Communauté Burundaise du Canada

 

 

 

Journée du souvenir du génocide

des Hutu du Burundi commis par

l’armée tutsi en avril 1972

 

 

 

 

 

 

Afin que nul n’oublie...

 

 

 

 

 

 

 

 

Montréal, le 29 avril 1999


 

"Nés à l'époque précoloniale, entretenus à l'époque allemande jusqu'en 1918, et belge de 1918 à 1962, les antagonismes tribaux qui dévastent la République du Burundi expliquent le génocide dont est victime l'ethnie hutu et dont on ne peut exactement dire ni quand ni comment il prendra fin". (Le Monde, 1er juin 1972).


 

 

Table des Matières

Sommaire..............................................................................................................5

I. Concept de Génocide..........................................................................................6

II. Planification du génocide contre les Hutu...........................................................7

III. Les faits...........................................................................................................8

IV. Indifférence de la communauté internationale...................................................10

V. Recommandations............................................................................................11

Quelques photos des principaux auteurs du génocide de 1972................................12

Annexes: - Coupures de Journaux.........................................................................13

 


Sommaire

Le 29 avril 1972 fut l’un des jours les plus sombres de l’histoire de l’humanité. Ce fut le début du génocide contre les Hutu par l’armée tutsi du Burundi consacrant l’aboutissement d’un plan dit "Plan Simbananiye" élaboré en 1967 sous le régime dictatorial du colonel Michel Micombero (1966-76). Ce plan diabolique visait à amener les deux ethnies (Hutu: 85% et Tutsi: 15%) à égalité numérique. Un plan tristement célèbre qui, malheureusement, continue son petit bout de chemin!

Les témoignages les plus accablants ont été rapportés par les média étrangers. Dans "Le Devoir" du Vendredi, 26 mai 1972, on pouvait lire ceci: " En fait, selon l’envoyé spécial de la radio flamande, un plan de liquidation systématique des Hutus a été appliqué. L’armée et la sûreté aidées par les jeunesses révolutionnaires Rwagasore (JRR) ont d’abord capturé des fonctionnaires de rang élevé, puis subalterne, des comptables d’entreprises, des universitaires, des étudiants d’écoles normales, a-t-il rapporté. Dans cette sinistre hiérarchie de la liquidation, ils en étaient la semaine dernière à venir enlever dans leurs écoles techniques des élèves de 14 à 17 ans, et commençaient à s’en prendre aux femmes et aux jeunes filles, a-t-il ajouté. Il y a une huitaine de jours les estimations les plus sérieuses du nombre de victimes du génocide allaient de cinquante à cent mille personnes, mais depuis, le massacre s’est poursuivi ". Le bilan de cette tragédie s’avéra très lourd: entre 200 000 et 300 000 civils hutu furent massacrés et 200 000 autres exilés dans les pays voisins, en l’espace de trois mois.

Les rescapés du génocide dispersés à travers le monde en sont toujours à se demander comment une telle tragédie ait pu se dérouler sans la moindre attention de la communauté internationale. Pourtant, les faits brillaient par leur limpidité et tous les media s’accordaient pour dire que ce fut l’un des génocides les plus soigneusement planifiés de notre temps. Sous le thème: afin que nul n’oublie, ce document reprend certains des témoignages recueillis par les média.

 

I. Concept de génocide

Même si le terme " génocide " est un néologisme relativement récent introduit dans le lexique en 1944 par le professeur et juriste polonais Raphael Lemkin, l’odieux crime est vieux et constitue, de l’avis unanime, la plus grave violation des droits de l’homme qu’il soit possible de commettre. Cependant, c’est seulement au milieu du 20ième siècle, après le génocide Nazis contre les juifs, que la communauté internationale a souligné, à travers la convention des Nations Unies du 9 décembre 1948, le caractère distinctif de cet horrible crime et s’est engagé à tout mettre en œuvre pour le réprimer. D’après l’article II de cette convention "  le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel: a) Meurtre de membres du groupe; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un groupe ".

