Mois de septembre 2001


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Banalement banal

 

Dimanche 2 septembre 2001

 

Comme bien souvent, il a suffi que j'écrive ici pour que mes "soucis" disparaissent. Je me suis une nouvelle fois détaché, émotionnellement parlant, de ce forum ou je suis harcelé (non, je ne crois pas que le mot soit trop fort).

Je n'y suis que très peu retourné, et s'y j'ai laissé des commentaires, c'est parce que mon détracteur employait à mon égard était inhabituellement calme et sans critiques stériles ni insultes. Naïf comme je suis, je me suis dit que je ne pouvais pas le laisser en plan pour une fois qu'il faisait des efforts.

C'est ma nature ça: toujours croire au bon fond des gens.

Ça me joue parfois des tours, mais je ne veux pas perdre cette part d'idéalisme.

Pas encore

Le jour où je ne serais plus idéaliste, je serais devenu vieux...

 

* * *

 

Bien, mais passons à autre chose.

(Merci quand même à ceux qui m'ont gentiment envoyé un mail pour me donner leur avis sur le problème)

Autre chose, donc.

Mais quoi?

Ma vie est bien tranquille en ce moment, jonglant entre mon temps de travail (hum... pas toujours suffisant) et le temps libre que je passe en famille (les enfants sont encore en vacances)... ou sur internet.

Mais je fais des progrès: je me couche généralement avant 1h30 du matin maintenant... Et heureusement que mon heure de lever est libre. C'est souvent l'heure à laquelle mes compatriotes commencent à travailler...

Que voulez-vous, quand on est libre il est difficile de s'astreindre à une discipline sévère. Et puis pourquoi faire d'abord?

Ce sont les préceptes anciens qui me reviennent et m'empêchent de profiter comme je le voudrais: "l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt", me disait mon père. Phrase à prendre plutôt au sens métaphorique, à mon avis.

 

Même genre de culpabilité qui me travaille un peu lorsque je ne travaille pas les jours de semaine. Comme demain, puisque nous partons pour deux jours en famille profiter des derniers jours de vacances... à la mer!

Ben oui, maintenant que tout les vacanciers sont rentrés, ou presque, on peut envisager d'aller voir s'il y a un peu de place. Pour ceux qui ne connaîtraient pas les rivages de la Méditerrannée en été, c'est... pire que ce que vous pouvez imaginer!

Du monde, du monde, du monde! De la crême à bronzer et de l'odeur de frites, des voitures de partout, de la frime, des gens gras, laids, amorphes, excités, bruyants... bref, tous les défauts de l'humain bête.

Oui, je sais, j'en fais partie. Et moi aussi je fais partie de cette foule stupide lorsque j'y vais en été... C'est bien pour ça que je n'y vais pas! Pas envie de subir, ni de participer à cet étalage de tout ce que nous avons de plus banalement... banal.

Donc, demain j'irais voir si je fais partie des gens "banals".

 

Ah oui, j'oubliais: il y a quand même les jolies femmes très peu vêtues, et ça, c'est un sacré avantage au bords de mer!

A ben c'est bien un mec qui parle là!!!!

 

Ouuuups!

 

 


 

Pas banal

 

Mercredi 5 septembre 2001

 

La France a une particularité: celle de rassembler des paysages et des climats très divers. Depuis le pied des montagnes, nous sommes partis en vacances le premier frais matin d'automne (7°C)... pour nous retrouver quelques heures plus tard sous un chaud soleil estival, sur une plage de sable fin.

Voulant éviter la foule honnie, nous avons tenté... de retourner là où nous allons toujours, c'est à dire un des derniers endroits de nature préservée de la Côte d'Azur. Je vais dans cette région depuis que je suis tout petit, et comme il semble que ce soit une des plus belle, j'y reste fidèle.

Comme ce paysage attire beaucoup de monde, nous n'y allons plus qu'en dehors des périodes de vacances, c'est à dire en mai, juin ou septembre octobre. Je craignais portant, quelques jours après la fin août, qu'il y ait encore une foule conséquente.

Et bien non! Pratiquement plus personne. Au point que c'en était surprenant. La première journée s'est passée devant une mer d'huile... malheureusement bien refroidie par le vent du nord des jours précédents. Bien agréable cependant, une fois la première surprise passée.

La plage où nous étions devait être très remplie quelques jours auparavant, puisque elle jouxte la résidence d'été du Président de la République, qui était là. On devine comme la présence de cet auguste personnage pouvait attirer une foule de curieux.

D'ailleurs, je ne sais pas si c'est la présence de cet ancien fort, posé sur une petite ile, qui a fait que le secteur est autant protégé, mais le paysage est resté absolument intact, aussi loin que porte la vue. Ni routes, ni batiments, ni lignes éléctriques. Rien que la nature vierge, les rochers, la mer et la forêt méditerranéenne originelle. On est loin du mur continu de batiments disparates qui suivent le contour de la côte de marseille à Nice.

Par contre, ce qui est surprenant losqu'on part en vacances à contretemps... c'est une impression de "fin de quelque chose". Parce que le soir nous avons voulu nous promener dans un vieux village, connu pour être hyper-touristique. Et bien là: rien. Presque désert. Des immenses terrasses de restaurant aux trois-quarts vides, la plupart des magasins fermés, et des rues inanimées. C'était presque "trop vide". Il faut dire que nous étions lundi, jour de fermeture, et que cela accentuait certainement cette impression.

Alors nous sommes allés vers les coins à touristes. Le bord des quais. Pareil. Au milieu des rares badauds, les joueurs de pétanque (jeu de boules traditionnel) étaient ressortis après deux mois cloîtrès. La vie "normale" reprenait son cours après la cohue estivale.

Du coup, tous ces pièges à touristes, magasins de souvenirs et autres "artistes locaux" semblant avoir déjà déserté le site, tout le coté artificiel en ressortait davantage.

* * *

 

Le lendemain matin, j'ai eu envie de retourner en un lieu que je n'avais plus revu depuis que j'avais une dizaine d'années. Je craignais d'être un peu déçu, imaginant que trente ans plus tard le cadre avait du beaucoup changer et forcément perdre de son charme.

Surprise, rien ou presque n'avait changé. Seul le parking s'était largement agrandi.

Il s'agissait de la plage où nous allions lorsque j'étais enfant, et qui representait à mes yeux une sorte d'idéal.

Imaginez...

Une petite anse circulaire bordée de rochers, avec au fond une plage de sable doré très fin, couverte de grands pins tortueux. La mer? Couleur lagon. Hésitant entre émeraude et le turquoise. Les rochers, teintés d'ocre jaune s'élèvent doucement sur les cotés pour plonger sur quelques mètres aux extrêmités de l'anse.

Nous avons suivi le sentier littoral jusqu'au bout des rochers, surplombant d'une vingtaine de mètres ces fonds d'une transparence étonnante? Au loin, la forêt de pins, de chênes verts et de chênes-liège. Les cistes parfument l'air, les bruyères arborescentes, les pistachiers, frémissent au vent. Bon vent d'ailleurs, qui fait brsuquement baisser la sensation de chaleur dès qu'on est exposé a son souffle.

J'ai regrétté de ne pas avoir un appareil photo numérique. C'était un véritable paysage de carte postale. Les pins d'Alep vert tendre, torturés par les aléas climatiques et accrochés à ces rocs dorés, se détachant devant cette mer étincellante d'un bleu inimitable.

En contrebas, un ilôt rocheux marqué par la présence d'un pin solitaire. A loin, l'Ile de Porquerolles...

 

Qui a dit que la côte d'Azur n'était que du béton? Qui croit que la Méditerranée n'a plus de côte sauvage?

 

 

Pour vous donner une idée, voici quelques photos de lieux similaires, que j'ai prises il y a quelques années.

Ile de Porquerolles, à quelques kilomètres.

 

 

 

Voila, après avoir joué un moment dans les vagues que le vent faisait gonfler, après avoir passé une journée de farniente sur une plage finalement assez peu fréquentée, bien que nous soyons quand même loin d'être seuls, nous avons pris le chemin du retour. Finalement, ces vacances n'étaient pas banales...

C'était seulement hier....

Si près et déjà si loin.

 

Retour dans le froides montagnes, sous un ciel bien gris. L'automne est à nouveau si proche...

 

Demain, c'est la rentrée des classes.

 


Sans queue ni tête

 

Vendredi 7 septembre 2001

 

Voila que j'ai repris mon rythme de travail soutenu. Ça s'est fait tout seul, spontanément. Comme si l'été s'était brusquement terminé et qu'il fallait revenir aux choses "sérieuses".

Forcément, ça ne me laisse pas beaucoup de temps disponible pour écrire ici. Je viens de quitter mon ordinateur coté travail, à 23h15... pour aller sur mon ordinateur coté "relations virtuelles". En bref, je n'ai pas changé de place, seulement cliqué sur quelques icônes.

Pourtant, ce n'est pas l'envie décrire qui fait défaut, au contraire. Hier soir nous avons eu une longue discussion avec Charlotte, au sujet des relations avec notre fils aîné. Son adolescence fait que nous avons fréquemment besoin de partager nos impressions pour essayer d'agir au mieux.

Il n'est pas rare que la situation soit assez tendue, même si, heureusement, ça ne dure pas.

Je sais que je devrais consigner ici ce que j'ai découvert hier soir, pour bien me le mettre en tête, mais je n'en ai pas le courage.

C'est important, parce que ce n'est pas sans rapport avec mes déboires des semaines passées sur ce forum (que j'ai laissé tomber pour le moment). Pas sans rapport non plus avec mon père...

Le lien entre tout ça? Agressivité et caractère dominant.

Je ne supporte ni l'un, ni l'autre, et il y a quelque chose qui se bloque au plus profond de moi lorsque je me trouve confronté à leur manifestation. C'est quelque chose qui tient de l'inconscient, du viscéral. Pas tout à fait inconscient, parce qu'avec une meilleur connaissance de mes réactions, je parviens peu à peu à comprendre pourquoi une situation se bloque. Mais je ne peux le faire qu'après coup, jamais pendant, et encore moins anticiper.

Je discutais avec Charlotte de tout ça, lorsqu'elle m'a dit, parlant de notre fils «Tu sais, s'il est agressif, c'est peut être une façon de se protéger».

Sur le moment, je n'ai pas réagi. Mais j'ai senti quelques instants plus tard que ce mot de "protéger" me dérangeait. M'irritait même.

Je lui ai fait part de cette impression, ce qui m'a aidé à aller plus loin: je ne comprenais pas comment le fait de vouloir se défendre pouvait rendre agressif, alors que de ma part il n'y avait eu aucune agressivité antérieure.

Juste des remarques montrant à mon fils que son attitude de me plaisait pas beaucoup (il s'était fait remarquer en chahutant en classe dès les premières minutes de cours avec un nouveau prof, et il avait de plus oublié le seul papier à amener pour ce premier jour). N'admettant pas ces remarques, il a répondu de façon un peu stupide en disant que c'était lui qui gérait ses études, que ça ne signifiait rien pour le reste de l'année, etc...). Le tout sur un ton assez arrogant et plutôt agressif.

