DEBORDIANA

Documents du mouvement des occupations

 

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Textes de quelques-unes des premières affiches
apposées sur les murs de la Sorbonne, le 14 mai 1968

[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]

 

[Mise en garde contre l’illusion d’une démocratie directe cantonnée dans la Sorbonne]

*

Vigilance !

Les récupérateurs sont parmi nous !
« Anéantissez donc à jamais tout ce qui peut détruire un jour votre ouvrage » (
Sade).

COMITÉ ENRAGÉS-INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

*

Après Dieu, l’art est mort. Que ses curés ne la ramènent plus !
C
ONTRE toute survie de l’art,
C
ONTRE le règne de la séparation,
D
IALOGUE DIRECT
A
CTION DIRECTE
A
UTOGESTION DE LA VIE QUOTIDIENNE.

COMITÉ ENRAGÉS-INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

*

CAMARADES,

Déchristianisons immédiatement la Sorbonne.
On ne peut plus y tolérer une chapelle !
Déterrons et renvoyons à l’Élysée et au Vatican les restes de l’immonde Richelieu, homme d’État et cardinal.

COMITÉ ENRAGÉS-INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

 

Déchristianisons immédiatement la Sorbonne

Comment pourrait-on penser librement à l’ombre d’une chapelle ?

ABOLISSONS TOUTES LES ALIÉNATIONS.

Déterrons pour les renvoyer au Vatican et à l’Élysée les restes de Richelieu, homme d’État et cardinal.

COMITÉ ENRAGÉS-INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

*

CEUX QUI PARLENT de révolution et de lutte des classes, sans se référer explicitement à la vie quotidienne, sans comprendre ce qu’il y a de subversif dans l’amour et de positif dans le refus des contraintes, ceux-là ont dans la bouche un cadavre.

COMITÉ ENRAGÉS-INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

*

Aaaahhh !!! l’Internationale situationniste !!!
[Première affiche publicitaire détournée]

LES JOUISSANCES PERMISES peuvent-elles se comparer aux jouissances qui réunissent à des attraits bien plus piquants ceux inapréciables de la rupture des freins sociaux et du renversement de toutes les lois ?

 

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Définition minimum des organisations révolutionnaires
[Extrait du numéro 11 de la revue Internationale Situationniste, réédité en tract le 15 mai 1968]

[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]

 

CONSIDÉRANT QUE le seul but d’une organisation révolutionnaire est l’abolition des classes existantes par une voie qui n’entraîne pas une nouvelle division de la société, nous qualifions de révolutionnaire toute organisation qui poursuit avec conséquence la réalisation internationale du pouvoir absolu des Conseils Ouvriers, tel qu’il a été esquissé par l’expérience des révolutions prolétariennes de ce siècle.

Une telle organisation présente une critique unitaire du monde, ou n’est rien. Par critique unitaire, nous entendons une critique prononcée globalement contre toutes les zones géographiques où sont installées diverses formes de pouvoirs séparés socio-économiques, et aussi prononcée globalement contre tous les aspects de la via.

Une telle organisation reconnaît le commencement et la fin de son programme dans la décolonisation totale de la vie quotidienne ; elle ne vise donc pas l’autogestion du monde existant par les masses, mais sa transformation ininterrompue. Elle porte la critique radicale de l’économie politique, le dépassement de la marchandise et du salariat.

Une telle organisation refuse toute reproduction en elle-même des conditions hiérarchiques du monde dominant. La seule limite de la participation à sa démocratie totale, c’est la reconnaissance et l’auto-appropriation par tous ses membres de la cohérence de sa critique : cette cohérence doit être dans la théorie critique proprement dite, et dans le rapport entre cette théorie et l’activité pratique. Elle critique radicalement toute idéologie en tant que pouvoir séparé des idées et idées du pouvoir séparé. Ainsi elle est en même temps la négation de toute survivance de la religion, et de l’actuel spectacle social qui, de l’information à la culture massifiées, monopolise toute communication des hommes autour d’une réception unilatérale des images de leur activité aliénée. Elle dissout toute « idéologie révolutionnaire » en la démasquant comme signature de l’échec du projet révolutionnaire, comme propriété privée de nouveaux spécialistes du pouvoir, comme imposture d’une nouvelle représentation qui s’érige au-dessus de la vie réelle prolétarisée.