Plusieurs experts sont d’accord que c’est surtout l’intention de détruire un groupe déterminé, traduite par l’exécution systématique d’un plan préétabli, qui donne un caractère spécial au crime de génocide. Ainsi, la version révisée et mise à jour de l’Étude sur la question de la prévention et la répression du crime de génocide établie par M.B. Whitaker (1985) précise que "c’est l’intention de détruire en tout ou en partie un groupe déterminé qui fait que les crimes de masse contre l’humanité constituent le crime spécial du génocide " . De même, A.Toynbee (1969) relève que " ce crime est commis de sang froid, sur un ordre donné délibérément par les détenteurs d’un pouvoir politique despote et que ses auteurs emploient toutes les ressources de la technologie et de l’organisation actuelles pour exécuter complètement et systématiquement leurs plans meurtriers ". Comme l’affirme la version révisée de l’Étude Whitaker (1985) ci-haut citée, les horribles crimes qui ont été commis en 1972 sur les Hutu du Burundi par le régime tutsi de Michel Micombero mais dont, malheureusement, les auteurs n’ont jamais été poursuivis, correspondent parfaitement à cette description et constituent un des cas de génocides du 20ième siècle.

II. Planification du Génocide des Hutu burundais

Plusieurs affirmations soutiennent l’hypothèse d’un génocide planifié de longue date:

Après trois ans de tensions marqués par des emprisonnements et des assassinats, on en arrivera à l’effroyable génocide de 1972 connu par les Hutus sous le nom de "Plan Simbananiye ..." (La Cité, 25-31 août 1988).

À propos de ce plan, Mme Céline Cossette écrit: " Selon nos sources, la tuerie aurait fait 200 000 morts et constituerait l’horrible aboutissement d’un plan conçu par un ministre du colonel Micombero, M. Artémon Simbananiye, que l’on retrouve à chaque étape de la répression contre les Hutu. Un plan diabolique, échafaudé en juillet 1967, visant à amener les deux ethnies (Tutsi 15% et Hutu 85%) à égalité.

Voici maintenant quelques lignes explicatives sur l’esprit de ce plan:

III. Les Faits

Le génocide des Hutu du Burundi a été exécuté avec une extrême minutie comme en témoigne les quelques extraits de la presse internationale ci-après :

" Simbananiye qui, depuis des mois, avait fait ficher (avec nom, adresse et résidence de rechange) la plupart des Hutu lettrés (étudiants, élèves des écoles, missionnaires, fonctionnaires, prêtres, infirmiers, moniteurs, etc.), déclenche son plan " sud-africain ": à l’université de Bujumbura, des commandos de tueurs tutsi sortent des dortoirs tous les étudiants hutu et - sous les yeux de professeurs étrangers (dont quatre Suisses) - les exécutents dans la cour. Même scénario dans la plupart des écoles, missions et hôpitaux de l’intérieur. En quelques semaines, le peuple hutu est décapité ". (Jeune Afrique No. 656, 4 août 1973).

" In mid-May there was a body of evidence that Tutsi leaders were arresting and executing (all without trial) Hutu intellectuals, teachers, and secondary-school students. We feared that few, if any, educated professionals among the Hutus would survive.

In my report to the State Department on May 10, I indicated for the first time that the embassy felt the period of the civil strife was cleary past and the actions now were approaching selective genocide. This opinion was shared by most diplomats ". [(T.P. Melady 1974, US Ambassador to Burundi, November 1969 to June 1972. Burundi: The Tragic Years. Orbis Books, Maryknoll, N.Y.].

" D’après le Père Boon, prêtre belge, professeur à l’Université de Bujumbura durant les tragiques événements de mai dernier, on peut parler de " génocide " sélectif. 150 000 à 200 000 personnes sont mortes, parmi lesquelles toute l’élite Hutu (ministres, fonctionnaires, étudiants) et la jeunesse Hutu se voit refuser l’accès aux écoles ". (Le Peuple, 29 novembre 1972).

" Quant aux méthodes d’extermination employées par les militaires, la police et autres participants au génocide, elles sont selon les assistants et missionnaires qui en sont témoins, en tous points aussi horribles que les méthodes employées par les nazis dans la persécution juive en Allemagne. C’est ainsi, disent nos correspondants, qu’on casse les membres des victimes pour les faire tomber puis on les achève en les écrasant sous les roues de camions ou encore on les parque dans des camions pour les y tuer par un système d’électrodes avant d’aller les enfouir dans des charniers. Ce ne sont là que des exemples, entre autres, cité par nos informateurs ". (La Cité, 2 août 1972).

"They are trying to annihilate all the Hutu intellectuals," a missionary who had just come out of Burundi reported, adding, "Any Hutu who can write his name is considered an intellectual and a threat to the Government."

Refugees reported that at Gitega, in the center of the country, an average of 400 peaople were killed daily by beatings and shootings.

