DEBORDIANA

Potlatch
Bulletin d’information du groupe français de l’Internationale lettriste
Numéro 14
Mensuel, 30 novembre 1954

  

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La ligne générale

L’INTERNATIONALE LETTRISTE se propose d’établir une structure passionnante de la vie. Nous expérimentons des comportements, des formes de décoration, d’architecture, d’urbanisme et de communication propres à provoquer des situations attirantes.

C’est le sujet d’une querelle permanente entre nous et beaucoup d’autres, finalement négligeables parce que nous connaissons bien leur mécanisme, et son usure.

Le rôle d’opposition idéologique que nous tenons est nécessairement produit par les conditions historiques. Il nous appartient seulement d’en tirer un parti plus ou moins lucide, et d’en savoir, au stade actuel, les obligations et les limites.

Dans leur développement final, les constructions collectives qui nous plaisent ne sont possibles qu’après la disparition de la société bourgeoise, de sa distribution des produits, de ses valeurs morales.

Nous contribuerons à la ruine de cette société bourgeoise en poursuivant la critique et la subversion complète de son idée des plaisirs, comme en apportant d’utiles slogans à l’action révolutionnaire des masses.

pour Potlatch : MICHÈLE BERNSTEIN, MDAHOU, VÉRA, GIL J WOLMAN

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Petit hommage au mode de vie américain

QUI EST POTLATCH ?

1. Un espion soviétique, principal complice des Rosenberg, découvert en 1952 par le F.B.I. ?

2. Une pratique du cadeau somptuaire, appelant d’autres cadeaux en retour, qui aurait été le fondement d’une économie de l’Amérique précolombienne ?

3. Un vocable vide de sens inventé par les lettristes pour nommer une de leurs publications ?

(réponses dans le numéro 15)

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Le 29 novembre, quelques uns de nos gens, ayant enfin saisi sur la voie publique un des signataires du tract que M. André Breton nous avait consacré au début d’octobre, ont pris possession de ce tract.

Nous livrons à nos lecteurs le texte intégral du libelle surréaliste dont la principale originalité polémique est d’avoir été diffusé sous le manteau, M. Breton et ses amis s’étant imprudemment engagés à nous empêcher, quoi qu’il arrive, d’en connaître la teneur :

Titre : Familiers du Grand Truc

« Pour qu’une action commune puisse être menée, il est nécessaire que les partenaires soient animés des mêmes intentions et que l’un n’ait pas de motif valable de mépriser l’autre. Nous avions été conduits, non sans hésitations, à envisager, d’accord avec l’Internationale (!?) lettriste une entreprise dans le cadre de la célébration du centenaire de Rimbaud. Le premier acte devait être la déclaration imprimée au recto de cette feuille.

Cette mise au point venait à peine de paraître lorsque nous avons reçu le n° 12 de Potlatch, organe des lettristes, daté du 28 septembre 1954, où l’on peut lire :

[À cette place, citation de l’autocritique de A.-F. Conord effectivement publiée dans le n° 12.]

« Nous ne nous chargerons pas de décider qui, de l’auteur de cette lettre ou de ceux qui ont consenti à la publier, se révèle le plus méprisable. Ils suscitent également la nausée. Qu’ils répudient leurs engagements quelques jours plus tard montre d’abord que le sort fait à Rimbaud compte beaucoup moins pour eux que leur propre publicité, quelque indignes que soient les moyens employés. La fin, pour eux, les justifie. S’ils falsifient ensuite des propos divers, nul ne s’en étonnera. Ils en font autant avec Lénine dont ils déforment le témoignage1, prouvant ainsi jusqu’à l’évidence qu’ils sont dépourvus du sens le plus élémentaire de la loyauté envers les idées, qui était précisément la qualité dominante du grand révolutionnaire russe et demeure celle de tout révolutionnaire authentique. Cette loyauté absente, rien ne subsiste sauf un détritus stalinien. D’instinct, les gens du Carrefour Châteaudun reconnaîtront en eux des individus offrant leurs services. Nous nous permettons cependant, pour le cas où le Comité Central, tout à ses tâches quotidiennes, n’aurait pas eu le loisir de se pencher sur leur cas, de recommander chaleureusement à sa bienveillante attention ces apprentis si bien doués pour des rôles de témoins dans de futurs procès du style mis au point une fois pour toutes à Moscou.

Une carrière à la mesure de leurs moyens s’ouvre devant eux. Bonne chance ! »

Signatures : Bédouin, Benayoun, Breton, Dax, Flamand, Goldfayn, Hantaï, Lebreton, Legrand, Mitrani, Oppenheim, Paalen, Péret, Pierre, Reigl, Schuster, Seghers, Toyen, Valorbe.

1. Note de M. Breton :

« Dans un projet de déclaration commune, les lettristes avaient fait figurer, sans le donner pour tel, un texte altéré de Lénine : “Dans une société fondée sur la lutte des classes, il ne saurait y avoir d’histoire littéraire impartiale”. Ils n’ont fait aucune difficulté à reconnaître qu’ils avaient remplacé le mot de science du texte original (?) par histoire littéraire et, emportés par ce bel élan, se citent eux-mêmes dans un récent factum en remplaçant à son tour histoire littéraire par critique littéraire : où sont les faussaires ? »

Nous nous contentons aujourd’hui de rendre publiques les dénonciations de M. Breton, et d’envoyer nos camarades relire la collection complète de La Révolution Surréaliste qui, vers la fin du premier quart de ce siècle, fut une entreprise intelligente, et honorable.

À LA RÉDACTION DE POTLACH : On peut consulter la collection complète de Potlatch au 32 de la rue Montagne-Geneviève. Les visiteurs sont priés de s’adresser sans crainte à notre ami Charles Guglielmetti, qui n’a pas été défiguré par quelque rasoir lettriste, comme le bruit en court, mais simplement par l’autocar inopinément surgi à cette adresse le 15 août dernier.

 

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Rédacteur en chef : M. Dahou, 32 rue Montagne-Geneviève, Paris 5e.

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5 février 2001

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