La catégorie de la totalité étant le jugement dernier de l’organisation révolutionnaire moderne, celle-ci est finalement une critique de la politique. Elle doit viser explicitement, dans sa victoire, sa propre fin en tant qu’organisation séparée.

COMITÉ ENRAGÉS-INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

 

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De l’I.S. Paris aux membres de l’I.S.,
aux camarades qui se sont déclarés en accord avec nos thèses

[Pascal Dumontier, Les Situationnistes et Mai 68. Théorie et pratique de la révolution. 1966-1972. Éditions Gérard Lebovici, Paris, mai 1990]

 

CAMARADES,

La « révolte » étudiante de Paris a commencé avec le petit groupe des « Enragés » de Nanterre voici quelques mois : René Riesel, Gérard Bigorgne (exclu en avril de toutes les universités françaises pour 5 ans), etc. Ce groupe était sur des positions pro-I.S. Le reste du « mouvement du 22 mars » (plus modéré et confus) a trouvé son leader en Dany Cohn-Bendit (anarchiste du groupe Noir et Rouge) qui a accepté un rôle de vedette spectaculaire où se mêle cependant un certain radicalisme honnête.

La comparution de ces 2 camarades en même temps que 5 autres meneurs devant le Conseil de l’Université a déchaîné les troubles du 3 mai. Le mouvement de rue du 6 mai (10 à 15 000 jeunes) commençait dans les jours suivants à être récupéré par l’appui tardif des bureaucrates U.N.E.F., P.C., etc.

Tout a superbement rebondi le soir du 10-11 mai. Une partie du 5e arrondissement entièrement fermée par des barricades, a été pendant près de 8 heures entre les mains d’une petite insurrection. Les forces de l’ordre qui le cernaient ont employé les 4 dernières heures à le réduire. Nous étions de 3 à 4 000 émeutiers (environ une moitié d’étudiants, beaucoup de lycéens ou blousons noirs, quelques centaines d’ouvriers jeunes et vieux).

Violente répression comme nous nous y attendions. Devant l’ampleur de la protestation de toute la gauche bureaucratique et l’émotion dans les milieux ouvriers, le gouvernement a reculé. Presque toutes les facultés parisiennes sont occupées et prennent figure de clubs populaires. Ce qui domine actuellement est une démocratie directe à la base qui veut mettre en cause la société, qui veut l’unification avec les ouvriers, et qui condamne résolument la bureaucratie stalinienne. 3 positions sont apparues dans l’assemblée générale libre de l’occupation de la Sorbonne du 14 mai [19]68.

1. Un premier courant (entre le tiers et la moitié, mais qui s’exprime peu) veut simplement la réforme de l’université et risque de suivre la récupération menée par les Professeurs de gauche.

2. Un second courant plus fourni veut poursuivre la lutte jusqu’à la destruction du régime gaulliste ou même du capitalisme (toutes les nuances gauchistes connues — parmi elles, la Fédération des Étudiants Révolutionnaires, Trotskiste lambertiste, qui s’est gravement discréditée en condamnant les barricades).

3. Une 3e position très minoritaire (mais entendue) exprimée par une déclaration de Riesel (qui vous sera communiquée dès que possible) veut l’abolition des classes, du salariat, du spectacle et de la survie et demande le pouvoir absolu des Conseils ouvriers.

Les développements possibles sont les suivants (dans l’ordre de probabilité décroissante) :

a) épuisement du mouvement (du moins au degré actuel s’il reste chez les étudiants avant que l’agitation anti-bureaucratique n’ait gagné plus le milieu ouvrier) ;

b) répression (à prévoir un grand nombre d’arrestations des meneurs) si le mouvement se radicalise davantage ou se maintient longtemps sans avoir fait basculer la classe ouvrière et dissoudre les bureaucraties qui la contrôlent ;

c) la révolution sociale ?

Nous avons constitué hier un Comité Enragés-I.S. qui a commencé à afficher dans la Sorbonne des proclamations radicales et extrêmement cohérentes. Nous allons continuer. Riesel fait partie du premier comité d’occupation de la Sorbonne (révocable tous les jours par la base).

