Burundi: Une histoire d'un génocide impuni

 

1. Plus de 500.000 morts et d'un million de réfugiés depuis 1965

Le nombre de hutus tués au Burundi est estimé, selon des données conservatrices à 25.000 en 1965, à 300.000 pour 1972 , à 25.000 pour 1988, à 5.000 pour 1991 et à plus de 200.000 pour la période de 1993 à 2000. Ils sont donc plus de 550.000 hommes et femmes, politiques, parlementaires, administrateurs provinciaux, bourgmestres, ingénieurs, fonctionnaires de d'administration centrale, directeurs et enseignants d'écoles primaires et secondaires, médecins, officiers et hommes de troupe de l'armée et de la gendarmerie, étudiants du secondaire et de l'université, petits commerçants et paysans à avoir été tués puis jetés dans des fosses communes identifiables, à cause de leur appartenance à 1'ethnie hutue.

Cela fait dire à Lemarchand (cf Burundi : Ethnic conflict and genocide p.xi) que le Burundi est le second pays,- après le Rwanda - à connaître des crises ethniques récurrentes. Mais la comparaison s'arrête là. Les deux pays ont connu des évolutions politiques différentes; au Burundi, le pouvoir qui génère la violence ethnique est depuis la nuit des temps aux mains des Tutsis tandis que pour le Rwanda, il a été successivement aux mains des Tutsis puis des Hutus et de nouveau des Tutsi depuis 1994.

2. Pourquoi et comment: le plan Simbananiye

Le plan dit << Simbananiye >>, communément appelé <( la solution finale >> vise à ramener les deux ethnies (Tutsi 14% et Hutu 85%) à égalité numérique. Il a été é1aboré par M. Arthémon Simbananiye, criminologue, en collaboration avec le commandant Albert Shibura sous la couverture du Premier Ministre André Muhirwa (cf Pierre Bames 1980 : L’Afrique aux Africains. Armand Colin 479 pages). Ce plan se résume en huit points:

(i)Accepter de sacrifier quelques membres tutsis

pour déclencher un génocide hutu.

(ii)Faire en sorte que les étrangers ne découvrent pas leur action.

Supprimer tous ceux qui pourraient dévoiler la réalité : ministres, prêtres, étudiants, fonctionnaires, etc.

(iv)Informer la population, l'intoxiquer, l'imprégner d'une optique aberrante, 1'endoctriner la rendre totalement aveugle.

(v)Ne jamais procéder aux arrestations en même temps : prendre de petits groupes, laisser un peu de repos pour donner l'impression que le calme est revenu et que la paix est retrouvée.

(vi) Continuer de fonctionner normalement dans le pays : 1'enseignement doit continuer, les travaux, les cultures, les récoltes doivent se poursuivre normalement. Les families éprouvdes ne doivent montrer ni mécontentement ni tristesse.

(vii)Créer des conseils de guerre A Bujumbura, Gitega, Ngozi et Bururi, faire semblant de juger les inculpés et profiter du couvre-feu et de la nuit pour les fusiller et les jeter dans les fosses communes.

(viii)Organiser les masses à massacrer les leurs. Dans l'ampleur des massacres, jeter la poudre aux yeux, mettre en prison ou tuer certains des leurs, soi-disant pour mater ceux qui se livrent à arrêter et à assassiner les innocents )) (Le Devoir, mardi 3 octobre 1972).

3. L'impunité

Les instigateurs et les auteurs des génocides restent impunis, au pouvoir ou dans ses coulisses. Les plus connus sont des officiers de l'armée, des dignitaires du parti Uprona au pouvoir depuis 40 ans et des chefs de milices paramilitaires.

On peut citer notamment : le colonel Michel Micombero, M. Arthémon Simbananiye, le commandant Albert Shibura, M. Frangois Gisamare, M. André Yanda, M. Bernard Bizindavyi, M. Longin Kanuma, M. Philippe Minani, Major Jéréme Sinduhije, Samuel Nduwingoma, M. Jean Baptiste Bagaza, Major Joseph Bizoza, Major Pierre Buyoya, Lieutenant-colonel Gabriel Ndikumana, Major Sylvère Nzohabonayo, les officiers Joseph Rwuri, Alexis Nimubona, Gervais Gahuragiza et Damas Niyungeko.

Ajoutons à ces noms ceux des deux chefs de milices qui sèment encore la mort dans la population hutue à savoir Diomède Rutamucero, chef de la milice P.A. Amasekanya et du Frère dominicain Déogratias Niyonzima qui commande les milices tutsies

" Sans-échec " et " Sans-Défaite ", responsables notamment de la purification ethnique de quartiers entiers de la capitale Bujumbura.

 

4. L'indifférence de la communauté Internationale

Malgré le caractère séléctif et systématique des tueries et des victimes avoisinant le demi million, le génocide de 1972 n'est pas encore reconnu par la communauté internationale. Pourtant l'ONU dispose d'un rapport y relatif et l'OUA possède des documents secrets. C'est seulement du bout des 1èvres que les politiques et les organisations non gouvemementales parlent du génocide des hutus du Burundi. Le Minority Right Group parle de " génocide sélectif" tandis que M. Kurt Waldheim, secrétaire général de l'ONU parle de " tragédie aux effarantes dimensions ". Ce n'est qu'en 1999 que l'administration américaine, par la voix de Susan Rice, Sécrétaire d'État aux Affaires Africaines a reconnu l'ampleur et la nature des tueries.

 

5. Pour une enquête sur le gknocide de 1972

L'on dispose de peu de données sur le génocide de 1972. L'é1ite hutue a été décimée et la communauté internationale a brillé par son incapacité à défendre le principe de " Never again" qu'elle s'était fixé après l'holocauste juif et est restée muette.

Les politiciens et la justice burundaise ont opté pour un black-out total sur le génocide de 1972 et couvert tous les criminels. Une enquête Internationale s'impose pour savoir ce qui s'est passé, en determiner les responsables et mettre fin à l'impunité.