Mois d'avril 2002
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Vos yeux de lecteurs
 
 
Vendredi 5 avril
 
Pas trop le temps ni l'énergie pour écrire en ce moment. Hier soir je me suis mis à répondre à quelques mails en attente. Je déteste faire attendre, mais je ne veux pas non plus me "forcer" si je ne suis pas en bonnes conditions de réflexion.
 
Je crois que plusieurs d'entre nous ont ce problème: manque de temps et de... disons "énergie scripturale". C'est vrai quoi, écrire demande un investissement de sa personne et parfois on n'a plus assez de ce carburant pour être aussi présent qu'on le souhaiterait. Pour ma part, en dehors des périodes peu occupées professionnellement, je sais que je ne peux écrire à la fois dans ce journal, participer à des forums, et correspondre de façon approfondie avec mes amitiés internautiques.
 
Sans doute un peu bêtement, au lieu de m'organiser et de planifier une réponse approfondie par soir, je papillonne en choisissant des interventions plus ponctuelles: courts messages, participation au forum de la CEV, liste de discussion du magazine sur le journal intime...
 
Tiens, en passant, et pour ceux qui ne le savent pas encore, il sera prêt d'ici très peu de temps. Vous aurez même droit à un édito que l'on m'a fort aimablement proposé d'écrire.
 
Bref, tout ça pour excuser une fois de plus mes mises à jour espacées.
 
Euh... pourquoi m'excuser? Personne ne me demande rien, personne ne se plaint, et je ne suis indispensable en rien! Faudrait quand même pas que je me sente "attendu" comme si mes mots avaient une importance dans la vie de qui que ce soit.
 
Non, je ne crois pas que c'est ce que j'ai en tête en m'excusant. C'est plutôt d'être présent...
 
Être présent pour quoi? Pour qu'on ne m'oublie pas? Non plus. Euh... pour ne pas décevoir? Oui, ce serait plutôt ça. Je crains de laisser croire que mes lecteurs m'indiffèrent si je n'écris pas pendant quelques jours. Un peu la même impression que lorsque je ne réponds pas assez vite aux mails...
 
Oh la la, mais c'est pas possible de toujours agir en fonction de ce que pourraient penser les autres!
 
Bon, pour relativiser cet épisode nombrilo-nombriliste, allez faire un tour sur ce site, dont j'ai trouvé le lien sur la page de l'Insomniaque. Le contraste est saisissant entre une vie où il se passe si peu de choses qu'on peut passer des heures à l'auto-analyser en public, et ces vies meurtries et déchirées qui ne laissent de temps qu'à l'inquiétude du lendemain.
 
Putain, mais de quel droit ose-t-on se plaindre de nos vies paisibles?
 

 

* * *
 
21h45
 
Je n'avais pas mis en ligne cette entrée, écrite ce matin. Et il s'est passé une foule de choses depuis ce moment là! Vous n'avez pas idée.
 
Lisez plutôt le récit de ces palpitantes aventures:
 
D'abord ce fameux magazine sur le diarisme que j'évoquais depuis quelques temps, tout comme quelques diaristes qui avaient participé à son élaboration, est enfin en ligne! C'est-y pas une bonne nouvelle ça?
 
Il s'appelle "Claviers intimes" et est disponible à l'adresse suivante:
http://www.claviersintimes.fr.st/
 
 
La deuxième chose qui a changé depuis que j'ai écrit ce matin, et bien... c'est que je suis "attendu" lorsque je n'écris pas pendant quelques jours. Si si, c'est une personne qui m'est chère qui m'a fait cette révélation. Bah... je dois dire que ça me fait plaisir :o)
 
Je crois que ce genre de petits témoignages de sympathie me permettent de prendre quelques grammes de confiance en plus. Petits grains de sable qui s'accumulent dans la balance entre les doutes et l'assurance.
 
Je ne compte pas sur des gros cailloux qui viendraient bouleverser un équilibre en déstabilisant tout, mais bien sur cet écoulement grain à grain, comme le ferait un sablier, pour inverser tout doucement ,mais inéluctablement, le rapport des forces. Et c'est ce qui fait toute la valeur de chaque grain, aussi anodin soit-il en apparence...
 
Et c'est bien cette source de petits grains que j'ai découverte en devenant diariste en ligne et en m'ouvrant à ce monde de partage d'intimités.
 
Je n'en finis pas d'être élogieux vis à vis des ces relations créées via internet. Comment ai-je pu avoir cette intuition lorsque j'ai commencé ce journal avec la phrase d'accueil suivante " A la découverte des nouvelles formes de relation qui se développent sur le net (journal intime, e-mail,"Chat", forum)"? Si j'avais su que je resterai aussi longtemps à explorer ce sujet...
 
 

 
 
  
 
Révolte inutile
 
 
Lundi 8 avril
 
 
Je lis, par tranches, ce blog (Brest-Jerusalem) indiqué par L'insomniaque. Parfois je sens une onde de frissons me parcourir le dos et finir sur mon front. Dents serrées, je suis plongé dans ce que je lis. Je m'y vois, je suis là bas.
 
Après que nous soyons lassés des images télévisuelles consensuelles, trop attendues, trop identiques, trop... télévisuelles, voici que je découvre l'info de l'intérieur. L'info vécue, vue, racontée. Comme ce que nous, diaristes, racontons dans nos sages journaux bien tranquilles.
 
Je n'ai aucune raison de douter de ce que je lis sur ce site, pas plus que je ne doute de ce que je lis de la part de mes collègues diaristes.
 
Je ne suis pas naïf au point de ne pas savoir ce qu'est une guerre et le cortège de petites saloperies qui l'accompagne...
 
Mais quand même, suffisamment naïf pour imaginer à chaque fois que notre soit-disant "civilisation" nous protège d'une certaine crétinerie. Erreur grossière. Je devrais pourtant le savoir. Depuis ce que nous avons su des évènements bosno-serbes, ou a peine aperçu du conflit Tchétchène, je dois me rendre à l'évidence: nous ne sommes à l'abri de rien sous notre vernis de savoir.
 
Combien de temps me, nous, faudra-t-il pour comprendre et admettre que la connerie fait partie de nous au même titre que la bonté.
 
Je ne peux que partager, de loin, l'écoeurement de ce français qui nous raconte ce qu'il voit. A défaut de partager ce que vivent tous les opprimés dont les mots directs ne me parviendront jamais aux oreilles.
 
Je n'aime pas mon impuissance, je n'aime pas cette distance qui fait que mon indifférence me permet de continuer à vivre comme si rien ne se passait.
 
Mais que puis-je faire?
 
Je me borne à diffuser ce lien, en espérant (belle illusion qui me donne bonne conscience!) que si beaucoup de gens prennent conscience des choses cette sourde révolte puisse influer le cours des choses.
 
Mais quelque chose en moi me dit que c'est vain...
 
Dégoût.
 

 

* * *
 

 

Reflexions de Ultraorange (7/04/2002) sur sa non-implication dans la "communauté des diaristes". Elle refuse sciemment de s'impliquer dans des relations avec des lecteurs, préférant éviter qu'ils ne puissent devenir proches, ce qui aurait pour effet possible de limiter sa liberté d'expression.
 
Elle voit sans doute juste...
 
 


 
 
Etats d'âme
 
 
Mardi 9 avril
 
 
Parfois je pourrais être tenté de venir sur ce journal exprimer mes états d'âme. Tous mes états d'âme. Or généralement j'essaie de ne livrer que ce qui peut avoir une portée un peu plus large que ce qui ne concerne que ma petite vie.
 
En cela le journal sur internet diffère du journal personnel. Du moins pour ce qui me concerne.
 
Pourtant, je me dis parfois que je pourrais me laisser aller évoquer des éléments très nombrilistes. Je veux dire par là qui ne concernent que moi. Peut-être est-ce la réflexion de Ultraorange qui me fait me poser ces questions?
 
Ouais, parce que si j'écrivais vraiment ce que j'ai dans la tête, ça serait sans doute un peu différent de ce que je livre actuellement. Oh, pas de grands révélations... juste des état d'âme qui ne ressortent que rarement.
 
Par exemple comment évoquer ces moments de mal-être que je ressens de façon récurrente (quoique de plus en plus rarement)?
 