C'est cette agressivité qui m'a dérangé, conjuguée à ce caractère fort qui n'accepte pas les remarques "négatives", sans accepter de voir si elles sont ou non justifiées.

 

Je me suis rendu compte que Charlotte avait très souvent réagi de cette façon lorsqu'elle s'était sentie agressée dans le passé. Alors que bien souvent je la taquinais, ou lui faisais seulement part de mes impressions, elle répondait avec une grande agressivité, que je trouvais aussi soudaine que disproportionnée.

Autrefois, je ne comprenais rien de ce qui se passait à ces moment-là. Totalement désemparé par cette rupture brutale de la communication, je me sentais rejeté par cette distance qui se créait instantanément.

Alors je fuyais dans ma bulle intérieure, devanant subitement silencieux, perdu. Et "chassé" par son agressivité, il m'était impossible de revenir vers elle. Il n'y avait qu'elle pour me sortir de la situation, si elle voulait bien à nouveau de moi.

Situation souvent inextricable, parce que de son coté elle ne comprenait pas mon mutisme, croyait que je lui en voulais, que je la rejetais...

En fait, c'est simplement parce qu'elle avait appris dans son cercle familial à se défendre de cette façon: en étant agressive. Elle ne savait pas se "protéger" autrement qu'en griffant. Et effectivement, elle avait eu besoin de cette tactique parce que son entourage n'était pas tendre. En fait, toute sa famille fonctionnait de cette façon: on disait ce qu'on pensait par petites piques vachardes et l'attaqué se défendait sur le même terrain.

Et bien voila! Il m'a fallu vingt ans pour le comprendre brutalement...

Comprendre qu'il y a des personnes qui se "défendent" de ce qu'elles croient une attaque... en attaquant à leur tour.

Ça paraît peut-être évident à beaucoup de gens?

Mais pas à moi.

 

L'agressivité n'est pas mon fort. Je la fuis. Elle me rappelle trop mon père et son autorité abusive.

Agressivité et domination...

 

Et voila pourquoi depuis des années je me bats contre moi-même, contre ma révolte intérieure lorsque mon fils fait preuve d'un caractère dominant.

Sentiments ambivalents de fascination/répulsion. Tiraillements internes déchirants lorsque j'apprécie à la fois sa façon d'être... et que je la déteste d'une autre façon.

J'aime le voir autonome, réfléchi, ne pas suivre les tendances, affirmer sa personnalité... et je n'aime pas du tout le voir sûr de lui, se démarquer, s'affirmer. Sans doute parce qu'il ose faire ce que je n'osais pas.

Sans doute parce qu'il ose croire en lui (avec raison) alors que , pour je ne sais pourquoi, j'ai toujours refusé de croire en moi. Comme si ce n'était pas bien de croire en soi. Comme si c'était être prétentieux...

Vraie ou fausse modestie?

 

Les deux à la fois, probablement.

Et si la peur d'être prétentieux de venait pas justement du fait que je me sens l'être? Est-ce que je ne me punis pas de tant d'immodestie, à trop croire en moi, en étant justement rempli de doutes?

Que suis-je finalement?

Est-ce que ce n'est pas un "luxe" (épuisant) de toujours douter, parce qu'en fait on se sent suffisamment solide pour se le permettre?

N'est-ce pas une faiblesse que d'être trop sûr de soi, montrant ainsi qu'on s'accroche à ce qui semble solide, de peur de perdre pied dans l'instablité de l'incertitude?

Qui est le plus sûr de lui? celui qui doute ou celui qui ne veut pas douter?

Il y a tout à gagner en doutant, parce qu'on ne peut, en remettant en question chaque alternative, qu'aller vers plus de certitude: celle que rien n'est sûr.

Alors qu'en étant sûr de ses idées, on s'interdit peut-être d'envisager autre chose, et on s'expose à un jour s'apercevoir que les certitudes étaient fausses. N'étaient que du vent, du vide. Situation angoissante pour celui qui justement voulait éviter l'incertitude.

 

Bon, je ne sais pas si tout cela est bien clair (hé hé, incertitude, toujours). Je ne sais même pas si cela à une signification. J'ai simplement laissé mes idées dériver...

C'est sans queue ni tête...

 


Mots et langage

 

Samedi 8 septembre 2001

 

J'ai été amusé, hier soir, en allant visiter le Tabulawriter qu'il avait remarqué certains de mes tics de langage. En écrivant «je ne sais pas si je suis bien clair (on dirait l'Idéaliste)», je me suis rendu compte que je devais utiliser suffisamment cette formule pour qu'il en remarque l'occurrence...

Je me souvenais m'en être servi dans ma dernière entrée, une fois de plus. Va-t-il falloir que je surveille un peu mon langage?

A propos de langage, je me rends compte que parfois un mot me vient spontanément à l'esprit (c'était le cas d'"occurrence"), mais dont je ne suis pas certain du sens. Je prends alors le dictionnaire pour en vérifier la pertinence (et hop, un joli mot de plus...). Au passage, j'ai vu qu'occurrence prenait deux "r".

J'aime bien employer des mots précis, peu usités dans le langage oral, mais qui passent très bien à l'écrit. Peut-être que ça fait un peu pédant?

A propos des mots, j'ai bien aimé le dictionnaire des mots trouvés sur les journaux des uns et des autres par le Tabulawriter. Il y a plusieurs mois que je ne l'avais pas lu, mais le style de son journal a changé et m'a plu. Pour tout dire, j'étais un peu perdurbé* par son calendrier original.

A propos d'original (oui, je sais, ça fait le troisième "à propos"), et de mots, j'ai l'impression de ne pas me laisser assez porter par mon imagination. J'utilise des mots trop conventionnels, pas assez de fantaisie ou d'associations inattendues. Je suis souvent charmé par ces diaristes qui ont un vrai sens littéraire.

Je manque de précision.

D'ailleurs, mon entrée d'hier était tout à fait brouillonne, sans construction. Je préfererai aborder un sujet dans son intégralité du moment, et ne pas me disperser au vent de mes idées.

C'est lorsque j'écris de cette façon que je me (vous?) demande si je suis bien clair. Mais je sais qu'en même temps c'est de cette spontanéité que peuvent surgir des idées inattendues.

Peut-être que je privilégie l'inattendu des idées à celui des mots?

* * *

 

Occasionnellement, je vérifie si j'ai toujours des lecteurs. Je l'ai fait recemment, pour savoir si la nouvelle adresse du site avait bien été suivie. Apparemment oui. J'ai vérifié aussi si, avec mes absences de cet été, et une certaine impression de "creux" dans ce que j'écrivais ici, je ne perdais pas trop de lecteurs.

Ce n'est pas que cette idée m'obsède, mais je dois dire que ça compte de savoir si ce que j'écris plaît ou pas. Si j'avais vu que la courbe prenait une pente descendante, je me serais un peu inquiété.

Je sais que c'est idiot, et que je suis censé n'écrire ce journal que pour moi. Mais ce n'est pas le cas. Je sais que je suis lu par pas mal de monde (même que ça m'effraie un peu parfois...), avec une certaine fidélité. Je ne voudrais pas décevoir trop souvent ces personnes avec une impression de sortir des banalités.

Hier soir, je me suis dit que devant autant de lecteurs (oui, vous, là!), je devrais peut-être faire un peu plus d'efforts. Soigner la tournure de mes phrases, le choix de mes mots... tout en gardant cette spontanéité à laquelle je tiens. Et puis tant qu'à faire, essayer de me surpasser en prenant un regard plus élargi que celui de mon petit monde...

Oui... toujours ce désir perfectionniste.

C'est pas nouveau tout ça. Régulièrement je dis que j'aimerais écrire avec plus de style.

Mais bon, il faut croire que le style qui me convient pour le moment est celui que j'emploie.

 

* * *

 

Je pense à ces diaristes qui sont tentés par l'Ecriture, la "vraie", celle des livres. Ce n'est pas la première fois que je constate que c'est une sorte de nécessité pour plusieurs, et une idée qui flotte pour d'avantage encore.

Honnêtement, si à une époque cette folle idée m'a accompagné, elle est assurément partie bien loin maintenant.

Sans doute parce que ce journal lu me permet d'épancher ce que je ne savais comment contenir. Il semble que ça me suffise pour le moment.

Pourquoi peut-on avoir envie/besoin d'écrire un "vrai" livre? Avec les possibilités d'internet de diffuser largement ses écrits, pourquoi attendre d'une version papier quelque chose de supplémentaire? Serait-ce parce que ce que l'on a à dire mérite une large diffusion? Que ce soit une expérience particulière ou un récit fictif, il se peut effectivement qu'un texte mérite d'être essayé "en grand". Mais combien de textes de qualité n'ont jamais trouvé leur public? Et quelle déception pour un auteur de voir que son oeuvre ne se vend pas?

Ne serait-ce pas une tentation d'acquérir une petite notoriété qui pousse à se lancer dans l'aventure?

La même chose que dans un journal ou un texte virtuel en quelque sorte. Mais un peu plus fort.

 

Finalement, nous autres diaristes virtuels, n'est-ce pas un petit bout de notoriété que nous recherchons?

 

 

* Perdurbé: Se dit lorsque le fait d'être perdu devient perturbant


 

Motoriété: Notoriété acquise par les mots.

Diarrhéiste: Diariste enclin à l'émission de textes sans consistance et ininterrompus.

Profontanéité: Expression spontanée de ce qu'il y a de plus profond

Contanéité: Expression spontanée des idées d'un con.

Journaléatoire: Forme d'écriture similaire au journal, mais sans fréquence précise.

Obsidée: Idée obsédante

Sujégralité: Intégralité d'un sujet

Intégralidée: Intégralité d'une idée

Fidélidée: Rester fidèle à une idée

Banalidée: Idée banale

Spontanéidée: Idée spontanée

Intimidée: 1- femme timide. 2- idée intime

Timididée: Crainte d'exprimer ses idées

Dépenser: Cesser de penser

 

 Voila, c'était juste pour m'amuser avec les mots, à la façon du "Petit fictionnaire illustré", cité par Eva il y a quelques temps...

 

L'intimidité

 

Lundi 10 septembre 2001

 

Je viens de lire l'entrée du jour d'Eva . J'aime bien Eva. Son style à la fois sérieux, approfondi, et cette pincée d'humour qui transparaît toujours.

Comme elle mettait des liens vers des pages écrites dans le passé, je les ai suivis. Puis je suis allé un peu plus loin, dans les archives du journal "Les yeux dans les yeux", qui était une expérience intéressante de co-écriture. Je suis tombé sur cette page, dans laquelle elle évoquait sa première expérience d'examinatrice du baccalauréat.

Je ne m'étais jamais vraiment rendu compte de ce que pouvait vivre un prof à ces moments là. C'est vrai, on pense toujours au stress de l'élève, mais, à moins d'être prof, on oublie souvent ce qu'il peut ressentir.

