DEBORDIANA

CORRESPONDANCE
1962

 

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Guy Debord à Raoul Vaneigem

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

Jeudi soir, 15 février [1962]

CHER RAOUL,

Peu après ton départ, dimanche, tout ce joli monde s’est dispersé, bien satisfait des règlements de comptes et programmes d’avenir — à l’exception de Jacqueline [de Jong] et du camarade Strid1 qui, visiblement, n’arrivaient pas à dominer leur dépit et leur désarroi d’avoir vu disparaître tant de peintres2 en l’espace d’un matin. Nous avons seulement un peu travaillé le soir avec Attila [Kotányi] et Uwe [Lausen] ; et le lendemain avec Attila seul.

Je te mets au courant des 4 questions traitées :

1) Attila a découvert tout de suite, dans la revue que doit sortir Uwe pour combattre le spurisme, l’occasion de frapper enfin au cœur de l’idéologie allemande, sans augmentation de prix. Comment ne pas s’en féliciter ? De sorte qu’il a hardiment promis sa collaboration à Uwe pour l’essentiel des arguments, citations et références. Et cette revue, de petit brûlot pour montrer le pavillon I.S. en Allemagne, devient une affaire culturelle de premier plan. Titre adopté : La Pensée allemande3. Oui.

2) Comme justification théorique profonde de notre paresse, sur certains points, depuis Göteborg, nous avons convenu de ne pas écrire les thèses de Hambourg4, mais d’en imposer d’autant mieux dans l’avenir la signification centrale pour tout notre projet. Ainsi l’ennemi ne pourra pas feindre de les approuver sans de grandes difficultés. De plus, on ne peut contester que c’est le comble de l’avant-gardisme dans la présentation formelle des idées ; ouvrant la voie, peut-être, à l’explication des Poésies de Lautréamont par les écoliers ? On ajoute à la plus heureuse confusion si l’on tient compte qu’il faut ranger parmi les auteurs de cette constellation de thèses situationnistes (une vraie nébuleuse théorique, hors d’atteinte et imprécise quant aux frontières, mais éclairante) Alex Trocchi, qui a recoupé la même piste mais sans être [ni] avoir été vu à Hambourg, au moins à ce moment.

3) Attila, relisant son article pour I.S. 7, l’a trouvé très fortement kotányien dans le ton. Ce qui est exact. Mais, du coup, il ne veut plus le publier sans grande extension explicative. Étant donné que nous savions qu’il donne quelques pages kotányiennes dans un délai d’un peu plus de six mois, nous manquons maintenant absolument des éléments pour calculer l’âge du capitaine, et le temps de production d’un article qui serait non kotányien de style.

4) On n’a pas eu le temps de voir ensemble les notes éditoriales d’I.S. 7 — qui sont dans le chaos où nous les avons laissées. J’ai dit que j’essaierai de venir à Bruxelles vers le jeudi 22 avec des manuscrits plus avancés à discuter — mais ceci n’est aucunement garanti. Précise-moi donc la date de ton propre passage à Paris. N’est-ce-pas le week-end des 24 et 25 ?

Pour les travaux avec Attila, voici mon exhortation : je compte sur toi, dans la mesure du possible, pour qu’une refonte claire et transparente de cet article soit opérée d’ici à ton prochain séjour parisien, afin que cela passe dans I.S. 7. Ainsi — ce qui est malheureusement douteux — serait comblé le point 3.

Mais occupe-toi encore plus du point 1 : c’est-à-dire rappeler l’engagement pris par Attila, qui est à exécuter dans un délai d’un mois à six semaines. Il faut bien comprendre qu’un retard sur ce terrain serait infiniment plus fâcheux que dans nos pratiques courantes. La revue allemande resterait sans contenu, et Uwe abandonné serait démoralisé parce qu’il est jeune dans l’I.S. et compte ferme sur cette aide. Amitiés,

GUY

P.-S. : Les manifestations5 étaient belles. Lundi le genre digne et calme, mais mardi on avait la rue. Mais pour quoi faire ?

1. Hardy Strid, situationniste de la section scandinave. [Note de l’édition Fayard.]

2. Exclusion des spuristes Kunzelmann, Prem, Sturm, Zimmer, Nele, Fischer, Stadler. [Note de l’édition Fayard.]

3. Der Deutsche Gedanke, qui ne paraîtra qu’en avril 1963. [Note de l’édition Fayard.]

4. Cf. Internationale Situationniste, annexe 3, p. 703 de la réédition Fayard. [Note de l’édition Fayard.]

5. Manifestations des 12 et 13 février 1962 en protestation contre la charge de la police qui avait fait neuf morts le 8 février au métro Charonne. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord & Uwe Lausen à la revue « Vernissage »

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

Le 15 mars 1962

MESSIEURS LES DIRECTEURS ET RÉDACTEURS DE VERNISSAGE,

Dans le numéro de février de Vernissage vous faites des allusions absolument mensongères à propos de l’exclusion, en février, de quatre situationnistes allemands qui éditaient la revue Spur.

Le motif de leur exclusion est justement leur refus de suivre l’Internationale situationniste dans toutes ses conclusions extrêmes. Donc, en aucun cas, nous ne pouvons avoir reproché à ces camarades l’anticonformisme de leur comportement ou de leur art.

