Le Ginkgo biloba, ou "arbre aux quarante écus" est un arbre appartenant aux  Gymnospermes, étymologiquement "plantes à graines nues", surtout représentés  de nos jour par les pins, sapins... L'espèce est dioique, c'est à dire qu'il existe des spécimens mâles et des spécimens femelles, séparés.

Réputé pour son feuillage doré à l'automne, juste avant sa chute, sa croissance est très lente : un pied de mon jardin, planté il y a 16 ans n'atteint pas 1 m 60. Il est vrai qu'il est resté quelques années en pot et que cela a pu entraver la pousse de ses racines.

 

Foulant les feuilles dorées du ginkgo

Le gamin tranquillement

Descend la montagne

Buson (1715-1783)

 

 

Son nom de genre vient de deux mots chinois signifiant "abricot d'argent", allusion à la couleur de ses pseudos fruits. Le nom d'espèce, "à deux lobes" vient du profond sillon qui divise ses feuilles. Mais les feuilles sont souvent découpées en plus de deux lobes ; aussi les Chinois et les Japonais les ont surnommées familièrement "pied de canard"...

gingko du Trias

 Forme fossile du Trias ( in La vie des plantes, Larousse 1955).

 

Calembredaines

De nombreuses pages lui sont consacrées sur Internet. Beaucoup de sites commerciaux vantent les effets médicamenteux d'extraits de plantes. On nous indique que son nom populaire vient du prix que son premier acheteur l'aurait payé. Qu'il est un survivant archaïque de l'ère des dinosaures, n'aurait absolument pas souffert lors de l'explosion nucléaire d'Hiroshima (ou de Nagasaki selon les sites, voire de Tchernobyl) et serait un des arbres les plus résistants qui soit à la pollution, ainsi qu'au feu puisqu'un temple de Tokyo aurait été protégé par ces arbres lors de l'incendie ayant suivi le tremblement de terre de 1923.

En fait, c'est à se demander pourquoi une telle splendeur a failli disparaître et passer du statut envié de fossile vivant à celui de fossile tout court. 

En ce qui concerne sa résistance aux explosions nucléaires, il est vrai que quelques spécimens de cet arbre ont survécu à l'holocauste d'Hiroshima. Un arbre était même situé à un kilomètre du centre de l'explosion. La chaîne de télévision Arte a d'ailleurs difusé un reportage fascinant sur ces chanceux et l'on peut souhaiter qu'il soit rediffusé. Cependant, compte tenu du faible taux de catastrophes nucléaires depuis les derniers 200 millions d'années, cette insensibilité n'est guère un avantage adaptatif.

On peut également se demander quel temple fut sauvé par les arbres miraculeux. Ceci n'est jamais précisé, sans doute parce que l'anecdote n'est pas fondée.

Le nom populaire, "arbre aux quarante écus" (voire aux 1000 écus, pourquoi être pingre), n'a pas de rapport avec le prix payé par le français (un parisien ou un toulousain, selon les auteurs) qui le rapporta les premiers plants d'Angleterre. Ce nom évoque simplement les couleurs dorées des feuilles en automne.

 

  Mon (armoirie ) mèlant grue et gingko

 

 

Histoire

Le ginkgo est le dernier descendant d'une famille illustre, autrefois répandue dans le monde entier, qui n'a finalement survécu que grâce à l'homme. Un peu comme le cheval, en moins stupide.

 

Les premiers fossiles de membres de la classe des Ginkgopsidés ont été trouvés dans des roches du Primaire (Carbonifère récent), datant de 310 millions d'années. Ces pré-conifères partageaient le globe avec les fougères géantes. Loin d'être archaïques, ces plantes étaient des génies précoces puisqu'elles avaient inventé la graine, ou presque, et ne dépendaient plus de l'humidité atmosphérique pour leur fécondation.

Pas de dinosaures à cette époque, mais des amphibiens géants et des reptiles mammaliens, géants également, nos lointains ancêtres.

 Dimetrodon, un reptile mammalien dont la crète extraordinaire lui vaut de figurer dans tout bon film de série Z

A la fin du Permien, il y a 245 millions d'années des gigantesques éruptions volcaniques en Sibérie font changer l'atmosphère : le climat est bouleversé et les mers reculent. Près de 90% des espèces animales terrestres ou marines disparaissent durant cette crise.

 

La vie repart à la conquête du monde à l'ère secondaire, mais des familles anciennement florissantes ont disparu ou ont cédé la prééminence à des nouveaux riches : les petits mammifères, descendants des mammaliens, ne subsistent que dans les biotopes délaissés par les dinosaures. Les ginkgos occupent les zones tempérées froides, en compétition avec les vrais conifères dotés de vraies graines. Au Crétacé, voici 130 millions d'années, les Angiospermes, les plantes à fleur, apparaissent et concurrencent les Gymnospermes.

Une nouvelle catastrophe, la chute d'une météorite, plonge la terre dans un long hiver il y a 65 millions d'années. Les dinosaures s'éteignent et 80% des espèces vivantes, ce qui est la chance des mammifères. Les changements  climatiques affectent la classe des ginkgopsidés : seul le Ginkgo biloba survivra dans un monde désormais largement dominé par les plantes à fleurs.

