Spur
Revue de la section allemande de l’I.S.
Numéro 4
Février 1961 — Munich
Directeur : ZIMMER. Comité de rédaction : PREM, STURM, FISCHER
Le cardinal, le film et l’orgie [Traduit de l’allemand. Archives situationnistes. Volume I. Documents traduits. 1958-1970
Traductions et notes de Luc Mercier. Éditions Contre-Moule/Librairie Parallèles, Paris, mars 1997]À la cour du roi, il y a plus de prêtres que de bouffons, de même que dans son royaume il y a plus de policiers que d’artistes.
(KOLAKOWSKI, le Prêtre et le Bouffon)
LE CARDINAL n’est plus de ce monde1. Nous attendions qu’il bénisse l’armée pour la croisade contre l’Est. En vain. De même, nous attendions qu’un jour le cardinal mette à notre disposition sa place en chaire pour ouvrir la voie à de nouvelles expériences mythologiques. Puisque nous attendions l’ouverture tellement désirée de la cathédrale Notre-Dame et de toutes les autres églises pour les rendre à leur destination première : LA CÉLÉBRATION DE FÊTES ORGASTIQUES ET DE NOUVEAUX JEUX EXTATIQUES REPOSANT SUR LA PARTICIPATION ACTIVE DE TOUS. Dès à présent, le Conseil Central de l’I.S. a constitué un « COMITÉ EUROPÉEN DE L’ORGIE », qui collabore avec le Bureau d’urbanisme à Bruxelles, l’Agence scandinave pour le sexe et le Commissariat aux cérémonies et aux traditions populaires de Munich, qui est issu de l’Institut d’étude du comportement dirigé par Lorenz (parce qu’on s’est aperçu qu’il est trop ennuyeux pour l’homme de vérifier que le surréalisme peut être également appliqué aux animaux).
Dans le premier film de Doniol-Valcroze, l’Eau à la bouche2, on voit une scène de lit délibérément appuyée. Elle n’a donc été mise là que dans le but de rendre sensible au public que cette insatisfaction et le regret de la non-participation doivent conduire à de nouvelles possibilités d’action où le film et l’orgie, l’art et la vie se confondent. Qui n’aurait aimé prendre part à la magnifique bagarre qu’on peut voir dans Zazie3 ?
La tentative de faire participer le public ouvre une ère nouvelle où le mot « homme » ne peut plus être séparé du mot « artiste ». Désormais, les salles de cinéma doivent être les temples des orgies modernes.
D. KUNZELMANN
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