pas en tant que service public. De plus la majorité des populations du Vexin et du Mantois appartenant à la religion catholique, l'Eglise, qui asssiste les mourants à leurs derniers moments, veille à ce que les défunts une sépulture décente. Le curé de la paroisse présidera au cimetière à la cérémonie de l'inhumation ; mais, après en avoir réglé les détails et ceux du convoi funèbre, il en confiera l'exécution aux membres d'une association qu'on désigne sous le nom de Confrérie de la Charité des Morts. Avant la Révolution, les confréries assuraient l'enterrement de leurs seuls membres ; mais par la suite, elles étendirent ce service à tous les catholiques qui réclamaient leur intervention. En fait, les charités détenaient ainsi une sorte de monopole dont elles n'abusèrent jamais. Aucune taxe n'était exigée et la confrérie de Longnes, en particulier, se contentait de ce que la famille voulait bien verser à l'échevin après l'inhumation.
On ne trouve ces confréries - on a dit longtemps des frairies - que dans les paroisses importantes d'où elles rayonnent sur les communes voisines. Elles sont placées sous le vocable d'un saint et leur origine est très ancienne.
 


Photo F. Antoine - église de Vétheuil

Voir confréries de Vétheuil et de la Roche-Guyon.

Les charités régionales
La fonction essentielle des frères de charité était d'enterrer les morts et par voie de conséquence de participer aux offices, aux fêtes, et aux processions.

Le fonctionnement des charités
Ce sont des laïques et ils se recrutent parmi les laboureurs, les vignerons et les artisans des bourgs.
Chaque confrérie de charité a son organisaton particulière, et ses statuts primitivement approuvés par une bulle pontificale.
La confrérie est administrée par un prévôt et par un échevin, élus ordinairement pour un an ; le nombre de ses membres est variable ; l'un d'eux s'appelle le cliqueteur ou tintinellier et précède les cortèges en agitant ses sonnettes.
Quand ils se réunissent en corps, au siège, les frères de charité revêtent un costume qui ne s'est guère modifié depuis leur fondation : bonnet carré, soutanelle ou robe noire fendue sur les côtés, large col blanc de lingerie couvrant les épaules ; écharpe de couleur en sautoir brodée or ou argent avec l'image du patron de la confrérie. Le prévôt, l'échevin et le cliqueteur se distinguent par des attributs spéciaux. Dans les processions, les frères se groupent autour de la bannière de la confrérie.
En principe l'association devait vivre de la cotisation de ses adhérents, des dons, des legs, des subventions publiques ou privées et des quêtes aux offices.
La veille des fêtes, à Vétheuil, le cliqueteur circulait dans le bourg et s'arrêtait aux carrefours pour chanter O filii et filiae à Pâques et Libera nos domine à la Toussaint. Le jour des Morts et aux Rameaux, les frères de charité se rendaient au cimetière et fleurissaient la tombe de ceux qui étaient disparus. dans certaines paroisses, ils portaient le dais le jour de la Fête-Dieu ; dans d'autres ils le suivaient immédiatement.
Au moins une fois par an, les frères de charité se réunissaient en un banquet à l'issue duquel le prévôt et l'échevin sortants rendaient leurs comptes en présence du curé, des marguilliers et des paroissiens notables convoqués à cette assemblée. On procédait alors à l'inventaire des objets mobiliers appartenant à la confrérie : vêtements, linge, nappes et napperons, bourses et plateaux, croix et chandeliers, sonnettes, bâtons et bannières dont l'église paroissiale était dépositaire. Sur le registre de la confrérie, un procès-verbal était dressé et signé par les dignitaires en charge et par le curé.

L'église de Mézières-sur-Seine (canton de Guerville) renferme un tableau intéressant, de la fin du XVIIIème siècle, plusieurs fois restauré, qui représent eune inhumation faite avec le secours des frères de charité. Il est d'ailleurs facile sur le tableau de différencier les fonctions des membres de la confrérie. On trouve encore des représentations de frères en costumes sur un tableau présent  dans l'église de Vétheuil (cant. de Magny-en-Vexin - 95) - une fresque du XVIème siècle restaurée en 1773 et 1829 - ainsi que dans l'église de Vaux-sur-Seine (cant. de Meulan - 78) sur un tableau datant du XIXème siècle.
 