Nous tenons même à déclarer que, du point de vue de la rédaction de Vernissage — c’est-à-dire de votre point de vue de boutiquiers pauvres, de domestiques et de putains —, nous sommes pires que le groupe Spur. Et que nous en sommes honorés.

Dans le procès fait par la police à la revue Spur trois mois avant cette affaire1, tous les situationnistes sont et resteront complètement solidaires des responsables.

Ce n’est pas le rôle des gardiens de camp de concentration de la culture, comme vous, d’être juges des discussions dans l’avant-garde artistique. Il y a certainement un point où nous n’avions pas de dissension avec les exclus : c’est pour considérer Vernissage comme une merde et vous comme des cochons.

Publiez, Messieurs, cette rectification au plus tôt, comme l’usage et la prudence doivent vous y inciter.

Pour le Conseil central de l’I.S.,
G
.-EDEBORD, UWE LAUSEN

1. En novembre 1961. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord au président du tribunal

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

Paris, le 28 avril 1962

MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

L’Allemagne, autour de 1920 et après, a tenu incontestablement le premier rôle dans l’élaboration de l’art et, plus généralement, de toute la culture de notre époque. Vous savez comment ce centre de création a été éteint en 1933.

Et depuis, rien n’en a reparu. Tout le monde est obligé de constater que l’Allemagne d’après-guerre est caractérisée par un total vide culturel et par le plus lourd conformisme. Cette conclusion ressortait même du récent recueil de témoignages d’un groupe d’écrivains allemands sur leur vie en République fédérale.

Aussi quand apparaît, pour la première fois, autour de la revue Spur, un groupe artistique qui manifeste une certaine liberté de recherche, on ne peut que voir un symptôme extrêmement inquiétant dans les persécutions policières et juridiques dont ce groupe est presque aussitôt l’objet.

Le groupe de Spur a été le premier groupe de l’Allemagne d’après-guerre à reparaître sur le plan international, à se faire reconnaître en égal par l’avant-garde culturelle de plusieurs pays, dans les réelles expériences artistiques d’aujourd’hui ; alors que les artistes et les intellectuels actuellement honorés en Allemagne ne sont que des imitateurs attardés et timides de vieilleries importées.

Ainsi donc, dès le début de l’affaire Spur, en novembre 1961, les milieux culturels hors d’Allemagne — et particulièrement dans l’Europe de l’Ouest et les pays scandinaves — se sont vivement émus des conditions qui sont faites à leurs amis en Allemagne. Personne n’ignore que, dans un moment où l’Europe va vers une intégration économique plus poussée, le niveau de tolérance intellectuelle devra aussi partout être le même. Il est donc nécessaire que vous teniez compte du fait qu’un tel procès est en ce moment impensable à Paris ou à Copenhague ; de sorte qu’il n’est que temps d’interrompre cette maladroite affaire par un acquittement. Déjà, jusqu’à ce jour, elle n’a pu que nuire à la réputation de l’Allemagne fédérale.

Nous sommes particulièrement alarmés par le prétexte ridicule de ce procès contre Spur1. Ce prétexte ne peut recouvrir que l’intention, exprimée à la première occasion, de faire céder devant le conformisme ambiant le groupe de Spur, et tous ceux qui pourraient aller dans la même voie.

Nous avons, à Paris, un exemple de procès de pornographie et d’immoralité faits à des artistes. C’était au XIXe siècle : Baudelaire et Flaubert ont été condamnés sous ces motifs, pour lesquels aujourd’hui Prem, Kunzelmann, Sturm et Zimmer sont inculpés à Munich. Mais, depuis très longtemps, on ne se réfère à ces jugements que pour montrer la scandaleuse imbécillité de leurs juges. Il faut y penser. Devant l’histoire, la liberté artistique gagne toujours ses procès.

GUY DEBORD,
directeur de la revue
Internationale Situationniste

1. Le 4 mai à Munich. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Michèle Mochot-Bréhat

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

Mercredi [13 juin 1962]

CHÈRE MICHÈLE,

Après t’avoir quittée jeudi, je me trouvais dans une sorte d’inquiétude, de désolation, que rien n’arrangeait. Il y avait un climat orageux, naturellement, mais je crois sans foudre. Partout du vent dans les fenêtres de plusieurs côtés d’un immense appartement désert, qui justement surplombe une colline, avec le plus mauvais goût fin de siècle. Tu n’étais pas là, et c’est moi qui avais peur cette fois : de cette nuit, de la suite de la vie — ou simplement de dormir seul.

On ne peut guère expliquer tout cela après, et même ce serait d’une parfaite inutilité. Je sais seulement que je n’aime pas ton absence.

Ici, j’étais tellement épuisé que je suis resté trois jours sans boire, je veux dire même sans boire peu. Après quoi j’ai pu recommencer très fort. Vu les circonstances des semaines précédentes troubles et agitées, tu es plutôt quelqu’un avec qui je trouve un certain repos. Ou plutôt (car personne ne me laisse moins calme et indifférent) disons que toi tu vas bien avec la fatigue. Tu es au cœur de la fatigue, depuis toujours, pour moi.