Hier nous avons eu avec Charlotte un épisode d'incompréhension. Elle m'a vu rentrer à la maison fatigué, la mine un peu renfrognée. Elle me l'a signalé et je lui ai répondu que oui, c'est vrai, le stress de mon travail me préoccupe. Elle le savait bien d'ailleurs, me connaissant depuis suffisamment longtemps pour détecter ce genre de choses.
 
Trouvant les enfants devant mon ordinateur favori, installés à trois sur des chaises serrées devant l'écran et me privant d'accès à mon bureau, j'ai dit à Charlotte que ces moments de vacances avaient un coté pesant pour moi. Parce que cela bouleverse un peu mes habitudes et que je me sens dépossédé de mon "antre". Mais conscient de cet égoïsme, j'ai commencé une phrase en lui disant que j'en avais marre de moi et... .J'allais ajouter "et de mon égoïsme". Mais elle ne m'a pas laissé finir. Elle s'est énervée en me disant que c'était à chaque fois pareil en cette saison: je deviens tellement préoccupé par mon travail que cela rejaillit sur toute la famille.
 
(...) Coupé au milieu... ça va être difficile de reprendre!
 
Euh...
 
Bref, Charlotte s'est énervée et m'a ressorti des trucs qu'elle avait accumulés depuis quelques jours. Et pan dans la figure!
 
J'ai essayé de lui expliquer, de répondre à ce qu'elle me disait, mais rien à faire. Réaction immédiate à cette impossibilité à communiquer et à cette injustice qui m'est faite: moral en chute libre.
 
Ben oui, parfois il m'en faut peu. Il suffit que je sente que Charlotte ne soit pas contente de moi, me fasse des reproches ou me juge pour que je me sente seul... et que je m'enferme encore plus dans cette solitude. Le contact se coupe et plus rien ne passe.
 
Silence de ma part, parce que je ne me sens pas bien en moi, pas bien avec elle. Silence de sa part parce qu'elle est en agacée et que mon silence l'agace encore plus.
 
Alors elle me le fait savoir, avec quelques remarques judicieusement acides, dont elle a plus ou moins conscience de la portée.
 
C'est pas de sa faute à Charlotte: chez elle, tout le monde s'envoyait des vacheries à la figure. Pour elle c'est un mode de fonctionnement normal d'agresser. Elle m'agresse en pensant que mes paroles sont des vacheries.
 
Jusqu'à ce qu'elle se soit calmée, puis se rende compte qu'elle est peut-être allée un peu loin. Alors elle vient et s'excuse. Juste par un mot. C'est bien, mais insuffisant.
 
Je suis prêt à l'excuser, mais ce qu'elle m'a dit m'a bien souvent fait mal. Sous l'emprise de la colère elle m'a sorti des vérités qu'elle me cache habituellement. Et la plupart du temps je tombe de haut. Je me rends compte que certaines de mes attitudes ou paroles l'ont dérangée, mais qu'elle ne m'en a rien dit. Je me sens mal de lui avoir déplu, ou de n'avoir pas compris ce qu'elle attendait. Je me sens mal aussi parce qu'elle a été un peu cassante avec moi. Je ne comprends jamais qu'elle puisse "oublier", dans ces moments-là, que nous nous sommes choisis et que nous partageons nos vies. Comme si notre complicité, subitement, n'existait plus.
 
Démoli, je ne sais plus comment réagir. Je reste enfermé dans ma bulle de solitude. Non que je boude ou reste muet, mais c'est comme si je me trouvais face à une étrangère. Quelqu'un avec qui je ne parle plus la même langue, je ne partage plus les mêmes impressions.
 
Je sais pourtant que les choses ne pourront reprendre que par le dialogue. Mais comment retrouver cette confiance momentanément ternie?
 
Généralement c'est Charlotte qui essaie de racommoder les fils distendus. Et il faut un certain temps pour que nous puissions reprendre la discussion à partir du moment où elle a dérapé. Retrouver les bases saines en dissipant les idées fausses qui ont surgi au moment du malaise. C'est une étape qui me semble inévitable.
 
Alors peu à peu on repasse en revue les reproches, les mots sortis un peu vite... et surtout les antécédents qui ont fait que la situation s'est très vite dégradée.
 
En l'occurence, Charlotte regrettait que je ne me sois pas plus occupé d'elle la semaine précédente, alors qu'elle se disait fatiguée. Elle avait pensé surmonter cette déception, mais elle avait rejailli inopinément. De mon coté, effectivement je ne m'étais pas rendu compte de cette attente, de cette envie d'être "bichonnée".
 
Mouais... faut bien avouer que c'est pas vraiment dans ma nature de bichonner, ni d'être bichonné.
 
Mais j'aurais pu faire un effort... si au moins j'avais compris son attente. Seulement, vous savez bien l'incompréhension qui existe entre hommes et femmes (mars et vénus): le langage de l'un et de l'autre n'ont pas la même signification, et leur façon d'entendre pareillement.
 
Bon, on a fini par se comprendre et voir d'où venait le problème. On aura juste passé quelques heures en étant mal à l'aise et déprimés chacun de notre coté, se sentant totalement incompris l'un de l'autre.
 
Maintenant c'est bon. Il ne reste (pour moi) que quelques traces des mots injustes qu'elle m'a dit. Mais ça c'est le genre de choses qui passent avec le temps, parce que je ne peux que pardonner à celle que j'aime et qui n'est pour rien dans les séquelles héritées d'une enfance un peu perturbée.
 

 

* * *
 

 

En vrac:
 
- Bizarre que mon titre du 5 avril 2002 «Vos yeux de lecteurs» ressemble étonamment à celui écrit un an plus tôt «Chers lecteurs...». Si on ne m'avait gentiment fait remarquer que le clic "il y a un an" ne fonctionnait pas, je ne me serai jamais rendu compte de cette coïncidence.
 
- Un bon texte de l’insomniaque (Errances – 09/04/2002) au sujet de la reproduction de la routine de la vie terrestre dans le cercle du monde virtuel. Je me pose les mêmes questions qu’elle en constatant ces habitudes auxquelles nous cédons tous plus ou moins pour nous reconnaître ou nous identifier à un certain groupe.
 
Je n’ai pu m’empêcher de penser que je me laisse aussi happer : mêmes lectures, mêmes connaissances, mêmes liens… qu’un certain nombre de diaristes. Lorsque je fais un lien sur un des sites que je parcours, j’oublie qu’une part de mes lecteurs aura déjà vu ce lien sur un autre site. Et en ce moment même, en évoquant le texte de l’insomniaque, je sais que je serai lu par une part de ceux qui l’ont lue…
 
Pas facile d’avoir toute la curiosité nécessaire pour aller voir un peu plus loin. Par manque de temps, d’une part, mais aussi parce que je dissocie mes cercles de connaissance dans ce monde d’internet. Il y a le côté diarisme, le côté forums, et le côté qui m’est personnel, là où je ne communique pas.
 
A ce propos (vous voyez comme ma pensée erre sans fil directeur…), je me rends compte que mon anonymat s’effrite. Je donne de plus en plus facilement mon identité réelle, chose qui me semblait impensable à mes débuts. Il m’a fallu souvent du temps pour révéler mon prénom, mais maintenant il m’arrive de répondre à des mails via ma boîte personnelle (donc avec mon nom en clair). Certes, bien peu nombreux sont ceux qui me connaissent sous ma véritable identité, mais je sais que je n’aurais pas de réticences à la donner à plusieurs autres personnes dont je me sens suffisamment proche.
 
Il se pourrait même que j’écrive à la main à une de mes correspondantes privée momentanément d’internet. C’est presque quelque chose que je ne fais plus… (Au fait, merci R. pour la transmission du message).
 
Bon, une fois de plus je me rends compte que j’écris pour vous… Bof… je m’y fais à cette écriture « extime », comme dirait je-ne-sais-plus-qui. »
 
 
 

10 avril 2002
 
(Texte perdu dans un probable copier-coller maladroit...)
 

 
"Notre" journal
 
 
Lundi 15 avril
 
 
Pfff... c'est pô juste!
 
J'ai trop de travail en ce moment. Je ne peux donc plus écrire comme je le souhaiterais.
 
En faisant le tour des diaristes, puisque j'ai été absent quelques jours, je me suis rendu compte que certains sujets que j'avais voulu aborder ces derniers jours avaient été développés par mes "collègues": Claudio parle du journal humoristique de Henri le diariste, et Eva revient longuement sur ses journaux d'adolescence (04/04/2002).
 