Et je me disais que si j'avais su ça... j'aurais été moins intimidé. Ben oui, si au lieu de jouer la personne sûre d'elle-même on laissait plus paraître nos émotions, je crois qu'il y aurait beaucoup moins de timides.

Non, c'est peut-être idiot ce que je dis-là...

Ce que je sais, c'est que lorsque je me rends compte que j'intimide, ma propre timidité s'amoindrit d'autant. Comme si on se jaugeait tout le temps avec un rapport du type "domination". Le plus "fort" sera celui qui sera le moins impressionné.

Pas difficile d'en déduire que dans le cas du rapport prof/élève, c'est le plus souvent l'élève qui est en position de faiblesse. Combien d'examens ratés à cause de la perte des moyens due au stress et à la timidité?

 

Et pourquoi, puisque nous sommes ici dans un espace virtuel, la timidité n'existe-t-elle pas? Je crois que c'est parce que justement rien ne permet de la déceler. Le téléphone, bien qu'il "protège" de la vision, laisse la voix trahir la nervosité. Dans le cas de l'écrit, c'est l'assurance de ne pas être démasqué qui nous autorise à être davantage nous-mêmes que dans la vie réelle.

J'ai souvent été surpris de l'aisance que je pouvais avoir en m'adressant par écrit à des personnes inconnues. Et bien souvent le contact a été bien perçu, et s'est même prolongé dans le temps. L'écrit de ce journal, celui des messages, est une des seules façons qui me permet d'approcher celui que je me sens être. Dans ma vie réelle, je n'ai pas du tout cette insouciance, cette liberté, cette sincérité. Seule Charlotte me connait sous cet aspect.

Je m'imagine parfois ce que pourrait être ma vie si je me sentais aussi détendu, aussi libre, aussi serein que je peux l'être avec "vous" et mes connaissances virtuelles.

Hum... je me rends compte qu'en fait le "vous" s'adresse à ces connaissances. Je sais que j'écris pour ces quelques personnes avec qui j'ai des contacts plus ou moins réguliers et approfondis. Ce qui disent me lire. Au maximum une dizaine...

Les autres, vous les inconnus de passage ou fidèles, je ne sais rien de vous. Ai-je envie de le savoir d'ailleurs? Peut-être que ça me convient bien de ne pas trop prendre conscience de ces yeux qui me lisent...

J'ai beau savoir le nombre de personnes qui me lisent, je ne me suis jamais amusé à essayer de visualiser ce que ça représente en nombre, en personnalités diverses. Vous êtes un ensemble qui se matérialise par une colonne plus ou moins haute sur les statistiques, mais rien de concret.

Et pourtant... je sais que vous êtes là...

Ce nombre est de nature à m'impressionner, c'est pour ça que préfère ne pas en saisir toute la mesure. Mais c'est aussi de nature à me stimuler, en me montrant que je suis capable de m'exprimer "face" à un nombre conséquent de personnes.

Oui, je sais, c'est un leurre et la réalité est bien différente... Pas si sûr. D'abord parce que c'est quand même la réalité, même si elle est sans matérialisation physique. Et ensuite parce que je suis persuadé que des avancées se produiront grâce à la façon que j'ai de me percevoir désormais. C'est dans la tête que ça change, et les acquis ne disparaîtront pas.

 

Euh... du moins je l'espère!

 


Bizarre... La rentrée serait-elle propice aux changements? Deux journaux disparaissent, pour réapparaitre ultérieurement sous une autre forme, et une autre identité.

Dans les deux cas, les personnes agissent par crainte d'être lues par des connaissances. Je dois dire que cette éventualité ne me traverse plus l'esprit (mais je crois n'avoir jamais donné de renseignements qui me rendraient trop identifiable).

Anorielle a fermé son journal à la fin du mois d'août, et maintenant c'est au tour de Liloo de disparaitre brutalement. Tellement brutalement qu'elle semblait ne pas même le savoir en commençant son entrée du jour! Voilà une décision qui a le mérite de la rapidité.

 

 

L'Horreur!!!

 

Mardi 11 septembre 2001

 

Je suis atterré, effondré, sans mots...

Il est 17h15, et depuis une demi-heure j'ai entendu ce qui se passait aux USA. J'ai allumé la télé immédiatement et vu l'horreur, l'inimaginable, le cauchemar.

Ça n'est pas un film et c'est... monstrueux.

 

Je ne peux rien faire d'autre que d'écouter, sidéré. Impossible de travailler.

J'avais juste envie de partager ce moment exceptionnel, effarayant, bouleversant.

Je suis bouleversé.

 

Voir les images de ce ci célèbre World Trade Center en train de brûler, voir un avion s'écraser dessus comme le pire scénario catastrophe, puis ces tours s'effondrer...

Symboliquement c'est un évènement considérable. Ce jour marque un changement de l'état du monde, très certainement.

 


18h50

 

J'ai vu et revu les images qui passent en boucle. Les média savent finalement assez peu de chose tant le pays est désorganisé.

à 16h45, lorsque j'ai entendu que la radio en bruit de fond n'avait pas le programme habituel, je me suis demandé ce qui avait pu se passer pour que le directeur de l'information en personne, ainsi que les journalistes spécialistes des sujets importants soient à l'antenne. Lorsque je les ai entendus parler d'attentat sans précédent, j'ai compris que quelque chose de grave s'était produit.

Je suis immédiatement allé voir si la télé en faisait état. Lorsque j'ai vu que c'était le cas, je ne savais pas encore bien de quoi il s'agissait.

J'ai alors vu un immeuble en flammes, image déjà sidérante. Puis au fil des secondes j'ai vu avec stupéfaction des images de plus en plus incroyables. D'abord qu'il s'agissait du scénario catastrophe le pire qu'on puisse imaginer: le choc d'un avion de ligne sur un immeuble de grande hauteur.

Encore éberlué et sous le choc, j'ai assisté stupéfait à cette image qui deviendra célèbrissime: le choc en direct du deuxième avion et l'explosion qui suit. Sur le moment, j'ai cru que je voyais des images vraiment en direct. Je suis littéralement "tombé sur le cul"! Hagard, affalé par terre, j'ai vu l'horreur se poursuivre dans un crescendo inimaginable: effondrement d'un immeuble, puis du second.

Je ne trouve même pas de mots pour traduire ce qui s'est passé dans ma tête à ce moment là. Un mélange de totale incrédulité, tout en sachant que c'était absolument vrai. Je me sentais tremblant, anéanti.

Depuis, je n'ai fait que voir et revoir ces images incroyables.

Lorsque mes enfants sont rentrés de l'école, ils n'étaient évidemment pas au courant, comme beaucoup de gens qui n'écoutent pas la radio dans la journée. Je les ai immédiatement prévenus que quelque chose de terrible pour le monde s'értait produit ce jour.

Je ne sais pas ce que cet évènement changera, mais il est plus que probable que la face du monde en sera changée.

Symboliquement, c'est une fragilisation extrême des pays les plus développés. Une crainte qui deviendra bien plus forte vis à vis de notre sensibilité aux actes terroristes. Un encouragement aussi pour les terroristes, justement.

Probablement un des évènements majeurs depuis la deuxième guerre mondiale.

 

A l'heure qu'il est, on n'a aucune idée du nombre de victimes, mais on parle de milliers de personnes...

 


L'horreur (suite)

 

23h30

Je suis resté scotché devant mon écran télé une bonne partie de la soirée. J'ai revu un nombre incalculable de fois les mêmes images. J'avais comme un besoin de... "apprivoiser" ces images hallucinantes. J'avais été trop choqué pour rester tranquillement à la maison à faire autre chose. J'avais besoin de suivre ça au plus près. J'avais besoin de m'imprégner de cette horreur, de tenter de "partager", même d'infiniment loin, même sans aucune utilité, un tout petit peu de ce que ces gens avaient pu vivre.

Cet après-midi j'étais seul pendant des heures lorsque j'ai découvert tout ça. Pas moyen de partager avec quiconque. Je crois que c'est pour cette raison que je me suis tourné vers ce journal. Il fallait que quelque chose sorte de ce moment d'hébérude.

J'ai d'ailleurs vu que quelques diaristes avaient déjà fait de même.

Et ce soir j'ai lu tous ceux qui avaient ressenti le besoin d'en parler. Pratiquement toutes les mises à jour sont consacrées à cet évenement. Parfois en développant, parfois pour écrire qu'il était impossible d'en dire un mot. Partout où des gens communiquent il est question de cet évenement sans précédent.

Le monde est en état de choc (le monde occidental médiatisé surtout...), et nous ne pouvons même pas imaginer ce qu'il en est des gens qui ont assisté réellement à l'évenement. Encore moins pour ceux qui ont été impliqués et qui on pu y échapper.

Sans même parler des proches des victimes.

 

Quand je vois que des gens osent dire "même si c'est des Américains...", je suis horrifié par de tels propos. Dans de telles circonstances, ce sont des humains, de la souffrance et des vies perdues, et c'est tout.

 


 

 12 septembre

 

9h15

J'ai très bien dormi, sans cauchemar. Le cauchemar était au réveil, lorsque je me suis dit que je n'avais pas rêvé ce qui s'est passé hier...

Non, c'était hélas vrai.

Je suis toujours sous le choc. La radio a coté de moi, j'écoute en continu. J'ai beaucoup de mal à me concentrer sur mon travail.

Ce matin j'ai vu les images terribles des vidéastes amateurs, dignes des meilleurs trucages de cinéma.

Ce qui est terrible, c'est que nous ne voyons aucune victime, bien que nous sachions qu'elles sont extrêmement nombreuses. En ce moment, à la radio, une analyse est faite de ces images (les larmes me viennent...) ces images où l'on voit des gens se jeter dans le vide en assistant à leurs derniers instants. Ces images où l'on voit des gens agiter un mouchoir blanc... avant de voir le batiment s'effondrer.

Les gens qui se sont jetés dans le vide se sont suicidés pour échapper à la la mort brûlés vifs. On les a vus en direct, il n'était même pas question de montrer ou non ces images puisqu'elles avaient lieu, là.

 

* * *

 

 Ce matin, j'évoquais un peu ce que je ressentais, avec Charlotte qui "absorbe" beaucoup plus que moi, qui ait besoin de "ressortir" ce que je ressens.

Je me sens, sans pouvoir expliquer pourquoi, extrêmement concerné par ce qui s'est passé. Je pense évidemment surtout au coté humain du drame, avant les conséquences sur le nouvel équilibre mondial.

Si j'ai relativement bien supporté le choc hier, plus attéré qu'ému, je sens que j'encaisse durement ce matin. Je sens des flots d'émotion me submerger régulièrement, que je domine tant bien que mal.

 

Au delà de l'évènement spectaculaire, c'est maintenant les témoignages les plus dramatiques qui arrivent. Ces derniers instants au téléphone des victimes.

On imagine aussi le nombre de personnes qui sont sans nouvelles de leurs proches.

Je sais que c'est parfaitement inutile, mais j'ai besoin de ressentir cette compassion pour eux. Il n'est même pas question de "besoin": je ressens cette compassion.