Faites le maximum pour faire connaître, soutenir, étendre l’agitation. Les thèmes principaux dans l’immédiat, en France, nous semblent être :

— l’occupation des usines ;

— constitution de Conseils Ouvriers ;

— la fermeture définitive de l’Université ;

— critique complète de toutes les aliénations ; affirmation des principales thèses situationnistes (diffusion en particulier de sa définition minimum de l’organisation révolutionnaire).

Paris, le 15 mai [19]68
G
UY [DEBORD], MUSTAPHA [KHAYATI], RAOUL [VANEIGEM], RENÉ [VIÉNET]

ANNEXE — Que faire immédiatement ?

— Des inscriptions sur les murs (et partout où ce sera possible comme à la Sorbonne ; affiches dans les facultés ou les lycées). Il nous semble qu’il faut se concentrer sur les slogans suivants :

« Tout le pouvoir aux Conseils Ouvriers »

« Abolition de la Société de classes »

« À bas la société spectaculaire marchande »

« Vive le Comité Enragés-I.S. »
(ou bien signer les inscriptions du nom de ce comité).

— Reproduire et diffuser les tracts et déclarations que nous vous ferons parvenir. En produire d’autres dans le même esprit.

— Prendre la parole partout où ce sera possible pour soutenir de telles idées.


« Le 15, les situationnistes présents à Paris adressèrent en province et à l’étranger une circulaire : Aux membres de l’I.S., aux camarades qui se sont déclarés en accord avec nos thèses. Ce texte analysait brièvement le processus en cours et ses développements possibles, par ordre de probabilité décroissante — épuisement du mouvement au cas où il resterait limité “chez les étudiants avant que l’agitation anti-bureaucratique n’ait gagné plus le milieu ouvrier” ; répression ; ou enfin “révolution sociale ?” Il comportait aussi un compte-rendu de notre activité jusque-là, et appelait à agir tout de suite au maximum “pour faire connaître, soutenir, étendre l’agitation”. Nous proposions comme thèmes immédiats en France : “l’occupation des usines” (on venait d’apprendre l’occupation de Sud-Aviation, survenue la veille au soir) ; “constitution de Conseils ouvriers ; la fermeture définitive de l’Université ; critique complète de toutes les aliénations”. Il faut noter que c’était la première fois, depuis que l’I.S. existe, que nous demandions à qui que ce fût, même parmi les plus proches de nos positions, de faire quelque chose. Aussi notre circulaire ne resta-t-elle pas sans écho, et notamment dans quelques-unes des villes où le mouvement de mai s’imposait le plus fortement. Le 16 au soir, l’I.S. lança une deuxième circulaire, exposant les développements de la journée et prévoyant “une épreuve de force majeure”. La grève générale interrompit là cette série, qui fut reprise sous une autre forme, après le 20 mai, par les émissaires que le C.M.D.O. envoyait en province et à l’étranger. » — Le commencement d’une époque (Internationale situationniste n° 12, septembre 1969).

« “Acharné à se bâtir une gloire rétrospective, Debord fut le chef de parti le plus mauvais du siècle. Il n’a réussi en trente ans d’autorité incontestée qu’à discréditer complètement sa cause et sa personne.” Où aurais-je ainsi mené de telles foules obéissantes ? On prétend donc, assez cyniquement, que j’ai recherché, ou exercé, une autorité. En fait, j’ai veillé, on le sait, à ce que le fameux “prestige de l’I.S.” ne s’exerce ni trop, ni trop longtemps. Une seule fois dans ma vie, le 14 [sic] mai 1968, j’ai signé une circulaire lancée de Paris Aux membres de l’I.S., aux camarades qui se sont déclarés en accord avec nos thèses, qui disait ce qu’il fallait faire maintenant. Je pense que c’était juste, et aussi le juste moment. Mais on croirait que j’ai déchaîné plutôt le feu nucléaire en voyant de tels excès d’horreur vingt ans plus tard. » — GUY DEBORD, « Cette mauvaise réputation… ».

 

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Texte de l’appel à l’occupation des usines

[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]

 

CAMARADES,

L’usine Sud-Aviation de Nantes étant occupée depuis deux jours par les ouvriers et les étudiants de cette ville,

le mouvement s’étendant aujourd’hui à plusieurs usines (N.M.P.P.-Paris, Renault-Cléon et autres),

LE COMITÉ D’OCCUPATION DE LA SORBONNE

appelle à

l’occupation immédiate de toutes les usines en France et à la formation de Conseils ouvriers.

