Mois de mai 2002
Selon la date, la longueur du texte vous permet de lire cette page en étant déconnecté. Ce procédé à été préféré à une page pour chaque jour.

 
A quoi ça sert?
 
 
Mercredi 1 mai
 
 
Bon, je sais pas si c'est une bonne idée d'évoquer toujours cette élection dans ce journal...
 
Si j'en étais resté à mon journal papier personnel, je ne crois pas que j'aurais écrit la moindre ligne sur le sujet. Si je le fais ici c'est bien parce que je me sais lu.
 
L'effet "lectorat" est incontestable.
 
Mais à quoi ça sert?
 
D'une part une bonne partie de ces lecteurs ne sont pas Français, et ne sont donc pas vraiment concernés par ce que j'évoque. Et je dois dire que cette focalisation sur un thème qui exclue d'office toute une part de ceux qui habituellement trouvent matière à lire ici est une chose qui me dérange. J'ai l'impression de faire comme si ces québecois ne comptaient plus pour moi, n'avaient plus vraiment d'importance lorsque quelque chose me touchait vraiment. Une sorte d'égocentrisme collectiviste. De nationalisme en fait. Ce n'est évidemment pas le cas dans mes pensées, mais ça l'est dans le contenu de ce que je délivre.
 
D'autre part j'ai l'impression de m'improviser éditorialiste partial, qui aurait un message à délivrer.
 
J'ai peur d'être un peu chiant, et pour abonder dans le sens d'Henri le diariste, de passer pour un moraliste... ce que je suis probablement.
 
 
 
Je n'aime pas bien ce rôle qui pourrait me rendre moins "aimable" par ceux qui me lisent. Pourtant, c'est la sincérité de ce que je suis qui s'exprime.
 
Auparavant (je veux dire au début du journal), je crois que je m'abstenais d'aborder des sujets polémiques. Peur de déranger, d'être mal jugé, d'irriter... Mais maintenant que j'ai envie de mettre en phase toutes ces personnalités que je suis, afin de les réunir en une seule, je crois qu'il m'est devenu nécessaire de laisser couler le flot de ce que je pense. Dussè-je en décevoir certains.
 
Mais, pour l'avoir constaté bien souvent, un désaccord ou une désapprobation n'entraîne généralement pas un rejet global. Je suppose donc, et espére, que mes écrits n'auront pas de conséquence sur le lien qui existe entre vos regards et mon écriture.
 
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Je pense quand même à une chose, suite à ce que j'ai écrit ici ces derniers jours ici et ailleurs: a force de chercher à comprendre les motivations de tout le monde, donc d'excuser, je me demande si je ne manque pas d'esprit de révolte.
 
Peut-être que je ne suis pas assez révolutionnaire et que je devrais ruer dans les brancards afin de ne pas accepter les situations qui me dérangent?
 
On m'a traité de "gentil" (sur un ton qui est plus méprisant qu'admiratif...), d'être adepte du "consensus mou"... bref, de tout accepter sans rien dire. C'est faux, parce que chercher à comprendre ne signifie pas qu'on accepte tout. Je crois que c'est une question de patience et de laisser le temps au temps pour que les changements d'opèrent. Mais c'est vrai, aussi, parce que si tout le monde était comme moi les choses ne changeraient pas vite. Il semble que parfois il faille imposer son point de vue avec un peu plus de détermination que je ne le fais. Au risque de créer des tensions.
 
Bon, j'arrête là parce que ce que je dis n'est qu'incertitude. Ce sont des choses que je perçois vaguement, sans grande précision, sans la lucidité que j'ai l'impression d'avoir parfois.
 
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Rubrique humour:
 
Le monsieur de "L'idéaliste" m'a encore écrit. Il ne doit pas être content ce monsieur-là (sans doute parce que sa plainte est irrecevable?), parce qu'il me dit que ma vie doit être bien triste et vide pour que je fasse une page spéciale sur "l'affaire". Triste ma vie? Oh la, bien hâtive interprétation. Ai-je une seul jour écrit ma tristesse ici?
 
Vide ma vie? Alors que je ne sais plus où donner de la tête entre travail, famille et..... (hé hé, non non non, pas "patrie") relations!?
 
Je pense que le petit monsieur n'est pas content et qu'il essaie de m'atteindre par son mépris. Pas de bol le petit monsieur, mais je commence à être solidement blindé contre les gens méprisants.
 
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Touché par les deux entrées d'Eva: 25 avril et 1er mai
 


 
Intermède
 
 
Vendredi 3 mai
 
 
Franchement... de la neige le 3 mai, ça commence à bien faire! Petits flocons mélés à la pluie de matin, puis, lorsque le brouillard s'est un peu élevé, vue sur la colline d'en face, toute blanche.
 
Alors qu'il y a quelques jours on se faisait griller par un lumineux soleil, que l'on voyait verdir les forêts en fonction de leur gradient d'altitude: vert tendre en bas, encore noir brousailleux sur les sommets.
 
Ah cette herbe du printemps... un vert incroyable. Lorsque le soleil est bas dans le ciel, en particulier, éclairant à contre jour les prairies renaissantes.
 
Pourtant, elles avaient un peu de mal les prairies avec la sécheresse qui commençait à durer... Mais maintenant, avec le déluge qui est tombé depuis 24 heures, on est tranquilles pour un moment. Et les herbes vont croitre a une vitesse incroyable, transformant les vastes étendues gazonnantes en hautes prairies d'herbes ondoyant sous la brise.
 
J'aime ce spectacle, cette vie du paysage mouvant.
 
Bon... mais on n'y est pas encore :o(
 
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Vous avez remarqué, je n'en ai pas parlé aujourd'hui...
 
J-2
 


Socio-politique personnelle
 
 
Samedi 4 mai
 
 
Au fil des jours, ma vision de la situation politique en France se complexifie.
 
Au départ, ça paraît tout simple... mais info après info, en écoutant des opinions divergeantes, en devenant méfiant vis à vis des poncifs, fausses vérités, pensées uniques, critiques et contre-critiques, il devient difficile d'avoir une opinion affirmée. Et comme je crois être assez ouvert à tout courant d'idée, je commence à douter de ce qui me semblait évidences.
 
