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octobre 2001
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Positiver Lundi 1 octobre 2001
Il me sera difficile d'écrire ici dans les jours qui vont venir. Je suis rentré depuis quelque temps dans une des période de forte activité du métier que j'exerce.
Obligé de réduire mes soirées parce que je travaille tard, j'en rogne encore la durée en devant me coucher plus tôt sous peine de fatigue que je ne parviendrais pas à récupérer.
Et puis il faut bien avouer que je m'éloigne quelque peu du monde dit "virtuel"...
Une sorte de lassitude. Ou une déception...
Le forum que je fréquentais, et sur lequel une censure implicite a eu gain de cause, est devenu sans grand interêt. On y plaisante, mais il n'y a plus d'échanges approfondis. Du coup, je suis retourné sur le forum du journal Télérama. Mais là ou autrefois je trouvais beaucoup de réflexions censées, je lis maintenant des flots de banalités. Je sais bien qu'en fait c'est mon regard qui a changé, et pas le style des participants.
Mais je suis déçu de voir que les gens qui ont quelque chose d'intéressant à apporter n'ont pas plus de poids, ne sont pas plus "écoutés" que ceux qui affirment des sottises.
Je deviens un peu plus misanthrope en constatant que la curiosité, l'écoute, le respect, la tolérance, et autres "valeurs" auxquelles je crois fondamentalement ne sont pas contagieuses.
Ce qui me rassure, c'est que je sais que plein de gens ont aussi ces valeurs.
Les évènements du 11 septembre ont été un catalyseur pour moi. Directement, comme je l'ai décrit lorsque je vivais l'évènement, mais surtout par la suite, en observant la variété des réactions de chacun. Très vite deux "camps" se sont démarqués: les "émotifs" et les "réfléchis". L'humain avant tout pour les premiers, la réfléxion en gardant la tête froide pour les seconds. Et cela dit sans aucun jugement de valeur de ma part.
Absence de jugement de valeur qui n'a souvent pas été réciproque...
Puis est venu le beau consensus "anti-américain", qui fait maintenant la quasi unanimité. Et au nom d'une vérité indéniable (le rôle prépondérant des USA dans l'économie mondiale), que de bêtises ont été proférées...
En fait, ce que je supporte mal, ce sont les critiqueurs patentés. Toujours quelque chose ou quelqu'un contre qui râler. Toujours la faute des autres. Ça m'énèèèèèrve!
Alors là, la faute aux USA, on l'entend de partout. Et souvent pour critiquer, pas pour proposer. Le négatif est mis en avant, omettant de réfléchir à la façon de positiver les choses.
Il y a eu des erreurs? Oui, tout plein! On en prend davantage conscience? Tant mieux, profitons-en pour changer notre façon d'être. On ne s'intéresse pas assez au reste du monde? Et bien voila une belle occasion de regarder un peu plus loin. On n'a pas fait 3 minutes de silence pour des tas de catastrophes humaines? Et bien apprenons à en faire!
En bref, po-si-ti-vons!
Plutôt que de toujours râler contre ce qui n'a pas été fait.
D''un autre coté, je comprends très bien la hargne de ceux qui se battaient pour que des vérités sortent du silence médiatique en pure perte. Mais maintenant le temps n'est plus aux reproches. D'autant plus que ce qui pouvait passer pour une prise de position audacieuse est devenu en peu de temps d'un convenu...
Qui oserait dire maintenant que les USA apportent de façon désintéressée la "civilisation" (laquelle?) au monde sous-développé? Il me semble que l'idée est trés largement passée. Et d'ailleurs, étaient-elle ignorée auparavant?
Ne savait-on pas, mais, pour toute sorte de mauvaises raisons, on "laissait faire"? Ne sommes-nous pas tous coupables d'avoir laissé faire ce que nous savions?
Alors maintenant dire que "les américains" l'ont bien cherché, c'est vrai que ça m'agace. Nous l'avons TOUS bien cherché, au moins par négligence, ou en fermant les yeux. Par contre nous n'avons pas été atteints directement.
Je me doute que ce que je dis peut déplaire. Ce journal prend le ton "opinion", bien différent de ce qui était intime il y a quelques mois. Mais bon, c'est aussi mon intimité que de dire les choses telles que je les ressens.
Ce journal est avant tout fait pour me connaître moi-même, et aussi pour échanger des idées, des impressions avec les lecteurs. Il se peut que je dise des idioties et que l'on m'en fasse grief, ou que je me rende compte avec quelques jours ou semaines de recul. Ce ne serait pas la première fois...
Et comme en ce moment je me rends compte que les suite du 11 septembre réveillent des impressions encore mal définies, je me/vous les livre telles qu'elles me viennent.
Cette idée de positiver les choses est quelque chose qui me tracasse depuis longtemps et qui se réveille à cette occasion. Il y a tellement de gens qui râlent en permanence sur tout, sans penser à se regarder eux-même. Ils se rendraient compte que bien souvent ils se comportent exactement de la même façon que ce qu'ils ne supportent pas de la part des autres. On fait ses petits arrangements avec sa morale, mais on ne tolère pas que d'autres le fassent, sous prétexte que "ah oui mais c'est pas pareil". Par exemple on triche avec le fisc... mais on ne supporte pas qu'un "puissant" le fasse. Comme si on était jaloux du pouvoir, en oubliant que bien souvent si on bénéficie d'un pouvoir ne se prive pas de l'utiliser. On fait "sauter" une contravention par son cousin gendarme, mais gare si on apprend qu'un ministre a fait intervenir son collègue pour la même sitution...
J'ai une règle (je sens que je suis en train de passer pour... je ne sais pas quoi), celle de ne pas me permettre ce que je ne supporterais pas que d'autres se permettent. On peut appeler ça "avoir des principes". Bien souvent, au mieux, ça fait sourire, au pire passer pour un pauvre con qui n'a rien compris à la vie.
M'en fous! Je crois fermement que c'est plus en allant dans ce sens là qu'on peut faire progresser l'humain.
Même si je sais aussi que c'est un chemin qui, à l'excès, peut conduire à bien des abus. La rigueur et une certaine morale ne sont pas forcément bien fréquentables...
N'oublions jamais la tolérance vis à vis des différences, de ce qui nous est inconnu et qu'on ne comprend pas.
Oh la la, mais qu'est-ce que je raconte moi ce soir? C'est quoi ce prêchi-prêcha?
Ben.. je ne donne de conseils à personne, je dis juste comment JE fonctionne. Et chacun fait comme il l'entend. Je ne dis pas que c'est "bien" et qu'il faut faire comme ça. Je dis que je fais comme ça parce que je crois que c'est bien. Mais il y a d'autres façons de faire "bien", certainement.