Le bruit court que Klein1 est mort, à l’heure même où nous parlions de sa médiocrité, avec Laurent : nous n’avions d’ailleurs pas cherché à l’achever. Mais je ne crois pas à cette mort, ce doit être une plaisanterie. Quoique certainement idiot, il s’était trouvé sous l’influence de la bande, où l’on ne meurt pas si facilement. Le temps ne nous use pas si facilement.

Je t’ai envoyé le livre2 d’un autre ami, qui a fait beaucoup pour le mescal. Je suis sûr que tu l’aimeras. Je veux dire, l’histoire — mais aussi ensuite le mescal. Remarque comme la « barranca » est partout autour de Cagnes.

Mais n’y tombe pas. Je t’aime. Je suis tout à fait résolu à accomplir le programme que cette pianiste (que l’on croyait stupide) a si opportunément formulé en nous voyant3.

Je vais revenir bientôt,

GUY

1. Le peintre Yves Klein est mort le 6 juin 1962. [Note de l’édition Fayard.]

2. Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry. [Note de l’édition Fayard.]

3. Jeanine Remignard, pianiste dans le cabaret de Suzy Solidor à Cagnes, s’étant exclamé : « Michèle, il faut que tu l’épouses ! » [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Asger Jorn
En pneumatique

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

Lundi 18 juin [19]62

CHER ASGER,

Le procès de Uwe [Lausen] aura lieu le 5 juillet1. As-tu pu faire quelque chose pour lui ? J’apprends qu’au Danemark il y a des gens qui ont refusé ouvertement d’intervenir pour Uwe parce que, contrairement aux spuristes, il n’est pas « un ami de Nash et de Jorn2 » !

J’aimerais te rencontrer après-demain, mercredi, chez Lipp à 11 h 30. Je t’y apporterai tes dessins inutilisés dans Mémoires.

Amitiés,

GUY

1. Procès — contre Uwe Lausen, rédacteur de Spur et mineur au moment des faits — disjoint de celui intenté contre les spuristes. [Note de l’édition Fayard.]

2. Asger Jorn exposera à New York, à la Lefebre Gallery, un tableau intitulé : A portrait of a young poet in prison — Uwe Lausen. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Rodolphe Gashé

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

18 juin [19]62

CHER RODOLPHE1,

Le principal sens du verdict extravagant contre Spur est évidemment la menace directe contre tous ceux qui voudront continuer dans la voie non conformiste (les spuristes avaient bien senti que tout cela était déjà contenu dans le procès contre Döhl2 en 1960). Le 5 juillet, il y aura le jugement contre Uwe Lausen qui risque d’être pire : aussi par le fait que l’I.S. a des projets précis de manifestations plus radicales en D.B.R.

Je sais que Jacqueline [de Jong] parlait abusivement au nom des spuristes. Et d’ailleurs nous ne lui répondrons jamais. Comme elle est dans un vide pur et simple, elle essaie tout naturellement de mélanger à son sort le plus possible de gens. Elle aura plus facilement les nashistes, qui sont tellement abattus, même devant l’avant-garde scandinave, que leur dernière manœuvre a été de dire aux journaux que l’I.S. acceptait de les reprendre, et qu’ils avaient reçu une lettre de moi confirmant cela ! Il nous a suffi de dénoncer cet usage de faux vraiment très grossier, et je ne sais pas qui prendra encore au sérieux à l’avenir Nash et tous ses collaborateurs.

Tu sais toi-même que nous faisons une grande différence entre les spuristes, à qui nous pensons pouvoir garder notre estime, et les débris associés de Jongo-nashistes qui sont définitivement réduits à un néant méprisable.

Je pense comme toi que le groupe Spur n’a aucun intérêt à chercher un contact avec l’I.S. — que l’I.S. ne pourrait pas accepter ; et ceci non seulement à cause de leur légitime sentiment de fierté (qui manque évidemment à Jacqueline ou à Nash), mais aussi parce que l’histoire de nos relations a fait apparaître une assez grande opposition objective sur nos principes, les méthodes et les buts. De sorte que tant que ce groupe existera, il est juste, et il est utile pour lui, qu’il soit seul responsable de son action autonome.

La revue Alternative n’a pas eu de suite. C’était, dans l’hiver [19]60-[19]61, une plate-forme pré-I.S. en Belgique (avec Vaneigem).

On aura toute la patience qu’il faudra pour le briquet.

Nos amitiés à Nora et toi,

GUY

1. Rodolphe (Rudolf) Gashé, qui rejoindra le groupe Spur. [Note de l’édition Fayard.]

2. Condamné en Allemagne, au nom de l’ordre moral, pour un écrit blasphématoire. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Asger Jorn

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

23 août [19]62

CHER ASGER,

Je suis désolé de la maladie de ton fils1.

Mais l’échec de « Défigurations »2 est évidemment honorable : tu n’as pas fini de choquer et de déplaire. Je pense même toujours qu’une forte baisse de la valeur marchande de ta peinture te libèrerait de certains soucis, et écarterait beaucoup des gens et des problèmes qui se sont mêlés un peu trop artificiellement à ton action dans l’art moderne.

Je pense comme toi qu’il faut répondre publiquement à Estivals3. Et manifester aussi nettement que possible les choix qui ne peuvent être ni évités ni dissimulés.