J'ai beau être opposé à la vision du monde que nous propose Le Pen... je n'approuve pas pour autant le discours ambiant de ceux qui le rejettent. Et les jours passant, je trouve que la prééminence de la voix de "la gauche" (pour simplifier)devient un peu gênante. Un grand consensus semble régner dans la presse et cet unilatéralisme me dérange. Une seule voix (voie?) semble être autorisée, avec toutefois quelques bémols, mais il est certain que la pluralité des opinions n'existe pas vraiment: à en croire les médias, Le Pen fait l'unanimité contre lui. A se demander quel est son électorat...
 
Cette situation faussée ne peut que renforcer les électeurs d'extrême-droite dans leur thèse de la "diabolisation". A mon avis, ce n'est pas en leur criant qu'ils sont des nazis qu'on les fera réfléchir, pas plus qu'en occultant leur voix. Bien rares sont les médias qui donnent la parole à des gens "de base" en leur laissant le temps de s'exprimer.
 
Bon, je sais très bien qu'il serait délicat de laisser la parole à n'importe qui... N'empêche que beaucoup de gens se reconnaissent dans ces idées et la présentation caricaturale et orientée que l'on fait d'eux ne peut que les radicaliser. Mauvais point de départ pour entamer le dialogue.

Parce que je suis persuadé (naïf?) qu'on peut discuter avec une part de ceux qui ont voté pour le parti du repli sur soi. Pas les authentiques racistes, mais ceux qui ont choisi ce vote parce qu'ils ont l'impression que les solutions (simplistes) énoncées par Le Pen résoudront leurs problèmes.

Je trouve "la gauche", celle qui s'exprime, souvent bien arrogante à mépriser l'électorat frontiste. Je me désolidarise de plus en plus de cet amalgame (simplificateur ou manipulateur?) qui est fait entre fascistes, nazis, et paumés qui ont voté pour un parti qui leur propose "autre chose" que les partis traditionnels qui ont bien du mal à trouver des solutions.

La tendance que l'on entend aussi est celle qui dit: "voter Chirac est inutile, parce que la droite et l'extrême droite ont pratiquement le même discours: celui de l'exploitation de la misère". Des voix de plus en plus fortes s'élèvent contre ce qui serait un consensus de toute la gauche qui se donne ainsi bonne conscience dans une illusion de résistance.

Je simplifie, parce que l'argumentation (plutôt condescendante, en général) est plus précise.

On se trouve donc, grosso modo avec trois camps:

- les votants Le Pen, qui se sentent incompris et baillonnés par un système politico-médiatique qui leur est hostile

- les "rébublicains", droite et gauche confondue, mais dont on entend surtout les voix de gauche, qui veulent collectivement "faire barrage à Le Pen. C'est de loin le courant majoritaire.

- les anti-droite qui ne veulent surtout pas voter Chirac et se désolidarisent de la gauche traditionnelle.

 

Les débats sont les plus animés entre ces deux derniers camps puisqu'ils sont issus d'un même "bord" politique, bien qu'assez éloignés quand aux solutions à mettre en oeuvre.

Les trois camps ont un point commun: chacun est persuadé d'avoir une grande lucidité sur la situation alors que les autres sont aveuglés par leurs préjugés/suivisme/endoctrinement, selon le bord de chacun.

Evidemment, des courants scindent chaque camp en sous-sections...

Et moi je ne peux m'empêcher de voir des justifications dans chaque camp. Et aussi des erreurs de jugement. C'est ce qui fait que je ne saurais être catégorique (sauf avec les gens trop catégoriques, justement, que je prends plaisir à contredire).

J'ai quand même une conviction inébranlable: il faut réduire le poids politique de Le Pen en montrant à quel point ses idées ne sont pas suivies par une majorité. Ce qui ne changera rien au fait qu'il restera un nombre important de personnes qui se reconnaissent dans ses idées. Et ce sera la seconde phase à metre en oeuvre: ne plus laisser s'infiltrer des idées infectes dans le discours ambiant. Rester vigilant. Mais ne pas céder non plus à un angélisme qui nierait tous les problèmes qui déclenchent le vote Le Pen. Il faut aussi en finir avec une certaine dictature de la pensée qui fait que certaines idées ne peuvent être émises sous peine de passer pour un raciste. Il existe une hyper-sensibilité démesurée qui contribue à entretenir ce qu'elle pense combattre.

Je crois que ce cette situation inattendue du 21 avril il faut retenir une chose: écouter ce que les gens ont à dire. Ne pas interdire ce qui est l'expression d'une souffrance, d'une peur, d'une incompréhension. Même si elle se manifeste maladroitement en rejetant les causes de ces malheurs sur des boucs émissaires. Il y a problème, il faut l'écouter, puis expliquer. Et non pas vouloir convaincre avant même d'avoir écouté l'origine du malaise. Et surtout ne pas rejeter, ne pas exclure... Ne pas reproduire à l'encontre ce ceux que l'on ne comprend pas le comportement que précisément on veut combattre.

Je n'ai jamais perçu aussi fortement et de façon généralisée le rejet de l'autre, le mépris ou même la haine. Et cet "autre" n'est pas étranger...

Etonnnant mimétisme de comportement dont beaucoup ne semblent pas avoir conscience...

 

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Je cesse provisoirement ma réflexion là, mais je suppose que j'y reviendrai. Depuis quelques jours je sens tourner des questionnements qui ne sont pas encore décantées. Je ne m'exprime pratiquement plus sur les forums, me contentant de lire en détail et de m'imprégner de la pensée de chacun. Diversité enrichissante qui fait que bien souvent il est difficile de dire "mais ce ne sont que des conneries!".

Le respect et la tolérance commencent par l'écoute.

 

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Zut, on va encore penser que je suis moraliste! Non, non, ce sont juste des règles de vie que j'essaie de m'appliquer à moi-même.

 
 

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Dites, vous sauriez, vous, pourquoi je me sers de ce journal pour exprimer mes idées? Ce n'est pourtant pas la place. Un forum serait plus adapté...
 
Peut-être parce que je sais que je ne me ferai pas incendier ici? Parce que les éventuels désaccords doivent passer par un mail, ce qui est plus long qu'une réponse sur un forum? Parce que l'absence de public supprime la tentation de se lancer dans une polémique? Sans doute un peu de tout ça...
 
Peut-être tout simplement parce que j'ai envie de m'exprimer et que je ne cherche pas à convaincre qui que ce soit. C'est juste une opinion, ce que je pense sans chercher à argumenter ou être rationnel.
 
Du "moi je". De l'intime en fait...
 