La radio parle de la bourse, des mesures anti-attentat, des auteurs supposés... je m'en fous. L'heure, pour moi, n'est pas là.

Je suis là bas, je suis à New-York, dans les décombres.

Même sans images, mon cerveau abreuvé d'images de catastrophes depuis des décennies sait très bien ce qu'il peut en être...

 


14h40

Je vis toujours au rythme des évènement... tout en retrouvant peu à peu la vie normale.

Pas grand chose à en dire.

Sauf que déjà les réactions idiotes des anti-américains, ou je ne sais anti ou pro quoi me font sursauter. Comme si "les américains" représentaient une entité qu'il serait "normal" de "punir" de leur hégémonie, de leur arrogance, de leur toute puissance... Du genre "ils l'avaient bien cherché". Et d'opposer les morts de la guerre d'Irak, et tous les morts que "les américains" ont pu faire partout, directement ou indirectement dans le monde. Un million de morts en Irak suite à l'embargo.

Je suis choqué que de telles pensées puissent s'exprimer si tôt alors que tant de gens souffrent. Un minimum de pudeur commanderait le silence.

Même si, effectivement, cet attentat nous fait toucher du doigt, sentir dans notre chair la souffrance qui accompagne les actes violents.

je pense aux quelques secondes d'images qui présentaient les bombardements américains en Irak, opposés au déferlement d'images des évènements d'hier.

Mais justement, de voir plus précisément ce qui peut se passer, ce qu'on peut ressentir, parce que nous nous sentons davantage concernés par un cadre de vie qui ressemble au notre, ne peut que nous faire prendre plus conscience de ce qu'est l'horreur.

 


15h00

24 heures après...

Ici, il fait toujours aussi beau, c'est toujours aussi calme. Contraste.

 


16h00

Qu'est-ce qui peut se passer dans la tête d'un gars qui prend l'avion parmi des passagers en sachant qu'il va tous les tuer? Comment peut-il rester détendu (au moins en apparence) en sachant que quelques minutes plus tard il sacrifiera sa vie pour tuer des centaines d'innocents?

Mépriser ainsi la vie, rester insensible aux regards qu'il aura croisés, aux sourires qu'il aura pu voir, à toutes ces pensées qu'il va interrompre après une effroyable angoisse?

Comment peut-on être fanatisé à ce point?

Comment peut-on avoir des valeurs aussi différentes? Comment peut-on trouver "juste" une cause? Peut-on faire un parallèle avec les pilotes qui larguent des bombes en justifiant l'acte qui leur est ordonné par la "cause juste"?

 


22h30

 

En fin d'après-midi, je suis parvenu à me déconnecter de l'évènement, en allant dans à l'extérieur. Je me suis détaché en n'écoutant plus la radio.

En rentrant, je suis allé voir à nouveau les informations télé. Toujours les mêmes images. Je les connais par coeur, mais c'est à chaque fois l'occasion de ressentir de plus près l'évènement. Comme si j'avais besoin, par cette suite de micro-chocs, d'approcher de façon infime ceux qui avaient vécu ce traumatisme à vie. Je m'identifies plus au témoins du drame qu'aux victimes.

Les hurlements d'effroi qu'on a pu entendre sur les bandes vidéo-amateur me font encore froid dans le dos.

 

Pourquoi ce besoin morbide de m'imprégner, de "vivre" ces moments surréalistes? Je l'ignore. Je suis comme fasciné par ce qui s'est passé. Tétanisé, abasourdi par les images d'un cauchemar qui empirait et semblait ne plus finir, je suis toujours en état de choc après la surprise incroyable d'hier, lorsque je découvrais les images sans savoir de quoi il s'agissait.

 

Je n'ai jamais passé autant de temps à suivre l'actualité en continu. Jamais autant senti la pregnance d'un évènement historique.

Pourtant, habituellement je fuis la télé et ses images que je trouve inutiles ou morbides. Je ne regarde que très rarement les informations télévisées. Mais pour ce genre d'évènements, j'ai besoin de VOIR.

Par bribes, il est diffusé des extraits de témoignages de survivants, ou les derniers instants des passagers des avions. C'est pathétique, émouvant, bouleversant.

Voyeurisme de ma part? Je me suis posé la question. Non, je ne crois pas. C'est vraiment le besoin de "toucher" l'évènement, le ressentir au plus profond de moi, m'en imprégner.

Sentir la valeur de la vie.

 

* * *

 

Comme des millions de gens, je suis allé un jour au pied des deux tours qui n'existent plus. Je les ai vu de près, inimaginables géantes. Je suis resté un moment sur cette place qui était au pied de l'une d'elle. Les souvenirs, pourtant vieux de vingt ans, sont revenus en masse. Je ressens l'ambiance qu'il y avait ce jour là, je revois ces silhouettes des passants et touristes. Et si je suis rentré dans ce hall, c'est davantage l'extérieur qui m'a marqué. Puissance de technologie, symbole magnifique, ces deux tours étaient alors les plus hauts batiments du monde.

C'est peut-être parce qu'un jour j'ai touché ce lieu que je ressens encore plus fort l'évènement.

Ce lieu qui n'existe plus.

 

* * *

 

Je ne parviens toujours pas à intégrer ce qui s'est passé. Quelque chose à l'intérieur de mon cerveau résiste devant la réalité des faits.

 

 

Je pense à tous ceux qui ont eu le temps de voir leur mort venir...

 

Je n'ose même pas penser à ceux qui sont sans nouvelles de leurs proches. Non, ça c'est trop insupportable...

 


 

Après l'horreur...

 

 

Jeudi 13 septembre 2001

 

01h25

 

Pour la seconde fois, comme hier soir, j'ai lu tous les diaristes qui avaient fait une mise à jour. Il y a les silencieux, les bouleversés, les alarmistes et... les vengeurs.

Je dois dire que je suis assez choqué par certaines phrases que j'ai lues qui parlent de torture, d'éventration ou autres supplices qu'il faudrait infliger aux fanatiques. Non seulement c'est inutile et sans aucun effet envisageable, mais en plus c'est se conduire avec la même barbarie que celle que nous déplorons.

On ne résoudra rien en répondant par la haine à la haine.

Oui, il faudra probablement se livrer a des actes violents pour tenter de supprimer les organisateurs au plus haut niveau de ces montruosités. Mais devenir barbares par vengeance, ça non.

Comment se dire horrifié par les scènes de liesse de populations qui ont une perception de notre monde totalement différente de la notre, et envisager en même temps des actes de torture sadique? Punir est une chose, mais prendre du plaisir à imaginer la souffrance ne me semble pas être fondamentalement différent du plaisir ressenti par ces palestiniens fanatisés.

Je comprends que l'émotion pousse à un excès que j'espère temporaire, mais quand même!

 

Quand à cette crainte de la "3eme guerre mondiale", elle me rappelle ce qu'on entendait au début de la guerre du Golfe, ou même en ex-Yougoslavie...

Que ce soit une nouvelle forme de guerre, très certainement, mais d'ici à imaginer un conflit mondial... il y a un grand pas.

 

Allez, au dodo.

 

 

Tant d'images dans ma tête...

 


 

08h37

 

Désolé, j'y suis encore...

Réveil difficile ce matin. Toujours cette impression du cauchemar qui n'en est pas un.

Et puis le début de l'acceptation, du deuil...

Encore couché, en écoutant les infos sur le radio-réveil je me suis laissé submerger par l'émotion. Une fois de plus j'ai senti les larmes m'envahir... puis j'ai complètement craqué.

Il était question des réactions psychologiques des enfants, qui ont vu ces images en même temps que nous. Qui ont suivi avec leurs parents ces scènes surréalistes qui ressemblent tant à ce qu'on a pu voir au cinéma. Les spécialistes sont clairs là-dessus: les enfants ont très clairement fait la différence entre la réalité de ces images et celles de la fiction. Leurs questions en témoignent.

Mes enfants se posent beaucoup de questions à ce sujet. Ils ne comprennent pas, bien évidemment, comment des hommes ont pu en arriver à cette abomination. Alors il faut tenter d'expliquer l'inexplicable. Le fanatisme, les différences de perception entre un Islam extrêmisme et nos sociétés occidentales, l'opposition des notions de "bien" et de "mal" selon le coté où on se trouve...

Les professeurs ouvrent la possibilité de parole aux enfants en tachant de répondre à leurs interrogations.

 

Ce matin, au réveil, j'ai pris conscience, quelques instants, du nouvel état du monde. Tout le mal qui est au fond de l'humain m'a surgi à la figure. Cet attentat à brisé quelque chose dans nos consciences, une certaine insouciance peut-être.

Et puis j'ai encore entendu des témoignages de personnes qui sont sorties de cet enfer. Le calme de ce français qui raconte en détail ce qu'il a vécu, les cinquantes minutes nécessaires pour descendre 47 étages, au milieu de l'eau qui ruisselait de partout, sa sortie du batiment trentes secondes avant l'effondrement... et puis sa voix qui se tait, s'étrangle, lorsqu'il pense à tous ces secouristes qui montaient et qu'il a croisés.

Ce genre de témoignages me brise, mais encore une fois, j'ai besoin de les entendre, par solidarité. Ce que ces gens ont vécu, on ne peut le partager qu'en en ayant connaissance, en les écoutant.

Je sais bien que beaucoup de gens ne réagissent pas comme moi et préfèrent ne pas penser à tout ça. Je respecte leur façon de se protéger. C'est vrai que c'est une souffrance qui ne soulagera rien pour les victimes. C'est peut-être une souffrance égoïste.

Quoi qu'il en soit, je réagis de cette façon et ne me vois pas faire autrement. Il s'est passé quelque chose et je vis avec depuis presque 48 heures.

Comme je l'entends dire souvent en ce moment: nous sommes tous des américains, nous sommes tous des new-yorkais. En tous cas, c'est ma façon de percevoir les choses.

 

J'ai eu du mal a avaler mon petit déjeuner ce matin, salant de mes larmes mon bol de céréales. L'écoute des nouvelles me bouleversait. J'aurais tant souhaité que ce jour n'existe jamais.

Je fais le deuil de cet état antérieur du monde.

 

Mais en entendant la solidarité des gens, dans le monde entier, en ressentant tous si fortement la chose, il y a un espoir, une force incroyable qui subsiste.

Même si nous avons été atteints, si nous sommes encore sonnés, on sent bien que cet évènement révèle aussi ce qu'il y a de meilleur en l'humain: la compassion, le dévouement, la solidarité.

Et puis la volonté, l'énergie, afin de surpasser cette horreur.

J'ai entendu dire que même le coté matérialiste de la finance, que l'on prévoyait chuter immédiatement, semble déjà stopper sa chute, et pourrait rebondir dans un formidable sursaut.

 

Ce matin, après les dernières 24 heures d'effarement, on sent déjà frémir une envie d'aller en avant, de réagir, dans le meilleur sens de l'humain.