Je n'avais pas envie de me censurer ce soir.
A propos de "pas bien", je me sens assez gêné envers ceux qui m'ont écrit, que ce soit récemment ou, bien pire, anciennement. Je ne parviens pas à me mettre face à ces messages et à leur répondre, sauf lorsqu'ils me "parlent" et que je ressens l'envie immédiate d'y répondre.
Veuilez ne pas vous formaliser pour ce délai, mais il y a des moments ou je ne "sens" pas les réponses que je pourrais donner, sauf à des phrases creuses...
Mardi 2 octobre 2001
Entendu à la radio ce matin une analyse des fragilités du monde occidental face au nouveau terrorisme. Il était question d'un rapport datant de six mois mais laissé de coté parce que bien trop dérangeant. Il est fait état des risques insensés qui planent sur si des réseaux mal intentionés veulent déstabiliser les puissances mondiales: armes chimiques et bactériologiques, armes nucléaires... Il semble exister une grande incertitude sur ce qui aurait pu être acquis par des réseaux terrosristes.
Ce nouveau terrorisme, bien différent de celui de la revendication terriroriale "classique" ne demande pas de négociations ou de cessions de territoire. Il est muet, ne revendique pas, ne cherche pas à être entendu mai à tuer le plus de monde possible.
Nos moyens de dissuation, en particulier militaires et nucléaires sont devenus inopérants face à des gens qui n'ont pas peur de mourir, mais surtout qui ne représentent pas un pays que l'on pourrait "punir".
Ces "fous de Dieu" ne cherchent pas seulement à nous atteindre, mais s'en prennent même aux régimes en place de leurs pays. Ils prônent un retour à un obscurantisme religieux, un retour en arrière effroyable sur le plan des libertés individuelles et de la démocratie. Nous sommes donc extrêmement vulnérables face à ce déterminisme qui n'a rien à perdre.
Si le monde occidental a fait bien des erreurs, l'alternative des ces fanatiques est une monstruosité.
La question qui se pose maintenant est: "que faire pour contrer cette montée en puissance?". La machine est lancée et il sera difficile de changer quoique ce soit en quelques années. Même si un meilleur partage des richesses avait lieu, même si cessait de s'exercer l'impérialisme, après le colonialisme, est-ce que le mouvement s'éteindrait?
Il n'est évidemment pas question de juger une religion dans son ensemble en se basant sur l'intégrisme de quelques uns. Nos mondes occidentaux ont eu des comportements tout-à-fait similaires dans les siècles passés et on sait que la religion peut être interprétée de bien des façons.
Je ne suis pas d'un naturel inquiet, ni alarmiste. Je sais que de chaque évènement inattendu (et l'était-ce vraiment?) surviennnet des changements, une adaptation aux nouvelles conditions. Nous trouverons donc probablement des solutions pour que les choses changent en profondeur.
N'empêche que j'ai parfois des angoisses subites...
Depuis une quinzaine d'années j'ai pris vraiment conscience des déséquilibres nord-sud. Et depuis ce moment là je me dis que nous profitons bien des avantages dont nous disposons tout en sachant que viendra sans doute un jour où il faudra les partager. Comme le disait un homme politique "nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde". Oui... sauf que peut être un jours la misère viendra se sercir directement, sans nous demander notre avis.
C'est immédiatement à ça que j'ai pensé au lendemain de l'attentat du WTC. CE qui s'écroulait ce jour là, c'était aussi un certain sentiment de tranquillité.
On est venu nous secouer un peu, nous rappeller que d'autres n'aiment pas notre arrogance, notre richesse, notre société productiviste. Ce qui est moins compréhensible, c'est aussi que ceux qui ont fait ça, s'il s'agit bien de ce qu'on nous dit, n'aiment pas non plus notre liberté.
Et ça, c'est beaucoup plus inquiétant.
C'est peut-être pour cette raison que je suis agacé par ce tapage qui est fait au sujet du "bien fait pour les américains". D'abord parce que je crois que "nous" aussi, l'ensemble des pays occidentaux, sommes visés. Ensuite parce que ce n'est pas QUE le capitalisme et l'impérialisme qui est attaqué, mais aussi tout ce qui fait les fondements de nos sociétés: liberté, démocratie, égalité.
Même si ces trois piliers ne sont pas aussi bien représentés que ce qu'on pourrait attendre, loin de là, ils demeurent un objectif moral.
Les commanditaires des attentats prônent exactement l'inverse. Et ça, c'est inquiétant.
Et c'est pour cette raison que je vis avec cette nouvelle donnée, incapable de vois les choses sous un autre angle depuis le 11 septembre.
Vivre Jeudi 11 octobre 2001
Il avait 22 ans, il était beau. Souriant, épanoui, heureux de vivre. Il réussissait ses études. Il aimait faire la fête...
Il est mort en faisant la fête. De façon absurde, comme l'est toujours la mort acidentelle. Il est mort en s'amusant. Il est mort heureux.
Je l'avais revu au début de l'été, surpris de voir le grand jeune homme qu'il était devenu. Impressionné du changement.
Hier, toute sa famille, ses nombreux amis sont venus lui rendre une ultime visite, dans une grande communion de pensée. Une insondable tristesse mélée à une solidarité crée par les moments que chacun avait partagé avec lui. Unis dans le souvenir de ces années pendant lesquelles ont l'avait vu grandir.
N. est parti en cendres...
Alors, une fois de plus, je me rends compte comme la vie est précieuse. Comme j'en prends davantage conscience à chaque fois que la mort passe un peu près, par surprise.
On ne se dit pas assez que l'on s'aime, combien les autres nous sont chers.
J'ai pensé, en imaginant la douleur des parents, à ce que serait la notre si nous perdions un enfant.
Par un hasard extraordinaire, mon entourage très proche n'a jamais été touché par un décès. Mais au fur et à mesure que je vieillis, je vois partir des très proches de ceux qui me sont proches...
Jusqu'à quand durera ce sursis?
Sais-je bien profiter de la chance qui m'est donnée de vivre sans grande douleur?
Mercredi 17 octobre 2001
Oui, oui, j'existe encore...
C'est sûr, je n'écris pas beaucoup en ce moment. J'en suis à ma quatrième semaine de travail en continu, sans week-end... Et ça continue puisque celui qui arrive je serai encore en vadrouille, cette fois dans la capitale.
Ah la vie du travailleur indépendant! Avantages et inconvénients.
Par contre, je vais profiter de ce déplacement pour rencontrer, pour la première fois, des personnes qui lisent ce journal. Deux personnes que j'ai connues sur internet et à qui j'ai confié les clés de ces écrits parce que j'avais une grande confiance en elles. Non, en fait, l'une d'entre elles à trouvé la clé toute seule suite à une maladresse de ma part.