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Demain je vote. Contre les idées mesquines et égoïstes du repli sur soi et de la peur des diffférences. Je vote pour aller en avant et dépasser mes propres petites tendances égoïstes. Je vote contre ce coté noir de moi contre lequel je lutte sans cesse.
 


 
 
Brèves
 
 
Dimanche 5 mai
 
 
 
En attendant de savoir à quelle sauce nous serons mangés, mes impressions du jour
 
Après avoir mis en ligne mon texte d'hier, je me suis rendu compte que l'intime n'était pas forcément où on l'attend habituellement. Ce que j'ai écrit hier, ce que j'écris depuis plusieurs jours, c'est de l'intime.
 
Je dévoile ma façon de penser, mes opinions, et je trouve que c'est plus... comment dire... risqué que de raconter des détails de ma vie privée. Risqué parce que je sais que je peux déranger des gens qui ne penseraient pas comme moi.
 
C'est quand même vachement personnel ce qu'on pense des rapports entre les gens au sein de la société. C'est même quelque chose de fondamental. C'est une façon de se reconnaître dans l'autre.
 
En lisant les journaux des autres, je sais que certains ne pensent pas comme moi. Par chance, je crois que ce sont des gens qui ont une capacité de recul et d'acceptation qui fait qu'ils acceptent la différence. Comme moi je suis prêt à accepter des façons de penser bien diférentes des miennes, sans les juger, sans penser qu'ils se trompent.
 
Je respecte les idées différentes, me disant qu'elles sont le résultat d'une éducation ou d'un parcours de vie. Mes idées proviennent essentiellement de mon éducation, complétées, modifiées, renforcées ou amoindries par ce que je vis jour après jour.
 
Malheureusement, il est des rencontres qui font des étincelles (je pense aux forums), avec la mise en face à face de personnalités de milieux fort divers qui, généralement, ne se cotoient pas dans la vie réelle.
 
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En ce moment, sur un des forums auquel je participe (le "forum maudit", où je me suis tellement fait démolir) je prends ma revanche. Justement à l'occasion de cette élection, qui fait que les divergences d'opinion s'exacerbent.
 
Ceux qui m'insultaient copieusement, arguant de mon ignorance dans le domaine socio-politique théorique (celui des livres), en arrivent à émettre des opinions personnelles. Donc sans ce support froid et rationnel qui leur donnait leur assurance et la légitimité de "ce qui est écrit". Et bien je peux vous assurer que je ne me laisse pas faire. Je me fais même des petits plaisirs en répondant pied à pied, non sans une certaine ironie. En clair, je me fous de la gueule de celui qui a été mon plus fervent démolisseur.
 
Et chose curieuse, je trouve qu'il résiste très mal. Ses arguments me paraissent creux et partisans, ses attaques molles et sans consistance. Bref, il est un peu pathétique.
 
Ce que je ne sais pas, c'est si c'est mon regard sur lui qui a changé, du fait que j'ai retrouvé mon assurance, ou si c'est lui qui perd de son mordant parce qu'il voit que je suis désormais insensible à ses attaques.
 
J'ai l'impression que plus je me montrais vulnérable et touché par la dureté de ses propos, démoli par ses attaques injustes, plus il s'en donnait à coeur joie.
 
Drôle de comportement...
 
Assez primaire et animal en fait: loi de dominance du fort sur le faible.
 
Bon, le fait que je me défende et ne fuie pas participait du même comportement: ne pas perdre la face...
 
Il a fallu que je passe par la phase de l'indifférence devant les attaques pour prendre le recul nécessaire. Et malgré quelque rechutes douloureuses, j'ai pu me détacher de ce rôle de victime dans lequel j'avais "accepté" de me laisser enfermer.
 
Je savais bien que ce coté masochistes que les autres ne comprenaient pas (revenir et prendre des coups) était un mal nécessaire. J'ai appris à me blinder, me défendre face à certains personnages qui aiment dominer leur entourage. Je crois vraiment que cette expérience m'aura été utile.
 
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02h00
 
Après un Chat avec des diaristes, je suis un peu déconnecté des évènements de la soirée.
 
Evènements? Quels évènements? On a voté pour un président qui était déjà là. Donc rien ne change... pour le moment.
 
Je n'ai pas voté avec une pince à linge ni à reculons. J'ai juste vérifié deux fois que j'avais bien mis le bon bulletin dans l'enveloppe. Sans plus d'émotion ni de haut le coeur. Je suis un modéré et de toute façon aucun des candidats n'est jamais celui pour le quel je vote. J'ai l'habitude de ces accomodements...
 
Je ne sais même pas s'il est souhaitable que les législatives basculent à nouveau de majorité...
 
Je crains l'immobilisme qui ne fera que reporter à une prochaine échéance le mécontentement des électeurs défavorisés. Mécontentement qui se manifestera par un vote contestataire dans un sens ou dans l'autre.
 
Et puis il est trop tard pour que je réfléchisse à ça. Dodo.
 
 


Flottement
 
 
Lundi 6 mai
 
 
 
9h00
 
Voila, une petite nuit plus tard, où en sommes nous?
 
Cette même impression de rien de nouveau. Comme si après la tension des quinze derniers jours le soufflé retombait d'un coup. C'était prévisible.
 
On s'est battus pour exprimer nos idées, tous, et nous avons obtenus que ce qui nous tenait le plus à coeur demeure. La démocratie (j'utilise ce mot qui n'est peut-être pas le meilleur) a très largement gagné: les Français ne veulent très majoritairement pas du Front National.
 
Ouf, ça c'est gagné.
 
Mais personne n'en doutait vraiment. L'incertitude concernait le chiffre. J'espérais un chiffre comme celui-ci. Je craignais moins, je rêvais de plus.
 
J'ai jubilé en voyant ce superbe 82%. Je me suis même offert le luxe de faire à ce cher Le Pen un superbe doigt d'honneur devant la télé (oui, ça sert à rien mais ça fait du bien). Tu l'as dans le c..!
 
Bon, je suis resté devant la télé cinq minutes, pas plus. Puis je suis parti parce que je savais d'avance tout ce qu'on en dirait: bavardages et tergiversations, spéculations...
 
Je suis parti faire un tour sur le Chat des diaristes et j'ai longuement discuté de ce résultat avec une lectrice qui s'y trouvait. Puis j'ai oublié tout ça.
 