Une prise en compte du monde, des déséquilibres, est très vite venue dans les esprits. Comme une explication au geste insensé de ces fanatiques. On ne peut pas ne pas penser à tous les actes violents effectués par les USA...

Cet évènement fait clairement mesurer la souffrance, trop souvent occultée, des victimes civiles.

 

* * *

 

J'écoute en même temps que j'écris, la radio. Ce qui fait que mes propos sont sans doute assez décousus.

 

Je pense tout à coup à tous ces films où l'on voit New-York et ces "twins towers". Comment pourra-t-on les regarder désormais? Chacun sera assailli par les images gravées définitivement dans nos mémoires.

Je crois que c'est de loin ces images qui seront de loin les plus symboliques de l'avant et de l'après. Je suis à chaque fois stupéfait quand je revois les images de l'avant, qui semblent encore si près, si... rassurantes.

C'est comme si le cerveau faisait barrage entre ce que les yeux voient et ce que la raison ne peut pas accepter.

 

* * *

Plus grave: l'envie de vengeance qui semble sourdre de partout. Il ne faudrait pas que ce plus mauvais coté de l'humain, celui qui justement à motivé les terroristes, soit la réponse, perpétuant ce qu'on souhaite condamner.

Et de ça, je crois que nous avons tous peur...

 

* * *

Ce matin j'ai compris cette image horrible, indistincte, d'un homme qui tombe et semble flotter au vent... on dirait des vétements qui tombent. J'ai su que c'était en fait des gens qui se sont jetés dans le vide en se tenant la main...

Qu'elle est longue cette chute de 400 mètres.

Horrible.

 

* * *

Courage, apparemment, de ces passagers qui se sont opposés aux terroristes du 4eme avion lorsqu'ils ont compris que tout était perdu. Sachant par téléphone ce qui s'était passé, ils ont choisi de saborder l'opération en sachant qu'ils allaient mourir, mais sauveraient des vies. Et sauveraient aussi, sans doute, le symbole de la Maison Blanche.

 


 

11h00

 

La radio parle d'habitants d'Afghanistan qui se mettraient à creuser des tranchées pour se protéger des représailles éventuelles. Eux ont de vraies raisons d'avoir peur...

Il est de plus en plus question de "guerre", et si des gens doivent avoir peur, ce n'est certainement pas nous, occidentaux bien protégés...

Pourvu qu'aucune décision démesurée ou aveugle ne soit prise par esprit de vengeance.

 

 


 

11h40

Images

 

Des réflexions apparaissent sur les effets pervers possibles du passage en boucle des mêmes images. Effectivement, comment savoir comment s'impriment des images dans nos têtes? Toujours les mêmes quelques secondes allongées démesurément par la répétion. Une demi douzaine de scènes filmées sous divers angles.

Images spectaculaires dont on comprend bien toute la portée symbolique, voulue par les auteurs de l'attentat. Qu'est-ce qui aurait pu marquer davantage les consciences que ces batiments célèbres, au coeur d'une ville célèbre, dans le pays le plus puissant de la planète?

Images... belles! Comment ne pas avoir été marqué par ces deux tours se détachant sur un ciel bleu superbe, tachées par un incendie inimaginable? C'est absolument photogénique.

On peut imaginer d'ailleurs que c'est cette image qui était désirée par les terroristes. A moins qu'ils aient effectivement calculé que la masse de kérosène enflammé fragiliserait la structure créant l'effondrement du mille-feuilles.

Crescendo théatral de la dramatisation avec la surenchère d'évenements de plus en plus dramatiques. Images extraordinaires de cet avion qui se crashe en direct devant des millions d'yeux. Des flammes, une explosion cinématographique...

Images apocalyptiques, sidérantes de l'effondrement dans un nuage impressionnant qui rappelle celui des souffles volcaniques. Trop parfaites ces images, trop lisibles, trop belles, pour ne pas nous marquer au plus profond.

Ces tours qui s'écroulaient, c'est un monde ancien qui disparaissait.

Bien plus que celles du Pentagone ou de ce pauvre avion de Pennsylvanie qui n'est qu'a peine évoqué, les images des tours figurent déjà dans les quelques "images du siècle" que l'on reverra longtemps.

Et cette vue si célèbre de Manhattan, vu de l'autre coté de la baie, sous un nuage de fumée démesuré... comparée à la vue qui existait la veille a quelque chose de... morbide.

 


16h15

Voila, ça passe...

J'ai coupé la radio vers 13h30, juste après avoir vu les dernières infos à la télé. Je pouvais enfin me sortir de tout ça. Mon temps de deuil est passé.

Pendant le repas qui a suivi, avec Charlotte, elle m'a parlé de tout autre chose, ce qui me convenait très bien. Je sentais encore mes émotions à fleur de peau et plusieurs fois j'ai craint de me laisser brutalement submerger et éclater en sanglots. Mais je sentais que c'était la fin.

Pourtant, à chaque instant j'avais des images dans la tête: en voyant les traînées d'avions dans le ciel, en voyant passer un hélicoptère, ou même, le simple mouvement d'un oiseau dans le ciel... Même rappel lorsque j'ai versé un liquide coloré dans de l'eau, produisant un panache miniature trop semblable a celui de la poussière de l'efondrement.

Je suis allé dormir un peu, mais en fermant les yeux je ne voyais que des images imaginaires; celle qu'avaient du avoir les gens des tours dans les étages qui dominaient le crash, puis de ceux qui étaient en dessous, puis de ceux qui l'ont vu arriver sur eux...

Je me suis finalement endormi..

Le passage d'un avion de chasse à très basse altitude (assez fréquent là où je vis), m'a sorti en sursaut d'un mélange de réalité et de cauchemar, mon cerveau étant en train d'intégrer le bruit en quelques dixièmes de secondes. Assez effrayant comme réveil, quoique la surprise fût très courte.

Depuis... et bien je crois que j'ai passé le stade de l'intègration de l'évènement. Il rentre peu à peu dans l'histoire personnelle de mon vécu. Il devient réalité.

 

* * *

 

Il est rare que je réagisse aussi fortement à l'actualité, ou même à tout évènement. Je ne me souviens que du décès accidentel d'un proche, ou de celui de ma grand-mère, pour avoir un retentissemlent aussi durable. C'est pour ça que je fais référence au deuil.

Dans l'actualité, je me souviens de réactions approchantes lors des évènements de Roumanie, dont on sût plus tard qu'ils étaient faux. De ce qui s'est passé au Rwanda, en Bosnie, ou lors d'attentats sanglants ou de catastrophes naturelles. Mais je crois que jamais je n'ai été aussi durablement et fortement impressionné.

Lorsque je me sens ébranlé au point de fondre en larmes à chaque instant, c'est que le traumatisme est vraiment marquant.

 

* * *

 

La radio a repris son programme normal, c'est significatif...

La vie suit son cours. 


17h33

J'écoute à nouveau la radio, qui analyse avec les auditeurs le traitement de l'information ces derniers jours. Un mot revient souvent de la part des auditeurs qui téléphonent: thérapie.

Thérapie de groupe, en écoutant tous, en interagissant avec la radio. Thérapie personnelle en écoutant encore et encore l'information.

C'est aussi ce que je fais en étant en permanence à l'écoute des évènements, en écrivant dans ce journal au cours de la journée. Cette entrée en continu est évidemment la plus longue que je n'ai jamais faite...

 


23h50

 

Fin d'une journée de connaissance et de réfléxion. Les analyses sont de plus en plus approfondies et je découvre des pans entiers d'un monde que je ne connaissais pas. Les enquètes sur le fondamentalisme musulman, sa détermination, et ses valeurs si différentes des nôtres est assez inquiétant. Bien au delà des pays connus pour ce fondamentalisme, se dessine un mouvement infiniment plus important que ce que j'en savais.

Je ne peux que me poser beaucoup de questions sur ces notions de "bien" et de "mal". Je ne peux que réfléchir sur notre comportement de pays riches qui se désintéressent d'une si grande part de l'humanité. Je ne peux m'empêcher de faire des parallèles avec notre histoire lointaine de chrétiens dominant et asservissant une part du monde...

Rien que j'ignorais vraiment, mais trop de choses sur lesquelles je considérais que cela était lointain, soit dans le temps, soit géographiquement.

Notre vulnérabilité est grande. Notre liberté précieuse mais fragile.

 

Qu'est-ce que je suis pessimiste ce soir...

Ou un peu plus lucide?

 

 


Je n'en parle plus!

 

 

Vendredi 14 septembre 2001

 

C'est bon, j'ai fini de parler de l'évènement à chaud...

L'acceptation fait son oeuvre. Je n'ai eu que quelques moments d'émotion lorsqu'il était question des répercussions sur la psychologie des enfants qui ont vu ces images. Répercussions aussi sur le monde futur qui sera le leur...

J'ai beaucoup et longtemps commenté mes impressions pendant ces trois jours, alors que j'ai constaté que beaucoup de diaristes reprenaient assez vite leurs préoccupations quotidiennes. Preuve, s'il en était besoin, que chacun ne réagit pas du tout de la même façon au même évènement.

Peut-être une question d'âge, aussi?

 

La façon dont l'évènement a été commenté de partout (notamment sur internet) montre aussi comme la perception peut être différente, et combien vite des points de vue s'opposent. Entre les anti-américanistes, les anti-islam, la trève aura été de courte durée.

Ces simplifications sont désarmantes... et désespérantes.

Oh, et puis je n'ai pas envie de parler de tout ça!

 

Et puis je trouve que mes pages précédentes ont quelque chose d'indécent. J'aurais peut-être du garder ça pour moi...

 

 

Bon, j'avais commencé en disant que je n'en parlerai plus, et je ne fais que ça. Je n'ai sans doute rien d'autre à dire.

  


Posément

  

Lundi 17 septembre 2001

 

16h08

Qu'il est parfois difficile de résister à la tentation...

Je suis en train de travailler sur mon ordinateur. Travail long, monotone et répétitif. Et je sais que juste derrière, d'un clic, je peux accéder à ce journal pour me délivrer de mes pensées.

Mais je ne dois pas. Je n'ai pas le temps. Trop de temps passé déjà, la semaine dernière à me soulager de ce qui mobilisait tant mon esprit.

Ce soir... attendre ce soir...

 

23h45

La vie reprend son cours normal. Travail, famille, loisirs... (pas forcément dans cer ordre!).

J'écoute pas mal la radio, mais par moments. C'e sont les analyses qui m'intéresse, pas le compte rendu de ce qui se passe actuellement sous un tas de gravats funéraire ou autour de lui.

C'est la vision réfléchie, autant que faire se peut, avec du recul, qui succède aux idées distendues par quelque chose de trop gros à accepter.

J'ai pas mal réfléchi à mon entrée "en continu" durant trois jours. Pourquoi ai-je eu besoin de m'exprimer autant sur ce sujet? L'aurais-je fait si je n'avais pas eu ce journal public? N'est-ce pas en quelque sorte "obscène" de laisser mes impressions sur cet évènement tragique?

J'ai pensé supprimer ces pages, les mettre en berne.