Maladresse qui laissera toujours peser le doute sur la possibilité que d'autres auraient eu d'y avoir accès. Mais c'est un autre problème.
Donc, je vais rencontrer deux "copines/amies virtuelles". J'ai un trac terrible en voyant la date approcher, mais aussi une grande envie de faire ce passage à la réalité.
Craignant, comme à mon habitude, les ambiguités d'une rencontre homme/femme, j'ai préféré les rencontrer les deux ensemble (elles se connaissent). Comme ça, pas de problème.
J'ai largement évoqué avec l'une d'elle le "choc du visuel", puisque nous n'avons aucune idée de ce que nous allons découvrir. Jamais nous n'avons fait allusion à nos physiques, ce qui montre une évolution dans le type de relation que j'ai maintenant. Et tous les deux nous avons une certaine crainte de paraître trop éloigné de l'image mentale que nous avons construite en dialoguant.
Tout en me sentant assez détaché de l'image, je sais bien qu'elle n'est pas sans importance. Ni celle que je vais donner, ni celles que je verrai.
* * *
Bon, finalement je ne suis pas très inspiré pour écrire. Sans doute parce que j'ai l'esprit préoccupé par le travail et très peu de temps pour l'introspection.
Parfois je me pose des questions sur le devenir de ce journal. Jusqu'à quand vais-je ressentir le besoin d'écrire "en public"?
Vous qui me suivez avez forcément constaté que depuis quelques mois ce journal change. J'écris moins souvent, je suis beaucoup moins intime.
Je ne réponds pratiquement plus aux courriers (non sans une honte certaine...), je lis de moins en moins de journaux. Je n'en lis même plus du tout depuis une dizaine de jours, faute d'avoir l'esprit disponible et le respect nécessaire pour lire avec toute l'attention requise ce que des diaristes confient.
Changement durable? Evolution en cours, mutation? Fin du besoin d'exister à travers vos regards?
D'ailleurs, je ne reçois pratiquement plus de mails. Normal puisque je n'écris pas grand chose de "profond".
Oui, les choses changent...
Allez, on va faire un petit plongeon dans l'intime...
Pas la forme ce soir, grosse déprime. Enchainement de circonstances, sans doute.
Je reviens de cinq jours de travail hors domicile. Tout s'était plutôt bien passé avec Charlotte, qui m'accompagnait. Et puis il a fallu que sur la route du retour, dans la dernière heure, nous abordions un sujet qui a dérivé sur un motif de discorde.
Charlotte me disait qu'elle se sentait peu aventureuse, était craintive pour se lancer dans des projets. Elle évoquait notamment un désir de voyager en Afrique en famille. Projet qu'élle évoque régulièrement depuis des années, mais comme une sorte d'utopie à long terme. Pour ma part, connaissant sont envie de voyager en général, notre peu d'attrait pour la foule, et au vu de nos ressources financières limitées, j'avais évoqué avec elle un voyage vers des destinations peu touristiques telles que les Pays scandinaves, plutôt que la Tunisie en plein mois d'août.
Or, dans son explication sur son manque d'audace aventurière, que je pouvais fort bien comprendre, elle ajouta un chapitre qui me convint beaucoup moins: elle me dit qu'elle avait besoin de mon soutien et de mes encouragements. Ce à quoi je lui rétorquai que je ne me sentais pas assez entreprenant actuellement pour planifier un voyage au Kenya ou au Mozambique, dont elle parlait.
Un léger glissement de nos deux perceptions se produisit alors: je me suis senti l'élément bloquant de ses projets. Celui à cause de qui elle ne peut pas faire ce qui l'attire. Mes propres limites la limitaient...
Culpabilité immédiate de ma part, qui déclencha un réflexe de défense, qu'elle ne comprit pas...
Incompréhension qui déclenche un froid, puis une distance. Des explications qui deviennent critiques, des silences...
Bref, la dispute classique qui démarre sans qu'on s'en aperçoive mais qui touche à quelque chose d'important.
Et puis cette impression de gacher les bons moments que nous avions passé ensemble ces derniers jours, les discussions au cours des huit heures de trajet, en nous donnant souvent la main (sur autoroute, il n'y a pas beaucoup de virages...)
Alors depuis, c'est pas le moral, même si nous en avons parlé depuis. Quelque chose de dommage qui, pour le moment, domine sur tout le reste.
On s'est compris, à peu près, mais il me reste cette impression insupportable de l'empêcher de vivre ses projets, ou ne ne pas pouvoir la soutenir parce que ses projets impliquent ma présence... mais sans qu'ils aient mon adhésion. Comment l'encourager alors que, pour le moment, je ne me sens pas capable de ma lancer dans une telle aventure?
J'en suis là, et je vais laisser passer le temps avant de savoir comment agir.
Mais ce n'est pas tout...
Après ce coup au moral, je me suis rendu compte que j'avais été très... déçu... oui, parce qu'en rentrant je...
Comment dire...
Je n'avais pas reçu de messages que.... sans m'en rendre vraiment compte, j'attendais depuis 3 jours avec une grande impatience. Disons que je savais que l'impatience était là, mais que j'ignorais l'intensité de l'attente. Ou peut-être est-ce que j'attendais là un réconfort après ce problème avec Charlotte?
Mais, il faut que je vous raconte...
Vendredi soir, j'avais donc rendez-vous avec deux personnes connues sur internet, devenues ensuite lectrices de ce journal.
Je passe sur les détails du provincial perdu dans la foule de la plus grande station de métro de Paris et qui ne trouve pas le point de rendez vous, dont le portable ne fonctionne pas bien, etc...
Je finis donc par rencontrer ces deux personnes. En fait, elles m'ont vues le premier en appellant mon portable (non, je déteste ce genre d'engins, mais là il faut bien dire que c'était très pratique). En voyant un type décrocher sur le trottoir d'en face, elles ont su qui j'étais.
Rapide coup d'oeil dévisageant, bises, bises.
Quelques mots d'explications, puis en route vers le lieu prévu. Silence... Nous marchons côte à côte mais sans dire un mot. J'ai un sourire jusqu'aux oreilles en pensant au cocasse de la situation, mais elles ne le voient sans doute pas.
Bigre, moi qui craignais de ne savoir quoi dire, ça commençait bien...
On va s'installer dans un resto tranquille et sympa. Moi qui ne vais dans ce genre d'endroits qu'une ou deux fois par an, je me sentais un peu en vacances.
Les langues se délient rapidement, surtout de la part d'Anne, puisque c'est la plus "bavarde", et surtout la plus à l'aise de nous trois.