Le hasard fait que la semaine dernière est passé l'anniversaire de mon tout premier journal, le 10 avril 1974. Oui, je sais, certaines personnes qui me lisent n'étaient même pas nées... Moi j'avais 13 ans et, comme beaucoup, je venais d'être très inspiré à la lecture du Journal d'Anne Frank.
 
Etait-ce un journal, ces quelques phrases insipides que je m'efforçais de noter avec régularité chaque jour? Pas au sens ou je l'entends désormais. Pas comme un journal-compagnon qui permet de cheminer en s'appuyant sur soi-même, sur ces phrases et ces révélations que l'on se fait au fil des mots tracés sur le papier.
 
Bon, je ne vais pas retracer l'histoire de ma pratique du diarisme, parce que je crois (ma mémoire titube...) l'avoir déjà fait ici. Et puis ce n'est pas ce qui m'intéresse aujourd'hui.
 
Si vous qui me lisez n'avez pas encore lu ce que dit Eva pour clore sa rétrospective, cliquez vite sur son texte. Je trouve qu'elle exprime très bien ce que je pourrais dire. J'en mets juste un extrait :
« Je pense que pour qu'un journal en ligne soit plus qu'un simple témoin (forcément passager) de son temps, il faut que son auteur porte sur son écriture une véritable réflexion, que ce soit un geste conscient et décidé, et non pas seulement un de ces "je veux écrire, mais que dire ?" comme j'avais à 12 ans. Une certaine maturité semble être nécessaire pour passer de l'intimité secrète du cahier d'écolier à la publicité du média internet. L'écriture doit être parvenue à la conscience d'elle-même. Lorsque les mots sont sentis, intériorisés, problématisés presque, l'écriture n'est plus une simple décharge d'émotions, ni non plus un médium transmettant des informations extérieures à leur mise en parole. L'écriture devient le centre du journal, et ce dans quoi plonge le diariste, ce n'est pas simplement sa propre intériorité, mais la puissance qu'il découvre dans le langage. Je crois qu'alors l'intérêt que l'on porte à un tel journal intime n'est plus simplement sociologique, mais, presque... allez, osons le mot... littéraire. De tels journaux (rares), je les lis quand bien même leur auteur serait à mille lieux de ce que je suis : mon but n'est pas simplement de voir comment vivent les autres, mais aussi de trouver le plaisir et la souffrance des mots, le tout réuni dans une sphère qui est presque esthétique...»
 
 
En lisant ça, je me rends compte une fois de plus que je peine à trouver un ton juste avec ce journal. J'aimerai que mes écrits aient une portée plus générale, plus universelle. J'aimerai aussi en améliorer le style, utiliser un vocabulaire plus précis, plus original, plus surprenant.
 
Mouais... en fait, je crois que j'aimerai avoir plus de talent.
 
C'est ce qui change beaucoup entre le journal privé et le journal publié. Ce regard extérieur, le votre, qui, d'une certaine façon "pèse" sur les mots. Un regard qui ralentit la scription (néologisme?) parce que je pense à chaque instant à ce que vous penserez de ce que vous lisez. A la fois par l'intérêt que cela peut susciter et pour la qualité de la forme.
 
Je me demande même si la prise de conscience de ces regards, du risque d'usure de votre intérêt devant mes élucubrations qui ont forcément un coté répétitif, attendu, ne sont pas un frein à mon expression. Depuis quelques temps je me dis «oh, je ne vais pas écrire ça, ça n'aurait aucun intérêt...». Et je crois que je me mets de plus en plus à douter de l'intérêt que je peux susciter. Je crains de lasser, de rabacher, de ne plus susciter la moindre surprise.
 
Ce journal n'est plus seulement le mien, il est aussi un peu le "votre". Disons qu'il est le notre: moi l'écrivant, vous les lecteurs.
 
Un peu bizarre, non?
 
Je retrouve bien là ce que dit Eva: « je me rends compte combien il est vain et absurde de dire que le journal sur internet n'est écrit "que pour soi" et qu'on ne change pas sa façon d'écrire quand on passe du papier au net. Bien au contraire, en entrant sur Internet, le journal intime est obligé de changer de sphère. »
 
Sans doute ne faisait-elle pas allusion à la même chose que moi, mais je trouve que sa remarque a bien un sens équivalent.
 
Bon, c'est un peu dingue le nombre de choses que j'aurais écrit sur ma propre pratique du journal en ligne! A une époque j'avais voulu distinguer ce "métajournal" du reste, mais j'y ai renoncé devant l'apparition inopinée de ces réflexions au sein du journal.
 
Je crois (aiguillé dans cette idée par une amie ayant plus d'ancienneté) que le journal se modifie forcément avec la durée. On commence un journal en ligne pour certaines raisons, puis une évolution se fait et d'autres raisons apparaissent. D'où le déséquilibre qui peut apparaître entre une certaine façon d'écrire connue et une autre, vers laquelle on s'oriente sans bien savoir à quoi elle correspond.
 
Cela est sans doute amplifié par les relations qui se créent entre diaristes. Si je n'avais aucun contact avec les lecteurs, peut-être que l'évolution se serait faite sans que j'en prenne vraiment conscience. Mais confronté au regard et à l'expression des lecteurs, avec des échanges d'impressions, il devient impossible de rester indifférent à ces présences.
 
Et je crois que c'est bien pour cette raison que je me sais écrire en pensant à ces regards identifiés, bien plus qu'à celui des ces présences inconnues révélées par mon compteur de visiteurs. Nombre... croissant, je dois bien l'avouer. Non que ma notoriété augmente, mais plutôt que le diarisme en ligne est de plus en plus connu. Et je l'ai toujours dit, ce nombre à quelque chose d'apeurant (comme diraient les Québecois). Tant de personne qui suivent silencieusement mes écrits.
 
Pourquoi? Qu'en pensent-ils? Qu'évoquent-ils pour eux? M'apprécient-ils ou au contraire s'étonnent-ils des mes tortuaisons mentales, ou de mes répétitions?
 
Mélange de fierté/crainte à se savoir lu.
 
Et, voyez vous, lorsque je me livre à ces petites confidences sur ma perception de vos regards... tout en sachant que vous les lirez, il y a un coté vertige auto-généré. Je vous explique ce que je ressens lorsque vous me lisez, alors que vous regardez derrière mon épaule et que je sais que vous êtes là...
 
Dissociation de moi face à mon écran et de moi, diariste qui vais mettre en ligne ces mots. Deux états simultanés entre lesquels je navigue. Ma pensée qui s'ouvre et ma pensée qui sera vue. Je suis l'un et l'autre.
 
Je suis à la fois un inconnu pour ceux qui arrivent ici pour la première fois, un nom idéntifié pour ceux qui me lisent depuis un moment, un correspondant pour ceux avec qui j'échange et un peu plus pour ceux de qui je suis proche. Et pour vous tous, j'ai une écriture unique. Ce n'est pas, il me semble, une situation habituelle dans la vie. Généralement les cercles sont bien identifiés et se mélangent rarement. A moins d'être un personnage public.
 

 

Lectures: Eva, 04/04/02 et 09/04/02
 

 


 
Journal de guerre
 
 
Mardi 16 avril
 
 
Jamais je n'ai trouvé aussi pertinente la formule "blog" que pour le site "Brest-Jerusalem". Lire au jour le jour et heure après heure les commentaires d'Olivier Six a quelque chose d'atterrant.
 
C'est une forme de journal que je ne connaissais pas. Le journal témoignage d'évènement. Il existait le journal de voyage sur internet, il existait aussi, antérieurement, le journal de guerre édité après les évènements. Mais le journal de guerre en direct, accessible à tous les connectés, je pense que c'est assez nouveau.
 
Cette forme d'expression me semble infiniment plus marquante que ce qu'on peut lire dans la presse de la part de journalistes qui donnent une vision formatée, habituelle, intégrée dans le flot des infos quotidiennes entre foot et élections. Ce que nous dit Olivier Six a quelque chose de plus vrai, de plus crédible. Il est un diariste, comme nous, mais lui utilise ce média non pour nous parler de sa vie, mais de ce qu'il voit.
 
Bon, je n'ai pas besoin d'en parler en fait. Il suffit de le lire...
 
Au passage, Télérama fait une pleine page sur ce site.
 
_________
 
Je suis un peu agacé: je viens de constater que la fin de ma page du 9 avril et l'intégralité de mon entrée du 10 avril ont disparu! Fausse manip de ma part, sans doute.
 