Camarades, diffusez et reproduisez au plus vite cet appel.

Sorbonne, 16 mai [1968], 15 heures 30

 

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Mots d’ordre à diffuser maintenant par tous les moyens
(tracts, proclamations aux micros, comics, chansons, peinture sur les murs,
ballons sur les tableaux de la Sorbonne, proclamations dans les salles de cinéma
pendant la projection ou en l’arrêtant, ballons sur les affiches du métro, avant de faire l’amour,
après l’amour, dans les ascenseurs, chaque fois qu’on lève le coude dans un bistrot)

[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]

 

OCCUPATION DES USINES

LE POUVOIR AUX CONSEILS DE TRAVAILLEURS

ABOLITION DE LA SOCIÉTÉ DE CLASSES

À BAS LA SOCIÉTÉ SPECTACULAIRE-MARCHANDE

ABOLITION DE L’ALIÉNATION

FIN DE L’UNIVERSITÉ

L’HUMANITÉ NE SERA HEUREUSE QUE LE JOUR OÙ LE DERNIER BUREAUCRATE AURA ÉTÉ PENDU AVEC LES TRIPES DU DERNIER CAPITALISTE

MORT AUX VACHES

LIBÉREZ AUSSI LES 4 CONDAMNÉS POUR PILLAGE PENDANT LA JOURNÉE DU 6 MAI

COMITÉ D’OCCUPATION DE L’UNIVERSITÉ
AUTONOME & POPULAIRE DE LA
SORBONNE,
16 mai 1968, 19 heures

 

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Circulaire de l’Internationale situationniste

[Pascal Dumontier, Les Situationnistes et Mai 68
Théorie et pratique de la révolution. 1966-1972
. Éditions Gérard Lebovici, Paris, mai 1990]

 

SUITE À NOTRE circulaire du 15 mai, nous communiquons les plus récentes informations. Le 16 mai, le Comité d’Occupation de la Sorbonne — aux mains du Comité Enragés-I.S. — a lancé avec tous les moyens à la disposition des grévistes de la Sorbonne le communiqué suivant :

« Camarades,
L’usine Sud-Aviation de Nantes étant occupée depuis 2 jours par les ouvriers et les étudiants de cette ville. Le mouvement s’étendant aujourd’hui à plusieurs usines (N.M.P.P.-Paris, Renault-Cléon et autres),
LE COMITÉ D’OCCUPATION DE LA SORBONNE
Appelle à l’occupation immédiate de toutes les usines en France et à la formation de conseils ouvriers.
Camarades, diffusez et reproduisez au plus vite cet appel !

Sorbonne, 16 mai, 15 heures 30 »

Le scandale a été immédiatement très grand. Par ailleurs, le mouvement s’étendant dans les heures suivantes à Renault et d’autres usines, l’ensemble des groupements dans la Sorbonne se sont ralliés à une marche sur Renault après 20 h. Devant la crise révolutionnaire qui se développait, le gouvernement a adopté une ordonnance qui annonce la répression, ou une épreuve de force majeure.

[Paris], 16 mai [1968] — 22 heures 30
(I.S.)

 

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Textes de télégrammes
envoyés par le Comité d’occupation de la Sorbonne, le 17 mai 1968

[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]

 

INSTITUT INTERNATIONAL D’HISTOIRE SOCIALE AMSTERDAM PAYS-BAS =

NOUS AVONS CONSCIENCE DE COMMENCER À PRODUIRE NOTRE PROPRE HISTOIRE STOP NOUS TENONS À LE FAIRE SAVOIR À LA POSTÉRITÉ À TRAVERS LES ARCHIVES DE VOTRE INSTITUT STOP L’HUMANITÉ NE SERA HEUREUSE QUE LE JOUR OÙ LE DERNIER CAPITALISTE AURA ÉTÉ PENDU AVEC LES TRIPES DU DERNIER BUREAUCRATE STOP VIVENT LES OCCUPATIONS D’USINES STOP VIVE LE POUVOIR INTERNATIONAL DES CONSEILS OUVRIERS STOP = COMITÉ D’OCCUPATION DE LA SORBONNE AUTONOME & POPULAIRE =