 

Le quaternaire récent (Pliocène, 5 millions d'années) a été marqué par un net refroidissement du climat et par des avancées de la banquise sur toute l'Europe. Les plantes les plus fragiles se sont réfugiées vers l'Équateur. Malheureusement, les chaîne montagneuses européennes sont orientés Est Ouest et ont donc constitué un barrage absolu : les ginkgos, les séquoias disparurent. En Asie et en Amérique du Nord, le reflux vers le Sud ne fut pas entravé par des montagnes et les extinctions furent moins nombreuses. Le ginkgo ne survécut toutefois que dans une minuscule aire à l'Est de Shangaï.

 

Bien plus tard, les moines chinois plantèrent des spécimens dans leurs temples, en leur attribuant d'extraordinaires vertus. Le botaniste et médecin allemand Kaempfer fut le premier occidental à décrire l'arbre aux quarante écus, d'après des spécimens qu'il admira au Japon au 17ème siècle. Pour l'anecdote, ces arbre n'étaient que des "enfants"de quelques siècles alors que des arbres de plus de mille ans, bien plus impressionnants, pouvaient être admirés en Chine.

 

Le Japon s'étant fermé aux étrangers, à part les agents de la compagnie commerciale hollandaise parqués en rade de Nagasaki, les botanistes anglais s'intéressèrent à cet arbre d'or en Chine : ils réintroduisirent le ginkgo dans son ancien habitat européen en 1727, puis ce dernier gagna les jardins du monde entier, ce qui le sauva ... jusqu'à la prochaine extinction de masse... Les plus vieux arbres du continent européen ont donc au plus près de quatre siècles : des "nourrissons".

 

Botanique

Le Ginkgo biloba est donc le dernier représentant d'une classe victime de catastrophes naturelles et de la concurrence de nouveaux venus mieux adaptés au climat actuel.

 

Mon (armoirie )  : gingko

 Feuilles et ovule de ginkgo

Peut on pour autant le traiter d'archaïque? Il vaudrait mieux le qualifier de précoce : ses ancêtres se sont affranchis les premiers du milieu aquatique pour leur fécondation, ont inventé l'ovule et se sont (presque) dotés d'une graine. Les caractères archaïques ne font que révéler l'ancienneté du lignage du ginkgo dans l'évolution des Gymnospermes.

La vie végétale est née dans l'eau. Au moment de l'apparition des Ginkgopsidés, le monde était dominé par les fougères dont les formes géants sont à l'origine des bassins charbonniers du Nord de la France et de Belgique. Les fougères se reproduisent par des spores qui germent sur le sol sous la forme d'une mince lamelle, le "prothalle", porteur de cellules reproductrices femelles et de cellules mâles ciliées comme des spermatozoïdes. La fécondation dépend donc totalement de l'humidité ambiante, ce qui explique en partie la disparition de fougères géantes lors des sécheresse de la fin du Primaire. 

Les Gymnospermes ne libèrent plus de spores. L'équivalent du prothalle germe sur la plante mère, bien protégé dans un ovule. La fécondation par des gamètes mâles contenus dans le pollen donne naissance à une graine, souvent protégée dans un fruit, qui permet la dissémination loin de la plante mère.

Les ginkgo mâles ont des spermatozoïdes ciliés qui nagent dans une petite goutte de liquide sécrétée par les ovules, riches en réserves nutritives, des pieds femelles. En fait, il y a deux ovules sur chaque rameau reproducteur, mais un seul arrive à maturité. Les conifères plus récents n'ont plus de spermatozoïde, mais un tube de pollinisation.

Dès la fécondation, le noyau de l'ovule se divise et donne naissance à un embryon. Les ovules fécondés tombent sur le sol et germent immédiatement. Il n'y a donc pas de vraie graine, contrairement aux conifères, protégeant un embryon endormi jusqu'à la meilleure période de germination. Notons également que les réserves de l'ovule se forment avant la fécondation, ce qui constitue un gaspillage par rapport au fruit des angiospermes qui ne se forment qu'en cas de fécondation.

 

 

 

Organes reproducteurs (in  Ph Van Tieghem, "Traité de botanique", 1893).

 

Calembredaines, pharmacie et alchimie

Pour terminer sur les ginkgo, nous pourrions évoquer la figure de Theophrast Bombast von Hohenheim. Ce chirurgien, géologue, astronome et alchimiste suisse de la Renaissance, plus connu sous le pseudonyme de Paracelse, considérait que la santé de l'homme était en harmonie avec la nature. Des plantes de marais devaient soigner les fièvres. Ce n'est pas tout à fait une calembredaine, puisque Paracelse soignait ces affections avec des écorces de saule (genre Salix), arbre des lieux humides qui contient comme chacun sait de l'acide salicylique, composant de base de l'aspirine.

 

 

La théorie des signatures voulait également que la Providence ait donné aux plantes médicinales un aspect rappelant les maladies qu'elles sont censées soigner. C'est souvent complètement infondé : les graines de luzerne en forme de corne de béliers n'ont jamais guéri les fractures causées par ces ruminants irascibles.

En revanche, la science moderne a découvert les vertus toniques des extraits de feuilles bilobées du ginkgo sur les vaisseaux sanguins de deux organes bilobés humains : un noble, le cerveau et un organe réputé moins noble, en cas de crise d'hémorroïde...

Et, selon l'émission scientifique d'Arte, les recherches se poursuivent sur les vertus anti cancéreuses ou anti vieillisement des extraits de ginkgo, puisque ces arbres ont la réputation de n'avoir aucune maladie et de vivre des milliers d'années. Acceptons en l'augure.

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