Chasse au faucon. Moronobu?

 

Ne nous laissons pas abuser : l'interdit frappant la consommation des oiseaux et des poissons n'a jamais été respecté, sauf par les moines... Et encore... Les nobles chassaient dans leurs réserves de chasse, à l'arc, au faucon...

La véritable différence avec l'Occident, c'est qu'il n'y avait pas au Japon d'élevage de chevaux et de ruminants destinés à la la production de viande. Ceci était surtout du au manque de terres cultivables : les archéologues ont retrouvé dans certains villages du début du shogunat de nombreux ossements de chiens présentant des traces de découpe bouchère...

 

 

De plus, la non consommation de viande n'empêchait pas une certaine cruauté : des commerçants astucieux vendaient des tortues ligotées et des oiseaux en cage aux chalands qui voulaient s'attirer des mérites en les libérant. Fait foi cette estampe des cent vues d'Edo de Hiroshige : le pont Mannenbashi à Fukugawa. Ce village des faubourgs d'Edo (future Kyoto) était célèbre pour sa "fête de la libération" et son quartier des plaisirs plus ou moins toléré, puisque ne dépendant pas de celui de la capitale. La tortue est un symbole de longévité : le nom du pont "Mennen" signifiant dix mille années.

 

Hiroshige, tortue pendue

En cette fin d'année

Jusques à quand les tortues

Resteront pendues

Kobayashi Issa (1763-1827)

 

Deux extraits du recueil  " Histoires qui sont maintenant du passé" (auteur anonyme du XI ème siècle). 

" A entendre les enseignements des Sûtra, les êtres vivants, tous, sont nos pères et mères des existences antérieures. Dût il lui même mourir affamé de nourriture, pourrait il découper et manger des morceaux de la chair de ses parents ? Faut il le dire, que l'homme qui mange la chair des espèces vivantes supprime en soi sa semence de bouddha et que c'est par là la voie par où l'on tombe dans les mauvaises destinées ? C'est ainsi que toutes sortes d'animaux, en voyant l'homme, s'enfuient. De l'homme qui mange cette chair, bouddha et bodhisattva s'écartent."

Mourant de faim dans son monastère isolé par la neige, le vieux moine sauve sa vie grâce à une carcasse de sanglier à demi mangée par les loups. Mais lorsque les villageois bravent la tempête pour lui porter secours, tous se rendent compte qu'il a survécu en mangeant les cuisses d'une statue de Bouddha. Miracle supplémentaire, dès que le moine regrette son geste, la statue se reconstitue…

 

 

Un pauvre serviteur , dont l'épouse ayant accouché souhaitait tout spécialement une nourriture de chair, tue le mâle d'un couple de canard.

"Comme ce mari, vers le milieu de la nuit, prêtait l'oreille, il entendit que l'oiseau qu'il avait suspendu à la perche tap-tap tapait des ailes. Alors songeant : " Cet oiseau est il revenu à la vie, ", il se leva, alluma le feu, alla et regarda : or voici que le canard mâle, qui était mort, se trouvait là, suspendu en l 'état de mort, à la perche et que la femelle qui était vivante se trouvait à côté. Elle s'était approchée tout près du mâle et tapait des ailes. La femelle qui, auparavant, dans la journée, mangeait à l'étang côte à côte avec le mâle, ayant vu celui ci tué par le tir, s'était languie d'amour pour cet époux et s'attachant aux trousses de celui qui l'avait emporté jusqu'ici, y était elle même venue. En pensant cela, l'homme, aussitôt conçut l'esprit de la voie et, au-delà de toute limite, il fut ému d'un pitoyable attendrissement."

Et le serviteur entre en religion.

 

Embarrassé comme une poule venant de trouver un couteau

 

 

Un conte policier de Saïkaku : Daurade poulpe perche de mer à bon entendeur


Jadis, dans un quartier de la Ville, un marchand de poisson avisé, au printemps daurade rose cerisier, l'automne carassin couleur de feuillage rutilant, qui demeurait rue aux Brocarts, pour avoir ces derniers temps trop vendu à crédit, en était arrivé au point de devoir fermer boutique; il rédigea donc une mise en demeure dans laquelle il n'indiquait que les sommes dues et, sans préciser les noms des débiteurs, leur nombre seulement, savoir trente-huit, avis qu'il s'en alla placarder à la porte de la prévôté.
Les sergents de garde en prirent connaissance et en référèrent au magistrat qui, en ayant constaté la régularité ordonna que les paiements fussent effectués, y fit apposer son sceau et le fit derechef placarder sur le pilier du portail ; le poissonnier le reprit cette même nuit et, une dizaine de jours plus tard, le retourna avec cette mention : "Grâce votre autorité claire, j'ai pu encaisser tout ce qui m'était dû sans exception, ce dont j'ai l'honneur de vous exprimer ma respectueuse gratitude".
Les sergents de la prévôté fort intrigués mettant à profit un moment où leur maître était de bonne humeur, se permirent de l'interroger. "Cet avis, en fait, concernait les ventes à crédit consenties à divers monastères. Les règles, de nos jours, sont si peu observées que tous ces bonzes ne se privent plus de faire bonne chère" , dit-il en riant.

Saïkaku ( 1643-1693) "Enquètes à l'ombre des cerisiers" Publications orientalistes de France

 

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