J'ai été... presque gêné de constater que ce 11 septembre j'avais eu deux fois plus de lecteurs qu'à l'accoutumée. Un besoin collectif de partager des émotions, je suppose. Mais ça m'a fait penser à ces journaux qui augmentent leur tirage lors des évènements graves...

J'ai lu des diaristes pleins de retenue, qui abordent le sujet avec une distance juste, qui ont des mots à la fois précis, forts, et apaisés.

 

Eva parle des images, qu'elle a décidé de ne plus regarder au bout d'un moment. De mon coté, je les ai beaucoup vues et revues, tout en sachant que ce besoin (?) d'intégrer l l'évènement le "banalisait" en quelque sorte. De la stupeur la première fois, je suis passé à une presque habitude. Et pourtant, à chaque fois, sachant ce que j'allais voir, je ressentais un étonnement. Un peu comme si j'imaginais que l'image pouvait brusquement redevenir "normale", et que l'inimaginable n'allais PAS se produire. Et inexorablement, forcément, il se passait ce que je savais...

Ce soir, j'ai regardé quand même un peu les infos. Mais lorsque j'ai revu ces images d'avions s'encastrant dans les immenses colonnes, j'ai eu un sentiment de nausée: "Ah non, pas encore ces images!".

Je les trouve maintenant indécentes, vulgaires dans leur voyeurisme spectaculaire. On sait. Inutile d'insister.

Si j'ai pu les observer auparavant, c'est aussi parce qu'elles étaient "propres". Pas de morts visibles, pas de sang. Juste une part de la raison qui disait "il y a des gens la dedans", et l'autre qui n'y croyait pas et qui avait besoin d'en être convaincue par cette répétition d'images. Encore, encore, encore...

Et c'est ça qui me gène: avoir montré que j'ai vu et revu ces images, comme si je me complaisais dans ce spectacle. Et ne m'y complaisais-je pas, pour une part???

Eva écrit: « J'ai vu mes yeux englués dans l'écran, j'ai perçu une complaisance malsaine qui m'a fait horriblement peur. Le désir de voir n'est pas un désir de savoir. Il n'est pas commandé seulement par une volonté consciente de connaître ce qui s'est passé. Tout semblait se passer comme si entre le sentiment ému de compassion et d'impuissance et le plaisir sadique de regarder la souffrance d'autrui il n'y avait qu'un minuscule pas qui semblait être bien trop facilement franchi. »

J'avoue que je ne suis pas très fier...

Et pourtant, comment pouvais-je faire autrement? Je crois que j'ai fait ce qui me convenait sur le moment.

Maintenant, les images de visages bouleversés, le tapage médiatique des télés et radio "en direct des ruines fumantes et au milieu des larmes", ça me dérange. Là on frise le voyeurisme, on flatte l'émotion, on fait pleurer dans les chaumières. Parce qu'évidemment que c'est triste, bouleversant de voir tous ces gens attendre alors qu'on sait que c'est en vain. Mais ça sert à quoi???

J'ai vécu ça en plein pendant trois jours, je suis encore fortement marqué par l'évènement puisque j'y pense encore plusieurs fois par jour, mais là, ça commence à faire trop. Ça tire un peu sur les ficelles...

 

Bon, j'ai beau vouloir en sortir, je constate que je suis toujours dans le sujet. Probablement parce qu'à coté de ça, le reste de ma vie est sans grande importance...

 


L'incrédule aborde le sujet sous l'angle de la tolérance.

Il est vrai que plutôt que de parler du "bien" et du "mal", il serait utile de réfléchir un peu plus sur notre capacité a accepter les différences...

 

 


Monologue

  

Mardi 18 septembre 2001

 

J'ai l'impression d'écrire beaucoup moins sur ce qu'on appelle "l'intime", la vie privée, que ce que je faisais il y a quelques mois. En fait, je n'en sais rien puisque je ne me suis jamais livré à l'exercice de la relecture.

Je ne parle plus de mes rencontres sur le net (normal, je n'en fais plus...), ni de mes attirances féminines (normal, je n'en ai plus...).

Je dévoile... non, j'exhibe mes impressions. Mais elle ont quelque chose de plus distancié. D'ailleurs, je suis en train de réaliser que je ne reçois pratiquement plus de messages, ce qui montre bien que mes textes ne "touchent" plus autant qu'auparavant.

Il faut dire aussi que je n'ai pas su répondre comme je l'aurais souhaité.

 

Je ne ressens plus ce besoin de me confier à moi en présence de témoins plus ou moins connus. Je me rends compte que je sais que je suis lu et que j'écris de plus en plus pour ces lecteurs/lectrices.

Je n'aime pas ça...

Il y a quelque chose de spontané qui a disparu.

Et puis il y a quelque chose de faux, de largement faux dans l'image que je transmets par mes mots. C'est en constatant l'image fort différente que l'on peut avoir de moi sur un forum particulier que je me suis rendu compte de l'étroitesse de la fenêtre qu'on ouvre sur soi. Je me demande d'ailleurs toujours comment les rares personnes qui me connaissent sous deux visages différents me perçoivent...

Et je ne parle même pas de la réalité!

Si ma vie réelle était un journal intime, vous n'auriez pas grand chose à lire. Quelques phrases de temps en temps, le plus souvent sans autre utilité que de ne pas laisser le silence s'installer. Il est rare que je m'anime, parce qu'il est rare que soit abordé le sujet des relations entre les gens.

Car c'est finalement le seul qui me passionne.

Or, dans la vie courante, on parle plus souvent de travail, de vacances, de matérialités, de banalités. Alors je reste silencieux, manquant de la motivation nécessaire pour oublier que je suis timide.

Alors qu'ici je suis nettement plus enclin au "clavardage", soit par messages, soit au travers de ce journal qui n'est en fait qu'un long monologue.

 

Je trouve d'ailleurs que je monopolise beaucoup d'attention sur moi, parce que souvent "je" suis au centre des discussion. Disons plutôt que mes réactions, mes état d'âme, ma façon de voir les choses... sont au centre des discussions. Ça me gêne que des gens passent autant de temps à parler de "moi". Je suis d'un naturel discret et suis mal à l'aise lorsque je suis trop en avant.

Bon, il y en a qui vont penser que je suis encore en train de me dénigrer... Oui, c'est possible...

 

Pfff, vous voyez comme c'est décousu ce que j'écris?

On s'en fout , je ne suis pas là pour faire de la littérature... même si j'aimerais bien améliorer un peu cette écriture classique et sans imagination.

 

* * *

 

Rien à voir: j'ai parlé hier soir pendant deux heures au téléphone avec ma mère. C'est suffisamment rare pour que je le mentionne. D'ailleurs, je crois que je n'ai que très rarement évoqué ma mère.

Deux heures à parler de ce maudit attentat, qu'elle a reçu elle aussi en pleine figure. Je ne l'avais pas appelée, devinant trop bien dans quel état elle serait dans les jours qui suivaient.

Et puis la conversation a dérivé, je ne sais comment, sur les rapports que j'avais encore sur internet. Elle ignore ce que j'y fais, mais elle sait que je passe beaucoup de temps à communiquer. Elle ne connait évidemment pas l'existence de ce journal...

Je lui ai parlé un peu en détail de mes déboires sur forum, ce qui a eu pour effet de l'inquiéter quelque peu... Comme la plupart de ceux qui m'en ont parlé, elle n'a pas bien compris par quel masochisme je pouvais supporter une telle situation.

Et c'est précisément en lui expliquant pourquoi je m'acharnais à "exister" malgré les dénigrements que je me suis rendu compte des effets: parler de masochisme avait un coté culpabilisant... que j'ai refusé clairement. Je lui ai expliqué que, malgré la souffrance qu'il y avait pu avoir, les résultats étaient positifs. C'est pour moi une formation accélérée à la communication entre des gens très différents, qui m'était largement inconnue.

Ne m'étant pas laissé influencer par son avis (qui je le confesse, à longtemps eu une certaine influence, en me mettant en porte-à-faux avec mes propres impressions), je me suis rendu compte, enfin, d'effets positifs. Je doutais moins de moi. Mieux: je croyais en moi et en la validité de mes choix.

Et ben, pour ça, ça vallait le coup de s'en prendre plein la tronche!

* * *

La douce et sage Inès m'a téléphoné aujourd'hui. Nous avons parlé un bon moment... et pas que de moi.

 


Masochisme et désespérance

  

Mercredi 19 septembre 2001

 

Je me suis posé la question de mon éventuel "masochisme" à vivre des situations éprouvantes. Dans une échelle totalement diférente, ce que j'ai vécu en me faisant démolir sur un forum (oui, échelle dérisoire...) et la façon dont j'ai "vécu" les évènements du 11 septembre.

Masochisme, à mon sens, c'est aimer souffrir.

Masochisme: Perversion qui fait rechercher le plaisir dans la douleur.

Or je ne prends absolument aucun plaisir a être chamboulé, soit dans l'estime de moi-même, soit au travers des émotions que je peux ressentir.

Il semble que cette façon de vivre les évènements soit assez incompréhensible par ceux qui ne ressentent pas les mêmes choses. Mais choisit-on la façon de percevoir les choses?

Attribuer le qualificatif de "masochiste", ne révèle-t-il pas tout simplement l'incapacité à comprendre ce que vit l'autre?

En écoutant une émission qui analysait les traumatismes post-attentats, il était question de "délivrances" qui n'étaient pas faites. Comme tout traumatisme psychologique, mais de façon surdimensionnée, il y a une souffrance à revivre des évènements aussi douloureux. Mais aussi une nécessité de laisser s'épancher ce qui empoisonne de l'intérieur. Trop souvent on garde ce qui perturbe, par peur de déranger les autres, de ne pas savoir "prendre sur soi"... ou simplement par incapacité à exprimer l'indicible.

Et je me demande si le besoin de certains de se plonger dans l'émotion des autres(ce qui est parfois aussi mon cas) n'est pas simplement une façon d'évacuer nos angoisses.

Angoisses de mort, de perte, de souffrance.

Il est souvent assez mal perçu de laisser libre cours aux émotions. Je m'étais penché sur le problème du deuil, pour lequel on laisse un certain laps de temps pour exprimer l'émotion, mais au delà duquel il devient tacitement obligatoire de surmonter la douleur.

C'est quand même curieux que l'émotion doive être ainsi contenue...

Je crois que certains africains expriment de façon très démonstrative leur souffrance à l'occasion de la mort. Peut-être que ce s rituels permettent d'évacuer en toute liberté une grande part de la souffrance que l'on nous apprend à retenir?

Si j'ai ressenti cette absorbtion-fascination pour les images du 11 septembre, c'est non seulement pour faire entrer l'inimaginable dans ma pensée, mais aussi pour réfléchir à la fragilité de la vie.

Je pensais à toutes sortes de situations, pour ces gens qui avaient vu leur mort arriver, ou qui s'étaient vu mourir . J'imaginais leur effroyable lucidité face à un néant qui s'ouvre, béant.