Je n’ai jamais voulu, jusqu’ici, jouer personnellement le jeu de l’organisation unitaire et hiérarchisée (et si je l’avais voulu, il me semble que j’aurais été assez intelligent pour m’y prendre plus efficacement). C’est assez effrayant de voir Estivals, avec sa lourdeur « sociologique » (et en prenant toujours ses références, sauf 3 sur des détails infimes, avant juillet 1957 et la formation de l’I.S. dont l’expérience m’a tant apporté en théorie et en pratique) m’attribuer les buts d’Isou — ou ceux de Breton — avec seulement un plus grand réalisme, ou plus de modernisme. Mais c’est entièrement faux.

On peut relever superficiellement beaucoup de traits d’« autorité » de ma part (en oubliant que j’ai tout de même été tout le temps dur avec le monde extérieur, et quelquefois seulement à l’intérieur du mouvement). Mais je crois que j’avais, dans presque toutes les périodes, les moyens d’user d’une autorité beaucoup plus grande (et, certainement, d’en tirer quelques avantages).

La pratique de l’exclusion me paraît absolument contraire à l’utilisation des gens : c’est bien plutôt les obliger à être libres seuls — en le restant soi-même — si on ne peut s’employer dans une liberté commune. Et j’ai refusé d’emblée un bon nombre de « fidèles disciples » sans leur laisser la possibilité d’entrer dans l’I.S., ni par conséquent d’être exclus.

Je l’ai déjà dit — écrit : je ne veux travailler qu’à un « ordre mouvant », jamais construire une doctrine ou une institution. Ou, pour reprendre les termes de Keller4 cités dans I.S. 7 (p. 30), il s’agit de « créer de véritables déséquilibres, point de départ de tous les jeux ».

De Simondo aux spuristes, toutes les fractions situationnistes en appelaient à la liberté, mais en réalité c’est clairement leur position qui était un choix restrictif excluant la masse des possibles de notre recherche, alors que la position que j’ai défendue n’excluait même pas leur position. Mais seulement des gens devenus spécialistes d’un seul but. (Sans vouloir distinguer ici entre ceux pour qui le but unique était « noble », et ceux pour qui il était visiblement plus mesquin.)

J’espère bien que je montrerai à l’avenir que mon rôle tend effectivement à ceci. Et non à m’attribuer « la gloire » d’une étiquette — qui, d’ailleurs, grâce au meilleur de nos efforts, est restée longtemps très peu connue. Estivals est d’autant plus égaré qu’il joue les censeurs en public, puis essaie de démentir en privé ses jugements publiés : car en fait il veut s’intégrer à ce qu’il croit être « ma » féodalité, mais après avoir pris beaucoup de gages pour qu’on lui reconnaisse une bonne place ! Comme il manque de capacité pour comprendre notre projet — même après certaines réponses précises que je lui avais faites —, je crois que, lui, il est sincère quand il écrit sur mon machiavélisme, et non quand il s’en excuse en paroles ou dans une lettre personnelle. Il ne convient alors de ma sincérité possible que par tactique : au fond, il est sûr que je vise clandestinement à faire élever ma statue (selon le but profond d’Isou et d’Estivals). S’il va vers Planète5, comme tu le dis, c’est certainement inconsciemment. Il préférerait l’I.S., mais en nous « planétisant » d’abord…

J’ai eu, moi aussi, cet été de grandes difficultés personnelles.

Par contre, pour l’I.S., cela va de mieux en mieux : on a maintenant des clandestins en Espagne, Hongrie et Allemagne de l’Est. Plus un assez bon écho en France où le numéro 7 a été vendu à 25 %, sans aucune publicité et toujours sans un article sur nous. Ceci ajouterait, si besoin était, à la nécessité de trancher clairement et tout de suite à propos des objectifs : c’est justement le moment où l’I.S. pourrait devenir une arme redoutable, et alors il ne faudrait pas tergiverser plus sur son emploi. Mais je t’assure que les pronostics d’Estivals seront déjoués.

Je reste à Paris. Passe me voir dès que possible, à la fin des vacances. Amitié,

GUY

P.-S. : Connais-tu cette théorie ethnologique présentée par Claude Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques ? C’est fort intéressant pour les origines de la dérive ; aussi « la culture de l’oubli » et notre intuition du rapport Danemark-Asie :

« Pendant que l’Occident vivait replié sur lui-même, il semble que toutes les populations septentrionales, depuis la Scandinavie jusqu’au Labrador en passant par la Sibérie et le Canada, entretenaient les contacts les plus étroits. Si les Celtes ont emprunté certains de leurs mythes à cette civilisation sub-arctique dont nous ne connaissons presque rien, on comprendrait comment il se fait que le cycle du Graal présente avec les mythes des Indiens des forêts de l’Amérique du Nord, une parenté plus grande qu’avec n’importe quel autre système mythologique. »

Et plus loin : « … les spécialistes ont depuis longtemps attiré l’attention sur les ressemblances entre les documents archéologiques provenant de l’Asie du Sud-Est et ceux qui appartiennent à la protohistoire de la Scandinavie. Il y a donc trois régions : Indonésie, Nord-Est américain et pays scandinaves qui forment, en quelque sorte, les points trigonométriques de l’histoire précolombienne du Nouveau-Monde ».

