L'histoire des chiffres...

Il y a quelque 40 000 ans, au moment de leur émergence, les premiers Homo sapiens ne connaissaient pas les chiffres. Selon toute probabilité, tout a commencé lorsqu'ils ont voulu connaître combien de gibier ils avaient abattu. L'idée leur vint de recourir aux entailles. Il y a 20 ou 30 000 ans, pour chaque animal tué, on gravait un trait sur un os ou sur une pierre. Quoique primitive, cette technique fut longtemps employée. Illustration des traits...Mais avec l'usage, nos ancêtres se rendent compte que notre capacité visuelle est limitée. Lorsque le nombre de traits dépasse 4, tout se brouille. On ne sait plus très bien où l'on en est. Cette méthode ne permet pas de recenser de grandes quantités et cela reste toujours vrai. La solution est venue il y a quelques milliers d'années : il s'agit d'éviter d'aligner plus de quatre traits successifs. Le nombre 5 devient quatre entailles traversées par une barre. Pour le nombre 6, on ajoute un trait isolé, etc...


L'obélisque de Louksor, qui traîne maintenant place de la Concorde à Paris, nous montre que les savants égyptiens ont découvert un autre principe pour exprimer les nombres : pour chaque valeur décimale (unité, dizaine, centaine, etc.), on utilise un symbole différent que l'on répète autant de fois que nécessaire.

        Exemple de hiéroglyphes :
 
 

Le nombre 4662 en hiéroglyphes...
  • Quatre fleurs de lotus = 4 milliers.
  • Six spirales = 6 centaines.
  • Deux U à l'envers = 2 dizaines.
  • Deux barres à gauche = 2 unités.

Depuis toujours, l'être humain a aussi exploité un outil à la portée de la main : les doigts. C'est notre première machine à compter. Avec cinq doigts dans chaque main, on compte naturellement par groupe de dix. L'anatomie de nos deux mains serait donc à l'origine de la base 10 de notre système métrique : 10 mm font 1 cm et ainsi de suite. Certains, en plus des doigts, ajoutent aussi les dix orteils. On compte alors par vingtaines : c'est la base 20. L'expression "quatre-vingts" reste d'ailleurs un vestige de cette vieille tradition. Moins connue, l'expression "quinze-vingtsdésigne un hôpital de la ville de Paris fondé par Saint-Louis, à proximité du Louvre. A l'origine, il était destiné à recevoir 300 aveugles (15 fois 20).

    Avec le temps, l'usage des doigts a permis toutes sortes de calculs. Georges Ifrah, auteur de L'Histoire Utilisation des doigts pour designer les nombres...universelle des chiffres, explique comment on peut effectuer toutes sortes d'opérations arithmétiques avec les doigts : Pour faire la multiplication de 8 par 9, il suffit de mettre mentalement 8 dans une main et 9 dans l'autre. Comme on a dit 8 pour cette main, on abaisse 3 doigts, soit 8 - 5 doigts. Dans l'autre main, on fait 9 - 5 doigts, on abaisse donc 4 doigts. On prend toujours le complément par rapport à 5, puisqu'on n'a que 5 doigts dans chaque main. Ensuite, on compte les doigts baissés dans les deux mains : 3 + 4 = 7. Ce sont les dizaines, donc 70. On compte les doigts levés et on les multiplie ensemble : 2 x 1 = 2. Le produit donne les unités. En additionnant les dizaines et les unités, 70 + 2, on obtient 72.



 

Les Romains ont imposé à tout leur empire leurs fameux chiffres représentés par des lettres Exemple de Nombre en chiffres Romains...(I, V, X, L, C, D et M pour respectivement 1, 5, 10, 50, 100, 500 et 1000). Dans Exemple de Nombre en chiffres Romains...certaines occasions, nous les utilisons encore pour marquer l'année, le chapitre d'un livre ou autre élément du genre. C'est un système inutilement compliqué. Les chiffres romains ne sont pas des symboles vraiment appropriés pour effectuer des opérations arithmétiques. (Exemple d'addtion utilisant les chiffres Romains) Ce sont plutôt des abréviations destinées à noter et à retenir les nombres.