Il n'y avait certainement rien de transcendant dans ce que j'avais écrit sous le titre "Blogs", mais je n'aime pas perdre toute trace de ce qui est né de ma pensée du moment.
 
Même si je ne devais jamais le relire...
 


 
 
Libre pensée
 
 
Jeudi 18 avril
 
 
J'ouvre mon logiciel de mise en page (un truc providentiel qui était compris dans l'abonnement chez mon fournisseur d'accès internet). Je ne sais pas encore ce que je vais écrire, mais j'ai envie de m'exprimer.
 
Bribes d'impressions recueillies en lisant d'autres diaristes, souvenance de l'envie d'écrire ce matin, au volant de mon véhicule, en pensant à ce long et passionnant questionnaire auquel je réponds par étapes...
 
Je ne sais pas quels mots vont s'inscrire les uns à la suite des autres. Ils suivront mes idées, en espérant qu'elles aient la docilité de suivre le rythme malhabile de mes deux doigts frappeurs (bien que ce duo ait acquis une étonnante rapidité).
 
Les questions de mademoiselle O. me font beaucoup réfléchir sur ma pratique du diarisme en ligne. Je crois qu'il est bon de temps en temps de prendre un peu de recul et de s'observer. Oui oui, un peu de nombrilisme! Parce que sinon on ne se rend pas compte de ses propres changements, des modifications lentes mais profondes qui s'opèrent.
 
Ainsi, je me suis rendu compte que j'étais beaucoup moins intimiste qu'aux débuts de ce journal. Et moi qui tenais beaucoup à mon anonymat, je constate que le contenu de mes chroniques, actuellement, ne justifie plus de craintes. D'ailleurs je prends beaucoup moins de précautions pour séparer mes différentes identités du monde virtuel. Je me demande même si parfois je ne laisse pas traîner avec une fausse innocence des micro-indices qui pourraient éveiller la curiosité. Je crois que ces multiples personnalités sont un peu lourdes à porter. Et si un des buts inattendus de l'aventure était de relier en une seule mes diverses facettes?
 
Je lisais, juste avant de me lancer dans ce texte, une diariste que je suis depuis pas mal de temps, mais sans avoir eu l'énergie suffisante pour initier une relation clavière. Et je me disais, devant ses mots, ses extraits de vie, son monde dont elle nous dévoile une part... «Mais qui est cette inconnue?». Non, honnêtement je ne me disais rien, mais ma pensée tournait autour de quelque chose de ce genre. Pendant quelques instants je me suis retrouvé dans la position de celui que j'étais lorsque j'ai découvert les journaux en ligne: «Mais qui sont ces gens assez fous pour raconter leur vie en public?». Mélange de curiosité et de gêne. Qui pouvait oser se raconter avec impudeur, quelle personnalité suffisamment... (les mots de "sûr de soi" et "extraverti" me viennent...) audacieuse? forte? euh... zut alors, tous les mots qui surnagent sont à l'exact opposé de cette impression assez générale que nous avons de nous mêmes!!!
 
Diantre, voila qui me perturbe...
 
Serions-nous, diaristes qui nous croyons plutôt insécures (ça c'est du Québecois), finalement assez audacieux pour oser nous dévoiler en public? Ou alors chercherions-nous dans le regard des autres un renfort pour croire davantage en nous? Comme si nous savions que la seule personne à convaincre de notre euh... valeur? était nous mêmes?
 
Je laisse venir les idées comme elles se présentent, vous le constatez...
 
Parce que je me suis rendu compte d'une constante (vous me direz si je me suis trompé): nous avons une certaine tendance à nous dévaloriser alors que nos interlocuteurs ne cessent de nous dire que nous vallons plus que nous ne le croyons.
 
Je dis "nous", et c'est peut-être abusif, mais je pense à ces gens avec qui je correspond, que je lis et je retrouve en tous ceux-là une certaine ressemblance. Une tendance à se poser des questions sur soi.
 
Pfff, c'est pas facile parce que je sens vos regards derrière mon épaule. Un peu comme si vous étiez à coté de moi, en ce moment, en train de lire ce que j'écris. Pas vraiment, parce que ça me serait impossible d'écrire, mais pas loin de ça.
 
Mais bon, je vous connais suffisamment pour oser exprimer mes idées en sachant que vous avez la possibilité de penser que je me trompe. C'est pas comme lorsque je relate mes pensées et que vous n'avez aucun moyen de savoir si l'interprétation que j'en ai est valide ou pas. Là je parle de "nous" et vous pouvez fort bien ne pas du tout vous reconnaître. Ou reconnaître les diaristes que vous lisez.
 
Pis en plus, là je m'adresse aux quelques uns que je connais. Evidemment, vous les silencieux qui jamais ne m'avez écrit, je ne sais même pas que vous existez (mais ce n'est nullement un reproche).
 

 

Bon... où voulais-je en venir? C'est-y pas un peu décousu ce soir?
 
On va dire que ce sera tout pour aujourd'hui.
 
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Amicales pensées pour ces personnes qui relatent dans leur journal des évènements douloureux parmi leurs proches...
 

 


 
Ephémère
 
 
Vendredi 19 avril
 
 
Tristesse et... émotion en lisant à l'instant la page d'Eva. Voila que cette lecture bouleverse un peu les idées que je commençais à assembler mentalement pour les consigner ici.
 
Bon, quand je dis "émotion", en général ça veut dire que je sens quelque chose gonfler bruquement dans mes yeux...
 
Eva évoque la disparition des personnes de qui on a été proches un jour. Disparition non pas dans le sens du décès, mais de la perte de contact. Disparition de soi-même aussi, avec le temps qui nous transforme et fait que celui que nous étions n'existe plus.
 
Je me suis souvent posé des questions au sujet du coté éphémère d'internet. Parce que j'ai déjà constaté que des gens avec qui on avait pu parfois échanger avec une certaine confiance disparaissaient un jour de la circulation.
 
Bien souvent on ne se connaît que par un pseudonyme, on se retrouve en un "lieu" précis (Chat, forum). Il suffit que le temps passe un peu, que l'un des deux soit absent quelques temps... et le contact peut se rompre. Bien sûr l'adresse mail reste le lien "sûr"... sauf quand elle devient inopérante (et c'est la mésaventure qui est arrivée à Eva).
 
Mais sans aller jusqu'a cette impossibilité de joindre d'anciennes connaissances, j'ai constaté que la volatilité semblait être quelque chose d'assez répandu sur internet. Ou plutôt que c'était plus marquant que dans la vie sensorielle du fait que les relations sur internet paraissent plus intenses, parce que plus intimes, confidentes.
 
Je me souviens avoir correspondu avec des personnes, notamment une lectrice qui m'écrivait régulièrement de très longs mails. Et puis d'un coup les mails ont cessé. J'ai réécrit... mais aucune réponse ne m'est revenue.
 
Je ne parle pas des contacts qui s'espacent, mais dont on sait qu'ils peuvent reprendre à la moindre sollicitation. J'ai aussi connu cette situation et j'ai bien conscience de ces relations en suspens, mais lorsque les deux sont complices de la situation, il n'y a pas de problème. Il suffit de se manifester si on en ressent l'envie.
 
Hier, une de mes lectrices m'a communiqué son adresse postale. Il y a quelques jours, c'était une autre de mes correspondantes virtuelles qui procédait de même. Il y a quelque chose de rassurant dans ce contact "matériel", moins éphémère qu'une adresse mail. Bien qu'un déménagement puisse aussi faire perdre toute possibilité de retrouver une personne appréciée.
 
 
 
J'ai commencé en écrivant que mes idées avaient été un peu bouleversées, mais je me rends compte que finalement je retrouve un peu ce que je voulais évoquer ce soir.
 
Via Tehu, auteur de "Canclaux", j'ai retrouvé une ancienne connaissance. Il s'agit de "L'égoïne", que j'avais très rapidement parcouru il y a quelques jours sans en reconnaître l'auteure. Or il se trouve que récemment je pensais à elle avec qui j'avais de temps en temps échangé. Je la croyais définitivement sortie du monde du diarisme en ligne.
 
Surprise et plaisir, donc, en retrouvant son style avec une lecture plus attentive. J'apprécie d'ailleurs le regard qu'elle porte sur notre pratique.
 