1. Le 11 août, Jorn écrivait : « Mon fils aîné a été déclaré fou-schizophrenic et tu sais ce que ça implique. » [Note de l’édition Fayard.]

2. « Mon exposition de Defigurations était pratiquement un désastre. » (Ibidem.) [Note de l’édition Fayard.]

3. À propos de son livre L’Avant-garde culturelle parisienne depuis 1945 qui venait de paraître. [Note de l’édition Fayard.]

4. Alias Jorn. [Note de l’édition Fayard.]

5. Revue fondée par Louis Pauwels et Jacques Bergier en 1961. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Michèle Mochot-Bréhat

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

28 août [19]62

MICHÈLE,

La route d’Ostende a été encore plus difficile que je le prévoyais, et cela dès la fin de la Descente de la Bourgade. Je suis parti vers la droite, et puis je me suis retrouvé loin sur une route dépourvue de bars qui allait vers les collines. Il a fallu revenir, et après, tout a été continuellement très complexe. J’ai rencontré plusieurs fois, dans différentes villes, le chien atroce qui ne m’avait pas vraiment manifesté sa haine à Cagnes, mais depuis oui. Probablement, ce sont d’autres. Mais comment en être sûr ? Je serais content si, m’ayant suivi, il avait donc été obligé de cesser de t’inquiéter à Cagnes. J’ai rencontré aussi, le premier jour de mon retour à Paris, et avant de voir personne d’autre, le nazi1 dans une rue, la nuit. On n’échappe pas si facilement aux souvenirs de Cagnes.

Le puma, comme Jack l’Éventreur, n’a pas été pris. On peut penser qu’il viendrait à notre aide, en tout cas contre le chien affreux, si tout le reste nous manquait. Mais certains disent même qu’il n’a jamais existé (comme Klein). Nous verrons bien.

Le disque était épuisé, lui aussi. Mais l’habile Nicolas2 a suggéré un repiquage. Je crois que je pourrai te l’envoyer dans quelques jours.

Tout paraît continuer, le tourbillon de la vie comme dans ta chanson, dans une allure aussi folle. Bien que sur un rythme quand même ralenti par rapport à Cagnes et Barcelone. C’est assez drôle. Un peu triste aussi : tu n’es pas là.

Je me souviens nettement d’avoir été très pénible à plusieurs reprises : j’espère que tu me pardonnes. C’est comique — ce n’est pas le mot — que je te reproche ton absence d’autrefois, qui vraiment fut si dure, précisément quand tu es là, quand cette histoire peut être dépassée. Évidemment, l’alcool y a sa part, mais ce n’est en rien une excuse. Boire tant est un choix à peu près libre, toujours refait.

J’écris maintenant dans un moment d’accalmie relative. Relative. Avec toi je crains toujours de reconnaître, et j’en arrive à reconnaître souvent, dans les gestes les plus simples entre nous, cette distance que tu as voulue quand tu disparaissais, il y a quelques années déjà. Et quand tu es gentille — encore un mot que je n’aime pas —, ce que tu as été souvent, je le sais bien, j’y voyais d’abord une simple attitude de politesse. Non que je me pense indigne de cette gentillesse. Mais je pense que, toi, tu m’en as trouvé indigne une fois ou toujours. Bref, tout ceci est largement idiot et maladif. Il faut dire que nous avons de vastes capacités de maladresse permanente, je crois exclusivement à destination l’un de l’autre. Mais c’est par là qu’on se ressemblait, après tout.

C’est affreux d’écrire des lettres. Mais, comme tu en reçois même des Indes, tu es vaccinée, j’ose en ajouter une au stock.

Les projets de l’avenir proche deviennent si compliqués que je les oublie ou mélange s’ils ne sont pas notés quelque part, mais j’égare plusieurs de ces notes.

Il faut se revoir. À Recouvrance3 naturellement serait le mieux. Aussi à Paris si tu veux ?

Salut à Liliane et Frédérique4. Je t’embrasse,

GUY

1. Gerhardt Weiss, qui avait figuré en soldat nazi dans le film Paris brûle-t-il ? [Note de l’édition Fayard.]

2. Jacqueline Nicolas, amie de Michèle Bernstein. [Note de l’édition Fayard.]

3. Allusion au répertoire de chansons (Ostende, Tourbillon de la vie, Recouvrance) interprétées par Michèle Mochot-Bréhat dans le cabaret de Suzy Solidor à Cagnes. [Note de l’édition Fayard.]

4. Amies accordéoniste et pianiste. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Rodolphe Gashé

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

22 septembre 1962

CHER RODOLPHE,

Je trouve très bons les projets que tu exposes dans ta dernière lettre. Tout ceci peut constituer une excellente approche de ce qui est, comme tu le dis, notre projet commun.