PROFESSEUR IVAN SVITAK PRAGUE TCHÉCOSLOVAQUIE =

LE COMITÉ D’OCCUPATION DE LA SORBONNE AUTONOME & POPULAIRE TRANSMET AU CAMARADE SVITAK ET AUX RÉVOLUTIONNAIRES TCHÉCOSLOVAQUES SES SALUTATIONS FRATERNELLES STOP VIVE LE POUVOIR INTERNATIONAL DES CONSEILS OUVRIERS STOP L’HUMANITÉ NE SERA HEUREUSE QUE LE JOUR OÙ LE DERNIER CAPITALISTE AURA ÉTÉ PENDU AVEC LES TRIPES DU DERNIER BUREAUCRATE STOP VIVE LE MARXISME RÉVOLUTIONNAIRE =

ZENGAKUREN TOKYO JAPON =

VIVE LA LUTTE DES CAMARADES JAPONAIS QUI ONT INAUGURÉ LE COMBAT SUR LE FRONT DE L’ANTISTALINISME ET DE L’ANTI-IMPÉRIALISME À LA FOIS STOP VIVENT LES OCCUPATIONS D’USINES STOP VIVE LA GRÈVE GÉNÉRALE STOP VIVE LE POUVOIR INTERNATIONAL DES CONSEILS OUVRIERS STOP = COMITÉ D’OCCUPATION DE LA SORBONNE AUTONOME & POPULAIRE =

BUREAU POLITIQUE DU PARTI COMMUNISTE DE L’U.R.S.S. LE KREMLIN MOSCOU =

TREMBLEZ BUREAUCRATES STOP LE POUVOIR INTERNATIONAL DES CONSEILS DE TRAVAILLEURS VA BIENTÔT VOUS BALAYER STOP L’HUMANITÉ NE SERA HEUREUSE QUE LE JOUR OÙ LE DERNIER BUREAUCRATE AURA ÉTÉ PENDU AVEC LES TRIPES DU DERNIER CAPITALISTE STOP VIVE LA LUTTE DES MARINS DE KRONSTADT ET DE LA MAKHNOVTCHINA CONTRE TROTSKY ET LÉNINE STOP VIVE L’INSURRECTION CONSEILLISTE DE BUDAPEST EN 1956 STOP À BAS L’ÉTAT STOP VIVE LE MARXISME RÉVOLUTIONNAIRE STOP = COMITÉ D’OCCUPATION DE LA SORBONNE AUTONOME & POPULAIRE =

BUREAU POLITIQUE DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS PORTE DE LA PAIX CÉLESTE PÉKIN =

TREMBLEZ BUREAUCRATES STOP LE POUVOIR INTERNATIONAL DES CONSEILS OUVRIERS VA BIENTÔT VOUS BALAYER STOP L’HUMANITÉ NE SERA HEUREUSE QUE LE JOUR OÙ LE DERNIER BUREAUCRATE AURA ÉTÉ PENDU AVEC LES TRIPES DU DERNIER CAPITALISTE STOP VIVENT LES OCCUPATIONS D’USINES STOP VIVE LA GRANDE RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE CHINOISE DE 1927 TRAHIE PAR LES BUREAUCRATES STALINIENS STOP VIVENT LES PROLÉTAIRES DE CANTON ET D’AILLEURS QUI ONT PRIS LES ARMES CONTRE L’ARMÉE DITE POPULAIRE STOP VIVENT LES OUVRIERS ET LES ÉTUDIANTS CHINOIS QUI ONT ATTAQUÉ LA SOI-DISANT RÉVOLUTION CULTURELLE ET L’ORDRE BUREAUCRATIQUE MAOÏSTE STOP VIVE LE MARXISME RÉVOLUTIONNAIRE STOP À BAS L’ÉTAT STOP = COMITÉ D’OCCUPATION DE LA SORBONNE AUTONOME & POPULAIRE =

CIRA 24 BEAUMONT LAUSANNE =

CAMARADES : NOUS AVONS CONSCIENCE DE COMMENCER À FAIRE HISTOIRE STOP NOUS TENONS À LE FAIRE SAVOIR À TRAVERS LES ARCHIVES DU CIRA À LA POSTÉRITÉ STOP L’HUMANITÉ NE SERA HEUREUSE QUE LE JOUR OÙ LE DERNIER BUREAUCRATE AURA ÉTÉ PENDU AVEC LES TRIPES DU DERNIER CAPITALISTE STOP VIVENT LES OCCUPATIONS D’USINES PAR LES OUVRIERS STOP VIVE LE POUVOIR INTERNATIONAL DES CONSEILS DE TRAVAILLEURS STOP = COMITÉ D’OCCUPATION DE LA SORBONNE AUTONOME & POPULAIRE =

