Eglise et industrialisation : De Pie IX(1792-(1846-) 1878) à Léon XIII (1810 (1878-) 1903) 

de la tradition à la modernité

 

Document 1 : le catalogue des erreurs modernes selon le syllabus de Pie IX (extraits choisis)

" I. Panthéisme, naturalisme et rationalisme absolu [...]
II. On doit nier toute action de Dieu sur les hommes et sur le monde. [...]

II. Rationalisme modéré
XI. L'Église [...] ne doit, dans aucun cas, intervenir contre la philosophie [...].

III. Indifférentisme, latitudinarisme
XV. Il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la religion qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de la raison. [...]
XVIII. Le protestantisme n'est pas autre chose qu'une forme diverse de la même vraie religion chrétienne [...].

IV. Socialisme, communisme, sociétés secrètes, sociétés bibliques, sociétés clérico-libérales
Ces erreurs sont à plusieurs reprises condamnées dans les termes les plus graves par l'encyclique Qui pluribus, du 9 novembre 1846 [...] ; par l'encyclique Notis et Nobiscum, du 8 décembre 1849 ; [par d'autres encycliques]

V. Erreurs relatives à l'Église et à ses droits
XX. [...] il appartient au pouvoir civil de définir quels sont les droits de l'Église et les limites dans lesquelles elle peut les exercer. [...]
XXIV. L'Église n'a pas le droit d'employer la force ; elle n'a aucun pouvoir temporel direct ou indirect. [...]
XXXVIII. Les nombreux actes arbitraires des Pontifes romains ont poussé à la division de l'Église orientale et occidentale. [...]

VI. Erreurs relatives à la société civile, considérée soit en elle-même, soit dans ses rapports avec l'Église
XXXIX. L'État, étant l'origine et la source de tous les droits, jouit d'un droit qui n'est circonscrit par aucune limite. [...]
XLII. En cas de conflit légal entre les deux pouvoirs, le droit civil prévaut. [...]
XLVII. La bonne constitution de la société civile demande que les écoles populaires [...] soient affranchies de toute autorité de l'Église [...].
LV. L'Église peut être séparée de l'État, et l'État séparé de l'Église

VII. Erreurs concernant la morale naturelle et chrétienne
LXIII. Il est permis de refuser l'obéissance aux princes et même de se révolter contre eux. [...]

VIII. Erreurs concernant le mariage chrétien
LXVI. Le sacrement du mariage n'est qu'un accessoire du contrat [...].

IX. Erreurs sur le pouvoir temporel du Pontife romain
LXXVI. L'abrogation du pouvoir temporel dont le Saint-Siège est en possession servirait, même beaucoup, à la liberté et au bonheur de l'Église. [...]

X. Erreurs qui se rapportent au libéralisme moderne
LXXVII. À notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion de l'État [...].
LXXX. Le Pontife romain peut et doit se réconcilier et faire un compromis avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne. "

Document 2 : L’encyclique[1] RERUM NOVARUM

Le premier principe à mettre en relief, c'est que l'homme doit prendre en patience sa condition : il est impossible que, dans la société civile, tout le monde soit élevé au même niveau. Sans doute c'est là ce que poursuivent les socialistes mais contre la nature tous les efforts sont vains. C'est elle en effet qui a disposé parmi les hommes des différences aussi multiples que profondes : différence d'intelligence, de talent, d'habileté, de santé, de forces ; différences nécessaires, d'où naît spontanément l'inégalité des conditions. Cette inégalité, d'ailleurs, tourne au profit de tous, de la société comme des individus, car la vie sociale requiert un organisme très varié et de fonctions fort diverses et ce qui porte les hommes à se partager ces fonctions, c'est surtout la différence de leur condition respective (...). L'erreur capitale dans la question présente, c'est de croire que les deux classes sont ennemies nées l'une de l'autre (...) car de même que dans le corps humain, les membres, malgré leur diversité, s'adaptent merveilleusement l'un à l'autre, de façon à former un tout parfaitement proportionné et qu'on pourrait appeler symétrique, ainsi, les deux classes sont destinées par la nature à s'unir harmonieusement et à se tenir mutuellement dans un parfait équilibre.  Elles ont un impérieux besoin l'une de l'autre : il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital (...). Mais, d'une manière générale, que le riche et le patron se souviennent qu'exploiter la pauvreté et la misère et spéculer sur l'indigence sont choses que réprouvent également les lois divines et humaines. Voilà que le salaire que vous avez dérobé par fraude à vos ouvriers crie contre vous, et la clameur est montée jusqu'aux oreilles du Dieu des armées (...). Une équité demande donc que l'Etat se préoccupe des travailleurs et fasse en sorte que, de tous les biens qu'ils procurent à la société, il leur en revienne une part convenable (...). Ainsi le nombre d'heures d'une journée de travail ne doit-il pas excéder la mesure des forces des travailleurs, et les intervalles de repos devront-ils être proportionnés à la nature du travail et à la santé de l'ouvrier (...). Enfin, ce que peut réaliser un homme valide et dans la force de l'âge, il ne serait pas équitable de le demander à une femme ou à un enfant.  L'enfance en particulier - et ceci demande à être observé strictement - ne doit entrer à l'usine qu'après que l'âge aura suffisamment développé en elle les forces physiques, intellectuelles et morales. Nous sommes persuadés, et tout le monde en conviendra, qu'il faut, par des mesures promptes et efficaces, venir en aide aux hommes des classes inférieures, attendu qu'ils sont pour la plupart dans une situation d'infortune et de misère imméritée. Le siècle dernier a détruit, sans rien leur substituer, les corporations anciennes, qui étaient pour eux une protection. (...) Les travailleurs isolés et sans défense se sont vus, avec le temps, livrés à la merci de maîtres inhumains et à la cupidité d'une concurrence effrénée. (...) Les socialistes, pour guérir ce mal, poussent à la haine jalouse des pauvres contre ceux qui possèdent, et prétendent que toute propriété de biens privés doit être supprimée, que les biens de chacun doivent être communs à tous et que leur administration doit revenir aux municipalités ou à l'Etat. (... ) Mais pareille théorie, loin d'être capable de mettre fin au conflit, ferait tort à l'ouvrier si elle était mise en pratique. D'ailleurs, elle est souverainement injuste, en ce qu'elle viole les droits légitimes des propriétaires, qu'elle dénature les fonctions de l'Etat et tend à bouleverser de fond en comble l'édifice social. (...) (L'ouvrier) doit fournir intégralement et fidèlement tout le travail auquel il s'est engagé par contrat libre et conforme à l'équité. Il ne doit point léser son patron. Ses revendications mêmes doivent être exemptes de violences et ne jamais revêtir la forme de séditions. (...) Quant aux riches et aux patrons, ils ne doivent pas traiter l'ouvrier en esclave il est juste qu'ils respectent en lui la dignité de l'homme, relevée encore par celle du chrétien. (... ) Parmi les devoirs principaux des patrons, il faut mettre au premier rang celui de donner à chacun le salaire qui lui convient.

Source : Encyclique "Rerum novarum" du pape Léon XIII, 15 mai 1891



[1] une encyclique est à dire une lettre envoyée par le pape aux évêques afin de leur rappeler la position de l'Eglise, généralement au sujet d'une question d'actualité