DEBORDIANA

CORRESPONDANCE
1969

 

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L’Internationale situationniste à Claude Gallimard
Internationale situationniste n° 12, septembre 1969

L’I.S. à Monsieur Claude Gallimard
5, rue Sébastien-Bottin, Paris 7
e

Paris, le 16 janvier 1969.

MONSIEUR,

Nous apprenons que la semaine dernière, chez un certain Sergio Veneziani, un dénommé Antoine Gallimard a parlé à plusieurs personnes, qui nous en ont informé, des situationnistes et de leurs rapports avec la Maison Gallimard. Ce con a dit que « les situationnistes » avaient fait plusieurs offres de service, entre autres à propos d’une collection qu’il avait d’ailleurs fallu « refuser » ; et que pourtant les situationnistes, en corps, étaient « les employés » de la Maison Gallimard, ou sur le point de le devenir tous.

Cette raclure de bidet s’illusionne visiblement, mais ne peut cependant colporter de telles espérances que parce que vous les lui avez confiées.

Fils raté de votre père, vous ne serez pas surpris de trouver dans la génération suivante une débilité aggravée.

Le merdeux s’identifie naturellement, à son tour, à votre pauvre rôle parce que, comme vous, il espère hériter.

Cette vantardise est au-dessus de vos moyens.

Deux situationnistes, jusqu’à présent, avaient fait éditer un livre chez vous. Vous ne connaîtrez jamais plus de situationnistes et, des deux en question, vous n’aurez plus jamais un livre.

Tu es si bête et si malheureux qu’il est inutile d’ajouter rien de plus insultant.

Pour l’I.S. :
G
UY DEBORD, MUSTAPHA KHAYATI, RENÉ RIESEL, RENÉ VIÉNET.

 

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Éditions Gallimard à René Viénet
Internationale situationniste n° 12, septembre 1969

Éditions Gallimard

Paris le 17 janvier 1969.

Monsieur René Viénet
(…)
Paris 4
e

CHER MONSIEUR,

Votre lettre nous a tous beaucoup amusés, et ce n’est pas inutile dans une époque qui se veut tristement sérieuse.

J’ai trouvé drôle que vous découvriez maintenant que je suis le fils de mon père ; quant à la question de savoir si mes parents m’ont raté ou réussi, je suis étonné que vous n’y ayez pas songé lorsque vous vous êtes uni par un accord avec moi pour la publication de vos livres.

Votre conception de l’hérédité m’a donné une idée (vous me direz que c’est étonnant), mais si mon fils est encore plus bête que moi et moi que mon père, votre grand’père avait sans doute du génie, vous ne nous en avez jamais parlé ?

Mais soyons sérieux une seconde ; je vous ai connu très sérieux dans le domame de la recherche de l’information, en l’occurence vous sembler vous en tenir a des délations de seconde main, tronquées et anonymes.

Puisque vous aimez vous amuser, ne croyez-vous pas que nous pourrions prendre un verre avec le dénommé Antoine Gallimard qui, tout débile qu’il est, ne manque pas d’humour et nous pourrions les uns et les autres nous insulter avec bonheur, car il n’y a rien de fondé dans votre lettre qui puisse changer nos relations. Naturellement si vous pouvez amener vos amis à cette petite réunion qui me changerait un peu de la vie quotidienne, j’en serais enchanté.

CLAUDE GALLIMARD.

 

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L’Internationale situationniste à Claude Gallimard
Internationale situationniste n° 12, septembre 1969

L’I.S. à Claude Gallimard

Paris, le 21 janvier 1969.

TU AS peu de raisons de trouver amusante notre lettre du 16 janvier. Tu as encore plus tort de croire que tu vas pouvoir arranger la chose, et même nous rencontrer autour d’un verre.

Nos témoins sont directs, sûrs, et bien connus de nous. On t’a dit que tu n’auras plus jamais un seul livre d’un situationniste. Voilà tout.

Tu l’as dans le cul. Oublie-nous.

Pour l’I.S. :
C
HRISTIAN SÉBASTIANI, RAOUL VANEIGEM, RENÉ VIÉNET.