Bizarre de ma part, d'ailleurs, d'attacher autant d'importance à ce regard-miroir sur notre pratique. Je crois qu'une part notable de mes réflexions est centrée sur le fait même d'écrire en ligne. Est-ce un besoin de me rassurer en cherchant tout ce qui peut donner ses lettres de noblesse à cette pratique que l'on sait peu comprise par les néophytes?
 
Autre découverte, qui curieusement évoque aussi dans une entrée récente cette fragilité des relations du net, le blog-journal "J'en rêve encore". C'est un lecteur qui m'en a signalé l'existence, en me précisant qu'il y parlait de moi.
 
Ben... immédiatement j'ai foncé! Normal...
 
Drôle d'effet que de lire des commentaires sur soi de la part d'une personne dont on ignorait tout dans la minute qui précédait. Moi qui évoque toujours ces lecteurs inconnus, et bien en voila un qui change de coté de la frontière.
 
Là encore, il s'agit de quelqu'un qui réfléchit sur les rapports internautiques.
 
Mais je dois avouer ma surprise en lisant cette phrase, à mon sujet: « Et puis cette manière qu’il a de présenter toujours les choses à son avantage ! Que moi je me présente sous mon meilleur jour : D’accord. Mais lui ! ... Non !»
 
Oh la! Me verrait-on comme cela? Je crois sentir une ironie, mais je ne la saisis pas. Car enfin "présenter les choses à mon avantage", vraiment, je n'ai jamais eu l'impression de le faire. Ma curiosité est en éveil et toute proposition d'expication sera la bienvenue.
 
 
 
Bon, ben finalement je suis quand même parvenu à développer ce que je souhaitais. C'est un peu désordonné, mais l'essentiel y est.
 
Ça tombe bien, je pique du nez sur mon clavier.
 
 


 
Effarement
 
 
Dimanche 21 avril
 
 
Je crois n'avoir jamais parlé de politique ici. Ce soir, c'est pas pareil. Je n'ai pas particulièrement quelque chose à dire, juste manifester mon effarement lorsque j'ai entendu les résultats du premier tour des présidentielles.
 
Un peu comme lors des attentats du 11 septembre: un coup de massue qui nous tombe dessus alors qu'on ne s'y attend pas.
 
Et j'en veux un peu à tous ceux qui ne se sont pas déplacés pour aller voter. Par flemme, par négligence, par "contestation" silencieuse, ou pour toute autre raison. Le vote est un capacité d'expression que l'on nous donne, et dont certains savent très bien se servir pour donner du poids à leurs idées, alors que d'autres s'imaginent que leur silence exprimera quelque chose. Mais le silence n'exprime rien. Seulement un ras-le-bol, mais qu'on peut aussi bien assimiler à de l'indifférence. En n'exprimant rien, on laisse les autres choisir à sa place. En n'exprimant rien, on abandonne sa voix à ceux qui s'expriment... et on aboutit au résultat de ce soir.
 
J'ai beau être quelqu'un de très indécis, doutant toujours du bien fondé de mes idées, jamais je ne laisserai d'autres choisir à ma place un destin qui m'importe. Même si mon expression ne représente qu'un faible pourcentage dans les résultats.
 
Je n'aime pas savoir que tant de gens choisissent des idées mesquines de repli sur soi, d'égoïsme à l'égard du reste du monde. Le mécanisme du "chacun pour soi" ne me convient pas. Pas plus que son inverse d'ailleurs, qui serait égalité scricte pour tous et en tout point.
 
Je n'apprécie pas les extrêmismes, de quelque bord qu'ils soient et en quelque domaine qu'ils s'excercent. La seule chose que je leur reconnais est leur rôle d'aiguillon, bousculant les idées reçues et obligeant à réfléchir au bien-fondé de ce que l'on affirme.
 
Bon, vu l'heure tardive, je n'irai pas plus loin. Sans doute aborderai-je à nouveau le sujet dans les jours à venir...
 

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Additif: allez faire un tour sur le Narcissite, qui présente un avis exactement opposé au mien sur l'attitude à avoir.
 
Eva aborde aussi le sujet, avec un avis qui me semble plus en accord avec le mien. Elle a peur du pays dans lequel elle vit. Moi j'en aurais plutôt honte...
 
Enfin, j'ai été surpris, en discutant via Chat avec LA lectrice des journaux en ligne, qu'une québecoise soit autant au courant de la politique française. Je serais bien incapable de parler de la politique au Québec...
 
Un peu plus tard: échange de mails avec Chien fou, l'auteur du Narcissite qui vient de lire mon texte. Non non, ce n'est pas du tout la guerre entre nous, malgré nos avis divergents. Chacun suit un principe, mais sur le fond les idées sont bien similaires.
 
Voir aussi Scotlandyard... et certainement d'autres à venir.
 


Gueule de bois
 
 
Lundi 22 avril
 
 
9 h30
 
Gueule de bois ce matin...
 
Ouais, c'était pas un cauchemar. Je me sens mal. Sentiments confus entre honte, colére et émotion. Je ne pensais pas que la politique pourrait un jour me mettre dans un tel état.
 
Honte pour la France, pays auquel je me découvre subitement
plus attaché que je ne le croyais. Honte pour les idées simplistes contre lesquelles je ne me bats pas assez. On entend tant de conneries circuler...
 
Conneries de part et d'autres, amalgames, simplifications. Et elles sont toujours d'actualité puisque dans le désarroi des réponses on lit des messages aussi débiles que "nazisme", "retour des camps de concentration". Aller faire un tour sur les forums d'opinions est assez stupéfiant.
 
Merde à la connerie.
 
Je ne saurais même pas quoi écrire ici, tellement cela éveille de réactions et de commentaires sur l'abstention, le je m'en foutisme, les extrêmismes de tout poil. Quand je lis des gens d'extrême gauche qui continuent à dire qu'il s'abstiendront, ça me révolte.
 
Et pourtant... hier soir, l'échange de message avec Chien fou ne m'a pas mis en état de révolte, parce que... ben je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que je l'ai senti aussi désemparé que moi.
 
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Désolé pour ceux que la politique n'intéresse pas. Désolé pour les québecois qui ne comprendront sans doute pas bien ce que nous pouvons ressentir en France.
 
Je sais déjà que dans quelques temps, si je relis ces entrées écrites sous le coup de l'émotion, je trouverai que c'est lointain et forcément excessif.
 
Pas grave: ce journal se transforme parfois en exutoire de l'instantané émotionnel.
 
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15h25
 
Je ne travaille pas (faut dire que j'ai bossé tout le week-end, quand même), parce que je lis des forums, j'écoute la radio, histoire de mesurer comment mes semblables vivent l'évènement.
 
Je participe à deux forums alternativement, puis je vien de lire celui de la CEV, pourtant déterminé à ne pas mélanger le monde du diarisme avec le coté politique (ce que je fais pourtant ici...).
 
Bon, j'ai quand même mis mon petit message.
 
Maintenant, lecture des avis des diaristes:
 
Egoïne. J'aime bien ce qu'elle raconte de ses sentiments sur le sujet. Pis j'ai voté comme elle...
La ptite mumu
 
Poussières
 
Alia (qui n'a pas bien suivi les chiffres...)
 
Je vais me coucher (un peu excessif en envisagent de quitter le France)
 
A quoi bon (analytique)
 
Bon, je lirai ce soir la suite des commentaires.
 
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16 h 30
 
Hop, je fais une mise en ligne provisoire. Il faut quand même que j'aille un peu travailler. Je prend la radio sur les oreilles pour suivre une de mes émissions préférées qui a lieu dans 30 minutes et qui reviendra assurément sur le sujet.
  
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02h00
 
Finalement j'ai passé ma soirée à participer à des forums consacrés aux résultats de l'élection, non sans avoir regardé à la télé une émission sur... l'avant élections!
 
Je ne pensais pas que ce sujet me passionnerait autant. Je me découvre une fougue inattendue pour défendre ce en quoi je crois. Curieux d'ailleurs comme j'ai perdu toute crainte du jugement ou du rejet. Je ne me sens absolument plus vulnérable aux propos de mes interlocuteurs et je n'hésite plus à me déclarer franchement en opposition.
 
Serait-ce le résultat de ces mois de discussions enflammées sur forum? Ou alors la révolte contre la situation politique est telle qu'elle lève mes inhibitions et ma réserve habituelle?
 