Je ne vois aucun inconvénient à ta collaboration maintenant avec Kunzelmann et Zimmer. Nous n’avons pas de l’exclusion une conception métaphysique. La rupture avec l’I.S. signifie un désaccord objectif sur un point central, mais évidemment ne signifie pas aussi obligatoirement que ceux qui s’y sont trouvés amenés avaient des motifs déshonorants, ni qu’ils sont condamnés à aller ensuite, par eux-mêmes, vers des positions toujours plus mauvaises. Ceci est particulièrement clair dans le cas de Kunzelmann et Zimmer, dont tu sais que nous estimions beaucoup les qualités et les intentions. D’ailleurs, d’après ce que tu me dis de la banalisation commerciale-artistique, malheureusement prévisible, de Fischer, Sturm et Prem, il semble que « l’aile radicale » de l’ancien groupe spuriste ait compris qu’elle était obligée à un choix. Ceci est exactement ce que nous avions affirmé à la réunion de février à Paris. Il est peut-être regrettable que Kunzelmann et Zimmer n’aient pas reconnu alors la justesse de notre position (ou au moins quant à Kunzelmann qui la reconnaissait assez largement, n’en aient pas tiré une prise de position). Mais il faut tenir compte aussi de ce que, des expériences, quand elles sont d’une certaine importance, il est très positif de les faire par soi-même, plutôt que sous l’enseignement impératif d’autrui, et même d’autres camarades (c’est pourquoi nous nous attachons maintenant d’abord à donner à l’I.S. le maximum de cohérence — non dans une idéologie monolithique évidemment, mais dans le niveau de référence théorique et la participation créatrice à l’ensemble de nos problèmes. L’extension numérique rapide, qui menace toujours tout de suite les groupes d’avant-garde quand ils ont vraiment quelque chose à dire, doit être subordonnée à cette sorte de qualité : ce qui était loin d’être fait pour l’I.S. en [19]60-[19]61).

Nous attendrons avec intérêt, et sympathie, la revue allemande que tu m’annonces. Et, naturellement, nous la jugerons sur son travail. Sur son apport général et ses diverses positions. Par exemple ses prises de positions par rapport à l’I.S., au style « vieux-spurisme », ou au nashisme (si le nashisme dure assez longtemps). J’espère que nous pourrons entretenir avec cette revue de bons échanges — nous aurons bientôt une revue I.S. en allemand —, ce qui n’interdit pas, bien sûr, des critiques réciproques sur tous les points de divergence.

Alors, à partir de ce développement, peut-être arrivera-t-on à une collaboration plus étroite, et formalisée, de toi — et d’autres éventuellement — dans l’I.S.

Justement, dans la période actuelle que je définissais plus haut, la tactique de l’I.S. est d’encourager à l’autonomie différents groupes, même très proches de nous, qui veulent aussi travailler vers la même perspective, et qui évidemment ne vont pas tomber dans des positions qui nous obligeraient à une rupture du dialogue pour l’avenir. Je t’envoie aujourd’hui une petite revue1 éditée par un groupe d’étudiants révolutionnaires à Bordeaux, à cause d’un article que tu ne dois pas connaître sur « art et révolution2 ». Ce groupe peut être un exemple, dont il sortirait un ou deux camarades très efficaces un peu plus tard.

On peut ainsi espérer qu’en avançant lentement, notre participation possible à une action commune, plus solidement fondée, sera un jour plus large et plus durable.

Hélas, je n’ai pas reçu le briquet, sans savoir si la faute en incombe à la poste — très petit paquet — ou à ma concierge réactionnaire, parce que je n’étais pas à Paris vers cette époque ? Je te remercie tout de même. Ceci étant constaté, je pense qu’il vaut mieux attendre, pour le cyanure, ta prochaine visite à Paris.

Bien amicalement,

GUY

1. Notes critiques n° 3. [Note de l’édition Fayard.]

2. « Pour un jugement révolutionnaire de l’art », de Guy Debord. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Rodolphe Gashé

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

24 septembre 1962

CHER RODOLPHE,

On me communique aujourd’hui les nouvelles du dernier stade du Bauhaus nashiste, en y signalant la place que paraît y occuper Zimmer.

Bien sûr, au cas où les informations que tu avais, relativement à la tendance de ta nouvelle revue allemande et de ses collaborateurs, se montreraient ainsi inexactes, il faudrait considérer que tout ce que je t’écrivais dans ma lettre du 22 septembre est radicalement changé.

Nous sommes tous d’accord sur ce fait que le nashisme est une complète nullité programmatique — et même sans doute artistique, sur le plan traditionnel —, mais l’I.S. analyse exactement quelles forces de la culture actuelle s’expriment à travers le nashisme. La question n’est absolument pas, pour qui que ce soit, de venir nous dire dans six mois ou dans deux ans que l’on est « contre » le nashisme (ce sera vraiment facile, et peu coûteux, car alors il n’y aura même plus de nashisme). C’est maintenant que la collaboration avec ce nasho-situationnisme du mensonge est comptée par l’I.S. comme un choix définitif, sur le plan des principes d’action. Le boycott que l’I.S. maintiendra dans l’avenir est fondé sur les collusions qui se manifestent en ce moment. Ceci n’est pas un excès de violence de notre part : seulement la connaissance claire que, si on procédait autrement, on perdrait l’usage d’une arme redoutable, que nous sommes très contents d’avoir !