Cette nuit, j'en ai quand même révé plusieurs fois...
 
Et ce matin, émergeant de mon lourd sommeil après une nuit écourtée, je me suis laissé imprégner par les commentaires. C'est un peu ce que je ressens: rien
 
Une impression de vide. On a gagné ce qu'on voulait protéger, mais dès l'instant ou cela a été assuré (à 20h00 et 10 secondes)... un autre combat apparaissait, de beaucoup plus longue haleine.
 
Ce fut un mélange de soulagement intense et d'hébétude devant l'ampleur de ce qui nous attend.
 
Une immense incertitude.
 
5 millions de français qui se reconnaissent dans le vote extrêmiste, soit 500.000 de plus qu'au premier tour.
 
Un président usé, que l'on connait et dont on n'attend pas grand chose
 
La perspective d'une cohabitation avec la gauche si les législatives bouleversent la donne. Je me demande si cette cohabitation est souhaitable...
 
Incertitude... doute sur les choix à faire. On obtient une certitude, mais qui ouvre à l'incertitude. Beuhhh... j'ai pas fini de cogiter moi!
 
A moins (mon coté idéaliste qui ressort) que ces évènements changent les choses: Chirac qui conserve cette stature d'homme d'état qu'il a eu depuis quelques jours. Chirac qui comprend enfin le malaise de tant de gens (ben oui, j'ai le droit de rêver, non?). Un gouvernement ouvert à des personnages nouveaux, intègres, convaincus qu'il est temps de prendre les choses en main et de lutter vraiment pour réduire les inégalités...
 
Ouais... je sais que j'idéalise.
 
Je crains aussi que rien ne se passe et qu'on retombe très vite dans la routine habituelle. Petits affrontements minables entre partis, oubli de cette contestation exprimée dans les votes extrêmes.
 
Non, en fait il y aura ceux qui oublieront, tout occupés par leurs responsabilités, et ceux qui essaieront d'agir, mais sans les moyens pour le faire.
 
Ainsi marche le monde...
 
C'est peut-être ce qui fait que je suis déprimé ce matin.
 
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Bon, vous croyez vraiment que c'est encore un journal que je tiens là? Mouais, journal d'opinion...
 
Je ne sais pas pourquoi ça me tient tant à coeur tout ça.
 
Si je sais: c'est important!
 
 
 
Bon... j'avoue... j'ai peur de lasser mon lectorat, habitué à un autre ton. Pourtant, je reçois des messages encourageants. Il semble que mes propos éveillent d'autres aspects de la personnalité de ceux qui me lisent. Des silencieux s'expriment.
 
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Vous savez quoi? Parfois je me dis que je devrais faire de la politique. Agir plutôt que parler.
 
C'est sans doute pour cette raison que je suis assez compréhensif envers ceux qui ont choisi cette charge et qu'il est bien rare que je beugle avec la meute. Le "tous pourris qui s'en mettent plein les poches", c'est vraiment pas mon discours. Dans l'ensemble, j'ai plutôt du respect, voire de l'admiration pour la majorité de ceux qui ont chois la politique au nom de leurs idéaux. C'est un sacerdoce et je pense que peu de gens auraient la force de caractère et l'endurance que cela exige. Même si certains, efectivement, se laissent griser par la facilité et se déconnectent des réalités.
 
Malheureusement, j'ai l'impression que les plus intègres ne sont pas les plus appréciés...
 
Sans compter que l'intégrité n'est pas une arme bien efficace contre la diffamation, la calomnie, et autres peaux de bananes médiatico-politiques.
 
Quand je vois Jospin qui s'efface de la vie politique, lui qui s'est engagé pour le combat de toute une vie, je ne peux que comprendre l'immense blessure qui est la sienne. Il a cru en son engagement, sincèrement, et s'est vu désavoué aux yeux de tous. Quand on se sent incapable de séduire par ses idées, le courage peut manquer pour repartir à l'assaut. Une claque n'est pas forcément un stimulant pour un prétendant...
 
Et ça m'éneeeerve ces gens qui disent qu'il fuit, qu'il manque de courage. Putain, mais allez-y les kikis! Faites ce qu'il a fait!
 
D'abord ça m'éneeeerve tous ces gens qui savent ce qu'il fallait faire, qui traitent les autres d'incapables, mais qui ne se bougent pas le cul dans la moindre action collective. Eh, engagez-vous dans l'action municipale, présentez-vous comme maire ou député, ou au moins militez dans des associations. Ou alors fermez là!
 
Ouh la... je suis remonté là...
 
Ben oui, on a tellement entendu de bétises ces derniers jours... Le combat commun a été gagné en ce qui concernait l'urgence, mais maintenant je me désolidarise d'une part des grognons permanents.
 
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19h00
 
Je me demande vraiment si je dois garder ce genre de propos dans mon journal. La tentation de créer un site annexe ne m'a jamais autant tenté...
 
Pourtant, il y a quelques jours je disais que je voulais me rencentrer sur une seule identité.
 
Bon, je vais laisser passer un peu le temps, cette préoccupation politique deviendra probablement moindre dans les jours à venir.
 
23h15
 
Ma perplexité s'accroît.
 
Je viens de regarder un long reportage sur ces deux tours de l'élection présidentielle. Il s'agissait de suire des militants "de base" ainsi que les têtes de parti, toutes tendances confondues. Je ne peux que faire des constats, qui ne sont pas nouveaux pour moi, mais qui me donnent une impression de vertige parce que le "bien", le "juste", le "vrai"... toutes ces valeurs subjectives se mélangent.
 
- Mener un combat politique est un sacerdoce. C'est donner une part de sa vie pour défendres les idées auxquelles on croit
 
- Ceux qui le font ne peuvent qu'être intimement convaincus d'avoir "raison"
 
- Loin de l'apparat que l'on nous montre le plus souvent, la vie des gens engagés est une lutte permanente de défense de ses idées, dans une ambiance de travail. Voir des hauts responsables politiques préparer leur meeting avec des collaborateurs en mangeant un sandwich dans le train ramène à un peu plus de respect pour le travail qu'ils font: ce n'est pas le prestige qui les motive.
 
- Les militants restent... des militants. C'est à dire assez peu capables de comprendre leur adversaire, ni même de se mettre à sa place, pas plus que de sortir de leur discours a oeillères.
 
- le discours des "gens de la rue" sur les politiques est assez... consternant de simplification et manichéisme.
 