J'essaie à la fois de dire ce en quoi je crois avec détermination... tout en tentant de garder la tête froide et de calmer les élucubrations d'énergumènes catastrophistes. Je suis stupéfait de voir les réactions totalement démesurées de certaines personnes. Entre ceux qui veulent quitter le pays et ceux qui parlent de "bruits de bottes, gaz et camps de concentration" qui seraient, à les croire, quasiment sous nos fenêtres dans deux semaines, je vous assure que c'est gratiné!
 
Ces peurs revèlent l'irrationalité de ceux qui critiquent... l'irrationalité des peurs de l'extrême droite! C'est un véritable délire collectif qui, je l'espère, n'est dû qu'à la stupeur des premières heures. Rares sont les propos un peu mesurés, pragmatiques, qui envisagent avec lucidité la situation, ses risques, et comment les éviter.
 
J'ai toujours été fasciné par les comportements inattendus que nous pouvons avoir dans des situations inhabituelles. C'est quelque chose d'assez mystérieux parce que ces comportements ne peuvent se révéler que dans des circonstances exceptionnelles. Et dès qu'on s'en approche, les personnalités se révèlent. Généralement, les plus calmes et modéres restent calmes et modérés. Ça me rassure sur mon éventuel comportement en situation de crise...
 
Les excités s'excitent encore davantage et tiennent des propos incohérents et excessifs.
 
Et puis toute une armée de ceux qu'on entend jamais (je parle des forums), se déchainent et écrivent des messages à tour de bras. Ce sont bien souvent les plus farfelus.
 
Je dois dire qu'ils me font un peu peur...
 
Ils me font penser à ces anonymes qui surgissent tels des héros dans des moments de pagaille. Je me souviens de ce qu'on me racontait sur les épisodes de "justice" arbitraire à la fin de la guerre, ou une foule menée par quelques excités inconnus lynchait de pauvres type dont on ne saurait jamais ce qu'ils avaient fait pour mériter un tel sort.
 
Bon, je sais que j'exagère, mais quand on ressent la haine qui existe envers les gens de l'extrême droite dont justement... ils dénoncent la haine (réelle ou supposée), il y a de quoi avoir peur.
 
Et déjà je crains des affrontements dans les rues entre partisans de bords opposés. Moments d'aveuglement, cristallisation sur "l'autre" de toute sorte de rancoeurs cumulées.
 
Si des paumés du Front National on effectivement une haine des immigrés, je crains tout autant la haine envers ces mêmes paumés. Je crains toute haine et tout sentiment de rejet de l'autre.
 
Ce que j'appelle "effet miroir" de biens des situations me sidère. Mais apparemment ces situations sont invisibles par ceux qui sont aveuglément têtus, incapables de regarder objectivement leur propre comportement.
 
Bon... je m'emporte là, et je prend un ton polémique qui n'a rien à faire dans un journal en ligne. Du moins si on ne veut pas heurter la sensibilité éventuelle de ses lecteurs.
 
Mais je dois dire que la situation fait que je ne peux, ni ne veux rester silencieux. Je crois que cet évènement tombe à pic dans mon évolution personnelle et me permet de me laisser, enfin, aller à dire ce que je pense.
 
Voyez-vous, c'est un peu dans ce registre là que je débat sur des forums...
 
J'espère que ça ne vous irrite pas.
 


 
On se calme...
 
 
Mardi 23 avril
 
 
Après l'effarement des résultats, c'est un mélange de stupeur et de colère que je sens monter en moi. Non non, pas à l'égard du Front National, ni des médias, ni des sondages, ni des politiques. Mais vis à vis de mes semblables. Je n'en reviens pas de voir s'afficher autant d'hostilité envers ce que je viens d'énumérer. A en croire les gens qui s'expriment, ce serait la faute à tout... sauf la leur. Eh, pourtant c'est bien eux qui ont voté!
 
J'assume le résultat des urnes, qui correspond à un signe contestaire collectif. C'est NOTRE voix qui s'est exprimé. Les sondages nous ont donné les chiffres, à nous de les lire sans suivre aveuglément les commentaires qu'en font les médias. Oui, c'est certain, "ils" ne nous ont pas prévenus du danger. Mais "ils", ce sont des gens comme nous, qui n'y croyaient pas, qui n'avaient pas les instruments et les références adaptées pour anticiper. Et quand bien même ils les auraient eus, aurait-ce été leur rôle de nous dire "attention, Le pen risque de dépasser Jospin, allez vite faire barrage"?
 
J'en ai marre de cette déresponsabilisation permanente sur le dos de boucs émissaires faciles. C'est toujours la faute des autres! Merde! Merde et Merde!
 
Eh, assumez un peu les gens! On a fait une connerie tous ensemble, et maintenant on se ressaisit. Et on s'en souvient pour le futur.
 
Oui, je suis comme ça moi, et tant pis si ce que je dis déplaît à ceux qui me lisent. Je sais que je risque de heurter parce que -et ça c'est un peu bizarre...- les gens que je fréquente sur les forums, les voix qui s'expriment dans les journaux en ligne, sont apparemment nettement ancrés à gauche. Désolé si je vus choque, ce n'est pas le but. C'est ma façon de dire que même en étant opposé à des tas d'idées de droite, je n'en suis pas pour autant le consensus unanime qui émane de la gauche.
 
Oups... je généralise là. Disons plutôt qu'une large majorité des gens a une réaction que je comprends mais n'approuve pas. Il ne faut pas que je perde à mon tour le sens de la mesure.
 
Parce que ça aussi c'est inquiétant: même des gens habituellement modérés s'emportent un peu. La colère est mauvaise conseillère.
 
_________
 
Un peu calmé depuis que j'ai écrit ce matin. Et puis je renonce a tenter de faire garder la tête froide à des gens qui s'excitent. Le forum du journal sur lequel je suis habituellement explose littéralement de messages depuis deux jours. Les propos sont outranciers, haineux, populistes... et pourtant ils s'expriment au nom d'une gauche qui veut combattre l'extrême droite.
 
Beark, tout ça est à gerber.
 
Le populisme, l'effet de foule, le comportement de mouton...
 
Pourtant, tout avait bien commencé dans un élan solidaire de stupéfaction. J'avais même trouvé ça "beau" ce cri quasi unanime rejetant sans appel l'extrême droite...
 
Bon, et puis on s'en fout: la vie continue et je ferai ce qui est en mon maigre pouvoir pour que les idées d'extrême droite ne prolifèrent pas.
 
 

Allez, je me calme...

 


 
Opinions
 
 
Mercredi 24 avril
 
 
01h30
 
J'ai lu encore les commentaires des diaristes sur l'éléction présidentielle. Et je me rends compte que je suis beaucoup plus compréhensif avec les gens que je "connais" qu'avec des inconnus que je croise sur des forums.
 
Pas tout à fait impartial donc...
 
Claudio, diariste "caché", commente mes propos qu'il trouve modérés par rapport à l'ensemble de ceux qu'il a lus. C'est effectivement ce que j'essaie d'être: garder la tête froide.
 
Mais je crains aussi qu'en voulant dédramatiser la situation (parce que je n'imagine pas que Le Pen soit élu) et en appellant à la modération on me soupçonne de ne pas être assez hostile aux idées du Front National.
 
Sur les forums, on me dit que je suis inconscient du danger.
 
Alors je suis allé à la source, visiter le site du Front National et lire son programme (partiellement, parce que c'est vachement long et détaillé). Et en le lisant, je ne peux que refuser l'idée que les électeurs d'extrême droite sont stupides et ne se rendent pas compte des implications de leur vote. Parce que je crois que c'est exactement le contraire pour les plus engagés d'entre eux.
 
Oui, il y a aussi des "gros cons" qui ne se posent pas de questions... mais comme il y en a partout: la proportion de ceux qui nous paraissent "cons" est identique quelle que soit le milieu.
 
Donc, en lisant le programme extrêmement complet du FN, on trouve bien des motifs d'inquiétude... ou de réconfort, selon les idées que l'on a. Il est évident que si on a un fond raciste, si on refuse l'avortement, la délinquance, si on condidère que la place des femmes est auprès de leurs enfants... enfin bref, si on est pétri de valeurs dite "de droite", et bien le choix du vote extrême droite est très bien réfléchi. Et ces gens-là n'ont rien à en craindre puisqu'au contraire il leur garantirait la protection des valeurs qui leurs sont chères.
 