Je pensais déjà aux proches. Par la suite, les récits tous plus horribles les uns que les autres d'ultimes instants au téléphone furent bouleversants. Chaque histoire particulière est horrible, terriblement injuste. Sauf celles de ceux qui, par hasard n'étaient pas là où ils auraient dû être et ont échappé à ça.

En voyant, écoutant, vivant cela, c'est ma propre mort, ou celle de mes proches que je vivais.

Ce n'est pas du masochisme, c'est une façon d'anticiper la peur de la mort.

Je n'ai pas peur de ma mort, mais j'ai peur de sentir l'atroce inéluctabilité de la mort. J'ai peur de la peur de la mort.

Il m'est arrivé une fois de sentir cette peur croître, en frôlant la noyade...

 

Cette nuit j'ai fait un cauchemar de mort, avec la certitude que cette fois c'était la fin. Pas drôle...


J'ai parlé un bon moment avec Charlotte, tout à l'heure. Je venais de feuilleter le dernier numéro de Télérama, largement consacré... au 11 septembre. Notamment à la façon dont les médias avaient couvert l'évènement, et comment nous, spectateurs, l'avions perçu. Une article s'intitulait «Il faut accepter de vivre l'émotion».

Ça, pour la vivre je l'ai vécue...

Et d'après ce que j'entends à la radion, beaucoup de gens l'ont vécue. Beaucoup d'émissions consacrées au traumatisme collectif, avec souvent une émotion poignante, ou la résurgence d'émotions trés anciennes, occultées depuis des décennies et qui se retrouvent là, brûlantes, intactes. La libération passe par la parole, ou toute forme d'expression, mais ne doit pas rester contenue.

En évoquant avec Charlotte la façon dont je vivais ça depuis une semaine, lui racontant un peu ce que j'avais écrit dans ce journal ce matin, nous nous sommes interrogés sur le coté "égoïste" de ces émotions. N'était-ce pas ramener à soi nos angoisses (comme je l'écrivais plus haut), plutôt qu'une compassion pour les victimes?

Au risque de choquer, je n'ai pas de compassion pour les victimes, qui ne sont plus rien, mais pour leur proche, qui vivent anéantis. C'est l'absence, l'envol brisé, les rêves éteints qui sont terribles.

 

C'est alors que j'essayais de lui expliquer que ce n'était pas uniquement des pensées égoïstes que je me suis trouvé coincé à nouveau dans mes émotions.

Je ne parvenais plus à lui parler, sentant bien que je touchais quelque chose de profondément inscrit en moi. Elle a bien compris le rapport que je faisais aux miens, mais elle ne savait pas trop ce qui pouvait être au delà.

Alors, avec beaucoup de temps, laissant s'écoulerdes larmes que je croyais taries après ces quelques jours, je suis parvenu à lui exprimer que ce qui me bouleversait à ce point était une profonde désespérance.

Désespérance sur l'humain.

Sans chercher à comprendre pourquoi des gens en arrivent à de pareilles extrêmités, sans comparer avec ce qui a pu se faire déjà dans le monde.

Rien, strictement rien ne peut justifier un tel acte. Comme tout autre acte de mort, de quelque coté qu'il vienne. Je n'ai pas à comparer: le geste est dément.

C'est la démence de toute une part de l'humain.

C'est la barbarie qui nous colle au pieds, qui est toujours là, tapie et prête à ressurgir. On peut bien admirer la solidarité et toute la noblesse de sentiments qui sont apparus spontanément, il reste au fond de nous quelque chose de "mal". Le vrai mal, celui qui n'a aucune frontière, celui qui est partagé par tous, mais pas dominé par tous. Et ce mal là sera toujours là avec nous.

C'est sans doute ce que j'ai réalisé avec un peu plus d'acuité ces derniers jours, ayant "oublié" qu'il se manifeste partout dans le monde, partout au milieu de nous, à toute échelle.

Idéaliste, j'avais cru que nous allions vers quelque chose de meilleur. La démocratie, la liberté, le partage des biens... même si je savais que ce serait à long terme. Certes, il existait des actes de barabarie un peu partout, mais je les voyais comme les vestiges d'un obscurantisme qui vit des soubresauts sans fin. Certes, l'inégalité est partout, mais j'imaginais que peu à peu le partage des richesses et des droits s'étendrait vers ceux qui en ont besoin...

Je sais, je rêvais...

Mon rêve s'est brisé et je me suis réveillé dans un cauchemar.

 

Il est difficile d'aborder ce sujet ces jours-ci, tant l'anti-américanisme est exacerbé. La tendance est vraiment au "qui sème le vent..."

Mais je m'en fous de la géopolitique, je raisonne en humain.

Et puis est-ce vraiment pays pauvres contre pays riches? Ne serait-ce pas obscurantisme rétrograde contre liberté et modernité? Est-ce qu'un amalgame n'est pas fait, sciemment ou non?

Ces questions me dépassent.

Ce que j'espère, c'est qu'une vraie remise en question sur les différences entre occidentaux et reste du monde aura lieu. Qu'au moins tout cela n'ait pas servi à rien.

Rêve illusoire, quand on pense au nombre de fois qu'il a été dit «plus jamais ça».

Désespérant, je vous dit.

 

* * *

 

Je me trouve souvent confronté au faible poids des mots pour exprimer ce que je ressens. Trop de mots sont galvaudés et perdent de leur signification lorsqu'ils sont vraiment nécessaires.


 

Ridicule

  

Dimanche 23 septembre 2001

 

A force d'exprimer partout ma sensibilité et mon émotivité, j'en deviens gêné...

C'est vrai quoi, je suis toujours en train de dire ce que je ressens, et ça me rend vachement vulnérable.

J'envisage de rencontrer prochainement des personnes avec qui je correspond virtuellement, mais je me dis qu'avec tout ce qu'elles connaissent de moi, je risque de me sentir mal à l'aise devant elles...

J'ai tellement montré mes fêlures que je me sens transparent... et proche du ridicule. On a tous nos faiblesses, mais habituellement on les cache, ou on ne les laisse voir qu'a nos plus intimes.

Or j'en ai fait des choses ridicules depuis un certain temps...

 

Non pas qu'elles soient ridicules en elles-mêmes, parce que cela m'a permis d'avancer, mais ridicules dans le sens que j'ai montré ma sentimentalité sans beaucoup de retenue, et que ça a forcément un coté pathétique, humiliant. Il y a quelque chose de dérangeant à voir quelqu'un avouer sa sensibilité, et on passe très vite à ce coté ridicule.

D'un autre coté, je pourrais en retirer une certaine force, parce que je suis sincère et que je ne me cache pas derrière un masque. Mais il est bien difficile, car paradoxal, de ressentir une force à s'avouer faible...

Et il est trop facile, pour qui le désire, de profiter de ces faiblesses avouées par l'autre.

Je dois bien accepter de voir que c'est hélas une façon de fonctionner assez répandue, même si je ne la comprends pas du tout. C'est sans doute ce qui contribue à me rendre naïf.

Il y a une forme de lâcheté à se moquer d'un adversaire atteint, ou à le frapper encore. C'est quelque chose qui ne fait pas partie de mon système de pensée. Ou de mes "valeurs", si toutefois c'était quelque chose que l'on m'aurait appris.

J'ignore pourquoi je ne sais pas cacher ma vulnérabilité, offrant ainsi les armes pour me faire battre. Sans doute parce que j'ai une tendance à faire confiance à "quelque chose" au fond de chacun de nous. Un part de soi qu'on cache, qu'on se cache peut-être, mais que je crois toujours atteignable.

Quelque chose qui serait de l'ordre du "bien" de l'humain et dont chacun serait pourvu. Ça, je veux y croire. Ce qui est un peu stupide, par contre, c'est de croire que ce serait à ma portée...

De m'imaginer qu'avec mes pauvres mots, en m'exprimant avec toute ma naïve sincérité, je pourrais "toucher" quelque chose chez l'autre...

De croire que la sincérité déclencherait une sincérité en retour. Qu'une mutuelle confiance, même si un désaccord persiste, puisse exister. Qu'un respect, si ce n'est estime, puisse demeurer malgré les désaccords.

Force est de constater que je me fais des illusions.

 

J'idéalise les relations humaines...

 


Pas simple

  

Jeudi 27 septembre 2001

 

Que deviens-je?

Pourquoi ce silence? Parce que j'ai du travail, tout simplement. Pas trop la tête portée à l'introspection.

Et puis toujours sur le contrecoup du "nouvel état du monde" et de ses répercussions. Je réfléchis fréquemment aux comportements qui sont apparus au sujet de cet évènement.

Etonné de voir autant de réactions assez intransigeantes au sujet des "Ricains", qui se voient affublés de tous les maux de la terre.

Je ne nie pas leur responsabilité, mais je crois que nous y avons aussi, nous autres pays occidentaux, largement notre part. Certes, c'est l'état le plus puissant de la planète, mais il me semble que ça "nous" arrange bien qu'il s'occupe de ce qui pourrait troubler notre tranquillité. On ne serait pas un peu hypocrites, par hasard?

Facile de dire maintenant "qui sème le vent,...". Mais est-ce qu'on ne mélange pas un peu tout? L'hégémonisme américain, les gendarmes du monde, et l'intégrisme des islamistes, qui agissent plus par religion que par réelle révolte contre un opresseur.

Choc des cultures plutôt que victime contre bourreau.

 

Et puis quand je lis ou entend tout ce qui se dit contre "les américains" (entendre "la politique américaine"), le rejet souvent violent... je ne vois pas tant de différence que ça avec les intégristes religieux. Question d'échelle, de détermination, de "valeurs"...

Bush parle avec beaucoup de légèreté du "bien" et du "mal", mais pour beaucoup de ses opposants n'est-il pas "le mal"? Eux étant "le bien", parce qu'ils auraient compris les grands déséquilibres du monde. Mais pour faire passer ces idées, combien choisissent la manière forte (par écrit) et méprisent plus ou moins clairement ceux qui ne sont pas d'accord, en les considérant comme aveuglés et soumis à une presse et une opinion manipulées?

J'avoue ne pas comprendre tous ces gens qui s'arrogent la connaissance d'enjeux aussi complexes. Que de fins géo-politiciens l'on voit proliférer sur les forums de discussion...

Comme s'il suffisait de changer la politique commerciale libérale pour que tout devienne beau, que les richesses soient partagées entre tous...

Oui oui... c'est évidemment ce vers quoi il faut tendre. Quel égoîste oserait affirmer le contraire?

Mais comment faire? Et quels bouleversements pour nos économies de pays capitalistes?

Quand on voit le comportement mesquin des gens qui se ruent sur les pompes à essence le soir du 11 septembre... Moi d'abord, et tant pis pour les autres!

Quand on voit le niveau de confort dans lequel on vit, sans honte véritable, en sachant que si toutes ces richesses nous sont accessibles c'est parce que quelque part dans le monde des travailleurs ont été "exploités" pour que ce soit moins cher.

