le témoignage d’un ancien déporté d’Auschwitz : Primo levi

BIOGRAPHIE succincte :Primo Levi, (1919-1987) est un romancier italien dont l'œuvre, en grande partie autobiographique, relate l'épreuve qu'il vécut dans les camps de concentration.(études de chimie) Il a rejoint après l'intervention allemande dans le nord de l'Italie en 1943 un groupe de résistants. Il fut arrêté en décembre 1943 et déporté à Auschwitz-Birkenau (situé à environ 60 km de Cracovie. Il a été édifié en 1940 sur l’ordre de Heinrich Himmler, afin d’être utilisé comme camp d’extermination; à partir de 1942 y sera mise en œuvre la «solution finale»[1]) où il travailla au sein du laboratoire du camp. Ayant survécu aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale, il se consacra dès 1946 à l'écriture afin de dénoncer la barbarie nazie. Parmi les nombreux ouvrages de Primo Levi figurent Si c'est un homme(1947), véritable réquisitoire contre l'horreur quotidienne vécue par les déportés d'Auschwitz; la Trêve (1963) qui décrit le long voyage de retour en Italie de l'auteur à travers la Pologne et la Russie!; le Système périodique (1975), Maintenant ou jamais (1982) et Les naufragés et les déportés : quarante années après Auschwitz (1986). Il se suicida dans sa maison natale en avril 1987 à l’âge de 68 ans.

Document 1 : Définition de la « zone grise »

«  L’histoire populaire…répugne aux demi-teintes et aux complexités : elle est portée à réduire le flot des évènements humains aux conflits, et les conflits en duels : nous et eux, Athéniens et Spartiates, Romains et carthaginois. C’est certainement la raison de l’énorme popularité des sports spectaculaires, tels que le football, le base-ball et la boxe, où les concurrents sont deux équipes ou deux individus, bien distincts et identifiables, et où à la fin de la partie il y aura des vainqueurs et des vaincus….Or, le réseau des rapports humains au lager[2] n’était pas simple : il n’était pas réductible aux deux blocs des victimes et des persécuteurs….l’arrivée dans le camp était, au contraire, un choc, à cause de la surprise qui lui était associée. Le monde dans lequel on se sentait précipité était effrayant…il n’était conforme à aucun modèle, l’ennemi était  tout autour mais aussi dedans, le « nous » perdait ses frontières… le « nouveau » était envié car il semblait avoir encore l’odeur du chez soi, et c’était une envie absurde parce qu’on souffrait beaucoup plus pendant les premiers jours de la captivité qu’après…il était tourné en dérision et soumis à des plaisanteries cruelles…l’absurde mépris des anciens tendait à voir dans le nouvel arrivé une cible sur laquelle ils pouvaient soulager leur humiliation, trouver une compensation à ses dépens, forger à ses dépens un individu de rang inférieur sur lequel ils pouvaient faire retomber le poids des offenses reçues d’en haut. En ce qui concerne les détenus privilégiés, l’analyse est plus complexe…C’est une naïveté, une absurdité et une erreur historique de penser qu’un système aussi bas que le national socialisme sanctifie (rend saint) ses victimes : il les dégrade au contraire, les rend semblable à lui-même…[pour obtenir un surplus alimentaire nécessaire à la survie, il fallait obtenir un privilège] autrement dit un moyen, octroyé ou conquis, dû à la ruse ou à la violence, licite ou illicite de s’élever au-dessus de la norme…. Le prisonnier-fonctionnaire…veut vous dompter, il veut éteindre en vous l’étincelle de dignité que vous conservez peut-être encore et que lui a perdu.  On voit ainsi se reproduire à l’intérieur du Lager, à une échelle réduite mais avec des caractéristiques amplifiées, la structure hiérarchique de l’Etat totalitaire où tout le pouvoir est conféré d’en haut et où un contrôle d’en bas est à peu près impossible. Mais cet à peu près est important : il n’a jamais existé un Etat qui fût réellement totalitaire sous cet aspect…. »

 

Document 2 : les « équipes spéciales »

« Sous cette dénomination (Sonderkommandos ou équipes spéciales en français)…,les SS désignaient le groupe de prisonniers auquel était confié la gestion des fours crématoires. C’était à eux de maintenir l’ordre parmi les nouveaux arrivés qui devaient être introduits dans les chambres à gaz, d’extraire de ces chambres les cadavres, d’arracher des mâchoires les dents en or, de couper les chevelures des femmes…l’effectif des équipes spéciales d’Auschwitz comptait selon les périodes, de 700 à 1000 hommes…. Dans un premier temps, les SS choisissaient parmi les prisonniers  déjà immatriculés dans les Lager (voir note 2), et il a été attesté que le choix ne se faisait pas seulement sur la base de la robustesse physique, mais qu’on étudiait à fond les physionomies. … Plus tard on préféra prélever les candidats directement sur le quai, à l’arrivée de chaque convoi ; les « psychologues » parmi les SS s’étaient aperçus que le recrutement était plus facile si l’on puisait parmi ces gens désespérés et désorientés, épuisés par le voyage, dépourvus de résistances, au moment critique où ils débarquaient du train, quand chaque nouvel arrivant se sentait au seuil de l’obscurité et de la terreur d’un espace non terrestre. Les équipes spéciales étaient constituées de juifs pour la plus grande part…..on reste stupéfait devant ce paroxysme de perfidie et de haine : c’était aux juifs de mettre les juifs dans les fours , il fallait démontrer que les juifs, une sous-race, des sous-hommes, se pliaient à toutes les humiliations, allaient jusqu’à se détruire eux-mêmes. […]Avoir conçu et organisé les équipes spéciales a été les crime le plus démoniaque du national socialisme…Au moyen de cette institution on tentait de déplacer sur d’autres, et spécialement sur les victimes, le poids de la faute, de sorte que pour les soulager, il ne leur restait même pas la conscience de leur innocence. »

 

A partir de la vidéo et des documents 1 et 2, vous présenterez à la classe la manière avec laquelle le régime totalitaire nazi traitait les individus. En quoi peut-on dire textuellement que ce régime est totalitaire ?

Consignes :

Votre présentation, sous forme de dossier, sera redistribuer à la classe ainsi qu’au cabinet d’Histoire du Lycée. Elle sera donc la plus claire possible (une structure type : cause/conséquence , origine, manifestation, déclin ETC.)

La pudeur à l’égard de ce problème historique est indispensable : n’oubliez pas que vous parlez d’individus et non d’objets : pas de sourires mal placés et un respect surtout pour les victimes de ce drame humain. Merci



[1] Extermination systématique des juifs

[2] Autre nom du camp de concentration