Amandine reste un peu en retrait et parle peu.
Euh... moi? Ben je ne sais pas. Je ne leur cache pas que je ne suis pas très à l'aise. D'ailleurs, elles le sentent sans aucun doute, à mes gestes ou mon élocution empruntée. Du moins, c'est comme ça que je le ressens.
La soirée a été vraiment très sympathique, et je n'ai eu aucun regret d'avoir eu cette audace folle (n'est-ce pas?) de leur avoir proposée. Je me suis senti un peu gené d'être au centre des discussions. Je n'aime pas bien occuper cette place... bien que l'impression que les autres ont de moi m'intéresse au plus haut point.
Narcissisme? Non, je crois que c'est bien plus un manque de confiance en moi que je cherche à rassurer en écoutant des avis que j'espère favorables.
J'ai avoué mes difficultés à faire coïncider les trois personnages que j'étais ce soir là: le vrai moi (présent physiquement), le pseudo sous lequel elles m'ont connu, et "l'idéaliste". Le fait que nous ayons beaucoup parlé de ce forum ou j'ai été si souvent malmené (et sur lequel nous nous retrouvons habituellement), qu'elles ne s'adresssent à moi par courrier que sous le pseudonyme y afférent, et que par aileurs elles n'évoquent que rarement ce journal, contribuait à me faire sentir bien peu "l'idéaliste".
Lorsque je leur ai demandé si elles lisaient toujours ce journal, qu'elles m'ont répondu qu'elles le faisaient régulièrement, j'en ai été presque étonné.
D'ailleurs, je n'ai jamais prononcé le pseudo de "l'idéaliste", comme si c'était un autre personnage.
Mais cette différentiation opérait aussi dans le sens contraire, parce que j'avais toutes les peines de monde à ma dire que ces deux personnes étaient mes interlocutrices habituelles. Le graphisme des lettres de leur pseudo étant leur seul visage. A tel point que j'ai eu souvent la pensée de leur mettre une étiquette sur le front avec cette reconnaissance scripturale.
Depuis, doucement, les deux personnages, de chair et de lettres se rejoignent peu à peu.
Drôle d'impression que de dialoguer avec deux personnes que l'on a l'impression de bien connaître, tout en se trouvant face à deux femmes réelles mais "inconnues".
Je leur ai bien dit que je ne pourrai pas avoir une écriture totalement "libre" en évoquant cette rencontre. Pourtant, il me semble que si. Je retrouve ici mon personnage de l'écrit, finalement plus vrai que celui, intimidé, de la réalité.
Ce qui serait plus délicat concernerait les impressions que j'ai pu avoir de chacune d'elle, mais ce n'est pas l'objet de ce journal...
Justement, peut-être parce que je sais qu'elles le lisent?
Tout ce que je peux dire, c'est que le "choc du visuel" n'a eu rien de désagréable...
Hmoui... si j'y pense, je me rends bien compte que je n'ai pas totale liberté. Ne serait-ce que parce qu'avec chacune d'elle j'ai des échanges différents par courriel.
...
Vous ne me voyez pas, mais je marque une pause.
Je pense à des choses que j'aurais très bien pu évoquer, mais pour lesquelles je m'interroge sur l'opportunité de le faire (excusez la phrase compliquée...)
Des histoires de regards.
Bref, la soirée s'est, à mon goût, très bien passée. Au point que j'envisage déjà une éventuelle réédition lors d'un prochain passage dans la capitale.
Nous avons fini la soirée en partant chacun en taxi. Anne d'un coté, Amandine et moi de l'autre (non, il ne s'est rien passé dans le taxi...).
La timidité avec Amandine était bien plus marquée qu'avec Anne. Je ne sais pas bien pourquoi...
Depuis, nous ne nous sommes pas donné de nouvelles.
Nouvelles que j'attendais donc ce soir, avec une intensité insoupçonnée...
Je suis aussi allé faire un tour sur le "forum maudit", pour constater que je me sentais bien loin de tout ce qui y avait été dit.
Je me moque de l'opinion qu'on peut y avoir de moi désormais. Je n'ai même plus l'envie d'y participer.
A part ça, tout va bien.
J'étais en pleine forme ces derniers jours, ces dernières heures.
J'étais.
Je n'en veux qu'à moi-même.
Correctif Mardi 23 octobre 2001
Je n'aime pas laisser des traces de mes moments noirs. Hier ça n'allait pas fort, puis ce matin il a suffi que je lise un message pour que tout aille mieux.
Mieux, mais pas parfaitement. Lorsque je "plonge", il me faut toujours quelques jours pour "remonter". Une période pendant laquelle je suis fragilisé, vacillant sur un échafaudage que je tente de reconstruire.
Je suis habituellement plutôt heureux de vivre, mais lorsque ça ne va pas, c'est quelque chose d'assez profond. Même si l'origine peut paraître bien futile. Et encore plus futile si on la compare à ce que vivent tant de gens...
Mais bon, la vie est ainsi faite que l'on ressent parfois des malheurs qui n'existent que parce qu'on a la chance de pouvoir y penser.
L'important est de savoir relativiser les choses et ne pas se complaire dans ces moments.
Une pensée pour Claudio, diariste "hors communauté", qui vit des moments bien difficiles ces jours-ci...
La mémoire des écrits Mercredi 24 octobre 2001
Savez-vous qu'il existe en France une "Association pour l'autobiographie et le patrimoine autobiographique" (APA)? Je viens de recevoir le bulletin trimestriel, avec la surprise de lire la dernière entrée du (autrefois) célèbre MöngôlO. Drôle d'effet d'ailleurs de lire un texte imprimé, noir sur blanc, en comparaison avec ce que j'avais lu sur mon écran, au mois de mai.
Comme si les écrits traditionnels avaient plus de poids, plus de présence.
MöngôlO, comme bien dautres, a disparu du monde des diaristes. Lui a laissé un trace de ses écrits, notamment en confiant une copie de ses écrits à, justement, l'APA. Des diaristes ont laisé en ligne leurs écrits, alors même que leur journal était éteint. Mais je suppose que beaucoup d'autres ont défénitivement disparu aux yeux de tous, gardant pour eux ce qu'ils avaient confié un moment au regards extérieurs.
Je repense souvent au journal de l'Incrédule, qui avait été pour moi le révélateur d'une forme d'écriture dont je me serais méfié à priori. Ce journal, elle le garde désormais pour elle, et seuls ceux qui en auront fait des copies du temps ou il était public en gardent une trace.
C'est contre la disparition de ces écrits que s'est crée l'APA. Ecrits sur papier pour l'essentiel.