Alors oui, on peut penser que ce sont des cons... parce qu'on ne comprends pas leurs valeurs. Et pour eux nous sommes des cons, parce que nous n'avons pas de valeurs (ou pas les mêmes).
 
Zut! Comment on fait alors? Il y a bien un moment où on ne peut pas se comprendre.
 
Faut-il pour autant s'insulter et céder à l'exlusion et la haine? Non non non! Je refuse ce genre de rapports. Je le refuse de la part du FN, je le refuse aussi de la part des "gens de gauche".
 
Je précise, parce qu'il faut bien que je m'engage aussi, que je ne suis ni de droite ni de gauche. Ou plutôt que je suis un peu de l'un et un peu de l'autre, sans être forcément au centre pour autant. Je peux me rapprocher de l'extrême gauche dans certains cas, mais accepter aussi certaines idées libérales. Je ne saurais moi même me mettre une étiquette d'appartenance à un courant de pensée. J'essaie de demeurer libre de mes choix et de ne pas suivre avec dogmatisme.
 
Ma position de travailleur indépendant, patron de moi même, me donne une certaine vision de ce qu'est la liberté d'entreprendre. Mais mes souvenirs de salarié me donne aussi un regard différent. Quant à ce qui concerne l'humain et la solidarité, je me reconnais franchement à gauche... tout en mettant parfois certaines conditions classées à droite. Bref, je suis un gauchiste pragmatique, à moins que je ne sois pour une rigueur humaniste?
 
Je l'ai souvent dit: je suis quelqu'un qui doute du meilleur chemin et qui sait que ce n'est pas forcément celui qui paraît le plus évident qui est le meilleur. J'ai peu de certitudes, mais elles sont très fortes, notamment ces jours-ci quand il faut se mobiliser pour des valeurs essentielles de liberté et de solidarité.
 
En fait, je ne me retrouve totalement dans aucun courant politique. mais celui dont je me sens le plus près (mais est-ce vraiment un courant politique ou un choix de vie?) est le seul qui ait une vision lointaine, altruiste non seulement pour la période actuelle mais aussi pour l'avenir. Nos petites querelles, nos mesquines préocccupations me paraissent infiniment moins importantes que ce que nous détruisons quotidiennement, parfois définitivement. L'avenir de la planète et de l'humanité me semblent bien plus préoccupants que l'insécurité réelle ou supposée de ces dernières années en France.
 
C'est cela qu'a exprimé mon vote, comme je le fais depuis aussi longtemps que je me souvienne.
 
Pourquoi ces confessions un peu gênées? Parce que je crois que cela participe à la clarté de la position de chacun. C'est une façon de montrer mon engagement (ouais, même si vous vous en moquez probablement...). Pour la première fois j'ai envie de clamer mes idées, parce que d'autres les cachent.
 
Ce n'est pas forcément facile parce que le courant d'idée auquel je m'associe est souvent brocardé: doux rêveurs, utopiste irréaliste (idéalistes?), retour à la bougie... On n'est pas vraiment sérieux quand on est écologiste, c'est bien connu. Et il paraît même évident à certains que les sympathisants écologistes n'envisagent pas vraiment la victoire de leur candidat... non, pas sérieusement... Si??? Ben oui, pourquoi pas!!?
 
Voila, je ne sais pas pourquoi je fais cette mise à nu, offrant une autre facette de moi, me vulnérabilisant sous votre regard. Sans doute une étape supplémentaire dans l'affirmation de moi. Et surtout à mon propre usage: croire en moi et en ce que je pense.
 
Bon, je mets ça en ligne tout de suite sinon je n'oserai plus le faire...
 

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Toujours suite à l'élection et les commentaires des diaristes:
 
Voir Ultraorange (mais pourquoi écrit-elle en gris clair illisible???)
 
Le Narcissite
 
A quoi bon
 
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00h30
 
Bon, finalement je n'ai pas mis en ligne hier soir. Et presque 24 heures plus tard j'écris sur la même "page"... Si vous arrivez à vous y retrouver, bravo!
 
Ouais, j'ai pas mis en ligne parce que ça me gênait un peu. Pas envie d'être mal perçu à cause de mes idées. Mais bon, faut bien que je les assume.
 
Et puis un message d'un lecteur qui me dit " c’est vrai que je suis plutôt de tendance à gauche, mais ne t’inquiète pas, je continue à te lire et à t’apprécier ;-) Du moment que tu n’es pas pro-FN :-) " me fait bien prendre la mesure de l'importance de nos convictions pour les relations. Si on peut s'entendre avec des gens de tout bord politique (du moins c'est le cas pour moi), il reste quand même des courants d'idée assez infréquentables.
 
Donc, je reprécise: ce n'est pas parce que je ne peux me sentir à 100% à gauche que je me situe à droite! Je suis de partout à la fois et de nulle part en particulier. Mais quand il faut choisir, je choisis à gauche parce que les valeurs humanistes me semblent plus importantes que toute autre. Je vote donc systématiquement de ce coté là au deuxième tour des élections.
 
Voila, les choses sont claires. Surtout pour moi.
 
 
 
Si un jour j'avais pensé dévoiler mes idées politiques sur ce journal...
 
 

Encore une de ces entrées pour lesquelles il est difficile de faire le "clic" d'envoi.

 
 
 


Retour à la normale (tentative)
 
 
Vendredi 26 avril
 
 
Bon... et si je me replongeais doucement dans la vie "normale"?
 
Parce que je vis assez bizarrement depuis dimanche dernier. Je vis avec cette situation d'attente en permanence. je ne pense (presque) qu'à ça.
 
"Ça", c'est la présence d'un parti d'extrême droite, comme une épée de Damoclès, au second tour de l'élection présidentielle.
 
Je passe énormément de temps a discuter de ça sur un forum. Arguments, contre arguments, comment agir, que faire, dire ou ne pas dire? Il existe en ce moment une effervescence extraordinaire sur les forums de discussion. Celui où je vais à reçu plus de 2000 messages depuis dimanche, soit dix fois plus que le rythme habituel.
 
Je ne m'étais jamais autant impliqué dans un débat politique, parce que je ne m'étais jamais senti aussi concerné. Aussi parce que ma culture politique est très minime. Mais là, inutile d'avoir une culture, parce que je m'exprime avec mes convictions. Et j'en ai qui me sont chevillées au corps. Je ne crains plus de dire ce que je pense, quelles que puissent être les critiques éventuelles. J'ai des choses à dire, parfois (souvent) un peu dissonantes par rapport à la rumeur ambiante et je ne m'en prive pas.
 
Je dois dire que je m'étonne moi-même...
 
J'ai pris une de ces assurances depuis quelques temps! Et ceci je le dois exclusivement à ces très nombreux rapports relationnels que j'ai établis sur internet.
 
Intenet... justement. Quand on entend dire que ça favorise le repli sur soi! Mon oeil oui! Jamais je n'ai vu un tel bouillonement d'idées. J'ai l'impression que c'est encore plus fort que pour le 11 septembre. Les débats qui ont lieu seraient tout simplement impossibles dans la vie physique. Parce qu'on ne peut pas débattre à 50 personnes et avec une multitude de micro-débats qui se croisent, et sur lesquels les intervenants changent au gré de leur intérêt. En cela, internet est un outil de communication collective fantastique.
 
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Bon, à part ça...
 
Je disais que je reprenais une vie plus normale. Mais vous constatez que je suis encore en plein dans le sujet.
 
Je suis allé faire un tour chez les diaristes, que j'avais honteusement délaissés depuis quelques jours. Je vois que la terre continue de tourner...
 
... (silence)
 
Mouais... ben à part ça je n'ai pas grand chose à dire. Pas la tête à penser à autre chose que ce cauchemard en suspens...
 
Ah si: je songe de plus en plus sérieusement à faire quelque chose séparé de ce site. Peut-être pas un blog. Peut-être un site avec tes textes, moins "vivant" que celui-ci, mais avec des textes plus réfléchis, de portée plus générale que ma petite vie.
 
J'ai envie de communiquer, mais ce que je laisse ici est trop personnel pour que je l'ouvre à d'autres personnes que celles qui ont une curiosité pour les journaux en ligne. Ceux qui sont arrivés ici, oui, vous, ne sont pas arrivés ici par hasard. Il a bien fallu qu'un lien, un moteur de recherche, un mot-clé les aiguille ici.
 
