APPEL A LA MEDITATION SUR L'ASSASSINAT DES EVÊQUES DU

RWANDA ET LEURS COLLABORATEURS LE 5 JUIN 1994

Dans l'intention de détruire la société rwandaise, une organisation politco-militaire décida de couper la tête de la hiérarchie politique du RWANDA.

Le 6 avril 1994, l'avion présidentiel est abattu, et le président rwandais Juvénal HABYALIMANA, son homologue burundais Cyprien NTARYAMIRA et leurs collaborateurs respectifs sont sauvagement assassinés sous le regard impuissant du peuple rwandais. La suite est connu de tous, c'est une tragédie humaine qui a endeuillé le peuple rwandais tout entier et qui a bouté dehors une grande partie de la population vouée à l'errance sans fin .

Comme si cet acte ignoble d'assassinat contre le chef de l'Etat ne suffisait pas pour faire triompher ses convoitises machiavéliques, le FPR a pris la décision d'aller plus loin et de mettre davantage de l'huile sur le feu. Le 5 juin 1994 la tête de la hiérarchie de l'Eglise catholique du RWANDA est coupée dans les mêmes intentions d'envenimer la situation et pêcher toujours dans l'eau trouble davantage.

Pour ce faire, le COSAR exhorte tout le peuple rwandais, l'église catholique toute entière et tous les pays épris de paix et de justice, soucieux de redonner de l'espoir d'avenir à la jeunesse rwandaise, de faire une profonde méditation sur l'extrait suivant du témoignage qui nous fait revivre le calvaire infligé aux pasteurs de l'église catholique du Rwanda.

Le témoin oculaire rapporte: "Je vais raconter les événements qui ont trait à l'assassinat des évêques Vincent NSENGIYUMVA, archevêque de Kigali, Joseph RUZINDANA, évêque de Byumba et Thaddée NSENGIYUMVA, évêque de Kabgayi , avec 9 prêtres ainsi que le Supérieur Général des Frères Joséphites, Jean Baptiste NSIGA. Les prêtres assassinés sont tous du diocèse de Kabgayi sauf l'Abbé Denis MUTABAZI du diocèse de Nyundo : il avait fui Nyundo où il avait reçu une vilaine blessure d'un coup de lance dans la main droite(...) et le malheureux avait cru avoir échappé à la mort.

Il s'agit de Monseigneur Jean-Marie Vianney RWABILINDA, vicaire général; Monseigneur Innocent GASABWOYA, ancien vicaire général; les abbés Emmanuel UWIMANA, recteur du petit séminaire, Sylvestre NDABARETSE, économe général, Bernard NYAMUGABUMWE, représentant préfectoral de l'enseignement catholique; François Xavier MULIGO, curé de la cathédrale, avec ses vicaires Alfred KAYIBANDA et Fidèle GAHONZIRE ( ce dernier étant en même temps aumônier de l'hôpital). (…)

Le FPR arrive le jeudi 2 juin 1994. Tout le site de Kabgayi tombe en leurs mains avec la fin de la matinée(...).Comme toujours le FPR arrive un peu avant les heures du repas. C'est ainsi qu'ils sont arrivés à l'évêché entre 11h et midi(...) Ils ont cherché les évêques et spécialement l'archevêque de Kigali; celui-ci fêtait précisément l'anniversaire d'ordination épiscopale, puisqu'il a été ordonné le 3 juin 1975; on avait donc préparé un bon repas de circonstance, mais ceux qui s'en sont régalés n'étaient pas les invités ! Les soldats du FPR ont regroupé les 3 évêques avec leurs prêtres devant la cathédrale. On va garder tout le groupe là sous le soleil jusque vers 15h quand on les descend sur la route devant l'école des infirmières. Ils vont rester là jusqu'à 3h du matin le vendredi (..). Vers 3h du matin du vendredi, on les conduisit en voiture jusqu'à Ruhango à une quinzaine de kilomètres; on les garda dans une pièce d'une des villas de Ruhango. Dans la pièce d'à côté, d'autres prisonniers étaient ligotés à la manière du FPR qui va les passer par les armes tôt dans la matinée. Les évêques vont rester là avec les prêtres jusqu'au matin du dimanche 5 juin.

Le dimanche 5 juin dans la matinée, on conduit tout le groupe au noviciat des Frères Josephites. Le curé de Byimana a la surprise de les voir là quand il va célébrer la messe dominicale pour les Frères, les religieuses et les fidèles réfugiés là-bas: on était venu lui demander de faire la messe parce qu'il n'y avait pas de prêtre et il concélébrera avec le groupe qui venait de Ruhango. Ce sera leur dernière messe puisqu'ils seront assassinés dans la soirée du même jour vers 19h (...).On a tiré donc sur les évêques et leur groupe vers 19-20h. Vers minuit, les militaires réveillent tout le monde et de force tout le monde doit aller regarder les corps des victimes. Ceux qui étaient près de la porte comme Sylvestre NDABARETSE étaient réduits à de véritables passoires. Toutes les victimes sont allongées et ont reçu un coup de grâce, une balle dans la tête: RWABILINDA et GAHONZAYIRE ont même les yeux crevés. Un seul était resté assis dans son fauteuil et n'avait pas reçu le coup de grâce:

l'évêque de Kabgayi avec sa carrure large, a reçu peut-être toute la première rafale et a dû mourir sur le coup. C'est le lendemain qu'un journaliste de radio Muhabura (du FPR) est venu prendre des notes. On lui a donné tous les noms des victimes, mais il s'abstenait de demander pourquoi on dirait pas que le Frère NSINGA est dixième prêtre assassiné ! Il semble que les membres du FPR de parenté proche avec NSINGA (avec GASABWOYA d'ailleurs aussi) avaient protesté contre son assassinat. On connaît la version qui a été lue à radio Muhabura. Ils ont faussé les dates en disant que l'assassinat avait eu lieu "hier", c'est-à-dire le mardi 7 juin; on n'a jamais donné le nom du Frère NSINGA, mais on a donné le mien !"

Ainsi soit-il!

Le COSAR profite de l'occasion non seulement pour rendre hommage à ces victimes mai aussi pour manifester sa compassion à l'endroit des 150.000 vies humaines croupies sans jugement dans les prisons mouroirs du RWANDA et plus particulièrement à l'égard de Mgr Augustin MISAGO l'évêque de GIKONGORO actuellement sous les verrous et en attente de purger injustement la peine de mort.

Soyons tous les artisans de la paix et du respect de la dignité humaine.

Merci à toutes et à tous pour votre compassion à ces victimes de la haine.

Fait à Bruxelles le 2 juin 2000

KALIHUNGU Adrien

Représentant du COSAR