 

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Chanson du Conseil pour le maintien des occupations
(Sur l’air de Nos soldats à La Rochelle, chanté par Jacques Douai)
[Composée par Alice Becker-Ho en mai 1968]

[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]

 

RUE GAY-LUSSAC, les rebelles
N’ont qu’les voitur’s à brûler.
Que vouliez-vous donc, la belle,
Qu’est-ce donc que vous vouliez ?

Refrain
Des canons par centaines,
Des fusils par milliers,
Des canons, des fusils,
Par centaines et par milliers.

Dites-moi comment s’appelle
Ce jeu-là que vous jouiez ?
La règle en paraît nouvelle :
Quel jeu, quel jeu singulier !

Au refrain

La révolution, la belle,
Est le jeu que vous disiez.
Elle se joue dans les ruelles,
Elle se joue grâce aux pavés.

Au refrain

Le vieux monde et ses séquelles,
Nous voulons les balayer.
Il s’agit d’être cruels,
Mort aux flics et aux curés.

Au refrain

Ils nous lancent comme grêle
Grenades et gaz chlorés,
Nous ne trouvons que des pelles
Et couteaux pour nous armer.

Au refrain

Mes pauvres enfants, dit-elle,
Mes jolis barricadiers,
Mon cœur, mon cœur en chancelle,
Je n’ai rien à vous donner.

Au refrain

Si j’ai foi en ma querelle
Je n’crains pas les policiers.
Il faut qu’elle devienne celle
Des camarades ouvriers.

Au refrain

Le gaullisme est un bordel,
Personne n’en peut plus douter.
Les bureaucrates, aux poubelles !
Sans eux, on aurait gagné.

Au refrain

Rue Gay-Lussac, les rebelles
N’ont qu’les voitures à brûler.
Que vouliez-vous donc, la belle,
Qu’est-ce donc que vous vouliez ?

Au refrain

 

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La Commune n’est pas morte
(Sur l’air de la chanson d’Eugène Pottier)
Conseil pour le maintien des occupations, juin 1968

[René Viénet, Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. Éditions Gallimard, Paris, octobre 1968]

 

AUX BARRICAD’S de Gay-Lussac,
Les Enragés en tête,
Nous avons déclenché l’attaque :
Ah, foutre-dieu, quelle fête !
On jouissait dans les pavés
En voyant le vieux monde flamber.

Refrain
Tout ça a prouvé, Carmela,
Qu’la Commune n’est pas morte
(bis).

Pour s’éclairer, les combattants
Foutaient l’feu aux bagnoles :
Une allumette, et en avant,
Poésie du pétrole.
Et fallait voir les C.R.S.
Se faire griller les fesses !

Au refrain

Les blousons noirs politisés
Ont saisi la Sorbonne.
Pour contester et pour briser,
Ils ne craignaient personne.
La théorie s’réalisant,
On a pillé les commerçants.

Au refrain

Ce que tu produis t’appartient,
Y a qu’les patrons qui volent.
Te faire payer au magasin,
C’est se foutr’de ta fiole.
En attendant d’s’autogérer
On f’ra la critiqu’du pavé.

Au refrain

Tous les partis, les syndicats,
Et leur bureaucratie,
Oppriment le prolétariat,
Autant qu’la bourgeoisie.
Contre l’État et ses alliés,
Formons des conseils ouvriers.

Au refrain

Le Conseil pour l’Occupation
Crachait sur les trotskistes,
Les maoïst’s et autres cons,
Exploiteurs de grévistes.
À la prochain’ ça va saigner
Pour les enn’mis d’la liberté.

Au refrain

Maintenant que les insurgés
Retourn’nt à la survie,
À l’ennui, au travail forcé,
Aux idéologies,
Nous sèmerons pour le plaisir
D’autres fleurs de mai à cueillir.

Final
Tout ça pour prouver, Carmela,
Qu’la Commune n’est pas morte
(bis).

 

* * *


27 octobre 2000

FRANÇAIS (1952-1957) (1957-1972) (1972-1994)