Combien de journaux passionnants ont ainsi disparu, jetés, brulés, parce que celui qui les avait écrits, ou ses proches, ou ses descendants s'étaient dit «ça n'interessera personne»?
Le chemin de vie de chacun est à la fois unique et universel. Dans chanque récit de vie on peut retrouver des parcelles de soi, des fragments de révélations fulgurantes. De ces moments de grâce où l'on ressent parfaitement la même chose que celui qui l'a écrit. Ces moments sont parfois rares, ou se produisent régulièrement, mais ils sont à chaque fois un moment d'émotion pure.
Combien de réminiscences ont-elles jailli au détour d'un paragraphe écrit par un/une parfait(e) inconnu(e)?
Nos vies, racontées jour après jour dans des journaux-papier secrets, ou sur nos écrans ouverts à tous recèlent quelque chose de potentiellement riche. Riche pour celui qui, sans le savoir, découvrira un jour quelques mots ou des pages entières de ce qu'il cherchait sans même savoir que cela existait quelque part.
C'est à la recherche de cette richesse diffuse que je parcours les lignes des gens qui me plaisent. C'est aussi pour découvrir mes propres richesses intérieures que j'écris.
Plaisirs simples Vendredi 26 octobre 2001
11h00
Charlotte, il y a quelques minutes: «Tu es beau ce matin, tu es rayonnant». Beau, je ne sais pas, mais en forme, oui.
Et ceci parce que j'ai reçu récemment des courriels qui m'ont fait très plaisir. Celui d'une ancienne amie virtuelle, dont j'étais sans nouvelle depuis le printemps et que je n'osais pas trop recontacter.
Celui d'une de mes diaristes préférées qui me dit qu'elle a ressenti ma dernière entrée comme"un signe", puis qui me fait quelques confidences (j'adore les confidences, qui marquent la confiance que l'on m'accorde). Elle me montre aussi qu'elle a "senti" au delà de mes mots que je pouvais avoir à en dire un peu plus que ce que je mets dans ce journal...
Il y a aussi cette lectrice privilégiée avec qui j'ai de longs et intenses échanges de courriels. Des confidences de part et d'autre, mi retenues, mi délivrées... des demi-mots, sortis presque à notre insu et que l'autre perçoit et aide à approfondir. Aller au delà des barrières que l'on se met...
J'adore ces échanges multiples, tous différents, tous importants, tous enrichissants.
Alors forcément, ça me rend heureux et ça doit se voir sur mon visage et dans mon état :o)))
_____________ 23h15
Lu ceci sur le journal d'Eva: « Je n'ai plus le temps de vivre, mais cette hâte n'est pas un esclavage, car, même si mon temps est arraché à mes journées, soudainement je me sens vivre. Je cours, je bâcle, je m'écroule... mais en même temps, je pense, je rencontre, je découvre.»
C'est marrant, j'ai l'impression qu'en ce moment tout le monde est occupé, affairé. Je le lis chez plusieurs diaristes, et moi-même je suis dans ce cas. Et comme Eva, même en étant très occupé, j'ai l'impression de vivre pleinement.
Il faut dire que cela fait maintenant quelques mois que je me sens vivre vraiment. Je crois que c'est depuis que j'ai appris à profiter de la vie. Prendre, autant que faire ce peu, les plaisirs qui sont à ma portée. Petits ou grands, peu importe, mais ne pas laisser passer les bons moments. Ne pas reporter le plaisir.
C'est exactement l'inverse de ce qu'on a essayé patiemment de m'inculquer depuis toujours: d'abord l'effort, et après le réconfort. Mais, allez savoir pourquoi, souvent le réconfort compte beaucoup moins que l'effort.
Alors maintenant je prends lorsque j'en ai envie.
Et, bizarrement, ça ne me rend pas plus oisif...
Parce que je sais quand même ce que j'ai à faire. Mais je le fais lorsque j'en ai envie. L'envie pouvant être donnée par le seul fait que je sais que le stress sera là si je ne le fais pas.
Tout ce que je dois faire, je m'efforce de le faire selon mon goût du moment, pas forcément dans l'ordre logique, ou l'ordre de priorité.
Alors bien sûr, tout ne fonctionne pas aussi bien que si un programme judicieusement réfléchi enclenchait les actions les unes à la suite des autres dans une synchronisation parfaite... Mais ça marche! Peut-être que ça brinqueballe un peu, que des clients attendent plus que d'autre, que mon cadre de travail n'est pas impeccable... Certes, mais moi je vis beaucoup mieux de cette façon.
Et j'ai même l'impression que cette façon d'être plaît à des gens: ceux qui vivent un peu de la même façon. Comme si on se reconnaissait dans une certaine philosophie de la vie. Calmes, posés, les yeux grands ouverts sur la vie. Vivants.
Depuis quelques temps, je réfléchis à tous ces gens qui passent leur temps à se plaindre de tout. Critiquer, rouspéter, envier les autres, en vouloir plus... pfff! quelle fatigue! quelle source de frustration perpétuelle...
Bien sûr que la vie de chacun n'est pas toujours drôle. Mais est-elle triste pour autant? Et si au lieu de voir ce qui ne va pas on apprenait à voir ce qui va bien? Et si au lieu de se lamenter de ce qui nous manque on savait profiter de ce dont on bénéficie? Le coté matériel des choses est réellement problématique pour peu de gens, mais il y a quantité de trésors qui sont à la portée de tous.
Plaisirs simples, immédiats, gratuits. Une promenade sous les feuillages d'automne, un moment passé au calme sur un banc, assis sur un muret, couché dans l'herbe humide.
Une soirée entre amis, une discussion au téléphone, un échange de courrier. Des moments de partage, de fusion, d'émotion. Rire. Rire et rire encore.
Ecouter un enfant, son enfant, ses enfants. Les regarder, attentifs à ce qu'on leur apporte. Les voir grandir, s'épanouir.
Partager les bonheurs et les tristesses. Communiquer par émotions.
Se servir de ses sens, tous ses sens. Manger avec plaisir, en convivialité. Humer l'air, les fragrances, un parfum dans la rue, l'odeur des champignons. Ecouter le vent, le silence, de la musique, la rumeur de la rue. Toucher la pierre, le bois, se plonger dans un bain, carresser la peau, carresser un sexe, vibrer...
Et regarder de tous ses yeux. Croiser des regards, détailler l'architecture, observer le ciel étoilé, les nuages, une écorce de vieil arbre, le pistil d'une fleur. Lire, lire de tout, encore, apprendre. Aller au cinéma, parcourir les magasins pour rêver de tout ce qu'on aura pas... mais sans convoitise.
La liste des plaisirs simples est illimitée...
Certainement plus longue que celle de tous les désagréments de la vie. Plus longue aussi que celle des plaisirs inaccessibles.