Je n'en reviens pas de constater à ce point combien nous (il faut bien que je m'y inclue...) sommes butés sur des idées, combien nous ne parvenons pas à ouvrir notre horizon. Toutes tendances confondues, et d'autant plus que l'on va vers les extrêmes.
 
Pfff, je suis à la fois dégouté, résigné et révolté contre cet état de fait.
 
 
Il n'y a aucune solution politique miracle, j'en suis convaincu. Toujours il faudra des compromis, mais aussi une honneteté intellectuelle, le respect des différences d'opinion, la volonté farouche de se mettre à la portée de l'autre.
 
Nous en sommes collectivement incapables.
 
Cette vision étroite, cette certitude d'être dans le vrai, cette impression de toujours se faire avoir par l'autre, d'avoir moins. Cette jalousie, cet égoisme individualiste...
 
C'est désespérant.
 
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A part ça j'ai explosé mon forfait le mois dernier avec ces Chats et forums pendant des heures!
 
Et maintenant, je file lire l'analyse des évènements chez mes collègues diaristes. Ben oui, pas avant, pour ne pas être influencé.
 


 
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Mercredi 8 mai 
 
 
Il y a des jours (des suites de jours) pendant lesquels j'ai envie de m'emplir plutôt que d'exprimer. Je lis, je regarde vivre ce cyber-monde, mais je ne m'y implique pas.
 
Comme si je guettais quelque chose.
 
Un mouvement qui me donnerait envie de bouger à mon tour. Des mots, une phrase qui pourrait me sortir de cette apathie.
 
Aujourd'hui, rien ne bouge. Est-ce parce qu'en France c'est un jour férié, qui en précède un autre? Les forums sont calmes, les diaristes aussi. C'est l'ennui.
 
Pourtant... j'ai des mails en retard...
 
J'ai aussi un texte à écrire pour Claviers intimes...
 
Fatigue d'avoir donné trop de mots, trop de moi ces derniers jours. Besoin de me ressourcer dans les mots des autres. M'emplir de leur vie, de leurs opinions.
 
Je suis vide.
 
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Petite promenade champêtre avec Charlotte, cet après-midi. Tranquille, sans but, juste pour le plaisir. Nous sommes partis au bout du terrain, puis avons enjambé la clôture pour nous retrouver sur les hauteurs de la colline qui nous surplombe. Ciel gris mais température douce. L'herbe qui peinait à grandir avec la sécheresse a retrouvé une étonnante vigueur après les abondantes pluies des derniers jours.
 
Nous avons longé le bois qui domine les villages alentour, puis nous sommes introduits sous son couvert verdissant. En quelques jours la forêt s'est colorée et l'ambiance s'en trouve changée.
 
Nous avons parlé, de temps en temps. De famille, d'amis. Je lui ai parlé de mes amitiés internautiques. Ces personnes dont je me sens étonnamment proche, davantage que de personnes que je côtoie depuis des années. Ce monde des pensées écrites est devenu une part importante de ma vie.
 
Oublie-t-on le "vrai" monde en vivant aussi dans le monde des pensées? Certainement pas. Penser, ressentir, partager, donner, recevoir... Tout cela est bien vivre. Même si le sensoriel n'est pas sollicité.
 
 
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Encore un signe de la fragilité de la gratuité d'internet. Un fournisseur de forums gratuits doit cesser son activité, étouffé par ses dettes. Les 43000 forums Ketix disparaitront dans quelques jours. Jusqu'à quand internet sera-t-il gratuit?
 
Le "forum maudit" était un de ceux-là.
 
Un autre sera créé, mais pas par moi cette fois. Je crois que je n'irai pas. C'est une excellente occasion de quitter une ambiance qui ne me convient pas, même si j'ai appris à en jouer. Je ne suis pas parvenu à m'en éloigner durablement seul et je saisirai cette occasion pour le faire.
 
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Evènement! Je suis "gominé" dans la catégorie des journaux les plus lus d'internet. Mais c'est pas du jeu, parce que tout le monde sait que c'est le journal d'Henri le plus lu de l'internet. D'ailleurs, son compteur est prévu pour aller jusqu'a 9 millliards, 999 millions, 999 mille, 999 visiteurs. C'est dire son ambition...

 
1 - Journal le plus lu de l'internet.
1 / le Journal d'Henri le diariste

2/ le carnet rouge de bord de la Script-ouilleuse.

3/ idéal, réalité et prosac.

 

Trèfle de plaisanterie, je dois dire que maintenant que je sais décoder Henri, il m'amuse. Ses trouvailles avec les mots sont assez marrantes.
 
Mais certains diaristes se font encore avoir en lisant ses messages sur le forum. Il en rit, Henri...
 
Un peu d'humour parmi nos égos égaux et gauches ne nous fait pas de mal...
 
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Lu ces lignes, chez Ultraorange (09/05/2002), en parlant de ses lecteurs:
 
« J'ai à la fois terriblement envie que vous m'aimiez (snif, je suis émouvante, non ? ;) bon, vaut mieux en rigoler), et très peur de devenir trop accessible, de vous rendre trop proches, trop présents.
 
Même si j'en meurs d'envie, aussi, inutile de se voiler la face, je rêve toujours de rencontrer des âmes soeurs au détour d'un chemin, au coin d'une rue, dans un flash d'écran... Pour moi, une âme soeur, ce n'est pas un compagnon ou une compagne, ce n'est pas un amoureux ou une amoureuse, c'est une âme soeur, tout simplement, une personne avec qui tout est facile, avec qui je suis moi même sans y penser, une personne avec qui je me sens bien, qui ne me surprend qu'en bien, chez qui rien ne me déplait. C'est rare, précieux, furtif... Une âme soeur n'est pas une âme soeur pour toute une vie, tout le monde évolue, mais peu importe, ça vaut toujours le coup...»
 
Ça m'a plu...
 
 


Recentrage
 
 
Jeudi 9 mai 
 
 
Je crois que j'ai besoin de retrouver le temps de la réflexion. A trop écrire, trop communiquer, j'en arrive à m'assécher. Je n'ai plus assez de recul, plus le temps de laisser mûrir les idées.
 
Ecrire tous les jours, délivrer des impressions instantanées peut avoir une utilité en situation de crise, mais la portée du message reste limitée au même registre: l'éphémère.
 
Que restera-t-il de ces pages écrites dans l'action, lorsque le temps sera passé?
 