Les charités de la région

Celle de la Roche-Guyon, dont Saint-Roch était le patron, datait des environs de 1348 à une époque où la peste noire sévissait dans le Vexin et en Normandie ; mais elle ne reçut sa consécration officielle que  le 1er juillet 1582 par une bulle du pape Grégoire XIII qui "accorde des indulgences plus ou moins étendues à ceux qui aux jours de fête de Saint-Roch rempliront leur devoir de chrétien en l'église Saint-Samson de La Roche et à ceux qui conduiront et accompagneront par un principe de charité jusqu'au lieu de la sépulture ecclésiastique, les corps de leurs confrères décédés ou les visiteront , soulageront et consoleront dans leurs maladies."
Les frères de la Charité de La Roche portaient une robe courte de serge noire avec un grand col bleu ; sur la tête, un chapeau à bords relevés suivant la mode du XVIe siècle ;  le cliqueteux se distinguait par des ossements en lingerie cousus en croix sur la dalmatique.
La Charité de la Roche desservait Roconval et Amenucourt, Haute-Isle, Chérence, Clachaloze, Gasny, Frocourt, Saint-Leu, Bézu et le Mauvérand.
En 1661, Jeanne de Schomberg, duchesse de Liancourt et de la Roche-Guyon, établit en cette paroisse une confrérie féminine, composée de femmes et de filles, et destinée à soulager et assister les pauvres malades du lieu, corporellement et spirituellement. "La confrérie est administrée par trois dames élues le lundi de la Pentecôte en présence de M. le Curé à la pluralité des voix et pour deux ans. La première sera directrice, la seconde trésorière, la troisième garde-meubles ; elles désigneront un homme pieux et charitable qui sera procureur."
Cette association disparut en 1789, mais le souvenir s'en conserva longtemps au XIXème siècle.
Limetz, Boissy-Mauvoisin, Mézières, Saint-Martin-la-Garenne et Moisson avaient également leurs frères de charité. Ceux de saint Georges comme patron, ceux de Mézières, saint Roche et saint Sebastien ; ceux de La Villeneuve, saint Hubert.

Celle de Longnes qui se recommande de saint Sébastien datait de 1559 et ses statuts avaient été modifiés en 1608 ; elle s'étend dans tout le Serve, à Dammartin, Montchauvet, Tilly, Flins, Mondreville, Bréval, Le Tertre-Saint-Denis.

Celle de Rosny, dont un bref du pape Paul V, en 1605, reconnaît l'existence, est également placée sous le patronage de Saint-Sébastien.

Celle de Vétheuil, consacrée au Saint Sacrement, avait été érigée en 1583 ; ses bons offices s'étendaient sur l'Arthies, à Vienne, Chaudry, Villers, Saint-Cyr, Chérence, Chaussy, Haute-Isle.
 



Echevin : A l'époque carolingienne, l'échevin est un spécialiste du droit coutumier, qui assiste à son tribunal le comte, puis le vicaire ou le vicomte. A partir du XIIIe siècle, c'est un membre du conseil d'une ville de commune, généralement coopté dans l'oligarchie dominante. Certaines constitutions urbaines donnent à de semblables personnages le nom de jurés, voire de pairs (Rouen). A Paris, quatre échevins assistent le prévôt des marchands dans le gouvernement de la Hanse des marchands de l'eau, qui fait à certains égards figure de municipalité.


Prévôt : Agent d'administration domaniale. Il y a au Xe siècle des prévôts dans les domaines des grandes abbayes du Nord. Ils apparaissent au XIe siècle dans les domaines seigneuriaux et dans le domaine royal. A la fois régisseurs et intendants, ils exercent de surcroît la juridiction domaniale, en particulier pour les droits forestiers. Leur rôle de collecteur des revenus domaniaux conduit très vite au système de la ferme, le prévôt prenant par adjudication un ensemble de droits et de redevances, moyennant paiement à terme fixe d'une somme prévue lors du bail. Dès lors, le prévôt royal apparaît de plus en plus comme un percepteur, voire un gestionnaire, et de moins en moins comme un représentant du roi. Le pouvoir royal réagira en créant, entre la fin du XIIe et le milieu du XIIIe, le réseau des baillis et des sénéchaux.