Mais n'est-ce pas simplement une façon différente de percevoir le monde que d'en regarder préférentiellement le coté sombre ou le coté lumineux?
C'était un épisode d'écriture libre, sans contrainte ni retenue aucune. Pour le plaisir...
Le simple bonheur d'écrire.
Poursuivre le voyage intérieur Samedi 27 octobre 2001
« Je pense ne pas avoir assez vécu d'expériences importantes pour écrire, je me crois encore trop naïf - j'ai peur de me complaire dans les lieux communs, d'écrire des évidences.»
Voila une phrase qui correspond bien à ce que je pense de mon entrée d'hier. Je l'ai trouvée sur l'excellent site Anomalie. Le gars qui écrit là est génial par l'approfondissement des sujets qu'il aborde. ses textes sont clairs, structurés, multidirectionnels. On ne peut pas vraiment parler de diariste, mais plutôt de penseur. Si vous avez le temps de lire (ses entrées sont rares mais très longues) allez-donc y faire un tour...
Je trouvais donc que mon entrée d'hier me paraissait bien naïve et sans grand interêt. Une suite de lieux communs qu'il était inutile de récapituler. Parler du ciel et des petis oiseaux n'apprend rien à personne.
Et puis j'ai tendance à transposer mon cadre de vie, ma liberté de temps et de mouvement, à des gens qui vivent en ville et n'ont que peu de possibilités de jouir des plaisirs que j'énumérais...
J'ai eu beau essayer de décrire des plaisirs qui se découvrent en ville, ils restent largement minoritaires et soumis à tout un tas de contraintes inhérentes à l'urbanité.
Bref: on efface tout et on recommence!
Il se trouve qu'en ce moment, vous l'avez constaté, je tâtonne un peu sur le style de mon journal.
Il faut que je secoue un peu tout ça et que je retrouve un style qui soit bien à moi. Qui soit moi.
J'aimerai tout à la fois écrire des textes d'ordre général, un peu approfondis, soignés. Mais je ne m'en donne pas le temps. Donc je suppose que ce n'est pas ce qui me convient pour le moment.
J'aimerai surtout être sincère, libre, introspectif. Aller chercher tout au fond de moi ce que j'ai à me dire. Et pour me le dire, vous le dire. Je sais, ça peut paraître idiot d'avoir "besoin" de témoins pour s'exprimer du plus profond de soi, mais c'est ainsi. Je ne suis pas le seul à avoir fait ce constat de l'écriture en ligne plus intime que celle du journal intime personnel, sans lecteurs.
Ce qu'exprime aujourd'hui Bliss: « On parlait de sentiment et de journal en ligne. Comme beaucoup, j'ai tenu un journal papier. Mais, paradoxalement, je me suis rendue compte que j'exprimais moins mes sentiments sur le papier que sur ce site. Je ne sais pas pourquoi... »
Et c'est parfois ce paradoxe que j'ai envie d'explorer. Aller loin, très loin en moi. Plus loin que ce que je ne m'autorise à aller voir en pensée. Dépasser l'auto-censure, laisser libre cours à toute idée qui me traverse. Vous savez ces idées toutes plus folles les unes que les autres qui nous viennent n'importe quand et que la pensée raisonnable refoule bien loin.
Le problème, c'est que les rares fois où je me suis laissé aller, j'ai eu des sueurs froides ensuite, en pensant que des gens allaient lire mes élucubrations. Pourtant, je n'ai jamais supprimé quelque chose qui avait été écrit. C'est une règle que je me suis donnée: un mot écrit, qui a pu franchir les barrières de l'auto-censure, n'est jamais supprimé.
Ce que je sais aussi, c'est que souvent c'est à la suite de mes entrées les plus intimes, les plus "fortes", que je reçois des messages. Je sais qu'à ces moments là je touche quelque chose chez ceux qui me lisent. Et c'est bien aussi un des buts de mon écriture ici: partager des impressions, des émotions.
Je ne sais plus si c'est ici ou a une lectrice que je disais que cette façon de m'exprimer face à des gens que je connais peu à peu, au fil des échanges de courriels, avait fini par modifier mon écriture. Il est bien plus difficile de laisser libre cours à ses pensées intimes face à des gens que l'on connaît, fût-ce seulement par leur pseudonyme ou leurs écrits.
Mais maintenant que je constate cette gêne, j'ai envie de la surpasser. Je sais que je suis accépté par les gens qui me lisent ou avec qui j'échange. A moi de continuer à être celui que je me sens être, sans craindre de perdre leur... estime?
Lors des attentats du 11 septembre, j'ai pris un autre ton. Sur le moment, j'ai craint que mes prises de position puissent déranger. Je n'en ai eu aucun écho, malgré quelques messages de commentaires.
En fait, il a fallu que je rencontre ces deux lectrices pour me rendre compte que je ne me sentais plus vraiment libre de mes mots. Et pourtant, ce ne sont pas elles qui m'ont reproché quoi que ce soit. Personne ne m'a jamais reproché quoi que ce soit sur ce journal. Au contraire, on m'a souvent dit qu'on appréciait ma sincérité.
C'est donc dans cette voie que j'ai envie de poursuivre. Continuer à m'explorer, même face à ces gens que j'apprécie et qui semblent (?) m'apprécier. Oser être celui que je suis. M'enfoncer dans les profondeurs de mes non-dits, poursuivre ce voyage intérieur. Non plus seul, comme lorsque j'ai débuté ce journal, mais en sympathie avec ceux qui suivent mes écrits.
Avoir confiance en eux, en vous, et ne pas craindre un jugement de votre part. Ne plus avoir peur d'être rejeté, abandonné parce que mes idées seraient choquantes, bêtes, idiotes, ou je ne sais quoi.
Ces réflexions me sont venues suite à cette rencontre, justement et de ma réaction déçue en n'ayant aucun retour de leurs impressions dans les jours qui ont suivi. Je me suis senti mal à l'aise, craignant de les avoir déçues de je ne sais quelle manière. Qu'elles m'aient trouvé inintéressant. Or l'une, puis l'autre, m'ont écrit ensuite. Et évidemment leurs courriers ne montraient aucune trace d'impressions négatives, au contraire...
Je me suis rendu compte (bien que ça ne soit pas nouveau...) de mon extrême vulnérabilité au jugement d'autrui. Toujours cette peur de l'insignifiance, de n'être rien...
Ceux qui me suivent depuis un moment se souviennent peut-être que j'attribue cette impression à l'image que me renvoyait mon père lorsque j'étais adolescent...
Tous mes problèmes relationnels viennent de cette impression de n'être rien.