A foreign doctor said that Hutus were being herded into prisons with as many as 16 persons crushed into cells with space for two. "They were given some food at first," he said, "but now they’re dropping dead because they’re getting nothing, not even air." (The New York Times, Saturday, June 3, 1972).

"It was barbaric, unbelievably inhuman," said a foreign resident who had seen a man clubbed to death in front of the Bujumbura post office by a gang of Revolutionary Youth. "They picked up almost all the Hutu intellectuals above secondary school level," a Tutsi professor said.

The university here was severely affected. Students were seen assaulting Hutus in the university grounds, beating them to death with rocks and clubs. In the beginning, soldiers came into the lecture halls threw them into trucks and took them away.

In the first week of repression at Bujumbura, witnesses said, Hutus were piled up in trucks and taken off for burial at a mass grave at the airport. "I used to see the trucks almost every evening at around 9, after the curfew, going down Avenue Lumumba in front of the cathedral and sometimes I could hear people screaming inside", one resident said. (The New York Times, Sunday, June 11, 1972).

 

IV. Indifférence de la communauté internationale

Malgré que la terrible réalité du génocide des Hutu qui était en cours était très bien connue comme en témoignent les déclarations du premier ministre belge M. Eyskens selon lesquelles "le gouvernement avait pris connaissance d’informations complémentaires indiquant que le Burundi n’est pas confronté avec une lutte tribale mais un véritable génocide "(La Cité 21-22 mai 1972), la communauté internationale a brillé par son incapacité à défendre le principe de " Never again " qu’elle s’était fixé après l’holocauste juif de la deuxième guerre mondiale.

Certaines voix se sont élevées pour exprimer leur indignation, mais elles n’ont pas pu faire sortir les gouvernements et les Nations Unis de leur mutisme, ni pendant, ni après le génocide. A titre illustratif, le sénateur américain Edward Kennedy a jugé la situation inacceptable et a déclaré : " Il est désolant de voir qu’après plusieurs semaines de carnage au Burundi, il ne semble toujours pas y avoir de manifestations sérieuses d’inquiétude de la part de certains gouvernements, y compris le nôtre "(La Cité 21-22 mai 1972). De même, le coopérant canadien Mark Dunphy a exprimé sa révolte en ces termes : " les petits nègres du Burundi meurent comme des mouches en hiver, et nous on s’en fou" (Le Devoir du 25 juillet 1972).

Concernant les Nations Unies, le secrétaire général Kurt Waldheim s’est contenté d’exprimer sa " vive inquiétude du point de vue humanitaire ", mais à l’ONU l’on a pas manqué de justifier sa non assistance au peuple hutu en danger d’extermination en prétextant que " légalement, le secrétaire générale des Nations Unies ne peut aller plus loin dans ses admonestations et ses avertissements car les massacres du Burundi sont une affaire intérieure relevant de la souveraineté de ce pays " (Le Devoir du 2 juin 1972). Jusqu’à présent, malgré les faits relatés par les survivants de ce premier génocide dans la région des Grands Lacs Africains, la communauté internationale n’a jamais cherché à lever le voile sur cette tragédie, et personne de ceux qui ont commis ce génocide n’a été inquiété. Pourtant: " un rapport a été établi avec précision sur l’ensemble des massacres qui se déroulent depuis avril 1972 par la "Carnegie endowment for international peace de New York" (et qui d’ailleurs comporte de vifs reproches à l’adresse du "State department" américain pour sa passiveté devant des événéments bien connus de ses spécialistes des affaires africaines) ". Jeune Afrique No. 656, 4 août 1972.

V. Recommandations

Vu les multiples témoignages sur le génocide perpétré en 1972 contre les Hutu du Burundi par l’armée tutsi du dictateur Michel Micombero ;

Vu la convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide qui stipule que " la répression du crime de génocide est une affaire d’intérêt international " et " pour lequel les auteurs principaux et les complices, qu’ils soient des personnes privées, des fonctionnaires ou des hommes d’États, doivent être punis ";

Vu la convention du 26 novembre 1968 sur l’imprescribilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, les rescapés du génocide recommandent :

que le génocide soit reconnu par l’Organisation des Nations Unies;

qu’il y ait une enquête internationale pour établir les responsabilités;

que tous les responsables soient traduits devant un tribunal pénal international.

 

Ce document a été préparé en collaboration avec le Conseil pour la Paix dans la région des Grands Lacs Africains (CPRGLA), Montréal, Québec.