En fait, dans le domaine des chiffres, les grands bouleversements qui allaient rendre le calcul accessible à tous sont survenus au IVe siècle de nôtre ère. Une tradition tenace veut que les Arabes en soient les auteurs. Evolution de la forme des chiffres...C'est une grosse erreur. Selon toute vraisemblance, les chiffres que nous connaissons seraient nés en Inde entre le IVe et le VIIIe siècle. En fait, les Arabes ont servi de courroie de transmission depuis l'Inde jusqu'en Occident au moment des croisades. Première grande innovation des Indiens : remplacer chaque valeur de 1 à 9 par un symbole abstrait. Les symboles que nous utilisons aujourd'hui en sont inspirés : le chiffre 6 se reconnaît facilement, le 8 va se fermer plus tard, etc...



 

Vers l'an 1000, le pape Sylvestre II a mis tout le poids de son autorité pour faire reconnaître ce système, non sans peine. Selon Georges Ifrah, il a été très mal accueilli par ses pairs, car le conservatisme de l'Europe faisait que les chiffres romains constituaient pour eux les piliers de la civilisation dont ils étaient les héritiers. Se considérant les fidèles héritiers de la tradition de César, ils ne pouvaient utiliser d'autre chose que les chiffres grecs ou les chiffres romains. "Le point rouge sur son front décuple sa beauté comme le zéro posé à la fin d'un nombre..." (Poète indien).1 934 221 Les Indiens, qui se posent toutes sortes de questions, veulent aussi représenter la multitude en chiffresCombien de grains de sable dans l'Univers, d'étoiles dans le firmament, de gouttes d'eau dans l'océan ? Pour y parvenir, ils développent une deuxième idée : donner une valeur différente au chiffre selon sa position. Prenez le nombre 1 934 221. Le chiffre 1 à l'extrême droite vaut une unité ; à l'extrême gauche, il vaut un million. Désormais, tout devient possible ou presque, mais il manque encore quelque chose d'essentiel...



 

Zéro Il manque le zéro. Avant le zéro, quand un marchand d'esclaves achetait cinq esclaves qu'il revendait par la suite, il disait : "il me reste cinq moins cinq esclaves". On était incapable d'exprimer le nul, le rien, par un signe symbolique. Georges Ifrah parle ainsi de l'héritage du zéro : Le zéro a été le véritable Big Bang pour l'esprit de l'homme. Il a modifié radicalement le mode de nourriture intellectuelle et de pensée de l'être humain. A partir du zéro, plus rien ne pouvait être comme avant. Sans le zéro, avant le zéro, on avait des bribes de sciences, des bribes de mathématiques. On avait des prémisses en mécanique, par exemple - puisque les Grecs connaissaient beaucoup de choses -, mais ça ne suffisait pas pour en faire une science contemporaine. Depuis cette époque héroïque, la manipulation des chiffres a bien changé. Dans le monde d'aujourd'hui où la puissance et la performance priment, calculettes et ordinateurs renvoient nos dix doigts au chômage. On discute de calcul intégral, de topologie, d'algorithmes. Cependant, l'histoire des chiffres démontre bien que pour arriver là où nous sommes, il s'est fait beaucoup de chemin. Il a même fallu passer par le zéro. Nous sommes tous les héritiers d'une longue tradition.


Le mathématicien Gottfried Leibniz (1646-1719) était un grand promoteur du système binaire (base 2). Pour lui, le chiffre 1 représentait Dieu, tandis que le chiffre 0 correspondait au Vide. A l'heure actuelle, seules quelques tribus de la Terre de Feu et d'Amérique du Sud utilisent encore les systèmes ternaire et quaternaire (bases 3 et 4). Très ancienne, la base 5 est habituellement combinée avec les bases 10 ou 20. La base 5 est encore utilisée par les populations parlant la langue Saraveca en Amérique du Sud. En quelques endroits d'Afrique, on utilise encore les bases 6 et 12. Les Mayas utilisaient la base 20, tandis que les Babyloniens utilisaient la base 60. La mesure du temps et des angles est un vestige de ce système.

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