Quand on sait que si on arrête d'exploiter ces gens, ils crèvent de faim. Que si on les paye plus cher on en fait des "privilégiés" dans leur pays. Que si on les paye plus cher on diminue la "rentabilité" de l'entreprise, donc son expansion... donc ses capacités d'embauche... donc les possibiltés de travail pour des gens démunis...

Comment changer tout ça sans tout déséquilibrer?

Parce que bien sûr il faut tout changer et répartir les richesses. Mais répartir, ça veut dire que ceux qui ont plus partagent avec ceux qui ont moins.

Y sommes-nous prêts?

L'homme étant ce qu'il est, comment faire pour que les plus grands possédants reversent une part de leurs colossales fortunes au reste de l'humanité?

Si le goût de l'argent et du pouvoir est leur moteur, qu'adviendra t-il si on les en prive, même partiellement?

Je suppose que toutes ces questions ont été déjà brillament éclaircies par des armées d'analystes de tout bord, avec des conclusions diamétralement opposées...

Ce qui m'énerve, ce sont ces gens qui croient savoir et qui assènent leur vérité aux autres en les considérant comme des ignorants. Mais bien souvent ils ne connaissent qu'un des aspect du problème, faisant l'impasse ou sous-estimant l'étendue des répercussions que cela pourrait avoir.

 

Tenez, un truc tout bête: les capteurs solaires, c'est bien, économique, écologique, et tout ça. Je suis à fond pour. Sauf qu'hier j'ai entendu qu'on consommait plus d'élécricité pour les fabriquer que ce qu'ils produiront pendant toute leur durée de vie! Merde alors! C'est vrai ou pas?

Si on s'en tient au premier aspect des choses, on voit le coté bénéfique pour la planète. Mais si on va plus loin, on voit que ce n'est pas aussi simple.

Alors imaginez un peu pour la géo-politique qui se conjugue avec l'économie, l'écologie, les cultures, les religions...

Tout a une solution. Mais elles ne sont pas souvent simples ni rapides à mettre en oeuvre.

 

Voila. Je ne sais pas pourquoi je me suis lancé là-dedans. Il fallait que ça sorte quelque part. Ça ne fait rien avancer, mais ça éclaircit mes idées.

Par contre j'ai peur de heurter la sensibilité de ceux qui ne partagent pas mon point de vue (qui est celui de ne pas en avoir de précis...). Je ne suis que doute, ce n'est pas nouveau...

 


Mutation?

  

Mercredi 17 octobre 2001

 

Oui, oui, j'existe encore...

C'est sûr, je n'écris pas beaucoup en ce moment. J'en suis à ma quatrième semaine de travail en continu, sans week-end... Et ça continue puisque celui qui arrive je serai encore en vadrouille, cette fois dans la capitale.

Ah la vie du travailleur indépendant! Avantages et inconvénients.

Par contre, je vais profiter de ce déplacement pour rencontrer, pour la première fois, des personnes qui lisent ce journal. Deux personnes que j'ai connues sur internet et à qui j'ai confié les clés de ces écrits parce que j'avais une grande confiance en elles. Non, en fait, l'une d'entre elles à trouvé la clé toute seule suite à une maladresse de ma part.

Maladresse qui laissera toujours peser le doute sur la possibilité que d'autres auraient eu d'y avoir accès. Mais c'est un autre problème.

 

Donc, je vais rencontrer deux "copines/amies virtuelles". J'ai un trac terrible en voyant la date approcher, mais aussi une grande envie de faire ce passage à la réalité.

Craignant, comme à mon habitude, les ambiguités d'une rencontre homme/femme, j'ai préféré les rencontrer les deux ensemble (elles se connaissent). Comme ça, pas de problème.

J'ai largement évoqué avec l'une d'elle le "choc du visuel", puisque nous n'avons aucune idée de ce que nous allons découvrir. Jamais nous n'avons fait allusion à nos physiques, ce qui montre une évolution dans le type de relation que j'ai maintenant. Et tous les deux nous avons une certaine crainte de paraître trop éloigné de l'image mentale que nous avons construite en dialoguant.

Tout en me sentant assez détaché de l'image, je sais bien qu'elle n'est pas sans importance. Ni celle que je vais donner, ni celles que je verrai.

* * *

 

Bon, finalement je ne suis pas très inspiré pour écrire. Sans doute parce que j'ai l'esprit préoccupé par le travail et très peu de temps pour l'introspection.

Parfois je me pose des questions sur le devenir de ce journal. Jusqu'à quand vais-je ressentir le besoin d'écrire "en public"?

Vous qui me suivez avez forcément constaté que depuis quelques mois ce journal change. J'écris moins souvent, je suis beaucoup moins intime.

Je ne réponds pratiquement plus aux courriers (non sans une honte certaine...), je lis de moins en moins de journaux. Je n'en lis même plus du tout depuis une dizaine de jours, faute d'avoir l'esprit disponible et le respect nécessaire pour lire avec toute l'attention requise ce que des diaristes confient.

Changement durable? Evolution en cours, mutation? Fin du besoin d'exister à travers vos regards?

D'ailleurs, je ne reçois pratiquement plus de mails. Normal puisque je n'écris pas grand chose de "profond".

Oui, les choses changent...

 


Mise au point

  

Vendredi 28 septembre 2001

 

Mes craintes n'étaient pas infondées. J'ai reçu deux messages de lecteurs qui n'ont pas bien compris mon intervention d'hier.

Il est évident que je me suis lancé dans un commentaire bien trop succinct pour un problème aussi complexe. Disons que je réagissais surtout sur la façon qu'ont les gens de commenter les évènements, de donner leur "analyse", sans avoir forcément les compétences pour le faire. Qui a les compétences d'ailleurs?

C'est très fréquent que chacun donne son avis sur tout, issu d'une réfléxion plus ou moins poussée. Mais plus le problème est complexe, moins sont valides lesdits avis.

Et c'est là que je me rends compte (oui, je le savais dèjà..) qu'un journal en ligne n'a rien à voir avec un journal papier quand il s'agit d'exprimer une opinion. Tant qu'il s'agit de ressenti personnel, ça ne pose pas de problèmes. Mais si on donne une opinion, on risque de déranger, de heurter, ou de déclencher une polémique.

J'avais juste envie d'exprimer ce que je ressentais...

Un diariste s'interroge sur l'idée de "doutes" que j'ai émis. «j'ai l'impression que tu dis "si nous changeons de mode de vie, nous ne savons pas vers quoi nous allons aller, alors autant ne pas changer la société puisque, de toute façon, l'homme ne changera jamais". Je ne suis pas choqué par cela mais surpris que cela doit défini comme étant du doute.» Oui, effectivement, ma façon de présenter les choses pouvait prêter à confusion. je voulais signifier que j'ai des doutes, des hésitations, sur ce qui pourrait nous permettre d'aller vers un monde plus partagé. Je suis convaincu qu'il faut changer les choses, mais je ne sais pas comment. Et plus je m'informe, plus les avis divergents augmentent mes doutes.

Il y a d'un coté la sensibilité "humaine", le partage, la réduction des inégalités, qui ont d'emblée ma faveur (même si je suis souvent surpris de la virulence de ceux qui prônent cette égalité...). De l'autre il y a une certaine réalité des choses, des règles économiques, et l'immense système mondial qui s'est imposé. Force est de constater que ce modèle de croissance à permis, et permet encore a de plus en plus de gens d'accéder à des conditions de vie eincomparablement meilleures que ce qu'elles étaient auparavant.

Alors quoi faire?

Je n'ai que des connaissances trés parcellaires. Je me fonde aussi sur mes observations des comportements humains individuels et je les extrapole à l'échelle des pays. Je me vois aussi en tant que citoyen du monde, immensément privilégié par rapport aux 99% de gens qui sont plus pauvres que moi. Mais je sais aussi que dans la société dans laquelle je vis je suis plutôt dans la moitié inférieure, avec des revenus très moyens. Quand j'entends que le PDG de Total-elf-fina gagne 13 millions de francs par an... je ne peux qu'être profondément choqué.

Je suis aussi "patron" (de moi-même) et je me rends bien compte de ce que sont les réalités économiques, les gains de productivité, la flexibilté du travail... Si j'avais des employés, il me serait difficile de concilier le coté humain et économique. pas impossible, mais difficile.

Trop de gens ont une mentalité de salariés et n'imaginent pas les difficultés du chef d'entreprise face à la concurrence...

Et là encore, je ne dis pas qu'il ne faut rien changer, mais que rien n'est simple.

J'avais trouvé une citation un jour, qui m'avait plue. Avec le recul, je la trouve terriblement exigeante... mais pas forcément fausse.

« Ce n'est pas le chemin qui est difficile, c'est le difficile qui est le chemin»

Sans être masochiste et rechercher la difficulté, je crois que bien souvent ce sont les voies qui paraissent difficile qui permettent d'atteindre quelque chose de mieux.


Veuillez excuser ces textes qui ne sont absolument pas élaborés. Mais pour le moment je n'ai ni le temps, ni même l'envie de chercher à peaufiner des textes qui seront de toute façon incomplets. C'est du vrac que je vous donne à lire, en espérant que ce ne soit pas trop indigeste...

J'aurais plein de choses à écrire, mais j'ai vraiment trop de travail en ce moment.

 

 

 

Autre chose. J'ai écrit "l'intégisme des islamistes". Et cette petite phrase, par les temps qui courent peut prêter à confusion. En fait, je me souviens avoir écrit "l'intégrisme des islamistes intégristes". Un peu lourd, non? J'ai repris avec "fondamentalistes", puis "extrêmistes". Et finalement je me suis dit que ma phrase serait bien compréhensible telle quelle.

Mais... on n'est jamais trop prudent.

Je parlais donc, évidemment, des extrêmistes fondamentalistes intégrises. En l'occurence, il s'agirait ici de pratiquants de l'Islam, mais ce pourrait être n'importe quelle religion ou doctrine, le résultat serait similaire.

Je précise que j'ai même du mal à comprendre qu'une part de la population fasse un amalgame entre ces fanatiques et la religion de laquelle ils se réclament. Jamais je n'ai pensé un seul instant que l'ensemble des Musulmans pouvaient se reconnaître un tant soi peu dans ce geste "fou" et meurtier.

Par contre, je maintiens mon impression, en fonction des connaissances très partielles que j'ai, que c'est plus une guerre de cultures, sur fond de religions, qu'une guerre contre l'économie américaine. Il n'y a qu'à voir les freins que mettent les fondamentalistes religieux à tout ce qui est "progrès" (toutes religions confondues) pour comprendre la haine qui peut exister contre un pays qui "impose" ses références culturelles au monde entier.

Ce ne sont pas les pays les plus pauvres, ni ceux qui sont en voie de développement, pourtant soumis au même "impérialisme" américain qui diabolisent les USA, mais bien les pays marqués par une idéologie qui veut s'en éloigner radicalement. Actuellement, ce sont les pays les plus soumis au fondamentalistes musulmans. Autrefois c'étaient les pays communistes.

Et les USA n'ont rien à leur envier pour le rejet dans le sens contraire!


Ce que j'écrivais il y a un an...

 

 

 

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