Et c'est en échangeant avec des gens que j'ai pu "séduire" par mes mots, mes propres idées, que j'ai pris un peu plus conscience que je n'étais pas "rien". Ce qui est nouveau c'est que ces personnes que j'ai rencontrées sur internet, ce n'est pas à la suite de circonstances de la vie. Ni par mes études, ni par mon métier, ni par un cercle d'amis ou de connaissances. Non, c'est seul, par la démarche volontaire de laisser mes idées sur un journal en ligne, ou d'aller discuter sur des Chats ou des forums (la réussite est nettement moins flagrante, là...) que j'ai fait connaissance de personnes avec qui nous pouvons maintenant échanger.
Bon, c'est peut-être un peu confus comme texte, mais j'écris comme d'habitude en laissant filer les idées.
Donc, peu à peu je me suis installé dans une routine de mots et de courriels... mais en abandonnant peu à peu ma liberté d'expression ici, par peur de perdre ces nouvelles connaissances.
Maintenant, je me dis que je dois passer à une autre étape: poursuivre dans la voie de l'introspection "en public" (public restreint et plus ou moins connu)... et voir ce que ça donne.
Si jamais je devais choquer ou déranger (je ne vois pas bien pourquoi...), et bien j'en tirerai les conséquences.
Bon, je dis tout ça ce soir, mais il ne faut pas se leurrer: la conversion ne sera pas immédiate. Il y aura des avancées et des retours en arrière.
Disons que c'est ce que j'aimerais arriver à faire.
Peut-être que celà pourrait aussi se faire sous la forme d'un journal d'accès restreint, pour ne pas être ouvert à tous les vents?
Ah oui, une des raisons qui m'a fait me rendre compte avec plus d'acuité de mon auto-censure: une diariste qui a senti que derrière mes mots il y avait autre chose que ce que je voulais bien en dire... Et elle avait raison.
Vous savez ce qui me retient parfois? Le risque que quelqu'un se moque de moi un jour. Je suis tellement sensible à l'opinion des autres que je crains les effets que pourrait avoir un jugement défavorable.
Mais bon, je verrai bien. C'est une façon de m'endurcir aussi.
_____________ Bizarre... je reçois régulièrement un compte rendu des visites du lieu ou j'ai déposé mon texte autobiographique. Et régulièrement il y a quelques visiteurs. Mais plus aucun qui me demande la suite.
Que dois-je en déduire?
Probablement que sa lecture ne déclenche pas de motivation pour poursuivre. Bon à savoir, quand on s'est bêtement (et fort prétentieusement!) imaginé un jour qu'un tel texte pouvait avoir un interêt.
Ce qui ne m'empêche pas de laisser en ligne...
________________ L'extrait du jour:
« En mettant mes textes online au départ, je pensais vaguement que le lecteur pourrait appliquer mes idées à sa propre vie et voir si elles font du sens. Pourtant, il est parfois difficile de rattacher ce que je dis à la réalité, tant j'ai tendance à planer dans les sphères de l'abstraction. C'est un côté de moi que je ne veux pas nier : oui, je pense abstraitement. Mais je ne suis pas que ça. Je n'ai pas d'identité centrale. Je suis multiple. »
Dans "Anomalie"
________________ Le site du jour: L'instant clic - le net journal d'Ophélie
Une nouvelle dans le monde des diaristes, qui m'a fait très bonne impression en la découvrant ce soir. A suivre...
Présence impalpable Dimanche 28 octobre 2001
Fait rarissime: j'ai relu mon entrée de la veille!
Sans doute parce qu'une de mes lectrices m'a encouragé à continuer dans la voie que je décrivais. Alors j'ai voulu relire ce que j'avais écrit.
Parce que je ne sais pas comment ça se passe pour les autres, mais j'oublie très vite le contenu de mes entrées. Un peu comme si une fois que les mots étaient transférés de ma pensée au clavier, il ne restait que peu de traces dans la pensée.
Preuve que l'effet "vider la tête" est très efficace. Mais je me dis aussi qu'il est peut-être dommage que j'oublie aussi vite mes pensées des jours précédents. Quand je dis "oublier", évidemment elles ne sont pas loin et je me retrouve bien en les lisant. Mais c'est comme si je n'en étais plus assez imprégné. Et je crains que d'oublier ainsi ne me fasse faire des répétitions de pensée (réfléchir à nouveau à un sujet déjà abordé). Outre le fait que je DETESTE me répéter devant vos regards, je me dirais volontiers que penser plusieurs fois la même chose est une perte de temps et d'énergie cérébrale.
A contrario, si j'y repense, c'est que ce n'était sans doute pas encore très clair dans ma tête. Et si des pensées ne me reviennent plus, c'est qu'elles sont suffisamment éclaircies et ne me posent plus de problèmes. Donc c'est plutôt bien.
Suite à mon entrée d'hier, j'ai repensé à cette notion de me sentir "inintéressant". C'est une idée récurrente, autant ici (la peur de me répéter, de lasser,...) que sur des forums (être mal jugé) ou surtout pour les relations d'amitié internautiques.
Pour l'écriture de ce journal, je n'ai jamais cherché à faire de l'audience. J'entretiens un rapport complexe avec le nombre de mes lecteurs. J'aimerai à la fois qu'ils soient nombreux (que beaucoup de monde m'apprécie), qu'ils me lisent en sympathie (apprécient globalement mon écriture et celui que je suis ici), que nous ayons un certain degré de relation (échanges ponctuels ou suivis). Accessoirement, j'aime aussi connaître un peu mes lecteurs, à travers leurs écrits ou leurs messages. Ces derniers critères penchent plutôt vers un lectorat restreint et identifié, en opposition avec le désir du nombre.
Et le nombre pour le nombre ne m'intéresse absolument pas Je me fous d'avoir un grand nombre de visiteurs si il n'y a pas de temps en temps un retour, un écho de lecture. Ou du moins si je ne suppose pas que même les silencieux lisent en sympathie. Ce qui m'intersse, c'est évidemment le suivi de lecture, pas le passage occasionnel.
J'ai toujours dit qu'un grand nombre de lecteurs (et évidemment lectrices) risquait de me gêner. Actuellement, je constate que mes entrées sont suivies par une trentaine de personne à chaque mise à jour. C'est un nombre qui me convient. J'en identifie la moitié, si j'en juge par les retours que j'ai.
Ce besoin que j'ai de ne pas me sentir "sans interêt" se manifeste encore davantage dans les échanges. Parce que peu à peu j'ai noué des relations, s'est créé un certain attachement avec certaines personnes. Différent pour tous, avec un contenu et une profondeur variables, tout comme la fréquence des échanges.
