Le 28 avril 1999

 

Conseil pour la Paix dans la Région

Des Grands Lacs Africains

630 rue Guy suite 3

Montréal (Québec)

H3J 1T3

Tél.(514)343-0677

Fax.(514)333-5055

 

Monsieur le Représentant Spécial du Secrétaire Général

des Nations Unies en RDC

Moustapha Niasse

 

Objet :Mémorandum sur la recherche de la paix en RDC et dans toute la région des Grands Lacs Africains

 

Monsieur le Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU,

 

Le Conseil pour la Paix dans la Région des Grands Lacs Africains ( CPRGLA), organisation qui regroupe des ressortissants de la République Démocratique du Congo (RDC), du Rwanda, du Burundi, de l’Ouganda ainsi que des canadiens sympathisant se réjouit de votre nomination comme Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies et vous présente ses chaleureuses félicitations. De par votre engagement à la cause de la paix, le CPRGLA est convaincu que vous ne ménagerez aucun effort pour chercher une solution à la crise qui secoue actuellement la RDC et toute la région des Grands Lacs Africains.

Le CPRGLA est cependant conscient de la lourdeur de la tâche qui vous attend, et de l’importance que peut représenter la contribution de tous ceux qui œuvrent pour le retour de la paix dans cette région du monde. C’est pourquoi, Monsieur le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, le CPRGLA vous envoie ci-joint son mémorandum sur la recherche de la paix en RDC et dans toute la région des Grands Lacs Africains, en espérant que les élément qu’il contient retiendront votre habituelle attention.

Veuillez agréer, Monsieur le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies, l’expression de notre haute considération.

 

Pour le CPRGLA

HAKIZIMANA Emmanuel

Vice-président

 

Conseil pour la Paix dans la Région des Grands Lacs Africains

(CPRGLA)

Tél. :(514) 343-0677 ; (514) 937-5364; (450)468-6645

Fax : (514) 333-5055 ; e-mail :d227550@er.uqam.ca

 


 

Mémorandum sur la recherche de la paix en RDC et dans toute la région des Grands Lacs Africains

 

La recherche de la solution à la guerre qui secoue actuellement la République Démocratique du Congo (RDC) passe nécessairement par une analyse préalable de la situation politico-militaire qui prévaut dans la région des grands Lacs Africains depuis les indépendances.

En effet, depuis les années 1960 la région des grands lacs africains a été secouée de manière permanente par une série de crises qui se sont accompagnées par des massacres, flux de réfugiés et déplacements massifs de population. Ainsi :

- Au Rwanda, la révolution de 1959 a provoqué la fin de la monarchie Tutsi et un flux de réfugiés essentiellement tutsi vers les pays limitrophes en l’occurrence le Burundi, l’Ouganda, et le Zaïre. Les anciens monarchistes déchus vont, par des attaques continuelles aux frontières, essayer de revenir au pouvoir par la force exacerbant par-là même les tensions inter-éthniques entre Hutus et Tutsi, notamment au Rwanda et au Burundi et dans une moindre mesure au Zaïre entre les réfugiés tutsi rwandais et les tribus autochtones du Kivu.

-En 1972 au Burundi ces tensions ethniques vont atteindre leur premier paroxysme avec le génocide des hutus par l’armée mono-ethnique tutsi du colonel Michel Micombero, provoquant également un flux de réfugiés hutu vers les pays limitrophes, notamment au Rwanda, au Zaïre et en Tanzanie.

-En 1973 au Rwanda le ressentiment créé par le génocide des hutu burundais va aboutir aux affrontements inter- ethniques et provoquer un autre flux de réfugiés tutsi vers le Burundi, le Zaïre et l’Ouganda. Ces troubles inter-ethniques vont servir d’argument au renversement du président Grégoire Kayibanda par son ministre de la défense le général-major Habyarimana Juvénal.

-En 1986, aidé par les réfugiés tutsi rwandais, Yoweri Museveni prend le pouvoir en Ouganda et promet aux éléments tutsi de son armée de les porter au pouvoir au Rwanda.

-En 1990 (le1erOctobre) une partie de l’armée ougandaise regroupée au sein du Front Patriotique Rwandais (FPR) et commandée par le vice-ministre de la défense ougandaise, Fred Rwigema (réfugié rwandais) envahit le Rwanda. Cette première attaque qui fut repoussée par les Forces Armées Rwandaises avec l’aide de l’armée zaïroise de Mobutu va raviver les tensions inter-ethniques tant au Rwanda, qu’à l’Est du Zaïre.

-En 1992 le FPR envahit de nouveau le Rwanda provocant cette fois-ci massacres et déplacements massifs de populations.