Une impression de vaine gesticulation, de démesure de l'évènement.
 
Je me suis laissé prendre au piège de l'actualité, or rien n'est plus vite dépassé que l'actualité. Ce n'est pas la trace que je souhaite garder dans ce journal (bien que cette forme d'écriture soit en elle-même une trace de mon état d'esprit...).
 
Je préfère des réflexions plus posées et approfondies, témoignages de mon parcours, balises qui marquent les étapes franchies.
 
L'implication dans l'actualité est un extraordinaire dévoreur d'énergie. Que de brassage inutile, que de spéculations qui s'avèreront ultérieurement comme totalement fantaisistes...
 
J'ai encore en mémoire mes inquiétudes sur le choc possibles des manifs du 1er mai. Or il ne s'est strictement rien passé. La tentation de jouer les devins, d'anticiper les évènements m'a poussé à écrire des bêtises. Je suis tombé dans le même piège que le sensationnalisme des médias...
 
Alors je vais essayer de respirer un grand coup, laisser tomber ce désir de plonger dans l'actualité, et retrouver le calme qui devrait naître de cette écriture qui hésite entre introspection et auto-analyse.
 
Ce que je suis, ce que je pense, pourquoi je le pense, pourquoi je l'écris.
 
 


Lundi 13 mai 
 
 
« Hier j'ai recommencé mon journal offline, sur Word, comme avant. Cela fait du bien de ne plus donner de pseudonymes et de n'avoir rien à expliquer, étant la seule lectrice, je comprends tout de suite ce que je veux dire et mes allusions à quelque chose qui me serait arrivé n'ont pas besoin d'être expliquées, je le sais, je me connais (encore heureux non ? ;o) ). »
 
Lu chez Phoebe... qui ferme son journal en ligne.
 

 
Prospective
 
Samedi 20 mai
 
 

Calme en ce moment...

 
Je ne sais pas pourquoi, mais plusieurs des diaristes que je lis sont en période d'étiage en ce moment. C'est aussi mon cas. Je n'ai pas vérifié (par flemme) mais il me semble me souvenir que c'était un peu pareil l'an dernier. Peut-être est-ce le printemps qui fait qu'on est plus tournés vers l'éxtérieur?
 
Il a fallu que je lise la page (17/05/2002) d'Ultraorange qui commente son achat de "Cher Ecran", pour que me revienne la motivation d'écrire un petit truc. Elle dit notamment que le livre est déjà dépassé, ce qui est vrai vu la multiplication du nombre de journaux en ligne. D'ailleurs, Lejeune ne s'est plus manifesté, à ma connaissance, dans le monde des diaristes en ligne. Sans doute parce que cette pratique n'est pas tout à fait la même que celle qu'il étudie depuis des années: les journaux intimes privés.
 
Ce que j'avais aimé dans son texte, c'est qu'il avouait une méfiance a priori vis à vis de l'écriture en ligne, puis qu'il finissait au fil des mois par être, sinon conquis, du moins intéressé. Et lui même s'observait, en se souvenant des difficultés qu'il a pu avoir à faire accepter l'autobiographie comme une forme littéraire à part entière.
 
Il est certain que l'étude approfondie de nos motivations de diaristes en ligne est encore à faire. Malgré plusieurs enquètes, à ma connaissance aucun travail vraiment sérieux n'a été fait. Ou plutôt si, comme le laisse entendre Ultraorange, c'est nous, diaristes, qui réfléchissons à notre choix pour ce mode d'expression. En fait, il suffirait de compiler ces centaines de pages de réflexions diverses qui émaillent nos entrées, dégager les points communs, les tendances générales, puis synthétiser le tout.
 
C'est peut-être le genre de travail que va faire Mlle O. qui a demandé à plusieurs d'entre nous de répondre à un questionnaire très détaillé, à la fois cadré et ouvert. J'ai beaucoup aimé ses questions précises mais laissant toute lattitude de développement.
 
Mais en lisant quelques journaux au hasard, on se rend bien compte qu'il n'existe pas UN diarisme en ligne, mais plusieurs euh.. catégories(?). Un éventuel ouvrage devrait donc dissocier les différentes formes d'écriture tout en cherchant à extraire ce qui les regroupe. Quoi de commun entre les formes littéraires un peu abstraites, les écrits à tendance analytique, les journaux liés à un évènement précis, ou les récits du quotidien? Quel rapport entre les questionnements d'adolescents et les réfléxions d'adultes? Comment comparer des expériences diaristiques de quelques semaines et le diaristes au long cours qui dépassent les 4 ans d'écriture?
 
Plus le diarisme va se diversifier, plus il sera complexe de le "cerner". Et qui pourra prétendre avoir une vision objective sans lire, sur plusieurs mois, des centaines de journaux et blogs?
 
D'ailleurs, je me demande: qui peut être intéressé par une analyse du diarisme en ligne, si ce n'est les diaristes eux mêmes et quelques spécialistes? Combien, parmi le grand public (pfff, comme si on était des vedettes!) seront attirés par des réflexions sur quelque chose qu'ils ne connaissent ni ne pratiquent?
 
Et même, parmi les diaristes, quelle proportion se penche vraiment sur cette activité?
 
Tout cela est encore bien récent, et il faudra encore quelques années pour que se dégagent des tendances. Ce qui me semble certain, en revanche, c'est que l'expansion n'en est qu'à ses débuts.
 
_______
 
 
N'ayant pas écrit pendant 10 jours, j'ai pu me rendre compte du "bruit de fond" de ce journal dans les statistiques de fréquentation: proche de zéro.
 
Le rôle de la CEV et des mise-à-jour est donc capital pour amener les visiteurs ici. Sans le signal, quasiment personne ne vient lire ces pages. Il y a eu plusieurs jours sans aucune visite. C'est d'ailleurs normal: par quel biais des visiteurs pourraient-ils arriver ici?
 
Que faut-il en déduire? Que le public pour les journaux en ligne est restreint à ceux qui connaissent la CEV (essentiellement des diaristes, je suppose). C'est quand même relativement peu, proportionnellement aux habitants des pays francophones...
 
Je repense toujours à ces phrases de journaux, accrocheuses: «exposer son intimité au monde entier». Mouais... faut voir grand quand même!
 