 

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Internationale situationniste à Walter Lewino. Paris, 3 juin 1969
fac-similé

 

 

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Guy Debord aux membres de la section française de l’I.S.
Copies aux sections américaine, italienne, scandinave

Internationale situationniste. 1958-1969. Librairie Arthème Fayard, Paris, mai 1997

Paris, le 28 juillet 1969

CHERS CAMARADES,

Dans de précédentes discussions, nous avons tous convenu qu’il allait devenir nécessaire de changer, malgré son succès et aussi à cause de lui, l’actuelle formule de la revue française : c’est-à-dire son volume, son rythme de parution, et la façon même dont elle a jusqu’ici organisé un ensemble de textes. Ce renouvellement devra donner à tous l’occasion d’une collaboration à égalité, que la qualification spécialisée acquise par deux ou trois de nous dans le maniement de l’ancienne formule ne favorisait certainement pas.

Par conséquent, après la sortie du n° 12, prévue (si le problème de l’article encore manquant de Mustapha [Khayati] est heureusement résolu) pour le début de septembre, je cesserai d’assumer la responsabilité, tant légale que rédactionnelle, de la « direction » de cette revue.

Le vieux principe révolutionnaire de la rotation des tâches, après si longtemps, suffirait à justifier cette décision. Il a d’autant plus de poids en la circonstance que plusieurs textes de l’I.S. ont grandement mis l’accent sur la cohérence et les capacités suffisantes de tous ses membres. D’autre part, beaucoup de nos adversaires étant portés à me présenter sottement comme « le chef » de l’I.S., je crois que nous devons prendre garde, au point de vue des fabriquants extérieurs de vedettes, à me faire rentrer dans l’ombre autant que nous pourrons. Il serait encore pire, d’un point de vue interne, qu’une confiance accordée automatiquement par l’I.S. finisse par accréditer l’illusion que je pourrais avoir, en quoi que ce soit, un rôle irremplaçable. Ces raisons sont si convainquantes qu’il est inutile d’évoquer quelques motifs personnels, que j’ai en surplus.

Je crois que le prochain camarade que nous aurons à désigner pour cette tâche devrait être choisi en fonction des plans qui pourront être proposés pour la forme future de la revue française. Vu l’importance qu’a eue, et pourrait avoir encore, cette revue pour l’ensemble de l’activité situationniste, peut-être conviendrait-il même d’évoquer la question à la prochaine Conférence de l’I.S. ?

Amitiés,

GUY

 

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Lettre de démission de Mustapha Khayati

Pascal Dumontier, Les Situationnistes et Mai 68
Théorie et pratique de la révolution. 1966-1972
. Éditions Gérard Lebovici, Paris, mai 1990

CAMARADES,

Une crise révolutionnaire est en train de se développer dans la Zone Arabe et où les éléments radicaux arabes doivent se trouver. Je me sens dans l’obligation d’en être. Étant moi-même — comme l’I.S. — hostile à toute forme de double appartenance ou de noyautage (pour l’I.S. comme pour tout le mouvement révolutionnaire), je présente ma démission.

À partir de cette date tout ce que je ferai n’engage que ma seule personne.

Toutefois je tiens à affirmer que je suis absolument solidaire de tout ce qu’a fait l’I.S. jusqu’à ce jour et n’ai rien à lui reprocher. Si j’ai joué un rôle dans le développement de l’I.S. et un rôle plus modeste dans la diffusion de la théorie révolutionnaire moderne, je dois beaucoup à l’I.S. et espère être en mesure d’utiliser tout ce que j’y ai appris.

Si je m’aperçois que j’ai eu tort de faire ce choix ou si le mouvement dans lequel je m’engage échoue — et si je n’ai rien fait qu’on puisse me reprocher selon nos valeurs communes — je pense un jour reposer ma candidature. Alors l’I.S. pourra se prononcer en toute connaissance de cause.

Vive l’I.S.

Vive le pouvoir international des Conseils Ouvriers.

À Venise, le 1er octobre 1969
MUSTAPHA KHAYATI

 

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31 décembre 2000

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