Amitiés,

GUY

 

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Guy Debord à Eugène Bogaert

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

Le 1er octobre 1962

CHER MONSIEUR,

Suite à vos deux lettres de la période des vacances, et à votre appel téléphonique, voici où nous en sommes :

Des trois factures énumérées dans votre lettre du 20 août, la première (n° 1 162 du 30.11.61) a été effectivement déjà payée le 27 décembre 1961, en même temps qu’un débit ancien de 100,50 NF et une somme de 3 000 NF constituant le règlement final du numéro 6 de la revue. Mais, en revanche, votre compte oubliait la facture n° 1 474 (tracts Uwe Lausen1) qui s’élève à 228 NF. L’addition de ce que nous vous devons à ce jour atteint, me semble-t-il, 5 484,50 NF.

En même temps, il se découvre que beaucoup d’argent que l’on nous doit n’arrive qu’avec une lenteur imprévue — il vient d’Amérique, mais rassurez-vous : il ne s’agit pas d’un héritage ; cette somme ne sera transférée qu’en novembre, apprend-on maintenant avec un vif déplaisir.

La première conséquence désagréable de ce contretemps est que je dois vous faire attendre jusque-là le règlement de ces trois factures.

La deuxième difficulté qui en découle concerne la commande d’une couverture pour le numéro 8. Il m’est difficile de calculer une coïncidence exacte entre le délai de livraison de la couverture et l’arrivée de nos finances, et vous savez comment ces gens du papier métallisé se comportent quand ils craignent de n’être pas payés dans l’heure.

Le retard qu’il faut donc d’ores et déjà enregistrer pour la parution du numéro 8 risque fort de remettre en cause notre qualité de périodique trimestriel, déjà bien fragile (le numéro 8, s’il sort en novembre, viendra sept mois après le 7, c’est beaucoup). De sorte qu’il faudra peut-être renoncer à cette détaxation pour les numéros 7 et 8 (pour la réédition du 2, je pense comme vous qu’il n’y avait en tout cas rien à faire). Notre situation était la suivante : avis favorable de la commission paritaire le 2 juillet, mais le certificat ne devait être délivré qu’après que nous ayons présenté le numéro suivant portant la mention « trimestriel » et le prix annuel des abonnements. On peut toujours y prétendre avec le numéro 8, mais je suis assez sceptique sur nos chances.

En espérant que ces petites difficultés ne seront pas pour vous abattre, croyez, cher Monsieur, à l’expression de nos meilleurs sentiments,

GUY DEBORD

1. Das Unbehagen in der Kultur du 16 juillet 1962. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Attila Kotányi & Raoul Vaneigem

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

16 octobre 1962

CHERS ATTILA ET RAOUL,

Je vous ai déjà demandé, et j’insiste maintenant pour que me soit fixé vite le lieu de rendez-vous choisi à Anvers1 le soir du 11 novembre — ainsi que l’adresse de notre hôtel (ceci n’étant pas pour moi, qui passerai vous rejoindre avant à Bruxelles, mais pour nos amis convoqués directement).

Je souligne la nécessité de tenir ce lieu de rendez-vous rigoureusement secret (c’est-à-dire connu seulement des gens qui assisteront à la conférence2, et de 3 ou 4 sympathisants anversois, à qui la discrétion doit être recommandée).

Il faut en effet tenir compte de deux éventualités, sur lesquelles je n’ai aucune information précise, mais qu’on peut prévoir abstraitement :

1) tentatives de différents Belges (hennebertistes3 ou autres) pour se mêler à la conférence.

2) tentative du gang nashiste (et de son auréole belge du style Situationist Times) soit pour se présenter à notre conférence, soit pour tenir en même temps à Anvers une conférence situationniste dissidente. En vue de cette dernière possibilité, il faudrait avoir fait une certaine propagande explicative des horreurs du nashisme, dans l’immédiat, auprès des Anversois, pour avoir la possibilité de lever un commando de supplétifs anversois qui viendrait avec nous disperser une telle réunion nashiste par la force. Il ne faut pas que les gens d’Anvers puissent être dans la surprise et le doute s’ils découvraient tout à coup les prétentions d’une « dissidence situationniste ».

Ceci, quoique peu probable, pourrait être amené précisément par la déconfiture publique du nashisme qui se produit même en Suède en ce moment. Leur dernière chance (de poser à « l’avant-garde sérieuse ») est de se raccrocher à l’I.S. d’une manière ou d’une autre dans les semaines qui suivent.

J’attends des nouvelles de vous, d’autant plus qu’il me sera encore impossible de venir à Bruxelles cette semaine.

Amitiés,

GUY

P.-S. : Avez-vous besoin d’autres collections d’I.S. à vendre ? Vous pouvez éventuellement noter des commandes (et même les faire payer d’avance) avec un délai de livraison de 2 ou 3 semaines. Cela ajoute même au « précieux commercial ».

1. Café Tienpont. [Note de l’édition Fayard.]

2. La VIe Conférence de l’I.S. qui se tiendra à Anvers du 12 au 16 novembre 1962 au Zigeunerkelder. [Note de l’édition Fayard.]

3. Autour du Belge Jean-Michel Hennebert. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Alexander Trocchi

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

Paris, le 22 octobre 1962

CHER ALEX,

Nous avons fait une première traduction de « Technique du coup du monde ». On trouve très bien. Nous allons t’écrire bientôt à propos d’une dizaine de mots que Michèle [Bernstein] n’est pas sûre d’avoir bien compris.