- En 1993 au Burundi, le premier président démocratiquement élu Melchior Ndadaye est assassiné 100 jours après son élection, par l’armée mono-ethnique tutsi. Cet assassinat provoque des massacres inter-ethniques au Burundi entre hutu et tutsi suivi de déplacements massifs de réfugiés hutus vers le Rwanda, et le Zaïre. Il intensifie aussi la tension inter-ethnique au Rwanda déjà en guerre d’autant plus que le FPR est soupçonné de complicité dans cet assassinat. Il s’agit là d’une preuve évidente de l’impossibilité d’établir une démocratie dans l’un des pays des grands lacs africains sans avoir simultanément enclenché le même processus dans le reste des pays de la région.

-En 1994 (le 6 avril) les présidents hutu du Rwanda et du Burundi, Habyarimana et Ntaryamira sont tués lorsque leur avion est abattu par un missile sol-air, tiré au-dessus de l’aéroport de Kanombe qui était sous protection des forces des Nations-Unies.

Cet attentat provoque la reprise de la guerre et fut l’élément déclencheur des pires massacres au Rwanda entre hutu et tutsi ainsi que du plus grand afflux de réfugiés dans la région.

En juillet 1994, le FPR prend le pouvoir au Rwanda et près de 2 millions de hutus se retrouvent réfugiés dans les pays avoisinant ( Zaïre, Tanzanie et Burundi).

- En 1996 le FPR vainqueur de la guerre envahit le Zaïre avec comme argument la défense des droits des " Banyamulenge " et la poursuite des ex-FAR ainsi que des miliciens interahamwe réfugiés dans les camps à l’Est du Zaïre. Il s’en suit le massacre des réfugiés hutus par les troupes de l’AFDL et du FPR, le renversement du régime de Mobutu et l’arrivée au pouvoir de Laurent-désiré Kabila au Congo-Zaïre.

-En 1998, suite à une mésentente entre Kabila et ses anciens alliés rwandais et ougandais qui l’avaient porté au pouvoir, Kabila demande aux troupes rwandaises de quitter le Congo-Zaïre. Ce fut l’élément déclencheur d’une nouvelle invasion du Congo-Zaïre par le Rwanda et l’Ouganda sous le prétexte de défendre les " Banyamulenge " et d’assurer la sécurité de leurs frontières.

Il ressort de cette chronologie des faits que les événements qui se sont déroulés dans l’un ou l’autre des pays de la région des Grands Lacs Africains ont toujours eu des répercutions sur la région toute entière. Ces répercutions se sont traduites aussi bien en termes de coûts humains et matériels que politiques. Le point commun à toutes ces tragédies a toujours été l’absence d’un État de droit et d’un régime démocratique dans chacun des pays de la région des grands lacs africains.

Étant donné cette situation d’effet de contagion, toute tentative de vouloir résoudre isolément pour un seul pays les problèmes liés à la dictature et à l’absence d’état de droit sans faire de même pour les autres pays de la région qui souffrent des mêmes maux, est vouée à l’échec. La seule voie viable pour atteindre des solutions durables, est d’envisager simultanément des solutions dans tous les pays de la région des Grands Lacs Africains.

De l’avis du Conseil pour la Paix dans la Région des Grands Lacs Africains, tout plan de paix susceptible de ramener la stabilité en RDC et dans les autres pays de la région devrait contenir les éléments ci-après :

  1. Cessez le feu général et retrait des troupes des pays agresseurs de la RDC , en l’occurrence le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi;
  2. Déploiement d’observateurs neutres le long des frontières de la RDC avec le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi;
  3. Organisation d'une conférence sur la région des Grands Lacs Africains à la quelle devront participer les représentants des régimes en place dans les pays de la région des Grands Lacs Africains ainsi que les représentants des groupes d'opposition de chacun des pays de la région. Cette conférence devrait servir de tremplin pour les pourparlers entre chacun des régimes en place et ses opposants politiques.
  4. Enclenchement des pourparlers entre les opposants politiques, de l’intérieur et de l’extérieur, et les gouvernements en place dans chacun des pays de la région des grands lacs africains (Ouganda, Rwanda, Burundi, RDC ). Ces pourparlers devront aboutir à la formation d’un gouvernement et d’un organe législatif de transition représentatifs de toutes les tendances politiques, ainsi qu’à la mise sur pieds d’une armée nationale et républicaine;
  5. Détermination, dans chacun des pays de la région des grands lacs, de la période de transition durant laquelle tous les partis politiques pourront se préparer aux élections pluralistes;
  6. Élections générales libres et transparentes sous la supervision d’observateurs neutres et indépendants.

 

Fait à Montréal le 28 avril 1999

 

Emmanuel HAKIZIMANA

Vice-président