Bon, idée à laisser mûrir...
 
Tout ça est du à cette dichotomie qui existe entre mes différentes identités et qui me pèse. Envie de plus de transparence. Marre de me cacher sous ce pseudo sans visage.
 
Oui... mais ma liberté de ton est à ce prix.
 
 
 
Au fait, vous savez quoi? J'ai eu du mal à m'endormir après ma dernière entrée-déballage. Pas facile à assumer que de dévoiler ses convictions. Je me suis pris des bouffées de chaleur en pensant à ce qu'on allait lire de moi.
 
Peur de décevoir sans doute? De déranger, de perdre l'estime qu'on aurait pu avoir à mon égard (modeste le mec, hein?). Peur... de perdre des lecteurs, ce petit cocon que je sens bienveillant envers moi. Ce petit groupe que je suppose plus ou moins acquis à ma cause (quelle cause?) et avec qui je me sens en confiance.
 
C'est peut-être totalement erroné parce que je ne sais souvent rien du nombre de visiteurs quotidiens. Juste un chiffre, rassurant: on me lit et le nombre de lecteurs ne diminue pas. Mais sont-ce toujours les mêmes? des fidèles ou des aléatoires de passage? Ou des demi-fidèles, qui viennent ici faire un tour de temps en temps, picorant un texte au hasard...
 
Ce qui est certain c'est que j'écris pour les fidèles. Je plonge dans le vif du sujet en considérant que vous me suivez depuis un moment et que vous savez à peu près à qui vous avez affaire (euh... "affaire" ou "à faire"?)
 
Bon, je vais faire un tour sur internet et je verrai si quelque chose m'inspire...
 
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Deux heures plus tard... oups! J'avais replongé! Donc rien de plus à écrire ici...
 

Overdose
 
 
Dimanche 28 avril
 
 
Cette fois, il faut bien que je me rende à l'évidence: je suis accro
 

Si je n'ai pas ma dose, ça ne va pas. Au départ, une prise par jour me suffisait. Et encore... pas tous les jours. Et puis les doses étaient encore légères. Mais mois après mois je me rends compte que ma consommation augmente. Pire que tout, il me faut maintenant plusieurs prises par jour et à forte dose.

Sinon, c'est le manque.

Oh bien sûr, j'essaie de faire intervenir ma raison, de me dire qu'un effort de volonté me permettrait d'en sortir... Un effort, oui, mais que je suis incapable de faire.

Et puis je constate que ce sont les produits les plus excitants qui ont le plus d'effet, ceux qu'on prend en groupe. Au détriment des "soft", voyages intérieurs solitaires qui ont tendance à apaiser et mettre dans un état de bien-être.

Là où je me rends compte de ma dépendance, c'est lorsque on m'empêche de vivre mon trip tranquillement. Qu'on ne vienne pas me déranger lorsque je suis plongé dans ce monde de l'ailleurs, je suis vite irritable. Et là encore, c'est pire avec les produits les plus excitants.

 
Ce que je ressens lorsque je suis en "voyage"? Un mélange bizarre de sensations fortes qui se succèdent. Cela va d'une impression de dominer la situation à celle de perdre tout contrôle. Du rire à la colère, en passant par les émotions palpables. J'en arrive même, dans mes délires, à croire que je pourrais apporter quelque chose au monde, moi, insignifiant humain parmi les humains. C'est grave...
 
Je commence à me rendre compte du mal qui me ronge et me demande si je ne devrais pas "décrocher". Mais comment fait-on? Théoriquement, c'est facile: on ne touche plus à cette dope. Mouais... facile à dire alors qu'elle est à portée de main!
 
Ce qui est grave, c'est que de temps en temps, même en dehors de mon "trip" je garde des sensations. Surtout la colère ou le dégoût. Et alors je ne pense qu'au moment où je pourrais prendre une nouvelle dose, censée me remettre dans un état normal. Mais en général, durant ces périodes de grosses consommation, c'est l'effet inverse qui se produit. Il m'en faut encore et encore. C'est ce qui se passe en ce moment.
 
Et là, pendant que j'écris, je suis en train de me shooter. Putain, je ne me dis que ça me fait du bien, mais je ne sais pas si ce n'est pas l'inverse. Je sens sur moi ces regards des gens de passage, me demandant si je donne une image bien réelle. Que peuvent-ils penser de moi? Courageux ou pathétique, existant ou insignifiant? Curiosité à laquelle des passants se sont habitués, objet de surprise pour ceux qui me voient pour la première fois... camé parmi les camés. Nous nous regardons vivre comme ça, plus ou moins soumis à l'emprise de ce bouffeur de vie.
 
Le nom de cette drogue? Internet
 
 


 
Suite, encore et toujours...
 
 
Mardi 30 avril
 
 
Bon, j'ai bien tenté de faire un peu diversion avec mon entrée précédente, mais il n'y a rien à faire: je vis avec "ça". Avec ce vote FN et les bouleversements qu'il a créé en France.
 
Mon overdose est d'ailleurs directement liée à cet évènement et au temps que j'y ai consacré sur des forums (drogues dures!).
 
La radio allumée en permanence, parfois même avec le casque sur les oreilles lorsque je suis dehors aux heures intéressantes, je ne parviens à me déconnecter de tout ça.
 
Pourquoi?
 
Sans doute pour comprendre. Comprendre, mesurer, ce que pensent les gens. Je m'emplis de leurs pensées, des plus simplistes aux plus poussées. De l'homme de la rue à l'éminent journaliste, du sociologue à l'artiste engagé. M'imprégner de ce vaste débat-déballage d'idées.
 
Et qu'est-ce que j'en tire? Ben... pas grand chose, si ce n'est que je mesure sans cesse plus en profondeur l'étendue de la complexité du problème.
 
La démocratie peut-elle laisser toutes les idées s'exprimer? Pourquoi des gens sont-ils sensibles au discours de Le Pen? Comment leur faire prendre conscience de son absurdité? Comment des gens peuvent-ils revendiquer, en toute connaissance de cause, ce discours refermé sur soi?
 
J'écoute tout ce que je peux entendre: anti Le Pen et pro-Le Pen. Beaucoup de bêtises de part et d'autre, oui de part et d'autre, mais surtout un rejet violent des idées qui sont étrangères à celui qui les entend, une haine arbitraire, injuste, simpliste. Une vision partisane et caricaturale de "l'autre", celui qu'on ne reconnaît pas comme interlocuteur valable. Celui que l'on traîte de con, jugement définitif qui le fait s'arc-bouter sur sa position et déclenche une virulence en sens inverse.
 
Et ça, des deux cotés! Avec un égal aveuglement. Sans chercher à comprendre, à se remettre en question, à douter un peu de ses certitudes.
 
Ce qui est vertigineux, c'est qu'il n'y a rien à comprendre. Et rien à faire. Juste lutter pour tenter d'apaiser les choses, demander un peu de tolérance, d'écoute et de prise en compte des demandes d'un coté et de l'autre. Expliquer (tenter de le faire) que les solutions simples aux problèmes complexes ça n'existe pas. Ne pas nier les problèmes.
 
J'en veux à tous ces gens qui rejettent, non pas les idées excécrables du FN, mais ceux qui ont voté pour ces idées. Je ne parle pas de ceux qui ont la mentalité égoïste et rétrograde d'une France pure, amants jaloux d'un pays qu'ils chérissent trop, au point de l'enfermer. Non, je parle de tous ces gens qui souffrent d'être des "petits" des "sans grade" et qui croient voir dans un discours populiste la solution à leurs problèmes. Les insulter, les mépriser, ne peut que renforcer leur conviction qu'ils ne sont pas écoutés... qui est précisément une des raisons de leur vote!
 
Combien, dans le capharnaüm actuel, tentent d'avoir un regard réflexif: se mettre dans la peau de celui qu'on ne comprend pas.
 
Heureusement que des journalistes dignes de ce nom s'essaient à cet exercice et nous proposent des images, certes parcellaires, mais initiatrices de réflexion. Car c'est ce que j'attends des journalistes comme des personnes avec qui je débats: qu'ils me poussent à aller plus loin dans la réflexion. M'obliger à me remettre en question, à affronter mes peurs, mes préjugés, mes convictions.
 
C'est aussi ce que j'essaie de déclencher chez eux.
 

 

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Voir le texte courageux de Kiliane
 


Ce que j'écrivais un an plus tôt...

 

 

 

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