Sur le plan théorique je crois qu’il faut seulement préciser un point (parce que nous l’envisageons dans un autre article du même numéro de la revue) : c’est que l’intelligentsia révoltée ne peut gagner complètement sa bataille qu’en obtenant à la fin la disparition de la séparation entre ceux qui sont actuellement les artistes et la masse de la population non créative. Ce qui peut s’exprimer en détournant une vieille formule de Marx sous cette forme : le parti de l’intelligentsia doit être un parti « dont le triomphe signifie la perte » (ce qui est le contraire de ce qu’a fait finalement la bureaucratie politique formée par les révolutionnaires professionnels). Je pense que ceci n’est pas contre tes thèses ?

L’éditeur de Michèle (Corrêa) a pris Young Adam1 et a déjà signé le contrat avec l’éditeur anglais. Il se pose maintenant une question pour nous : est-ce que tu connais un traducteur capable de faire cela bien — mieux que Aanda Golem2 ? Nous pensons qu’il est imprudent de laisser choisir ce traducteur par l’éditeur lui-même. Il est de bonne volonté, parce qu’il a proposé à Michèle de faire la traduction3, mais elle n’en est pas capable. Si tu as un ami qui peut faire ça bien, je pourrais réviser la traduction avec lui, et ce sera mieux. Si tu ne connais personne, on chercherait quelqu’un, écris-nous une réponse vite.

Le rendez-vous de la prochaine conférence de l’I.S. AUQUEL IL EST ABSOLUMENT INDISPENSABLE QUE TU ARRIVES À L’HEURE est le suivant : dimanche 11 novembre, à partir de 20 heures, au Café Tienpont, Paardenmarkt 2, Anvers.

Ensuite, la conférence se tiendra pendant les quatre jours qui suivent dans une salle du Zigeunerkelder, Stadswaag, à Anvers. Mais arrive le dimanche.

Je te donne aussi un numéro de téléphone à Bruxelles où tu peux appeler le dimanche s’il y avait quelque complication d’itinéraire, c’est le 74 24 68, téléphone de Vaneigem.

À bientôt, amicalement à Lyn4 et toi,

GUY

— Correspondance entre GUY DEBORD & ALEXANDER TROCCHI

1. Le Jeune Adam, qui paraîtra le 2 janvier 1964. [Note de l’édition Fayard.]

2. Traducteur du Caïn’s Book. [Note de l’édition Fayard.]

3. Ce sera celle de Bernard Willerval qui paraîtra. [Note de l’édition Fayard.]

4. Compagne de Trocchi et dédicataire du Caïn’s Book. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Asger Jorn
Carte postale « En avion, sur Paris… ».
L’île de la Cité a été modifiée par le collage d’une étiquette « Dansk camembert » en forme de portion.

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

25 octobre 1962

CHER ASGER,

Je crois que le papier à lettres sur lequel tu m’écris me donne la touche finale de l’entreprise : on peut opérer avec l’Institut de vandalisme comparé : c’est toute la question du vandalisme qui peut être aussi constructif, si on met en balance les divers résultats. Ainsi la destruction actuelle de l’écriture idéogrammatique en Chine1 cesse d’être une chose embarrassante.

À bientôt. Amitiés,

GUY

1. Tentative maoïste de remplacer les caractères chinois par le pinyin ou transcription phonétique utilisant l’alphabet occidental. [Note de l’édition Fayard.]

 

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Guy Debord à Asger Jorn

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

13 novembre 1962

CHER ASGER,

Tout va bien à Anvers.

Je reviens à la fin de la semaine. J’espère que tu peux passer chez moi lundi prochain, vers midi.

Amitiés,

GUY

 

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Guy Debord à Robert Estivals
Carte postale de l’hôtel de ville d’Anvers

Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001

14 novembre 1962

CHER AMI,

L’avant-garde internationale que vous savez vous adresse toutes ses félicitations pour la naissance de votre fille Caroline.

G.-EDEBORD, RVANEIGEM, MARTIN,
MBERNSTEIN, JAN STRIJBOSCH, KOTÁNYI

[Robert Estivals dans le Who’s Who]

 

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Guy Debord à Eugène Bogaert

[Guy Debord, Correspondance, volume II, septembre 1960 - décembre 1964
Librairie Arthème Fayard, Paris, 14 février 2001]

Paris, le 22 novembre 1962

CHER MONSIEUR,

Je trouve votre lettre du 10 courant, signalant l’arrivée de 6 912 couvertures. Parfait : nous utiliserons le surplus pour une ou deux revues situationnistes paraissant hors de France, dont le tirage est plus faible. Nous devions avoir aussi un surplus de couvertures du n° 7, quelque chose comme 300 ou 400 feuilles 50 × 65, dont nous pourrions faire le même usage.

Nos finances errantes arriveront d’un jour à l’autre. Voici déjà, ci-joint, un acompte de 3 000 NF.

Nos rédacteurs sont malheureusement encore plus retardataires. Je pense que nous aurons la copie pour le numéro 8 dans une ou deux semaines seulement. Il faudra donc encore imprimer en hâte.

Bien cordialement,

GUY DEBORD

 

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