Mais il se passe parfois quelque chose que je redoute: le silence, ou la non-réponse à un de mes messages dans un délai qui s'établit à mon insu. Alors rapidement je me mets à douter.
Douter de qui? De ma/mon correspondant(e), ou de moi? Je crois que c'est bien plus de moi que je doute. De cet peur d'être sans interêt, ou que l'interêt s'émousse, disparaisse. Mais bien évidemment, c'est aussi de l'attachement que les autres peuvent avoir envers moi que je doute. Et ça, ça me gêne. Parce que je transpose sur eux mes propres doutes sur moi-même.
Pourtant, je crois que jamais je n'en ai voulu à quelqu'un qui semblait ne pas me répondre. C'est toujours moi qui m'efface. Pas de réponse? alors je ne dis rien. J'attends en silence, tout seul dans mon coin. Et je n'ose plus dire quoi que ce soit, de peur d'agacer ou de paraître solliciter une bienveillance à mon égard.
La plupart du temps (toujours?), les personnes en question me répondent quelque temps plus tard, ou même beaucoup plus tard, mais le ton de leur message me montre que j'ai eu tort de douter de ce qu'ils pouvaient penser de moi.
J'ai beau le savoir, je ne parviens pas encore à surmonter cette impression lorsque le cas survient. Mais ça s'améliore quand même!
Et evidemment plus l'attachement que j'ai envers la personne est marqué, plus le phénomène est fort...
Je réfléchis souvent à cette notion "d'amitié internautique" (plutôt que "virtuelle"). Qu'est-ce que l'amitié? Echanger librement avec des personnes de qui on se sent proche, partager des points de vue, s'apporter mutuellement quelque chose. Être prêt à écouter l'autre le cas échéant, tenter de lui apporter une réponse, des pistes de réflexion. Être disponible n'importe quand, même après un long silence, pour dialoguer. Retrouver immédiatement un état de complicité au point où on l'avait laissé au contact précédent.
En un mot: avoir du plaisir à être avec cette personne, se sentir bien en sa compagnie.
Si c'est ça, alors je crois pouvoir dire que j'ai des amitiés sur internet (en espérant que ce sentiment soit partagé...).
Evidemment, évidemment... il manque le coté sensitif (ou sensationnel, dans l'idée de "sensations" ), qui rend la comparaison avec le réel assez peu pertinente. D'ailleurs, bien souvent je me suis dit que la réalité ne permettrait pas de créer aussi rapidement des relations aussi approfondies. Je crois qu'il faut tenter de cesser de comparer (je sais, je ne cesse de le faire...) le coté "réel" et le coté "virtuel".
Il faut plutôt voir ces échanges comme un contact direct de pensée à pensée, de sensations à sensations, émotions à émotions. Et SANS cet intermédiaire qu'est le contact des sens. Dans la vié réelle, c'est émotion+expression vers vision+émotion. Sauf pour les gens très à l'aise, il y a des parasites qui viennent troubler ou déformer le message. Gestes, attitude, gêne émis par celui qui s'exprime et qui sont perçus, vus, interprétés par celui qui les reçoit en même temps que les mots. Pour les timides, qu'ils s'expriment ou écoutent, ces parasites perturbent fravement le message qui doit passer. Ou qui le bloquent carrément.
Ce n'est pas un hasard si beaucoup de diaristes évoquent leur timidité alors qu'elle ne se ressent absolument pas dans leurs écrits.
Je ne sais pas comment m'ont perçues les deux lectrices qui m'ont rencontré, mais je suppose que j'étais nettement moins libre que je ne le suis ici...
Et il me semble évident qu'avec la plupart des personnes avec qui j'ai des échanges, si nous nous rencontrions, il y aurait un malaise palpable de part et d'autre.
Est-ce que pour autant je préfère les échanges par éléctronique interposée? Assurément non. C'est un moyen extraordinaire d'expression directe, mais il manquera toujours ce contact des cinq sens, en particulier la vision et l'audition. Euh... pour les trois autres, il faut aller quelques degrés plus loin dans l'intimité.
J'ajouterai pourtant volontiers un sens nouveau: celui de la présence.
Synthèse de la vision, de l'ouie et de "l'émotion palpable". Un sens particulier auquel nous ne faisons pas attention dans la vie courante mais qui joue un rôle considérable dans tout contact humain. C'est aussi ce qu'on appelle le "langage non-verbal", celui des gestes, des regards, de l'attitude générale.
Bon, tout cela n'est sans doute pas très scientifique, mais je suis certain que vous me comprenez...
Quand je repense à cette rencontre que j'ai faite, je sais que mes yeux captaient des messages visuels dont je n'avais même pas conscience exacte. Regard, mouvements de bouche, esquisses de sourires ou rire franc, plissements des yeux. Et puis des signes moins expressifs mais qui appartiennent pourtant aux personnes: habillement, coiffure, façon de déambuler de se mouvoir, aisance gestuelle ou pas.
Pareil pour la voix, les intonations, le rire, les silences.
Et puis ce coté "présence", le contact à distance (ça existe?) d'une personne, de son corps. Comme si rayonnait quelque chose, à la fois chaleur et mouvement. J'irais presque jusque à dire odeur, tiédeur.
Non non, on était à distance tout à fait correcte, je vous assure!!!
Je ne sais pas si vous me comprenez. Je pense que oui.
Vous voyez, c'est ce genre de choses qui me semble le plus difficile à remplacer sur internet. C'est un nouveau langage qu'il "nous" faudra inventer pour tenter de faire passer le maximum de détails si peu signifiants, mais dont la conjugaison rend l'ambiance plus vivante.
Ah ben tiens, c'est rare, mais je dois dire que je suis content de ma réflexion ce soir :o)
J'ai l'impression d'avoir approché d'un peu plus près ce "quelque chose" des relations virtuelles que je cherche à comprendre depuis longtemps.
C'est ce qui me motive, m'enthousiasme, m'asbsorbe depuis que je ne cesse de découvrir cet extraordaire moyen d'expression. Toucher l'émotion, le vivant qui est en nous. Communiquer au plus près de ce que nous sommes vraiment.
Je sais pas pour vous, mais moi ça me passionne...
* * * Relecture faite, je me rends compte qu'une fois de plus j'ai dérivé d'un sujet à un autre. Pas grave, ces associations de la pensée ne sont pas rigoureuses mais permettent de laisser s'écouler le fil des idées.
Et puis, je dois bien avouer que ce que je décris sur la notion de "présence" n'aurait sans doute pas été identique s'il s'était s'agit d'hommes...
Voui, je n'ai jamais caché que j'avais un certain plaisir à échanger avec des femmes, voire même à les rencontrer.
Mais je ne crois pas que ce soit anormal...