Et bien que Henri m'honore d'une facétieuse nomination au journal le plus lu d'internet, je crois que ceux qui sont effectivement les plus lus ne doivent pas dépasser la cinquantaine de lecteurs réguliers. Bon, je n'en sais rien, mais je l'estime à vue de nez.
 
 

Communiquite aiguë
 
 
Jeudi 23 mai 
 
 
Levé, p'tit déj', discuté longuement avec Charlotte, douche, laver les dents et hop, je me jette sur le PC. Là, maintenant.
 
Les mots se bousculent glob, gloup, gargglll... ils m'étouffent et m'assaillent. Le titre de ma chronique quel sera-t-il? Il évoquera ce débordement, cette boulimie.
 
Ho laaaa, on se calme...
 
Zen...
 
 
Euh... par quoi commencer?
 
Pas de plan, comme d'habitude: les idées s'enchaineront d'elles-mêmes.
 
Je fonctionne à plein régime en ce moment, limite surchauffe. Je communique. Je passe mon temps à communiquer. Oui, un peu moins ici, c'est vrai. Peut-être parce qu'ici la communication est souvent à sens unique. Or j'ai besoin d'échanger.
 
C'est comme un gouffre qui se remplit. Il y avait un manque terrible, et depuis que les portes se sont ouvertes, le besoin de remplir, ce manque fait que j'ai envie de rattraper les temps perdu. Des années de "perdues" à rester un peu tout seul dans mon coin. Par peur et timidité. Peur de l'autre, peur de son jugement, peur d'être rejeté, de ne pas être apprécié, aimé. Classique, quoi, juste poussé un peu plus loin que pas mal de gens.
 
Alors voila, depuis quelques années, et de plus en plus, je communique. Essentiellement par internet, mais qu'importe le média, ce n'est pas ce qui compte. Et plus je communique, plus je découvre la diversité et la similarité avec les autres.
 
Ça me passionne, ça m'exalte, ça me fait vibrer, bouillir, ça m'émeut, me touche, me bouleverse, me perturbe. Bref, je vis intensément. Et j'aime ça.
 
Pour ceux qui ont toujours eu le contact facile, ça doit paraître niais de me voir découvrir ça. Ben oui, mais moi je suis comme l'aveugle qui recouvre la vue. L'ours qui sort de son hibernation, le paraplégique qui retrouve ses jambes. J'étais un handicapé de la parole et je dévouvre le plaisir et le pouvoir des mots.
 
Alors je me goinfre, je me baffre, je m'empiffre, j'engloutis, je dévore. Miam, encore, encore, encore!
 
Je passe un temps fou a discuter sur des sujets passionnants sur un forum (oui, il existe des forums riches d'échanges). Sujets dits "de société" essentiellement. Quelque chose que j'aborde assez rarement ici. Parce que ce n'est pas la sphère de l'intime, du moins de ce qu'on appelle "intime".
 
Mais hier, en en discutant avec une amie, elle m'a fait comprendre que l'intimité s'étendait à tout notre être. Et les convictions, opinions, sont aussi une part de ce qui fait notre intimité. Et peut-être que je devrais un peu plus laisser sortir ce coté de moi ici...
 
Si je ne montre qu'une seule face de moi, si je fractionne mes identités, je crée un personnage fictif. J'ai beau être sincère en deux lieux différents, si je ne montre qu'un face de moi en chacun de ces lieux, je ne suis jamais moi-même dans mon intégralité.
 
Ce dédoublement de personnalité n'est certainement pas une bonne idée si je veux me reconstruire une identité propre. Or c'est bien ce que je veux: être moi-même, le plus sincèrement possible, et avant tout à mes propres yeux. Je ne pourrai m'accepter que si je me vois dans toute ma diversité, mes contradictions, mes hésitations.
 
* * *
 
Hasards curieux...
 
Hier, avec cette amie, nous avons évoqué un sujet inattendu (je me demande même comment nous en sommes arrivés là): féminité, masculinité, hommes "féminins", femmes "masculines", hétéro, homo et bi-sexualité...
 
Et très curieusement, je découvre ce soir que Claudio, le diariste caché, évoque justement ces sujets! Exactement dans le même registre. Etonnant non, comme les hasards se combinent à certains moments?
 
Avec cette amie, nous nous rendions compte que nous n'étions ni l'un ni l'autre, très marqués par notre identité sexuelle. Bien que sans aucune ambiguité sur ce que nous sommes, tout à fait en rapport avec notre physiologie, nous sentons bien que nous avons une part intérieure assez marquante de l'autre sexe.
 
Bon, je n'approfondirai pas ce sujet ce soir, mais je sens bien que j'ai besoin d'y réfléchir...
 
Une chose dont je me suis rendu compte aussi: dans mon refus des idées extrêmes, politiquement parlant, j'ai retrouvé cette position un peu médiane, partagée, ni l'un ni l'autre, que je ressens dans mon identité. Je ne me sens pas homme viril dans le sens auquel on l'entend généralement, je ne me sens assurément pas femme non plus. C'est tantôt ma part masculine qui s'exprime, tantôt ma part féminine. Et je crois que je ne pourrai pas m'entendre avec un homme très "masculin" (comportement "type", même si ça ne veut pas dire grand chose), pas plus qu'avec une femme très "féminine". Parce que pour moi ce sont des extrêmes, des caricatures. Parce que je ne reconnais rien de moi en eux.
 
Même chose qu'en politique.
 
Et j'ai l'impression que toute ma vie est dans cette zone floue. J'ai bien souvent une position intermédiaire, trouvant du bon et du mauvais de chaque coté que je regarde. C'est peut être aussi ce qui fait que j'ai des doutes lorsque je dois me déterminer.
 
Position inconfortable, bien souvent, mais dont je ne voudrais pas changer. J'aime cette incertitude, cette impossibilité de croire qu'on puisse tout comprendre, tout maitriser. C'est un rappel permanent à la modestie qui empêche d'exprimer trop d'idées sur un ton péremptoire.
 
Bon, c'est un peu fouillis ce que j'écris là...
 
Encore au stade d'ébauche. J'y reviendrai certainement. Vouais, bon, je pourrais faire l'effort de vous donner à lire des textes plus aboutis, contruits, développés, argumentés... Mais je suis là pour réfléchir, pas pour délivrer des textes bien peaufinés.
 
Peut-être plus tard... lorsque toutes mes découvertes auront bien été assimilées, intériorisées.
 
 
* * *
 
Avec ma boulimie de communication, je me demande si je parviens à suivre les mails que j'ai en attente... Toujours peur d'oublier de répondre.
 
 


Sale impression
 
 
Lundi 27 mai 
 
 
Une fois de plus, sale impression sur moi-même. Charlotte qui m'exprime sans le vouloir des reproches sur ma conduite avec notre fils aîné. Culpabilité parce que j'ai conscience de certaines erreurs que je fais, mais l'incapacité de les corriger au moment où elles se produisent. Injustice de me sentir ainsi responsabilisé au delà de ce qui est en mon pouvoir. Mon passé qui se répète, qui conditionne mes réactions et obscurcit ma capacité de discernement.
 
L'impression de ne jamais aller assez vite pour ce train de l'enfance que je ne parviens à suivre qu'en courant, jamais à précéder.
 
Et puis retour douloureux sur des lieux virtuels de pseudo-dialogue d'où toute voix discordante est rapidement bannie. Or ma voix est souvent discordante...
 
Critiques, rejet, suspicion... difficile d'encaisser toujours cette attitude négative de la part de "ceux qui savent" et interdisent de fait tout autre mode de pensée.
 
Réflexions après la lecture du texte d'Eva. Vertige de réflexions. Qui suis-je? Pourquoi écrire ici et ailleurs? Quel besoin de reconnaissance s'exprime-t-il avec ces moyens d'existence? Mais qu'est-ce que je cherche donc en m'exprimant un peu partout? J'ai l'impression de courir après du vent. On n'attrape pas le vent.
 
Je n'ai pas la tête à réfléchir. Mes mots ne seront pas clairs. Tant pis.
 
 

Et pourquoi j'écris ma vie sur internet, hein? Vous pouvez me le dire, vous? Ça regarde qui ce que j'écris ce soir???

 
 
 
 

 
Signifiance
 
 
Vendredi 31 mai 
 
 
Je n'écris pas beaucoup en ce moment..
 
Noooon, sans blaaaague???
 
Dire qu'il y a des périodes pendant lesquelles j'écris presque chaque jour...
 
Faut croire que j'ai pas grand chose à raconter. Et puis ce journal n'a jamais vraiment été le lieu ou je racontais mes faits et gestes. Plutôt les pensées.
 
Est-ce à dire que je ne pense plus? Disons que je ne pense plus aux même sujets. L'introspection n'est plus mon sujet de prédilection. Je crois que maintenant c'est la phase de passage à l'acte. Après m'être bien auto-analysé, j'ai "avancé" en moi et j'intègre peu à peu la vraie peau du personnage que je me sens être. J'avais des personnnalités multiples et peu à peu je les confonds en une seule (oups, j'allais écrire "moi biiiip" en utilisant mon prénom). Parce que c'est bien beau, mais entre l'idéaliste, biiiiiiiip qui discute sur des forums, biiiiiiip avec sa famille et biiiiiiiiip avec les autres, à divers degrés de proximité, ça fait beaucoup de personnages pour une seule entité.
 
Alors, vous l'aurez sans doute compris, je traine beaucoup en ce moment sur... un forum. Eh oui, encore. Débats animés, passionnés, où il est question de tolérance, différences, rejet de l'autre, respect de chacun. Avec digressions vers le racisme et ses analogies avec toute sorte de petits "racismes" au quotidien envers "l'autre".
 
Il y a un lien évident dans toutes ces formes de rejet. Qu'elles soient pour une couleur de peau, des idées, un sexe, un comportement un habillement, une masse corporelle... l'exclusion est en chacun de nous et s'exerce envers chacun de nous. Mais plus encore pour ceux qui cumulent ces "différences".
 
Cette passion pour le sujet n'est pas fortuite: il y a une analogie évidente avec l'image que j'ai de moi et la peur de déplaire, d'être exclu, rejeté. C'était la cause de cette insignifiance que je me savais rechercher/redouter, il y a encore peu de temps.
 
Je crois que je ne me sens plus insignifiant. Je sais que j'existe, que je suis reconnu par des gens. Pas forcément de façon exclusivement favorable, mais au moins je ne me sens plus "transparent".
 
Pour cela il a fallu que j'accepte de me voir tel que j'étais. Que j'accepte de plaire... et de déplaire. Parce que, évidence moult fois répétée: «on ne peut pas plaire à tout le monde». Et je crois que c'est ce que je suis en train d'intégrer, doucement, sûrement.
 
Il y a eu ce journal, et votre acceptation collective de celui que je suis: aucune réaction de rejet. Au contraire, beaucoup de messages qui m'ont fait prendre conscience que mes propos, mes idées, avaient une certaine valeur. Donc que moi, l'Idéaliste, j'avais une certaine valeur. Et pour tout avouer, hum hum.., ma modestie dût-elle en souffrir, l'image que l'on m'a renvoyée était plutôt positive.
 
Ouuuuuf! ça fait du bien à l'égo dites donc!
 
Grâce à vous, à la suite de vos messages souvent longs et encourageants, partageant votre propre expérience, j'ai pu croire un peu plus en moi.
 
Depuis, je me frotte aux autres, dans des conditions un peu plus délicates. Je suis passé du "moi je ressens ça" au "moi je pense ça". Changement capital qui me permet d'être plus en conformité avec moi-même, plus entier. Autant le ressenti est incontestable (même s'il peut être démesuré, faussé, etc...), autant les idées sont opposables. et sujettes à discussion.
 
C'est donc la troisième étape importante du changement qui s'opère depuis que je suis internet.
 
Mouais, en fait il ne sert à rien de compter, parce que c'est une suite ininterrompue de changements, commencée par le Chat et la séduction, pousuivie par le chat et l'amitié, puis le journal, les relations qui en ont découlé, etc...
 
Je remarque quand même que je suis parti du plus intime, du plus proche (confidences/séduction d'égo à égo) et que je vais de plus en plus vers les relations distantes. Marrant, parce qu'on aurait pu penser l'inverse: partir du loin pour aller vers le plus profond.
 
Il faut croire que c'est parce que j'ai toujours été plus à l'aise dans l'intime, l'émotionnel.
 
Maintenant, je ne sais pas trop comment cela va se poursuivre. Il est certain que les changements importants doivent aussi passer par la confrontation au réel. Parce qu'internet, c'est bien beau... mais ça manque quand même de réalité palpable.
 

Ce que j'écrivais il y a un an...

 

 

 

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